Aurore Dudevant
JEHAN CAUVIN.

RDM: Revue des Deux Mondes, 1er d�cembre 1924 (XCIV�me ann�e)



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INTRODUCTION

Nous donnons le texte de la Revue des Deux Mondes (1er d�cembre 1924, XVIV�me ann�e), avec indication de la pagination originale, sous la forme {RDM x} o� 'x' est le num�ro de page. Nous rep�rons cette source par {RDM}.

Les notes rep�r�es par un ast�risque sont de l'auteur. {RDM} le pr�cise par la mention: "(Note de George Sand)". On se souviendra qu'Aurore Sand a �tabli le texte de l'Histoire du r�veur (paru un mois auparavant dans la revue) d'une mani�re plus que discutable; il est � craindre qu'il en soit de m�me ici.

{RDM} publie Une Lettre de femme � la suite de Jehan Cauvin. Si cette lettre figure bien dans le cahier rouge � la suite de Jehan Cauvin, elle n'est pas moins une œuvre diff�rente, nous la dissocions donc; voir Une Lettre de femme.
De m�me, Aurore Sand publiait en note � la p.579 une page d'Une Conspiration en 1537, seule page de ce texte subsistant dans le cahier rouge. Nous ne reprenons pas cette note qu'on trouvera dans Une Conspiration en 1537.

Le titre complet dans {RDM} �tait:
« LES CAHIERS D'AURORE DUDEVANT / PREMIERS ESSAIS (1825-1831) / —— / II / JEHAN CAUVIN ».






{RDM 565} Un livre pr�cieux par l'�rudition dont il regorge, remarquable par des beaut�s de premier ordre, Notre-Dame de Paris 1 vient d'�tre lanc� au travers de nos pr�occupations politiques comme un d�fi � la d�faveur du temps et � l'indiff�rence des esprits. Nous ne d�ciderons pas de quel c�t� penche la balance o� le po�te s'est plac� en rivalit� avec les r�quisitoires de M. Persil. Nous ne savons pas au juste combien il nous reste en France de ces �mes d'artistes qui, laissant aller le monde nouveau o� il veut, r�chauffent leur innocente vie des po�sies du monde pass�.

Nous avons un ami, un pauvre ami, qui seul nous rappelle la race �teinte des trouv�res, m�lange bizarre de Boh�miens, d'artiste et de Carraconi. L'ann�e derni�re, il nous demanda ce que c'est qu'un gouvernement repr�sentatif: encore n'�couta-t-il point la r�ponse.

Ce bon Th�odore (c'est peut-�tre le nom consacr�), je veux vous dire vite son histoire.

{RDM 566} Il naquit avec cette �tincelle de g�nie qui fait les hommes de talent, mais la paresse vint et le tira en sens contraire. Sainte paresse! Éternit� des �lus, b�atitude des �mes asc�tiques, qui a pu te savourer un jour entier dans sa vie, conna�t les d�lices du ciel et le seul vrai bien de l'homme sur la terre. Gloire de conqu�rant, lauriers de po�te, transports d'artiste, vous ne valez certainement pas la douce mansu�tude du chien qui dort au soleil; ainsi raisonnatt Th�odore. Enfant, il fuyait l'�cole pour se cacher dans les bluets d'un sillon et l� mollement berc� par le chant de la cigale, il �tudiait l'harmonie de ces mille voix que le soleil donne aux plantes, ce p�tillement �lectrique des pailles qui se dilatent dans un jour d'orage, ces imperceptibles crispations des fleurs amoureuses, et ce leger bruit des valves qui �clatent pour r�pandre la semence qu'elles rec�lent. Th�odore ne savait pas lire qu'il feuilletait d�j� rapidement le livre de la nature. Il connaissait par les noms qu'il leur avait donn�s toutes les mouches luisantes qui tracent sur l'eau des cercles d'or vivant, tous les insectes d'�meraude et de saphir qui dorment � midi dans le br�lant calice des roses, toutes les faibles gramin�es qui balancent leurs petits panaches flottants sur les gazons des prairies. Jean-Jacques l'e�t trouv� parfaitement instruit.

Au coll�ge (c'�tait dans un ancien couvent), il n'apprit point le latin, mais en suivant le vol des hirondelles qui cachaient leurs nids dans le lierre des muraill�s, il observa si bien la rosace festonn�e de l'�glise, les arceaux aigus des clo�tres, et tous les gracieux caprices de l'architecture gothique qu'il e�t pu reb�tir dans son imagination les merveilles de l'Alhambra. Alors, on essaya d'en faire un artiste, et il passa trois ans au mus�e. La sympathie l'e�t bient�t initi� aux myst�rieuses pens�es cach�es sous l'�ternelle r�verie de ces grands portraits dont le regard s'attache � vous, et vous suit, froid et scrutateur, sous les profondeurs des galeries. Th�odore leur pr�tait une �me et des sens. Il croyait inspirer de l'amour aux uns, de l'aversion aux autres. On pensa qu'il deviendrait peintre, parce que le sentiment de la peinture semblait remplir son cœur et sa vie, et quand on vit qu'il ne produisait rien, on le d�clara inutile et on lui conseilla de faire des vers.

