{Pn 301 cl.2} (L. 15, 139; B. 32, 147; Mon. du 20 juill. 1793. Rapp. Lakanal.) 3.
Voy. loi du 30 AOUT et 1er SEPTEMBRE {Pn 302 cl.1} 1793 4; du 25 PRAIRIAL an 3; décret du 7 GERMINAL an 13; du 5 FÉVRIER 1810.
Art. 1er. Les auteurs d'écrits en tout genre, les compositeurs de musique, les peintres et dessinateurs qui feront graver des tableaux ou dessins, jouiront durant leur vie entière du droit exclusif de vendre, faire vendre, {Pn 302 cl.2} distribuer leurs ouvrages dans le territoire de la République, et d'en céder la propriété en tout ou en partie (1).
[{Pn 302 cl.1}] (1) [-1-] Pour constituer le délit de contrefaçon, il n'est pas nécessaire que l'ouvrage contrefait soit entièrement imprimé et même qu'il en ait été débité quelques exemplaires. Les coopérateurs de la contrefaçon, non désignés dans le procès verbal de saisie, peuvent être impliqués dans la poursuite correctionnelle (2 juillet 1807; Cass. S. 7, 1, 465 5).
[-2-] [semblable au commentaire 21 de l'article 425 du Code pénal.] (2 décembre 1814; Cass. S. 15, 1, 60).
[-3-] La production d'un ouvrage d'art, tel qu'une gravure sur métal, peut constituer le délit de contrefaçon, bien que le sujet principal de cet ouvrage soit dans le domaine public, s'il est accompagné d'ornements particuliers de l'invention d'autrui.
[-4-] Les ornements, quoique purement accessoires, n'en sont pas moins la propriété exclusive de l'inventeur. De légères différences dans l'imitation des ornements n'empêcheraient pas au surplus qu'il y eût contrefaçon (9 février 1832; Paris, S. 32, 2, 561).
[-5-] Le plagiat n'est pas contrefaçon; il n'est pas réputé atteinte à la proprieté lilléraire. Ce n'est pas là le fait prohibé de réimpression de partie d'un livre imprimé et appartenant à un autre. Voy. arrêt du conseil du 30 août 1777 et 13 juillet 1778. L'emprunt, à un ouvrage déjà publié, d'un certain nombre de morceaux fondus dans le corps de l'ouvrage nouveau, ne constitue pas le délit de contrefaçon, lorsque d'ailleurs l'ouvrage nouvellement publié diffère essentiellement du premier, par son titre, son format, sa composition et son objet (15 février 1820; Cass. S. 20, 1, 257).
[-6-] [semblable au commentaire 19 de l'article 425 du Code pénal.] (3 juillet 1812; Cass. S. 12, 1, 265).
[-7-] Il y a contrefaçon d'un livre, de la part de celui qui emploie son titre et son style, encore qu'il y fasse de nombreuses corrections et additions (28 floréal an 12; Cass. S. 5, l, 20).
[-8-] Il y a contrefaçon lorsque, entre l'ancien ouvrage et le nouveau, il y a assimilation dans les termes, analogie dans les éléments, et même ordre dans l'exécution, à quelques suppressions près (3 mars 1826; Cass. S. 26, 1, 364; D. 6, 1, 265).
[-9-] Il n'y pas contrefaçon dans la rédaction et distribution faites par un chef d'écoles à ses élèves, des élèments d'instruction extraits d'ouvrages publiés sur les matières enseignées dans [{Pn 302 cl.2}] l'école (23 janvier 1829; Cass. S. 29, 1, 201; D. 29, 1, 123).
[-10-] Lorsque d'ailleurs aucun exemplaire n'a été vendu ni distribué à d'autres qu'aux élèves (22 mars 1828; Paris, S. 28, 2, 201; D. 29, l, 123).
[-11-] La reproduction en bronze d'un sujet puisé dans un tableau ou dans une gravure appartenant à autrui ne constitue pas le délit de contrefaçon (3 décembre 1831; Paris, S. 32, 2, 278; D. 32, 2, 81).
[-12-] [semblable au commentaire 20 de l'article 425 du Code pénal.] (5 brumaire an 13; Cass. S. 5, 2, 32).
[-13-] N'est pas contrefacteur celui qui réimprime ou grave en France, sans la permission de l'auteur, un ouvrage publié en pays étranger par un auteur étranger 6 (17 nivose an 13; Cass. S. 5, 2, 116).
