Dossier relatif aux droit d'auteur et droit de copie en Belgique
avant 1854.

Int. H.S.

TABLE DES MATIÈRES.


  1. L�gislation et jurisprudence
  2. Documents et Controverse
  3. Annexes






LÉGISLATION ET JURISPRUDENCE..

INTRODUCTION ET COMMENTAIRE.



On notera que la jurisprudence des Cours d'appel et de la Cour de cassation en Belgique utilise celle de la France, qui est relative aux textes non abrog�s en Belgique, m�me si elle est post�rieure � la fin de la domination fran�aise.

Ainsi donc la Pasicrisie “belge” se r�partit en cours de France et cours de Belgique en volumes s�par�s, lesquels subissent encore une r�partition entre Cassation, Appel et quelques autres divisions qui ne nous occupent pas.

En cons�quence nous reproduisons dans ces pages, en tout ou en parties, certains d�crets et lois qui n'�taient plus applicables en Belgique — parce qu'implicitement abrog�s par l'article 1 de l'arr�t� du prince souverain du 23 septembre 1814 —, mais auxquels se r�f�re n�anmoins la jurisprudence belge.



La loi fran�aise du 19 juillet 1793



Cette loi — en fait d�cret de la Convention Nationale du 19=24 juillet — d�finit le droit des auteurs � la propri�t� de leurs ouvrages, et � la publication de ceux-ci (« vendre, faire vendre, distribuer » – Art.1), c'est-�-dire la propri�t� du droit de copie.

Par auteurs, elle entend les « auteurs d'�crits en tout genre, les compositeurs de musique, les peintres et dessinateurs qui feront graver des tableaux ou dessins » ibid.). On remarquera le flou de cette d�finition qui, d'une part ne limite pas le genre des �crits, et par ailleurs, limite le droit li� � la reproduction par gravure aux musiciens, peintres et dessinateurs. Autrement dit la loi ne distingue pas les genres d'�crits; tandis qu'elle distingue les genres d'artistes — encore que le mot dessinateur inclue par d�finition ceux qui font les cartes g�ographiques, les dessins industriels, etc. On verra ci-apr�s que l'article 7 de la loi �tend cette d�finition.

On doit donc entendre �crits comme se rapportant � l'expression �crite d'une langue 1; et gravures comme se rapportant � la transcription de la musique ou � la reproduction de dessin ou peinture. Il ne semble pas que le mot tableau doive comprendre les ouvrages qui sont du domaine de la sculpture.

L'application du droit de copie se limite aux « �ditions imprim�es ou grav�es » (art. 3) « dans le territoire de la R�publique » (art.2) pourvu qu'ait �t� effectu� le d�p�t de « deux exemplaires � la biblioth�que nationale ou au cabinet des estampes de la R�publique, dont [sera fait] un re�u sign� par le biblioth�caire » (art. 6).

La contrefa�on est donc l'�dition faite sans autorisation, et est reconnue comme telle m�me si le d�p�t garantissant le droit de l'auteur n'a pas encore �t� fait (Cassation, 8 fructidor de l'an XI – Sirey 4, 2, 15-16 2).

Le « d�bitant d'�dition contrefaite est punissable » (art.5). La jurisprudence designe le libraire dans l'interpr�tation de cet article.

Le droit de l'auteur est garanti sa vie durant (art.1) — sauf cession en tout ou en partie (art.1) —, ainsi qu'aux h�ritiers ou cessionnaires pendant dix ans (art.3 et 7).

L'article 7 de la loi �tend explicitement la port�e de la loi � tout « ouvrage de litt�rature ou de gravure, ou de tout autre production de l'esprit ou du g�nie qui appartiennent aux beaux-arts ». En m�me temps cet article exclut ce qui n'appartient pas aux beaux-arts.

Bien intentionn�e, cette loi est impr�cise dans ses termes car la notion m�me de propri�t� intellectuelle, et plus particuli�rement de droit sur celle-ci, demeure � cette �poque mal cern�e.

Remarquons aussi que la notion m�me d'auteur est tr�s g�n�rale et ne para�t pas distinguer le cas des traducteurs. La jurisprudence fran�aise n'a pas tranch� en cette mati�re, relativement � cette loi.