Que vous dirai-je? Th�odore ne r�ussit � rien, parce qu'il se passionna pour tout ce qu'il entreprit. Un jour, il comprit {RDM 567} qu'il refroidissait le bonheur de ses sensations en cherchant � les reproduire, et il se dit qu'avec l'air, le soleil et son cœur aimant, il �tait assez riche. C'est pourquoi il se croisa les bras et se mit � vivre, et sa ma�tresse l'abandonna, et son h�tesse le mit � la porte et ses camarades l'�vit�rent et presque tous ses amis rougirent de lui.

Le pauvre Th�odore pleura en secret, mais il ne se plaignit point et se consola. Alors, son bon ange alla lui chercher aux cieux une femme qui l'aima et qui travailla pour lui, sans lui reprocher jamais son sommeil et ses extases. Aussi, Th�odore croit � la Providence et il est bien heureux.

Th�odore, insouciant de l'avenir, ignorant du pr�sent, s'est rejet� dans le pass�, comme tous les hommes sans ambition. Il e�t v�cu fort bien sous le r�gime de sang de Louis XI, et il se f�t consol� avec des cath�drales, de tout le mal qu'il n'e�t pu emp�cher, comme il se console des malheurs de la Pologne avec le livre de Victor Hugo. Je n'approuve ni ne bl�me Th�odore: je l'aime comme il est.

Un soir nous le trouv�mes absorb� dans une douce contemplation devant une petite statue de sainte ou de reine qui s'�l�ve suave et mince, myst�rieusement drap�e comme une pr�tresse d'Isis sous un des portiques lat�raux de la cath�drale. J'en suis amoureux, nous dit-il, elle ressemble � ma femme je suis f�ch� que Victor n'en ait point fait mention.

Cela me fait penser, continua-t-il, qu'il faut que j'aille le trouver, je veux le prier d'aller � Bourges; il faut n�cessairement qu'il fasse deux autres volumes sur Saint-Étienne la reine des cath�drales.

Oh encore une! lui dit Eug�ne, n'est-ce point trop d'une par le temps qui court et le grand tort de M. Hugo c'est de nous avoir d�j� beaucoup parl� des choses o� il excelle.

— Si�cle stupide! dit Th�odore en soupirant, puis, reprenant sa bonne humeur: Qui de vous, dit-il, conna�t la ville de Bourges?

— Qui de nous s'en soucie? Une ville oubli�e, perdue sous la triple raie noire de Mgr Dupin, une cit� de moimes et de gueux � ce que dit l'histoire, aujourd'hui sans commerce, sans industrie, sans couleur politique!

— Ville de souvenirs et de r�veries, dit Th�odore, muette comme l'oubli, �loquente comme la m�moire douce � l'homme {RDM 568} qui dort, ch�re � celui qui pense; des rues o� croissent paisiblement la folle avoine aux franges de soie et le chardon � la t�te l�g�re; des maisons belles et riches mais cach�es derri�re les myst�rieux jardins, et � chaque pas une t�te gothique sculpt�e sur le bois noir d'un pignon du moyen �ge, un �cusson aux armes effac�es ou un fronton aigu port� sur des monstres couverts d'�cailles. Point de sale mouvement de commerce; l� n'est point pass� le monstre aux cent bras que vous appelez industrie et qui va ravageant toute po�sie sur le sol de la France. Cette race d'hommes a pris dans les fers de la f�odalit� l'habitude de dormir, et la libert� ne l'a point r�veill�e. Les violentes secousses qu'elle �prouva jadis, les pestes, les incendies, les guerres de religion, tout cela est oubli�: l'�tranger qui la traverse est le seul qui s'en souvienne.

— Et cette �glise de Saint-Étienne, dit Eug�ne, est donc plus belle que celle-ci?

— A l'ext�rieur, non, mais plus grande, plus s�v�re, plus imposante. Élevez Saint-Germain-l'Auxerrois sur un grand perron de douze marches, quadruplez-en les proportions, conservez-lui sa couleur rude et sombre, ajoutez-y la belle tour de Saint-Jacques la Boucherie, puis, en laissant subsister les contreforts nus et carr�s de l'�difice, ornez ses flancs de toutes les richesses de travail qui couvrent enti�rement ceux de Notre-Dame et vous aurez un m�lange de d�licat et de colossal, de gracieux et de sauvage, de lourd et d'a�rien. En tout une masse que vous ne regarderez pas sans effroi, et aupr�s de laquelle Notre-Dame para�tra dans votre souvenir comme un ouvrage d'orf�vrerie propre � parer votre chemin�e. Quant � l'int�rieur, vous n'avez rien � Paris ni ailleurs qui puisse vous en donner l'id�e. Allez-y. On se moquera de vous, surtout � Bourges, mais vous aurez vu le plus large et le plus beau des monuments gothiques. Les guerres civiles et le mauvais go�t des embellissements post�rieurs � sa construction ne l'ont pas mutil� au point qu'il n'ait conserv� cette magie du pass�, cette po�sie religieuse qu'on chercherait vainement sous la vo�te reblanchie de Notre-Dame. Vous voudrez voir la place o� s'agenouillait Jeanne de France, vous croirez entendre passer Charles VII appuy� sur le bras de son bon argentier Jacques Cœur, vous retrouverez peut-�tre aussi dans vos souvenirs ce jeune duc d'Orl�ans qui passa trois ans dans la tour de Bourges et que {RDM 569} chaque soir on renfermait dans la m�me cage de fer o� le mis�rable Labalue avait langui pendant quatorze ans. Ce jeune prince devint Louis XII et il pardonna!

