George Sand
{RDM 677; QAL 25} OBERMANN 3
PAR
E.-P. DE SENANCOUR a

QAL: "Questions d'art et de litt�rature"; Paris; Calmann L�vy, anc. maison Michel L�vy fr.; 1878; 1 vol. in-18



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INTRODUCTION

Étienne Pivert de S�nancour (°Paris, 16/1/1770 - †St.Cloud, 10/1/1846) connut un destin qu'on peut qualifier de romantique: « destin� � l'�tat eccl�siastique[, p]our se soustraire � la volont� paternelle, il gagna la Suisse, aid� en secret par sa m�re. Il �tait d�j� en proie � la vague m�lancolie qui le domina toute sa vie. [...] En vrai disciple de J.-J. Rousseau, il erra avec d�lices dans les montagnes, puis il se fixa chez une famille du canton de Fribourg, o� il �baucha un roman sentimental avec la fille de la maison. Cette jeune fille ayant ensuite refus� son fianc�, ou celui-ci s'�tant retir�, S�nancour crut l'avoir compromise et l'�pousa, pour r�parer le tort qu'il avait pu lui faire. Elle mourut peu de temps apr�s, lui laissant sans doute peu de regrets, car S�nancour plaida souvent et avec constance pour la l�gitimit� et la n�cessit� du divorce. Il avait �t� port� sur la liste des �migr�s; il ne rentra eu France que sous le Directoire, v�cut � Paris dans un isolement complet et traduisit ses impressions de solitaire d�sabus� de toute illusion dans un ouvrage intitul�: R�veries sur la nature primitive de l'homme (Paris, 1799, in-8°). C'est un livre �crit sous l'influence directe de Rousseau et de Bernardin de Saint-Pierre. “ Le type auquel il rapporte la soci�t� pr�sente, dit Sainte-Beuve, c'est un certain �tat ant�rieur � l'homme civilis�, �tat patriarcal, nomade, participant de la vie des laboureurs et des pasteurs, sans professions d�termin�es, sans classement de travaux, sans h�ritages exclusifs, o� chaque individu poss�de en lui les �l�ments des premiers arts, la g�n�ralit� des premi�res notions, la jouissance assidue des p�turages et des montagnes. A partir de l�, tout lui para�t d�viation et chute, d�sastre et ab�me. [...] Le genre humain en masse est perdu sans retour; il se rue en d�lire selon une pente de plus en plus croulante; il n'y a plus de possible que des protestations isol�es, des fuites individuelles vers le vrai. “ Ces id�es vagues et paradoxales reviennent avec plus de force dans Obermann (1804, 2 vol. in-8°), le livre capital de S�nancour. Ce n'est pas un roman; c'est encore une suite de r�veries � pleine li�es entre elles et le h�ros sert de pr�te-nom � l'auteur, soit pour d�crire les paysages du Valais ou de la for�t de Fontainebleau, soit pour traduire, ses r�flexions morales, ses enthousiasmes, ses d�senchantements et son scepticisme. “ Obermann, dit-il, est un homme qui ne sait ce qu'il est, ce qu'il aime, ce qu'il veut; qui g�mit sans cause, qui d�sire sans objet et qui ne voit rien, sinon qu'il n'est pas � sa place; enfin qui se tra�ne dans le vide et dans un infini d�sordre d'ennuis. ” S�nancour s'est personnifi� tout entier dans ces quelques lignes. » (Pierre Larousse; Grand Dictionnaire universel, t.XIV p.530, art. S�nancour

Entre autres �tudes sur S�nancour et Oberman, on lira le chapitre VI de livre II de l'Histoire des litt�ratures en France au XIXe si�cle [...] par Alfred Michiels (t.I pp.509 et seq; disponible sur le site Gallica de la BNF).