Le D�cret fran�ais du 1er germinal an 13



Ce d�cret s'attache � r�soudre la question des droits sur les œuvres posthumes publi�es plus de dix ans apr�s la mort de l'auteur. Les vis�es sont claires mais la solution s'enlise curieusement.

Le d�cret r�soud �l�gamment la question de propri�t�, mais le l�gislateur ne trouve pas de solution simple � la publication simultan�e, dans une m�me �dition, d'œuvres de l'auteur d�c�d� tomb�es dans le domaine public et d'autres posthumes, encore dans le domaine priv�.

Le l�gislateur ne s'aper�oit pas que ce n'est pas l'auteur qui importe dans la publication, mais le droit de l'auteur — le privil�ge sur l'œuvre, pour le dire autrement. Et a fortiori s'il y a plusieurs auteurs.

Le d�cret interdit alors la publication simultan�e d'œuvres posthumes et d'œuvres tomb�es dans le domaine public.

Ainsi, ce d�cret emp�che de jure et d�s lors que l'auteur est d�c�d� depuis plus de dix ans, la publication d'œuvres choisies ou compl�tes de cet auteur s'il y a � la fois domaine public et domaine priv� de ses œuvres.

Or le probl�me � la base est exactement le m�me s'il y a plusieurs auteurs ou si l'�dition est pr�fac�e, comment�e, etc.

Il e�t pourtant suffi de d�cider, puisqu'il s'agit d'œuvres diff�rentes, que le droit de propri�t� est distinct pour chacune, quel qu'en soit l'auteur ou l'ayant-droit. C'est ainsi d'ailleurs qu'il en sera dispos� en Belgique, pour les traducteurs et commentateurs, par l'article 11 de l'arr�t� du 23 septembre 1814.



Le D�cret fran�ais du 5 f�vrier 1810



Ce d�cret impose un contr�le despotique sur la librairie et l'imprimerie. Pr�tendant organiser l'une et l'autre, il a pour but de mettre sous contr�le administratif tout ce qui peut �tre consid�r� comme imprim�.

Les auteurs ne sont �videmment pas �pargn�s puisque leurs textes sont soumis � la censure. Madame de Stael, entre autres, souffrit de ce d�cret : ainsi qu'elle le raconte en d�tail dans sa pr�face, De l'Allemagne fut interdit, les livres pr�ts � �tre vendus d�truits. En plus de cela elle-m�me fut expuls�e du territoire fran�ais, par un ordre du 3 octobre 1810, de Savary, ministre de la police. (Voyez l'�dition de 1813 : Londres, John Murray; t.I pp.[v]-xiv – �dition faite d'apr�s de celle de 1810 : Paris, Nicolle.)

En soi, le contr�le de la librairie et de l'imprimerie, n'est pas despotique; ce qui donne cet effet, c'est que la comp�tence de la censure appartient exclusivement au pouvoir ex�cutif, tant en premier ressort qu'en appel.

L'article 9, qui soumet les imprimeurs � une prestation de serment, montre bien le but du d�cret : l'imp�trant imprimeur « pr�tera serment de ne rien imprimer de contraire aux devoirs envers le souverain et � l'int�r�t de l'Etat ». D�s lors que le souverain vient avant ou avec l'Etat, la Nation s'efface devant le Gouvernement.

Le d�cret du prince souverain, du 23 septembre 1814, consid�rera que « la libert� de la presse a �t� soumise � une surveillance souvent arbitraire » et abrogera « les lois et r�glements �man�s sous le gouvernement fran�ais, sur l'imprimerie et la librairie [...] » (art.1er). Sans �tre nomm� le d�cret du 5 f�vrier 1810 — avec ceux qui le compl�tent — �tait ainsi vis�.

Nous reproduisons ce d�cret, bien qu'il ne s'appliqu�t pas � la Belgique � partir de 1814, mais parce qu'il contient quelques dispositions int�ressantes dans ses titres VI et VII, qu'il est r�f�renc� dans la jurisprudence, et qu'il est en outre int�ressant comme exemple � peine d�guis� de mise sous tutelle tyrannique.