« L� aussi vous r�verez d'un homme qui de mince �tudiant en droit devint par la seule puissance morale de ses talents et de sa conviction un des plus importants de notre histoire. Moi qui fus �colier � Bourges, j'ai souvent cherch� sa trace et je veux vous raconter comment il prit, au sein m�me des c�r�monies du culte catholique, la volont� de la renverser.

Nous �tions arriv�s sur le quai d�sert o� fut l'archev�ch�. Th�odore s'assit sur un tas de d�combres, nous f�mes forc�s de l'�couter.



RÉCIT DE THÉODORE



« Le jour des Saints Innocents de l'ann�e 1529 une foule curieuse et agit�e se pressait sur le plus large des cinq porches magnifiques qui d�corent la fa�ade de Saint-Étienne de Bourges. Ces portiques depuis mutil�s en 1562 par l'invasion des calvinistes �taient alors dans toute leur beaut�. Plus de trois cents statues de rois, de saints et d'archanges ench�ss�s dans les rinceaux des ogives �taient peintes de diverses couleurs et charg�es de dorures qui brillaient alors au soleil couchant comme les pavois vernis d'une pagode. Toutes les richesses du go�t oriental �taient jet�es avec profusion sur cet immense frontispice; mais � quelques pas de l� un poteau quadrangulaire aux armes du chapitre et surmont� d'un embl�me du droit de justice criminelle r�serv� au clerg�, rappelait � quel prix la mis�re du peuple �levait � Dieu de si co�teux h�tels.

Cependant une sorte de ga�t� malicieuse per�ait dans l'empressement de cette multitude, et si vous eussiez pu p�n�trer sous les profondeurs fantastiques de la nef, vous auriez partag� l'hilarit� secr�te que la crainte comprimait.

En effet, c'�tait un spectacle �trange que de voir au premier banc du chapitre se d�tacher sur le sombre fond de sculptures en ch�ne noir, qui entouraient le jub�, au lieu de la rude et grotesque figure du doyen des chanoines, la jolie t�te blonde d'un enfant de huit � dix ans; il �tait affubl� du costume du digne personnage dont il tenait la place, c'est-�-dire que le seul camail du volumineux chanoine le couvrait presque en entier et que ses petits bras, emp�tr�s dans de larges {RDM 570} manches de dentelle, pouvaient � peine porter le beau livre de cuir dor� o� il lisait le saint office de Complies.

C'�tait quelque chose de plaisant et de gracieux en m�me temps que le maintien de gravit� espi�gle du marmot et le ton d'autorit� capable avec lequel il faisait lever et agenouiller � tout propos un gros enfant de chœur de quarante ans, qui se tenait hors des stalles, sans autre coussin que les dalles du pav�, la t�te d�couverte et l'encensoir � la main. Or, ce respectueux l�vite n'�tait rien moins que messire Troyen Dubreuil, doyen du chapitre m�tropolitain de Saint-Étienne et dignitaire plus puissant par le fait que l'archev�que lui-m�me.

Dans les stalles inf�rieures, soixante enfants � peine plus �g�s que le premier si�geaient majestueusement � la place des chanoines, tandis que ceux-ci, sans excepter le grand chantre, le chancelier de l'Universit�, les huit archidiacres et l'archipr�tre, chanoines capitulaires, r�sidents, pr�bend�s et semi-pr�bend�s, tous florissant de jeunesse et de sant�, se tenaient debout dans l'attitude d'un saint respect et remplissaient, durant l'office, toutes les fonctions d'enfants de chœur.