« Le livre d'Obermann n'arriva pas du premier coup � la r�putation dont il jouit aujourd'hui; un petit nombre seulement d'esprits d�licats, et peut-�tre bien aussi atteints de la m�me maladie que le h�ros de S�nancour, go�t�rent cette œuvre dans laquelle les litt�rateurs de la fin de l'Empire et de la Restauration s'ing�niaient surtout � trouver des �pigraphes, suivant la mode d'alors; presque toutes les pens�es d'Obermann �taient ainsi connues par lambeaux, et ces cita�ions commenc�rent � faire au livre, tr�s-peu lu jusqu'alors, une immense renomm�e. Il prit fantaisie � Sainte-Beuve, qui y avait puis� comme les autres au temps de sa ferveur romantique, d'en op�rer la r�surrection, et une nouvelle �dition, pr�c�d�e d'une �tude de ce fin critique (1833, 2 vol. in-8°), fut accueillie avec tout le succ�s d'une nouveaut�. L'influence d'Obermann fut tr�s-grande sur toute une p�riode de la po�sie romantique » (ibid., t.XI p.1191, art. Obermann il y a aussi un article obermanesque). On remarquera que le Grand Dictionnaire s'exprime comme on verra que George Sand le fit en 1833.

Les premi�res �ditions d'Obermann sont les suivantes — extrait de la Bibliographie des Œuvres de S�nancour; Documents in�dits par Joachim Merlant; Paris, Librairie Hachette et Cie, 1905; pp.23-24 (disponible sur la site Gallica). On y ajoute les r�f�rences � Qu�rard, Joseph-Marie, La litt�rature fran�aise contemporaine / XIXe si�cle (Paris, Daguin fr�res, 1842-1857, 6 vol. in-8), not� Qu�rard; � Vicaire, Georges, Manuel de l'amateur de livres du XIXe si�cle, 1801-1893 (Paris, A. Rouquette, 1894-1920, 8 vol. in-8), not� Vicaire; et � la Bibliographie de la France, not�e BF:

  • Obermann. Lettres publi�es par M. S�nancour, auteur des R�veries sur la nature primitive de l'homme, 2 vol. in-8°, “A Paris, chez C�rioux, libraire, quai Voltaire. De l'imprimerie de la rue Vaugirard, n° 939. An XII [1804]. (Vicaire VII,472)
  • « Obermann, / par / de S�nancour / Deuxi�me Édition / avec une pr�face de Sainte-Beuve. / [tomaison] / A la librairie d'Abel Ledoux / quai des Augustins, n° 37 / Paris – MDCCCXXXIII [1833] ”; 2 vol. in-8° « Imprimerie d'Éverat / Rue du Cadran, n° 16. » (Vicaire VII,472; BF 1/6/1833 p.336 #2882)
  • Obermann, par de S�nancour. Avec une pr�face de Sainte-Beuve, 2 vol. in-16°; Bruxelles, Hauman, 1837 (contrefa�on de l'�dition de 1833)
  • Obermann, par de S�nancour. Nouvelle �dition revue et corrig�e, avec une pr�face de G. Sand, in-18, “Paris, Charpentier, libraire-�diteur, 29, rue de Seine” (Poitiers, impr. F.-A. Saurin), 1840 (Cette pr�face est l'article paru en 1833 dans la Revue des Deux-Mondes). (Vicaire VII,288 mais pas en col. 473; Qu�rard VI,309; BF 15 f�vrier 1840, p.78 #688)
    Les modifications apport�es � l'ouvrage sont toutes indiqu�es par S�nancour en note.

    Cette troisi�me �dition fut suivie d'autres, avec la pr�face de George Sand, la derni�re en 1852 (celle que nous rep�rons plus loin {Obe}).

    Une �dition critique �tablie par G. Michaut fut publi�e en 1912 par la soci�t� nouvelle de librairie et d'�dition / (anct rue Cujas) / Édouard Corn�ly et Cie, �diteurs / 101, rue de Vaugirand, 101 � Paris. G. Michaut pr�cise que la deuxi�me �dition, celle de 1833, « offre infiniment peu de diff�rences » avec la premi�re.