[-14-] Dans le conflit d'un privilège d'auteur français et d'une propriété de libraire belge, la préférence appartient au privilège de l'auteur français 7 (29 thermidor an 11; Cass. S. 4, 1, 34).
[-15-] Si, après une première publication faite dans l'étranger, un auteur publie de nouveau son ouvrage en France, en remplissant les formalités prescrites pour assurer sa propriété, toute réimpression postérieure est une contrefaçon. Il n'y a plus lieu à invoquer le principe que tout ouvrage publié dans l'étranger peut être réimprimé en France sans qu'il y ait contrefaçon (30 janvier 1818; Cass. S. 18, 1, 222).
[-16-] Mais si déjà, et antérieurement au dépôt, l'ouvrage avait été publié en Francc, à la suite de la publication faite à l'étranger, il reste dans le domaine public, et peut dès lors être gravé et imprimé par toute personne, sans qu'il y ait contrefaçon (26 novembre 1828; Paris, S. 29, 2, 6; D. 29. 2, 1).
[-17-] Le Français qui acquiert d'un étranger le droit d'imprimer, de graver et de vendre exclusivement en France un ouvrage littéraire ou musical non encore publié en pays étranger, obtient, en se conformant à cette loi, antèrieurement à la publication de l'ouvrage en pays étranger, l'exercice exclusif de la propriété qui leur est conférée. En conséquence, il a droit à la protection et à tous les avantages que la loi accorde aux auteurs (23 mars 1810, Cass. S. 11, 1, 16).
[-18-] Les évêques sont propriétaires de leurs instructions pastorales. Il y a contrefaçon à les imprimer sans leur autorisation (26 thermidor an 12; Cass. S. 4, 1, 353).
[-19-] L'évêque qui a composé un catéchisme pour l'usage de son diocèse peut, soit comme auteur et propriétaire, soit comme surveillant et censeur des livres d'église, vendre à un {Pn 303 cl.1} imprimeur-libraire le privi1ège exclusif d'imprimer ce catéchisme. Il y a contrefaçon de la part de celui qui le réimprime sans autorisation 8 (30 avril 1825; Cass. S. 25, 1, 02; D. 25, 1, 307).
[-20-] Le décret du 7 germinal an 13, en statuant que les livres d'église, d'heures et de prière, ne pourraient être imprimés ou réimprimés que d'après la permission donnée par les évêques diocésains, n'a point entendu donner aux évêques le droit d'accorder un privilège exclusif, à l'effet d'imprimer ou réimprimer les livres de cette nature. Il laisse en vigueur les principes antérieurs sur la propriété littéraire; il ne fait que soumettre ces sortes d'ouvrages à une nouvelle formalité réglementaire 9 (décret du 17 juin 1809; Cass. S. 17, 2, 181; J. C. t. 1, p.262).
[-21-] Cependant un arret de la Cour de cassation a décidé que les livres d'église, et notamment les bréviaires, ne sont pas essentiellement dans le domaine publix; qu'ils ne peuvent être imprimés et publiés sans la permission des évêques; que l'impression de ces sortes d'ouvrages devait être punie par une amende et des dommages-intérêts, comme la contrefaçon en matière de propriété littéraire (23 juillet 1830; Cass. S. 30, 1, 293; D. 30, 1, 364).
[-22-] Aux tribunaux, et non à l'autorité administrative, est attribuée la connaissance des contestations qui s'élèveraient entre particuliers, sur l'exécution du décret du 7 germinal an 13, qui statue que l'impression et la réimpression des livres d église ou de prières ne pourra avoir lieu que d'après la permission accordée par les évêques diocésains (décret du 17 juin 1809; S. 17, 2, 181, et J. C. t. 1, p.292).
Un ouvrage qui est la propriété de son auteur ne peut être réimprimé sans son consentement, sous prétexte que la réimpression aurait été ordonnée ou autorisée au nom de l'Etat, dans un but d'utilité publique (3 mars 1826; Cass. S. 26, 1, 364).
2. Leurs héritiers ou cessionnaires jouiront du même droit durant l'espace de dix ans après la mort des auteurs.
3. Les officiers de paix seront tenus de {Pn 303 cl.1} faire confisquer, à la réquisition et au profit des auteurs, compositeurs, peintres ou dessinateurs et autres, leurs héritiers ou cessionnaires, tous les exemplaires des éditions imprimées ou gravées sans la permission {Pn 303 cl.2} formelle et par écrit des auteurs (2).