Cependant les beaux cierges blancs ardaient au maitre-autel, les chantres vermeils �taient au lutrin, le soleil couchant dardait ses rayons rouges sur les vitraux �tincelants et renvoyait au front des statues les pierreries de leurs rosaces, et les voix argentines des enfants m�l�es aux longs soupirs de l'orgue allaient frapper les vo�tes �lev�es, puis suivant la retomb�e des arceaux, descendaient pour remonter sous les arcades suivantes et d'ogive en ogive, de profondeur en profondeur, allaient s'�teindre en l�gers fr�missements sous la ceinture abaiss�e des myst�rieuses chapelles. Toutes les parties de l'immense vaisseau semblaient s'animer pour se renvoyer les vibrations p�n�trantes, les froides colonnes qui s'�lancent d'un seul jet brusques et nues du pav� � la vo�te gigantesque paraissaient moins s�ches, moins anguleuses, toutes ruisselantes de flots d'harmonie, toutes voil�es de nuages d'encens. Les feuillages de pierre, les art�mises, les acanthes �pineuses que la munificence de Jacques Cœur a suspendus en festons gr�les, en grappes aigu�s aux murailles de la nef �taient pr�ts � frissonner dans l'air �mu, et jusque sous les tables de marbre noir, les squelettes des pr�lats s'�veillaient peut-�tre dans leurs cercueils d'airain.

{RDM 571} Parmi la foule qui contemplait cette bizarre et pompeuse c�r�monie, deux hommes debout contre le m�me pilier �taient agit�s d'�motions diff�rentes. L'un �tait Melchior Wolmar, professeur de grec et l'un des hommes les plus savants de son temps, l'autre, son disciple et son ami, �tait Jehan Cauvin, dit Calvinus, cur� de Pont-�-Mousson, �tudiant en droit � Bourges � l'�cole du fameux Alciat que l'on voyait � quelque distance recueilli dans la pri�re ou absorb� dans l'examen de quelque question ardue.

La m�lodie des chants sacr�s, la suavit� magique du culte catholique semblaient s'�tre empar�es de toutes les facult�s de l'Allemand Wolmar. Sa physionomie m�lancolique et tendre trahissait un cerveau romanesque sous des cheveux gris. Son jeune compagnon portait sur ses traits aust�res et sur son front de vingt ans, d�j� d�garni de cheveux, l'empreinte d'un caract�re plus fortement tremp� et d'une imagination plus sombre. Son regard s�v�re suivait attentivement tous les d�tails de la sc�ne qui se jouait devant lui et les d�pouillait froidement de leur apparente po�sie. Rien n'�chappait � cet œil investigateur, ni la malicieuse ironie des enfants d�guis�s en chanoines, ni la bouffonnerie effront�e des chanoines, d�guis�s en enfants de chœur, ni la brutale indiff�rence des chantres qui n'attendaient que la fin des saints offices pour aller achever de s'enivrer dans le r�fectoire du chapitre. Comme la serre d'un faucon, le regard du jeune homme saisissait sans piti�, d�chirait sans merci le ridicule et l'ind�cence de ce clerg� redout�.

L'office de Complies venait de finir, et tandis que les plus pures voix des musiciens entonnaient le Magnificat, l'enfant qui remplissait le r�le du doyen du saint chapitre quitta sa place, re�ut des mains du doyen lui-m�me une riche chasuble qui tra�na apr�s lui sur le pav� lorsqu'il en fut rev�tu et sous laquelle il disparut presque enti�rement et s'approcha du ma�tre-autel. Les archidiacres lui pr�sent�rent le marchepied et le tr�sorier lui remit la clef d'or du tabernacle. Mais l'enfant trop petit pour atteindre au saint des saints grimpa sans fa�on sur la pierre consacr�e et accroupi parmi les ch�rubins dor�s qui semblaient se pencher pour le recevoir, il porta la main sur l'ostensoir brillant de pierreries qui contenait le pain du Ciel, pour l'offrir � l'adoration du peuple prostern�. Tout � coup, les clocles �branl�es s'arr�t�rent et la vibration sembla {RDM 572} expirer brusquement dans la surprise g�n�rale. La foule se pressa pour voir passer un vieillard grand et maigre qui s'�lan�a au milieu du chœur, p�le de col�re comme l'ombre d'un saint r�veill�s par la profanation.

« Au nom de Mgr Fran�ois de Cournon, primat des Aquitaines, patriarche, archev�que de Bourges, Bordeaux et autres lieux, sup�rieur naturel de tout le clerg� de son dioc�se et par cons�quent chef de ce chapitre, moi, grand vicaire de la m�tropole, je vous somme, messire Dubreuil, doyen des chanoines, faire cesser sur l'heure le sacril�ge qui se commet en la maison de Dieu et par lequel vous induisez le peuple � p�ch�. »

Ainsi parla le vieillard. Les chanoines se group�rent d'un air mena�ant autour de leur chef. Les enfants de chœur se cach�rent sous le strapontin des stalles et celui qui �tait mont� sur l'autel resta glac� et comme fascin� � sa place par le regard �tincelant du grand vicaire.

— Or �a, descendez de l'autel, vaurien et impie, s'�cria le vieillard; ignorez-vous que le premier qui osa porter la main sur l'arche sainte tomba foudroy�?

Et avant que les chanoines eussent song� lui tenir t�te, il saisit rudement le petit enfant de chœur qui, g�n� dans ses habits pontificaux, alla rouler sur les marches du sanctuaire.