    Le seul exemplaire d'Obermann qui figura dans la vente de la biblioth�que de Mme George Sand et de M. Maurice Sand est celui de l'�dition de 1833 contenant la pr�face de Sainte-Beuve — p.73 n° 813 du catalogue, la vente eut lieu du 24 f�vrier au 3 mars 1890 —; l'exemplaire de cette vente portait au-desssus du titre la mention autographe suivante: « Comme si tous les hommes n'avaient point pass� et tous pass� en vain!... C'est l'oubli qui est le v�ritable linceul des morts; c'est celui qui serre le cœur; c'est le lendemain tranquille et la vie qui reprend son cours, sur la tombe � peine ferm�e. Sign�: Obermann et Indiana ». Ainsi donc c'est en 1833 que George Sand lut Obermann.

    « Ce livre, que Charles Didier la trouve le 30 mars [1833] en train de lire a produit sur [elle] une forte impression dont on retrouvera des traces ans sa vie et dans son œuvre. Elle en avait parl� avec Sainte-Beuve et avec [Gustave] Planche, et M. Maurice Regard a montr� 1 que les pages �crites par G[eorge] S[and] dans l'album Sketches and hints [...] et dat�es du 6 juin, sur Obermann lui ont �t� dict�es par Planche, dont le vocabulaire m�me est reconnaissable 2. (Georges Lubin in Corr.II p.647 n.2).

    Ayant donc lu Obermann avant m�me l'annonce dans la BF, George Sand r�digea au d�but de mai l'article qui devait para�tre dans la Revue des Deux-Mondes le 15 mai. Le 26 juin, accompagn�e de Gustave Planche, elle rencontrait S�nancour, invit�e par lui (voir Corr.I pp.333-334: la lettre 647 � S�nancour annon�ant la visite; et la note 2 de la p.334: au sujet de cette rencontre et de l'impression qu'elle fit � S�nancour).

    On trouvera ici
    - le texte d'Obermann tel qu'il parut dans Questions d'art et de litt�rature (Paris; Calmann L�vy, anc. maison Michel L�vy fr.; 1878; 1 vol. in-18), �dition rep�r�e {QAL}
    - les variantes de la parution dans la Revue des Deux-Mondes le 15 mai 1833 (Paris, 2e s�rie, t.2, avril-juin 1833, pp.677-690), rep�r�e {RDM}
    - les variantes de la pr�face de l'�dition de 1852 du roman de S�nancour ("Obermann, par de S�nancour / Nouvelle �dition, revue et corrig�e, avec une pr�face, par George Sand"; Paris; Charpentier; 1852; 1 vol. in-18; BF 15 f�vrier 1852, p.774 #7511), rep�r�e {Obe}.
    Les �tats d'une m�me variante sont s�par�s par le signe ♦.

    Les citations que fait George Sand du roman de S�nancour sont identifi�es par rapport � {Obe}. Ces citations ont certaines divergences avec le texte de S�nancour dans {Obe} qui peuvent probablement s'expliquer, d'une part parce que S�nancour fit des modifications � son roman pour l'�dition de 1840, et d'autre part — pour l'une ou l'autre divergence de ponctuation ou de nombre— par une inadvertance de George Sand ou des typographes. Nous rel�verons les variantes entre les diff�rents �tats du texte de George Sand mais pas en regard du roman de S�nancour, dont nous n'avons pu consulter l'�dition de 1804 ni celle de 1833.

    Le texte contient en outre les indications de pagination des �tats contr�l�s, sous la forme: {nom x } o� 'nom' est RDM, Obe ou QAL comme vu plus haut, et 'x' est le num�ro de page. Cette indication ne coupe jamais un mot.






  • {Obe 5} Si le r�cit des guerres, des entreprises et des passions des hommes a de tout temps poss�d� b le privil�ge de captiver l'attention du plus grand nombre, si le c�t� �pique de toute litt�rature est encore aujourd'hui le c�t� le plus populaire, il n'en est pas moins av�r�, pour c les �mes profondes et r�veuses ou pour les intelligences d�licates et attentives, que les po�mes d les plus importants e et les plus pr�cieux sont ceux qui nous r�v�lent les intimes souffrances de l'�me humaine d�gag�es de l'�clat et de la vari�t� des �v�nements ext�rieurs. Ces rares et aust�res productions ont peut-�tre une importance plus grande que les faits m�mes de l'histoire pour l'�tude de la psychologie au travers f du mouvement des si�cles; car elles pourraient, en nous �clairant sur l'�tat moral et intellectuel {QAL 26} des peuples aux divers �ges de la civilisation, donner la clef des grands �v�nements qui sont encore propos�s pour �nigmes aux �rudits de notre temps.