[{Pn 303 cl.1}] (2) [-1-] En matière de propriélé littéraire, les commissaires de police ou les juges-de-paix ont seuls qualité pour saisir les exemplaires prétendus contrefaits (9 mess. an 13; Cass. S. 5, 2, 84).
[-2-] En matière de contrefaçon, un procès-verbal qui n'est pas vicié de nullité légale, mais qui est fait de manière à n'inspirer aucune confiance, peut, par cela seul, être écarté (5 floréal an 13; Cass. S. 5, 2, 71).
Voy. notes sur l'article 1er. Voy. aussi la loi du 25 prairial an 3[: ce décret interprétatif modifie légérement l'attribution de la fonction de saisie prévue par le présent art.3 (Pasinomie, 1ère série, T.6 – Lois françaises, p.528)].
4. Tout contrefacteur sera tenu de payer au véritable propriétaire une somme équivalente au prix de trois mille exemplaires de l'édition originale (3).
[{Pn 303 cl.1}] (3) [-1-] Le ministère public peut poursuivre, seul et d'office, un délit de contrefaçon en matière d'ouvrages littéraires. Il le peut sans l'adjonction d'un agent du Gouvernement, encore qu'il s'agisse d'une contrefaçon d'une propriété littéraire de l'Etat. Celui à qui le propriétaire d'un ouvrage littéraire a cédé le droit d'en faire une édition, peut, comme partie civile, poursuivre les contrefacteurs. Les dispositions de cette loi [{Pn 303 cl.}] ne sont pas restreintes aux seuls auteurs (7 prairial an 11; Cass. S. 7, 2, 875).
[-2-] La contrefaçon d'un ouvrage littéraire est un délit dont la connaissance appartient essentiellement aux tribunaux correctionnels. Il y a lieu de casser tout jugement ou arrêt qui décident le contraire (21 prairial an 11; Cass. S. 7, 2, 862; idem, S. 5, 1, 20).
[-3-] Le cessionnaire d'une édition a qualité comme l'auteur même pour poursuivre les contrefacteurs (28 floréal an 12; S. 5, l, 20).
[-4-] La contrefaçon d'un ouvrage, lorsque la propriété n'est plus contestée, donne ouverture de plano à une action correctionnelle (27 ventose an 9; Cass. S. 1, 2, 557).
[-5-] Lorsqu'un libraire fond dans l'édition d'un ouvrage qu'il a le droit d'imprimer un autre ouvrage dont il n'a pas la propriété, les dommages-intérêts, à raison de cette contrefaçon partielle, ne doivent pas être élevés à la valeur de l'ouvrage entier; ils doivent seulement être calculés d'après la valeur de la portion d'ouvrage qui n'appartenait pas à l'éditeur (4 septembre 1812; Cass. S. 21, 1, 288).
[-6-] Cette loi, en condamnant tout contrefacteur à payer au véritable propriétaire de l'ouvrage contrefait une somme équivalente au prix de trois mille exemplaires de l'édition originale, n'autorise point les tribunaux à procéder eux-mêmes à l'estimation de l'ouvrage contrefait. Dans ce cas, les juges ne pourront statuer que d'après un rapport d'experts (Code, 3 brumaire an 4, art.456; 6 nivose an 12; Cass. S. 7, 2, 874). 10
[-7-] La prescription du délit de contrefaçon ne s'étend pas au fait de délit ou de débit de l'ouvrage contrefait. Ainsi, bien que le contrefacteur se trouve à l'abri de toutes recherches par suite de la prescription, quant au délit de contrefaçon lui-même, cependant il peut être pursuivi et condamné comme débitant de l'ouvrage contrefait, s'il en a débité des exemplaires depuis moins de trois ans (26 juill. 1828; Paris, S. 29, 2, 219).