Le D�cret fran�ais du 29 d�cembre 1810



Suite � l'annexion de la Hollande � l'empire fran�ais, se posait le probl�me des �ditions hollandaises d'ouvrages fran�ais qui �taient — avaient �t� — faites sans �gard aux droits d'auteurs �trangers. Souvenons-nous en passant, pour ce qui est du pr�judice aux auteurs, qu'au XVIIIe si�cle Voltaire, pour ne citer que lui, se plaignit fr�quemment des �ditions hollandaises. Mais souvenons-nous aussi, pour ce qui est de la tol�rance, qu'au XVIIe si�cle, Spinoza et Descartes publiaient librement leurs ouvrages. Souvent le droit des auteurs � tirer profit de leurs œuvres, et le droit des auteurs � publier librement leurs �crits, ont �t� consid�r�s de mani�res tr�s diverses.

Le d�cret du 29 d�cembre 1810 tend � r�soudre le probl�me des �ditions hollandaises qui, du point de vue fran�ais, �taient des contrefa�ons. La motivation �tait de « concilier les droits qui sont garantis par nos lois et d�crets sur la propri�t� litt�raire [...], avec les int�r�ts de nos sujets les libraires et imprimeurs de Hollande » (Pasinomie, 1�re s�rie, T. 15, lois fran�aises, 1er janvier 1810 - 29 ao�t 1811; Bruxelles, Libr. de H. Tarlier, 1837; p. 254).

Afin de distinguer les �ditions futures des �ditions existantes, le d�cret impose un estampillage de tous les exemplaires existant chez « les �diteurs, imprimeurs, libraires, ou tout autre faisant le commerce de la librairie en Hollande, qui s'en trouveraient possesseurs ou propri�taires » (art.2 du d�cret).

Mais le d�cret, qui se veut tol�rant, implique pourtant que les �ditions hollandaises en question �taient contrefaites; or aux yeux de la loi hollandaise elles ne l'�taient pas. Et de plus le d�cret fait fi d'un arr�t de la Cour de cassation en l'an 11 : voyez le commentaire 7 sur l'article 425 du Code p�nal.

Pourquoi les �ditions en question demeurent-elles des contrefa�ons? Pour deux raisons :

1°. parce que le d�cret impose aux libraires le paiement, aux auteurs ou propri�taires du droit, d'un douzi�me des ventes qu'ils feront des ouvrages estampill�s. Il y a r�troactivit� puisque l'impression �tait ant�rieure.

2°. parce que, pass� un d�lai d�fini, « tous les exemplaires des �ditions susmentionn�es qui seront trouv�s d�nu�s de la marque de l'estampille, seront consid�r�s comme des contrefa�ons et ceux sur lesquels ils seront saisis, soumis aux peines port�es par les lois et nos r�glemens » (art.5 du d�cret). Cet article ne d�signe pas les imprimeurs, libraires ou n�gociants, mais « ceux sur lesquels [les ouvrages] seront saisis ». Et ceci a pour grave cons�quence que tout d�tenteur d'un tel ouvrage, acquis ant�rieurement � l'application du d�cret, est assimil� � un contrefacteur s'il est trouv� lisant, dans un parc ou ailleurs, un tel ouvrage non estampill�! Mais personne ne lui a impos� de l'estampiller; et comment peut-il prouver l'avoir acquis ant�rieurement s'il n'a point de facture ou de re�u du libraire ou du relieur.

Il est probable que les tribunaux, que la police elle-m�me, n'aurait pas consid�r� comme passible de poursuite la possession par un individu d'un ouvrage non estampill�. Mais le d�cret le permettait!

Il faut remarquer que la convention de 1852 entre la France et la Belgique imposera �galement cette obligation d'estampillage.







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Notes

  1. expression �crite d'une langue: c'est le sens du mot litt�rature dans l'article 6 qui pr�cise : « dans quelque genre que ce soit »
  2. article 6: notons que la jurisprudence ici s'�loigne sensiblement de la lettre de l'article. Elle se justifie par la raison suivante: « s'il ne suffisait pas de faire ce d�p�t avant de se pr�senter � la justice, il y aurait donc un tems donn� dans lequel il doit �tre fait. — Mais la loi n'en d�termine aucun. » (Sirey, loc. cit.). On verra que plus tard la l�gislation en Belgique sera � cet �gard plus contraignante quant au d�p�t.