    Et cependant ces œuvres dont la poussi�re est secou�e avec empressement par les g�n�rations �clair�es et m�res g des temps post�rieurs, ces monodies myst�rieuses et s�v�res o� h toutes les {RDM 678} grandeurs et toutes les mis�res humaines se confessent et se d�voilent, comme pour se soulager, en se jetant i hors d'elles-m�mes, enfant�es souvent dans l'ombre de la cellule ou dans le silence des champs, ont pass� inaper�ues parmi les productions contemporaines. Telle a �t�, on le sait, la destin�e d'Obermann.

    {Obe 6} A nos yeux, la plus haute et la plus durable valeur de ce livre consiste dans la donn�e psychologique, et c'est principalement sous ce point de vue qu'il doit �tre examin� et interrog�.

    Quoique la souffrance morale puisse �tre divis�e en d'innombrables ordres, quoique les flots amers de cette in�puisable source se r�pandent en une multitude de canaux, pour j embrasser et submerger l'humanit� enti�re, il y a plusieurs ordres principaux dont toutes les autres douleurs d�rivent plus ou moins imm�diatement. Il y a: 1° la passion contrari�e dans son d�veloppement, c'est-�-dire la lutte de l'homme contre les choses; 2° le sentiment des facult�s k sup�rieures, sans volont� qui les puisse r�aliser; 3° le sentiment des facult�s incompl�tes, clair, �vident, irr�cusable, assidu, avou�: ces trois ordres de souffrances peuvent �tre expliqu�s et r�sum�s par ces trois noms: Werther l, Ren�, Obermann 4.

    Le premier tient � la vie active de l'�me et m par cons�quent rentre dans la classe des simples romans. Il {QAL 27} rel�ve de l'amour, et, comme n mal, a pu �tre observ� d�s les premiers si�cles de l'histoire humaine. La col�re d'Achille perdant Bris�is o et le suicide de l'enthousiaste Allemand p s'expliquent tous deux par l'exaltation de facult�s �minentes, g�n�es, irrit�es ou bless�es. La diff�rence des g�nies grec et allemand et des deux civilisations plac�es � tant de si�cles de distance ne trouble q en rien la parent� psychologique de ces deux donn�es. Les �clatantes douleurs, les tragiques infortunes ont d� exciter de plus nombreuses et de plus pr�coces sympathies que les deux autres ordres de souffrance aper�us et signal�s plus tard. Celles-ci n'ont pu na�tre que dans une civilisation tr�s-avanc�e r.

    Et, pour parler s d'abord de la mieux connue de ces deux maladies sourdes et d�ss�chantes t, il faut nommer Ren�, type d'une r�verie douloureuse, mais non pas sans volupt�; car � l'amertume de son inaction sociale se m�le la satisfaction {Obe 7} orgueilleuse et secr�te du d�dain. C'est le d�dain qui �tablit la sup�riorit� de cette {RDM 679} �me sur tous les hommes, sur toutes les choses au milieu desquelles elle se consume, hautaine et solitaire.

    A c�t� de cette destin�e � la fois brillante et sombre se tra�ne u en silence la destin�e d'Obermann, majestueuse dans sa mis�re; sublime dans son v infirmit�. A voir la m�lancolie profonde de leur d�marche, on croirait qu'Obermann et Ren� vont suivre la m�me voie et s'enfoncer dans les m�mes solitudes pour y vivre calmes et repli�s sur eux-m�mes. Il n'en sera pas ainsi. Une immense diff�rence �tablit l'individualit� compl�te de ces deux solennelles figures. Ren� signifi� le g�nie sans volont�; Obermann w signifie l'�l�vation morale sans g�nie, la sensibilit� maladive monstrueusement isol�e en l'absence d'une volont� {QAL 28} avide d'action. Ren� dit: « Si je pouvais vouloir, je pourrais faire; » Obermann dit: « A quoi bon vouloir? je ne pourrais pas. »