[-8-] L'article 429 du Code penal porte que le produit des confiscations ou des recettes confisquées, provenant des exemplaires contrefaits, seront remis au propriétaire pour l'indemniser d'autant du préjudice qu'il aura souffert, et que le surplus de son indemnité, ou l'entière indemnité, s'il n'y a eu ni vente d'objets confisqués ni saisie de recette, sera réglé par les voies ordinaires. — Le vœu de cet article est suffisamment rempli si, l'édition ayant été presque totalement vendue, les exemplaires restant sont remis au propriétaire, sans que le contrefacteur soit condamné à rendre le prix des exemplaires vendus. Quant au surplus de l'indemnité, les juges ont le choix de la fixer eux-mêmes, s'ils ont les documens nécessaires, ou de la faire régler par experts (30 janvier 1818, Cass. S. 18, 1, 222; D. 18, 1, 193.) Voy. Répertoire de Jurisprudence, verbo CONTREFAÇON, p.111, en note, sur l'effet de l'art. 429 du Code pénal.
{Pn 304 cl.1} 5. Tout débitant d'édition contrefaite, s'il n'est pas reconnu contrefacteur, sera tenu de payer au véritable propriétaire une somme équivalente au prix de cinq cents exemplaires de l'édition originale (4).
(4) [-1-] Un libraire ne peut être réputé coupable du débit d'une édition contrefaite, par cela seul qu'il l'a annoncée sur son catalogue, comme étant de son fonds (2 déc. 1808; Cass. S. 10, 1, 253). 11
[-2-] La réunion d'un pays à la France produit cet effet, qu'un libraire du pays réuni, en possession de vendre l'édition contrefaite d'un ouvrage français, ne peut plus continuer son débit. Lorsqu'il y a lieu lieu à indemnité pour débit d'exécution contrefaite, ce n'est pas le prix des marchands, mais le prix annoncé pour le public, qui doit faire la base de l'indemnité (29 frimaire an 14; Cass. S. 6, 1, 157).
6. Tout citoyen qui mettra au jour un ouvrage, soit de littérature ou de gravure, dans quelque genre que ce soit, sera obligé d'en déposer deux exemplaires à la bibliothèque nationale ou au cabinet des estampes de la République, dont il recevra un reçu signé par le bibliothécaire; faute de quoi il ne pourra être admis en justice ponr la poursuite des contrefacteurs (5).
(5) [-1-] Il n'est pas nécessaire que le dépôt soit antérieur à la contrefaçon, pour que la contrefaçon puisse être poursuivie. Il suffit que le dépôt précède l'émission de la plainte ([Cass. 8 fructidor an XI] S. 4, 2, 15).
[-2-] L'auteur d'un ouvrage de sculpture n'est pas soumis à l'obligation générale de déposer deux exemplaires de ses ouvrages à la bibliothèque royale (17 novembre 1814 12; Cass. S. 6, 1, 23).
[-3-] Il en est de mème pour les auteurs d'ouvrages d'arts exécutés sur métaux, marbres, ivoires, bois ou toute autre matière solide et compacte (9 février 1832; Paris, S. 32, 2, 561).
[-4-] {Pn 304 cl.2} La disposition de l'article n'a été ni abrogée ni modifiée par l'article 48 du décret du 5 février 1810, qui prescrit aux imprimeurs le dépôt d'un certain autre nombre d'exemplaires des ouvrages qu'ils impriment.
[-5-] A défaut donc du dépôt voulu par cet article, les auteurs ne peuvent poursuivre en justice les contrefacteurs de leurs ouvrages (30 juin 1832; Cass. S. 32, 1, 633; D. 32, 1, 289).
[-6-] Jugé en sens contraire, sur les conclusions conformes de M. le procureur général Dupin, 10 mars 1834; S. 34, 1, 65; D. 34, 1, 113).
7. Les héritiers de l'auteur d'un ouvrage de littérature ou de gravure, ou de tout autre production de l'esprit ou du génie qui appartiennent aux beaux-arts, en auront la propriété exclusive pendant dix années (6).
(6) [-1-] La faculté de réimprimer, qui appartient à tous, après le terme fixé en faveur des héritiers des auteurs, ne s'étend pas aux augmentations par lesquelles un tiers encore vivant a complété l'ouvrage; elle est bornée aux volumes sortis de la plume de l'auteur primitif (S. 17, 2, 282).
[-2-] Les cessionnaires de propriétés littéraires, qui ont acquis avant cette loi, ont leurs droits régis par les lois existantes à l'époque de la cession, non par la loi du 19 juillet 1793. (27 prairial an 11; Cass. S. 3, 2, 423; idem, 16 brumaire an 14; Cass. S. 6, 2, 925).