— C'est une violence abominable, s'�cria alors messire Dubreuil dont les joues pass�rent du vermillon de la prosp�rit� au violet de la fureur. Monsieur le vicaire, je vous somme � mon tour de cesser le scandale que vous faites c�ans et de sortir de notre �glise; il vous a �t� dit souventes fois que le chapitre jouissait d'une exemption qui le dispensait d'autre sup�rieur que son doyen �lectif. Mgr de Cournon pr�tendrait-il renouveler les usurpations animenses de son pr�d�cesseur? Eh bien! s'il en est ainsi, trouvez bon que je n'imite point la couardise du mien et que je maintienne a l'encontre de lui mes droits et privil�ges. De temps imm�morial l'usage du dioc�se de Bourges consacre la c�r�monie qui se fait �s jours des saints Innocents, de saint Martin et de saint Nicolas. Les enfants de chœur sont chanoines en iceux jours et les chanoines enfants de chœur. Il y a plus: l'archev�que lui-m�me �tant repr�sent�, c'est lui et non pas moi qui doit encenser l'enfant qui tient son lieu et place, et puisque Monseigneur est absent, puisqu'au lieu de veiller aux affaires de son dioc�se, il court les pays �trangers � cette fin de {RDM 573 } d�brouiller, aucuns disent d'embrouiller (ici messire Dubreuil fit une grimace ironique) les affaires du Roi notre ma�tre, c'est vous son vicaire et son substitut que je pourrais sommer, en soumission aux us et coutumes de la m�tropole, de tenir l'encensoir et faire les fonctions que je fais ici. »

Apr�s ce discours, le plus long et le plus �loquent que messire Dubreuil e�t prononc� dans sa vie, il s'essuya le front et promenant un regard de secr�te complaisance sur ses chanoines comme pour recueillir leur approbation, il affronta d'un air ferme l'indignation de l'ardent eccl�siastique.

— Moines fain�ants et dissolus, s'�cria-t-il, le p�ch� d'orgueil vous a toujours d�vor�s, mais comme Satan vous serez jug�s. Cette coutume inf�me et ridicule que vous voulez faire revivre fut institu�e dans l'ignorance de ces �ges grossiers o� vous auriez d� na�tre, mais elle a �t� jug�e profanatoire et supprim�e comme d'abus par notre ancien pr�lat Mgr de Beuil, ce soleil rayonnant de lumi�re et de toutes les vertus. C'est pourquoi vous voulez profiter pour vous rebeller de l'absence de cet autre astre de la foi, ce torrent d'�loquence, lequel est maintenant en Espagne non pour embrouiller les affaires de la couronne, comme vous dites insolemment, mais pour traiter avec l'empereur Charles V lui-m�me de la ran�on du fils du Roi.

— Imposteur h�r�tique, riposta promptement le grand chantre d'une voix qui fit trembler tous les vitraux, tu mens comme un chien quand tu nous traites de rebelles � la sainte Église, parce que nous faisons valoir les libert�s de l'Église gallicane et ne voulons pas souffrir vos abus diaboliques il vous sied bien de nous accuser, quand tous les jours vous accordez des b�n�fices � des gens qui ne sont point ordonn�s pr�tres! Nous pourrions vous nommer Jehan Cauvin et je ne sais combien d'autres �tudiants qui d�s l'�ge de seize ans ont obtenu des cures sans jamais avoir fait de vœux c'est toi et ton archev�que qui �tes des mignons de L�on X, des �mes vendues � Satan.

— Taureau d�cha�n�, reprit le grand vicaire hors de lui, c'est toi et tes fr�res qui �tes des h�r�siarques et des hussites. Votre fameuse exemption vous a �t� octroy�e par un pape schismatique dont l'Église ne reconna�t point les bulles, et quant aux droits de l'archev�que dans sa m�tropole j'en appelle aux fid�les qui nous entendent.

Et le fougueux pr�tre, voyant les chanoines lever le poing {RDM 574 } sur lui, s'�lan�a hors du chœur, traversa la foule �mue qui s'ouvrit timidement � sa rencontre et monta en chaire. Les mis�rables habitants de ce pays suc� par soixante-seize communaut�s religieuses qui vivaient � ses d�pens, las de l'asservissement o� les tenaient les droits et privil�ges de ces momeries, mais r�volt�s par-dessus tout des d�bauches et des cruaut�s des chanoines m�tropolitains, voyaient avec plaisir les membres de ce clerg� se d�chirer entre eux; trop nonchalants ou trop faibles pour lui r�sister, ils s'effor�aient de comprimer leur joie en entendant maudire et excommunier ce chapitre d�test� par le second dignitaire du dioc�se, et, quoique ce ne f�t pas la premi�re fois qu'ils assistaient � un pareil scandale, le grand vicaire voyait percer leur satisfaction dans le religieux silence avec lequel on �coutait son hom�lie. Aussi s'en donnait-il � cœur joie, et avec toute l'�nergie d'expression qui �tait alors en usage et que l'on trouve m�me dans les �crits des catholiques et des protestants les uns contre les autres « Enrag�s, grosses b�tes, disait-il en montrant les chanoines, o� trouvera-t-on un repaire de pourceaux plus impur que votre chapitre? Croyez-vous que le monde ignore vos ex�crables comportements? Vos chantres ne sont-ils pas les plus yvrongnes chantres qui se soient jamais vus? et parmi vous n'en est-il pas d'aucuns qui ont commis plusieurs homicides, forcement de filles et autres cas abominables � Dieu et aux hommes?... »