    En voyant passer Ren� si triste mais si beau, si d�courag� mais x si puissant encore, la foule a d� s'arr�ter, frapp�e de surprise et de respect. Cette noble mis�re, cette volontaire indolence, cette inapp�tence affect�e plut�t que sentie, cette plainte �loqunte et magnifique du g�nie qui s'irrite et se d�bat dans ses langes, ont excit� y le sentiment d'une pr�somptueuse fraternit� chez une g�n�ration inqui�te et jeune. Toutes les existences manqu�es, toutes les sup�riorit�s avort�es se sont redress�es fi�rement, parce qu'elles se sont crues repr�sent�es dans cette po�tique cr�ation. L'incertitude, la fermentation de Ren� en face de la vie qui commence, ont presque consol� de leur impuissance les hommes d�j� bris�s sur le seuil. Ils ont oubli� que Ren� n'avait fait qu'h�siter � vivre, mais que des cendres de l'ami de Chactas, enterr� aux rives du Meschac�b�, �tait n� l'orateur et le po�te qui a grandi parmi nous.

    Atteint mais non pas z saignant de son mal, Obermann {Obe 8} marchait par des chemins plus sombres vers des lieux plus arides. Son voyage fut moins long, moins effrayant en apparence; mais Ren� revint de l'exil, et la trace d'Obermann fut effac�e et perdue.

    Il est impossible de comparer Obermann � des types de souffrance tels que Faust, Manfred, Childe-Harold, Conrad et Lara. Ces vari�t�s de douleur signifient, dans Goethe aa, le vertige de l'ambition intellectuelle, et ab dans Byron, successivement, d'abord un vertige pareil (Manfred); puis la sati�t� de la d�bauche {RDM 680} (Childe-Harold); puis le d�go�t de la vie sociale et le besoin {QAL 29} de l'activit� mat�rielle (Conrad); puis, enfin, la tristesse du remords dans une grande �me qui a pu esp�rer un instant trouver dans le crime un d�veloppement sublime de la force, et qui, rentr�e en elle-m�me, se demande si elle ne s'est pas mis�rablement tromp�e (Lara).

    Obermann, au contraire, c'est la r�verie dans l'impuissance, la perp�tuit� du d�sir �bauch�. Une pareille donn�e psychologique ne peut �tre confondue avec aucune autre. C'est une douleur plus sp�ciale, peu �clatante, assez difficile � observer, mais curieuse, et qui ne pouvait �tre po�tis�e que par un homme en qui le souvenir vivant de ses �preuves personnelles nourrissait le feu de l'inspiration. C'est un chant triste et incessant sur lui-m�me, sur sa grandeur invisible, irr�v�lable, sur sa perp�tuelle oisivet�. C'est une m�le poitrine avec de faibles bras; c'est une �me asc�tique avec un doute rongeur qui trahit sa faiblesse, au lieu de marquer son audace. C'est un philosophe � qui la force a manqu� pour ac devenir un saint. Werther est le captif qui doit mourir �touff� dans sa cage; Ren�, l'aigle bless� qui reprendra son vol; Obermann est cet oiseau des r�cifs � qui la nature a refus� des ailes, et qui exhale sa plainte calme et m�lancolique sur les gr�ves d'o� partent les navires et o� reviennent les d�bris.

    Chez Obermann, la sensibilit� seule est active, l'intelligence {Obe 9} est paresseuse ou insuffisance ad. S'il cherche la v�rit�, il la cherche mal, il la trouve p�niblement, il la poss�de � travers un voile. C'est un r�veur patient qui se laisse souvent distraire par des influences pu�riles, mais que la conscience de son mal ram�ne � des larmes vraies, profondes, saisissantes. C'est un {QAL 30} ergoteur voltairien qu'un po�tique sentiment de la nature rappelle � la tranquille majest� de l'�l�gie. Si les beaut�s descriptives et lyriques de son po�me sont souvent troubl�es par l'intervention de la discussion philosophique ou de l'ironie mondaine, la gravit� naturelle de son caract�re ae, le recueillement auguste de ses pens�es les plus habituelles lui af inspirent bient�t des hymnes nouveaux, dont rien n'�gale la beaut� aust�re et la sauvage grandeur.

    Cette difficult� de l'expression dans la dialectique subtile, cette mesquinerie acerbe dans la raillerie, r�v�lent la portion infirme de l'�me o� s'est agit� et accompli le po�me �trange et douloureux {RDM 681} d'Obermann. Si parfois l'artiste a le droit de regretter le m�lange contraint et g�n� des images sensibles, symboles vivants de la pens�e, et des id�es abstraites, r�sum�s inanim�s de l'�tude solitaire, le psychologiste plonge un regard curieux et avide sur ces taches d'une belle œuvre, et s'en empare avec la cruelle satisfaction du chirurgien qui interroge et surprend le si�ge du mal dans les entrailles palpitantes et les organes hypertrophi�s. Son r�le est d'apprendre et non de juger. Il constate et ne discute pas. Il grossit son tr�sor d'observations de la d�couverte des cas extraordinaires. Pour lui, il s'agit de conna�tre la maladie; plus tard, il ag cherchera le rem�de. Peut-�tre la race humaine en trouvera-t-elle pour ses souffrances morales, quand elle les aura approfondies et analys�es comme ses souffrances physiques.

    Ind�pendamment de ce m�rite d'utilit� g�n�rale, le livre d'Obermann en poss�de un tr�s-litt�raire, c'est la nouveaut� et l'�tranget� du sujet. La na�ve tristesse d�s facult�s qui s'avouent incompl�tes; la touchante ah {QAL 31} et noble r�v�lation d'une {Obe 10} impuissance qui devient sereine et r�sign�e, n'ont pu jaillir que d'une intelligence �lev�e, que d'une �me d'�lite: la majorit� des lecteurs s'est tourn�e vers l'ambition des r�les plus s�duisants de Faust, de Werther, de Ren�, de Saint-Preux.

    Myst�rieux, r�veur, incertain, tristement railleur, peureux par irr�solution, amer par vertu, Obermann a peut-�tre une parent� �loign�e avec Hamlet, ce type embrouill� mais profond de la faiblesse humaine, si complet dans son avortement, si logique dans son incons�quence. Mais la distance des temps, les m�tamorphoses de la soci�t�, la diff�rence des conditions et des devoirs font ai d'Obermann une individualit� nette, une image dont les traits bien arr�t�s n'ont de mod�le et de copie nulle part. Moins puissante que belle et vraie, moins flatteuse qu'utile et sage, cette aust�re le�on donn�e � la faiblesse impatiente et chagrine devait �tre accept�e d'un tr�s-petit nombre d'intelligences dans une �poque toute d'ambition et d'activit�. Obermann, sentant son incapacit� � prendre un r�le sur cette sc�ne pleine et agit�e, se retirant sur les Alpes pour g�mir seul au sein de la nature, cherchant un coin de sol inculte et vierge pour y souffrir sans t�moin et sans bruit; puis aj bornant enfin son ambition � s'�teindre et � mourir l�, oubli�, {RDM 682} ignor� de tous, devait trouver peu de disciples qui consentissent � s'effacer ainsi, dans le seul dessein de d�sencombrer la soci�t� trop pleine de ces volont�s inqui�tes et inutiles qui s'agitent sourdement dans son sein et le rongent en se d�vorant elles-m�mes.

    Si l'on exige dans un livre l� coordination progressive des pens�es et la sym�trie des lignes ext�rieures, {QAL 32} Obermann n'est pas un livre, mais c'en est ak un vaste et complet, si l'on consid�re l'unit� fatale et intime qui pr�side � ce d�roulement d'une destin�e enti�re. L'analyse en est simple et rapide � faire. D'abord l'effroi de l'�me en pr�sence de la vie sociale qui r�clame l'emploi de ses facult�s; tous les r�les trop rudes pour elle: oisivet�, nullit�, confusion, aigreur, col�re, doute, {Obe 11} �nervement, fatigue, rass�r�nement, bienveillance s�nile, travail mat�riel et volontaire, repos, oubli, amiti� douce et paisible, telles sont les phases successives de la douleur croissante et d�croissante d'Obermann. Vieilli de bonne heure par le contact insupportable de la soci�t�, il la fuit, d�j� �puis�, d�j� accabl� du sentiment amer de la vie perdue 5, d�j� obs�d� des fant�mes de ses illusions tromp�es, des squelettes att�nu�s de ses passions �teintes. C'est une �me qui n'a pas pris le temps de vivre, parce qu'elle al a manqu� de force pour s'�panouir et se d�velopper. « J'ai connu l'enthousiasme des vertus difficiles... Je me tenais assur� d'�tre le plus heureux des hommes si j'en �tais le plus vertueux, l'illusion a dur� pr�s d'un mois dans sa force 6. »