Le v�h�ment pr�lat en aurait dit davantage, mais les chanoines, qui ne se souciaient point d'un tel pan�gyrique, s'avis�rent d'un exp�dient pour le faire taire. Ils firent mettre les grosses cloches en branle, sonner le tocsin, jouer les orgues et, comme le rapportent les pi�ces du proc�s qui r�sulta de ce diff�rend, « ils firent toucher expr�s les gros tuyaux, faire un service � haulte voix en mani�re que le peuple ne put ouir la pr�dication et fut contraint le pr�dicayeur yssir du suggeste sans pouvoir parachever ladite pr�dication et le peuple se retirer grandement �mu � s�dition contre lesdits chanoines ».

Le m�me jour, apr�s que le soleil fut descendu derri�re les plaines unies de l'horizon et lorsque tout fut remis en ordre dans la cath�drale, les bancs renvers�s � leur place, le saint des saints dans son riche tabernacle, le froid de la solitude sous les vo�tes et le silence dans les vastes poumons de l'orgue, un homme errait seul et silencieux, ombre ch�tive autour de ces {RDM 575 } piliers g�ants dont rien ne saurait exprimer la t�nuit� glaciale. Cet homme �tait Jehan Cauvin, mal avec les hommes, mal avec son cœur, mal avec Dieu m�me. Son �me orageuse venait chercher un peu de calme dans la myst�rieuse obscurit� du lieu saint. D'abord saisi de tristesse et comme affaiss� sous les violentes agitations qui depuis longtemps vieillissaient son cœur de jeune homme, il s'appuya contre la cuve de marbre noir o� Louis XI avait �t� baptis� et promena ses regards d�daigneux sur cette enfilade de riches chapelles peintes � fleurons d'or, monuments d'expiation orgueilleuse et de mis�ricorde mercantile. L� c'�taient les comtes de Ch�teau-Meillant admis au ciel pour cent �cus d'or; ici, pour mille �cus, Pierre de Beaucaire et plus loin Gabrielle de Crevant, les seigneurs de Saint-Aout et Marie de la Ch�tre, pour des dons encore plus riches. Toutes ces statues de marbre, couch�es, agenouill�es, noires, blanches, dor�es, loin de lui appara�tre sous des formes fantastiques et d'�mouvoir son imagination, l'indignaient comme autant d'effigies menteuses de vertus hypocrites; il errait sans crainte parmi ces figures immobiles et posait dans l'ombre sa main br�lante sur leurs t�tes glac�es avec un sourire d'amertume et de piti�: « Bien prend aux pauvres, disait-il, de n'avoir pas de quoi payer le ciel, ceux-l� du moins sont forc�s de le m�riter. »

Il fit le tour des contre-nefs qui entourent la nef principale d'un double rang de piliers bizarrement vari�s et s'arr�ta pour contempler les jeux de la lune sur les vitraux. Il haussa les �paules en voyant sur ces tableaux diaphanes le diable repr�sent� au milieu des saints et la grimace effar�e du damn� hurlant � c�t� de l'impassible sourire de l'archange. Toutes ces mosa�ques de nacre, riches comme les rideaux de soie brod�s d'un harem semaient de reflets roses et de p�les am�thystes les angles blancs, d�coup�s par la lune. C'e�t �t� un beau spectacle pour un artiste, mais le th�ologien cherchait Dieu partout et ne le trouvait nulle part.

Une porte basse s'ouvrait devant lui; une faible lueur avivait a de loin, projet�e par les d�tours des galeries; entra�n� par la pente d'un couloir, il se trouva au haut d'un escalier spacieux et ensuite dans l'�glise souterraine. Autant dans l'�glise sup�rieure l'œil s'�tonne du vide immense qu'il parcourt, autant dans la chapelle basse il s'effraie des masses de {RDM 576 } pierre qui le pressent de toutes parts comme le s�pulcre presse le cadavre. Ces vo�tes posantes, ces nervures entrecrois�es � l'infini, ces piliers trapus pr�sentent un grand caract�re de force et dans la nuit causent je ne sais quelle impression de terreur comme l'entr�e d'une tombe. C'est en effet l'entr�e des caveaux antiques qui forment une troisi�me �glise souterraine � la cath�drale. Jehan passa indiff�rent, aupr�s des hideuses figures sculpt�es qui grimacent sous les chapiteaux et poussa d'une main assur�e la grille des catacombes.