    Un mois! ce terme rapide a suffi pour d�senchanter, pour fl�trir la jeunesse d'un cœur. Vers le commencement de son p�lerinage, au bord d'un des lacs de la Suisse, il consume dix ans de vigueur dans une nuit d'insomnie...

    « Me sentant dispos� am � r�ver longtemps, et trouvant dans la chaleur de la nuit la facilit� de la passer tout enti�re au dehors, je pris la route de Saint-Blaise... Je descendis une pente escarp�e, et je me pla�ai sur le sable o� venaient expirer les vagues... La lune parut; je restai longtemps. Vers le matin, elle r�pandait sur {QAL 33} les terres et sur les eaux l'ineffable m�lancolie de ses derni�res lueurs. La nature para�t bien grande � l'homme lorsque, dans un long recueillement, il entend le roulement des ondes sur la rive solitaire, dans le calme d'une nuit encore ardente et �clair�e par la lune qui finit.

    » Indicible sensibilit�, charme et tourment de nos vaines {RDP 683} ann�es, vaste conscience an d'une nature partout accablante et partout imp�n�trable, passion universelle, indiff�rence, sagesse avanc�e, voluptueux abandon, tout ce qu'un coeur mortel peut contenir de besoin et d'ennui profond, j'ai tout senti, tout �prouv� dans cette nuit m�morable. J'ai fait un pas sinistre vers l'�ge d'affaiblissement, ao j'ai d�vor� dix {Obe 12} ann�es de ma vie. Heureux l'homme simple dont le cœur est toujours jeune! » 7

    Dans tout le livre, on retrouve, comme dans cet admirable fragment, le d�chirement du cœur, adouci et comme attendri par la r�veuse contemplation de la nature. L'�me d'Obermann n'est r�tive et born�e qu'en face du joug social. Elle s'ouvre immense et chaleureuse aux splendeurs du ciel �toil�, au murmure des bouleaux et des torrents, aux sons romantiques que l'on entend sous l'herbe courte de Titlis 8. Ce sentiment exquis de la po�sie, cette grandeur de la m�ditation religieuse et solitaire, sont les seules puissances qui ne s'alt�rent point en elle. Le temps am�ne le refroidissement progressif de ses facult�s inqui�tes; ses �lans ap passionn�s vers le but inconnu o� tendent toutes les forces de l'intelligence se ralentissent et s'apaisent. Un travail pu�ril, mais na�f et patriarcal, senti et racont� � la mani�re de Jean-Jacques, donne le change au travail funeste de sa pens�e, qui creusait incessamment {QAL 34} les ab�mes du doute. « On devait le lendemain commencer � cueillir le raisin d'un grand treillage expos� au midi et qui regarde le bois d'Armand... aq D�s que le brouillard fut un peu dissip�, je mis un van sur une brouette, et j'allai le premier au fond du clos commencer la r�colte. Je la fis presque seul, sans chercher un moyen plus prompt; j'aimais cette lenteur, je voyais � regret quelque autre y travailler. Elle dura, je crois, douze jours. Ma brouette allait et revenait dans des chemins n�glig�s et remplis d'une herbe humide; je choisissais les moins unis, les plus difficiles, et les jours coulaient ainsi dans l'oubli, au milieu des brouillards, parmi les fruits, au soleil d'automne... J'ai vu les vanit�s de la vie, et je porte en mon coeur l'ardent principe de ses plus vastes passions. J'y porte aussi le sentiment des grandes choses sociales et de l'ordre philosophique... Tout cela peut animer mon �me et ne la remplit pas. Cette brouette, que je charge de fruits et {Obe 13} pousse doucement, la soutient mieux, Il semble {RDM 684} qu'elle voiture paisiblement mes heures, et que son mouvement utile et lent, sa marche mesur�e, conviennent � l'habitude ordinaire de la vie. » 9