Dans le rond-point qui supporte le chœur est cach�e et comme enfouie sous les masses glac�es de cette lourde construction une salle demi-circulaire, a�r�e seulement par une porte �troite et par deux fentes lat�rales o� le jour se glisse lentement et rampe humide et terne sur des objets lugubres. En ce moment, une petite lampe suspendue � la vo�te �clairait une sc�ne effrayante devant laquelle Jehan recula involontairement. Sur un linceul tach� de sang un cadavre nu et roide souill� de plaies livides �tait couch� sur une tombe entr'ouverte. Deux hommes coiff�s de turbans et v�tus � la mani�re des anciens Juifs tenaient les extr�mit�s du drap mortuaire. Derri�re le cercueil une femme qui semblait baign�e de larmes joignait les mains comme pour demander vengeance au ciel d'un horrible attentat; autour d'elle et confondus dans l'ombre, plusieurs personnages diversement v�tus, les uns debout et cachant leur visage dans leurs mains d�charn�es, les autres prostern�s dans l'attitude du d�sespoir, prenaient part la c�r�monie des fun�railles; la clart� verd�tre de la lampe vacillait en bonds in�gaux sur les objets et semblait donner � cette repr�sentation de la s�pulture de J�sus le mouvement et la r�alit�*.

* Ce groupe subsiste dans son entier ou � peu pr�s. Il a �t� encore restaur� derni�rement et je d�fie que vous le regardiez sans d�go�t et sans effroi.

Il y avait peu de jours que cette fantasmagorie avait �t� retrouv�e dans les d�combres des anciens caveaux, restaur�e, peinte � neuf et r��difi�e dans l'�glise souterraine; la messe qui devait consacrer son inauguration n'avait point �t� annonc�e encore et Cauvin en ignorait l'existence, aussi bien que la plupart des habitants de la ville. Cependant, aussi �tranger � la superstition que ses contemporains y �taient accessibles, il sourit bient�t de son erreur et contempla tous les d�tails de {RDM 577 } cette cr�ation grossi�re avec un froid m�pris: « C'est donc ainsi, pensa-t-il, qu'ils �pouvantent les enfants et les femmes! C'est par de tels artifices qu'ils troublent la raison humaine pour voiler leurs forfaits. Et ils br�leront de pr�tendus sorciers, eux qui au nom de Dieu pr�sentent partout l'image du diable aux esprits faibles! J'ai eu peur, pensa-t-il encore en approchant du cadavre, en contemplant ces traits hideusement d�compos�s; h�las! cette peur n'a pas dur� longtemps. 0 Christ! toi dont un mis�rable ouvrier osa reproduire les traits sous son ciseau profane, toi beau sans doute comme la vertu et que je vois affreux comme le vice, que ne m'es-tu apparu en effet dans tout l'appareil de tes douleurs divines pour frapper mon esprit inquiet d'une �ternelle conviction, car mieux vaudrait la foi aveugle avec toutes ses terreurs plus �loquentes que la parole de Dieu. »

Et il entra sous la vo�te �cras�e des catacombes qu'un mur ne s�parait point � cette �poque de la salle du Saint-S�pulcre. Les cintres arrondis de cette construction annoncent qu'elle appartient � l'�poque de l'occupation des Gaules par les Romains. On pr�tend que ces salles souterraines servaient jadis aux assembl�es des premiers chr�tiens sous le gouverneur L�ocade. Le souvenir de la pers�cution rendit � Cauvin la force et l'enthousiasme. « C'est alors, s'�cria-t-il, qu'elle �tait pure et grande cette religion des ap�tres qu'ils ont tant profan�e depuis! Oh oui! vous me parlez du fond de la poussi�re, martyrs dont le sang arrosa ces ruines! et moi, je vous entends, car je saurais mourir comme vous vous me dites que l'Évangile est la voie et la vie, et que l'Église est le mensonge et la mort. »

Jehan sortit des d�combres romains et remonta dans l'Église gothique. Avant d'en sortir, il sentit le besoin de prier, car son �me s'�tait exalt�e, un attendrissement profond avait mouill� ses yeux de ces larmes qui �teignent le feu de la fi�vre. Par un reste d'habitude, il s'approcha de l'autel et s'agenouilla sur la derni�re marche, mais en levant les yeux vers le tabernacle, le souvenir de la sc�ne ridicule, dont il avait �t� t�moin quelques heures auparavant, vint r�veiller son indignation. Tout � coup, cette conviction profonde qu'il avait tant cherch�e fondit sur lui et inonda tous les replis de son cœur. Les premi�res caresses d'une premi�re amante ne sont pas plus dou�es que ne le furent pour Calvin les premi�res r�v�lations de sa {RDM 578 } destin�e orageuse. « Non, s'�cria-t-il en se levant, et sa voix tonnante r�veilla tous les �chos du sanctuaire non, tu n'es pas l� mon Dieu, tu n'y es point, mais tu es dans mon cœur! »

Le vent g�mit comme la plainte de l'agonie sous le portique. Jehan sortit du temple catholique pour n'y jamais rentrer. »

— Bonsoir, dit Th�odore, je suis fatigu� d'avoir tant parl�.

— Un mot encore, lui dis-je. Et Melchior Wolmar?

— Il �tait plus de minuit, lorsque Cauvin passa le long du clo�tre, pour aller retrouver son ami qui demeurait dans la rue de la Souchantrerie, aujourd'hui la rue du Guichet. Ce clo�tre �tait compos� de trente maisons habit�es par le chapitre et formant un enclos ordinairement ferm�. Mais, apr�s les jours de f�te, les orgies des saints p�res se prolongeant fort avant dans la nuit, les portes restaient ouvertes jusqu'� ce que les convives du dehors qui venaient y prendre part se fussent retir�s. Jehan traversa donc le quartier des chantres. De vives clart�s �toilaient la muraille grise, et des chants joyeux troublaient le silence de la nuit. La voix des enfants de chœur, enrou�e par l'ivresse, glapissait ce refrain:


Or �a, que de c�ans tout tra�tre
Honni soit, s'il n'est fils de pr�tre.

Cependant, au fond de son oratoire, Wolmar priait: calme et la merci au cœur, il demandait � Dieu de prot�ger les justes opprim�s et de pardonner aux hommes �gar�s. En voyant la s�r�nit� r�pandue sur ses traits, Cauvin h�sita � lui confier sa r�solution « Écoutez, lui dit-il, nous ne nous ressemblons pas, vous aimez la religion catholique et ne l'examinez point. Votre �me �clair�e, mais paisible, ne cherche pas hors de la science qui vous occupe, ces agitations auxquelles la mienne n'a pu �chapper. Vous n'avez pas �t� forc� de baigner de pleurs de rage la dalle o� vous priez. Que Dieu vous conserve dans cette paix profonde; pour moi, elle m'a co�t� tout le repos de ma vie, tout le bonheur de ma jeunesse, mais enfin le jour de la conviction est venu; autant je l'ai cherch�e timidement, autant je viens de m'en emparer avec force.

— Achevez, dit Wolmar avec calme, vous �tes catholique?

Jehan h�sita encore, mais le noble caract�re de son ami, sa tol�rance philosophique, lui �taient trop connus pour qu'il p�t se d�cider � le tromper.

{RDM 579 } — Non, dit-il avec r�solution, je suis luth�rien.

— Vens donc dans les bras de ton fr�re, r�pondit Wolmar, avec joie, car moi aussi j'ai embrass� la r�forme, et j'y ai puis� ce calme que tu m'enviais.

— 0 Wolmar, tu tenais la gu�rison dans tes mains, et tu m'as laiss� tant souffrir!

— Mon fils, dit Melchior, la conviction entre dans les esprits vulgaires par l'interm�diaire des hommes; pour les esprits sup�rieurs, elle ne peut �maner que de Dieu.

Vous savez le reste de l'histoire de Jehan Calvin. Il alla pr�cher la r�forme � Ligni�res o� il fit bon nombre de pros�lytes. Le seigneur de l'endroit fut le premier a adopter ses principes, disant qu'au moins ce pr�cheur-l� disait des choses nouvelles. Fid�le � son caract�re, Wolmar pratiqua sa foi en silence, et ne prit point de part aux guerres de religion qui ensanglant�rent la France. Calvin se laissa emporter par le sien il bouleversa sa patrie et alluma le b�cher des repr�sailles. Le fanatisme ne diff�re de l'hypocrisie, dans ses œuvres, qu'en ce qu'il ne les commet pas comme elle � son profit. Vingt ans apr�s l'�poque que je viens de tracer, les calvinistes, conduits par ce m�me seigneur de Ligni�res, port�rent la vengeance et le d�sespoir sur les marches de cette cath�drale, o� s'entass�rent p�le-m�le les cadavres palpitants et les ossements dess�ch�s arrach�s � leurs tombes s�culaires. »

— A quoi pensez-vous? dis-je � Eug�ne, qui suivait des yeux Th�odore courant � toutes jambes pour rejoindre sa femme qu'il avait oubli�e tout le jour.

— Je me demande, dit-il, comment cette imagination paresseuse, qui ne s'est peut-�tre jamais occup�e de se comprendre elle-m�me, a pu comprendre celle de Calvin, tortur�e par la question de la pr�sence r�elle dans l'Eucharistie!

C'est, pens�-je, que la paresse de Th�odore ne gouverne que les sens, elle ne va pas jusqu'� l'�me » 2.

{RDM 582 } GEORGE SAND. 3


Variantes

  1. avivait semble �tre une erreur de lecture pour arrivait.

Notes

  1. Notre-Dame de Paris parut en mars 1831, chez l'�diteur Charles Gosselin. (Note d'Aurore Sand)
  2. Ici prend place la note d'Aurore Sand relative � Une Conspiration en 1537. Vient ensuite, occupant les pp.580-582, Une Lettre de Femme.
  3. À l'�poque o� ce texte fut �crit, Aurore ne songeait pas encore � s'appeler George Sand.