    Apr�s avoir �puis� les d�sirs immenses, irr�alisables, apr�s avoir dit: « Il y a l'infini entre ce que je suis et ce que je voudrais �tre. Je ne veux point jouir, je veux esp�rer... Que m'importe ce qui peut finir? 10 » Obermann, fatigu� de n'�tre rien, se r�signe � n'�tre plus. Il s'obscurcit, il s'efface. « Je ne veux plus de d�sirs, dit-il, ils ne me trompent point... ar Si l'esp�rance semble encore jeter une lueur dans la nuit qui m'environne, elle n'annonce rien que l'amertume qu'elle exhale en s'�clipsant, elle n'�claire que l'�tendue de ce vide o� je cherchais, et o� je n'ai rien trouv�. »

    {QAL 35} Le silence des vall�es, les soins paisibles de la vie pastorale, les satisfactions d'une amiti� durable et partag�e, sentiment exquis dont son cœur avait toujours caress� l'espoir, telle est la derni�re phase d'Obermann. Il ne r�ussit point � se cr�er un bonheur romanesque, il t�moigne pour cette chim�re de la jeunesse un continuel m�pris. C'est la haine superbe des malheureux pour les promesses qui les ont leurr�s, pour les biens qui leur ont �chapp�; mais il se soumet, il s'affaisse, sa douleur s'endort, l'habitude de la vie domestique engourdit ses agitations rebelles, il s'abandonne � cette salutaire indolence, qui est � la fois un progr�s de la raison raffermie et un bienfait du ciel apais�. La seule exaltation qu'Obermann conserve dans toute sa fra�cheur, c'est la reconnaissance et l'amour pour les dons et les gr�ces de la nature. Il finit par une grave et adorable oraison sur les fleurs champ�tres, et ferme doucement le livre o� s'ensevelissent ses r�ves, ses illusions et ses douleurs. « Si j'arrive � la vieillesse; si, un jour, plein de pens�es encore, mais renon�ant � parler aux hommes, j'ai aupr�s de moi un ami pour {Obe 14} recevoir mes adieux � la terre, qu'on place ma chaise sur l'herbe courte, et que de tranquilles marguerites soient l� devant moi, sous le soleil, sous le ciel immense, afin qu'en laissant la vie qui passe je retrouve as quelque chose de l'illusion infinie. 12 »

    Telle est l'histoire int�rieure et sans r�serve d'Obermann. Il �tait {RDM 685} peut-�tre dans la nature d'une pareille donn�e de ne pouvoir se po�tiser sous la forme d'une action progressive; car, puisque Obermann nie perp�tuellement non-seulement la valeur des actions et des id�es, mais la valeur m�me des d�sirs, comment {QAL 36} concevrait-on qu'il p�t se mettre � commencer quelque chose?

    Cette incurie m�lancolique, qui encadre de lignes infranchissables la destin�e d'Obermann, offrait un type trop exceptionnel pour �tre appr�ci� lors de son apparition en 1804 13. A cette �poque, la at grande mystification du Consulat au venait enfin de se d�nouer. Mais, pr�par�e depuis 1799 avec une habilet� surhumaine, r�v�l�e avec pompe au milieu du bruit des armes, des fanfares de la victoire et des enivrantes fum�es du triomphe, elle av n'avait soulev� que des indignations impuissantes, rencontr� que des r�sistances muettes et isol�es. Les pr�occupations de la guerre et les r�ves de la gloire absorbaient tous les esprits. Le sentiment aw de l'�nergie ext�rieure se d�veloppait le premier dans la jeunesse; le besoin d'activit� virile et martiale bouillonnait dans tous les cœurs. Obermann, �tranger par caract�re chez toutes les nations, devait, en France plus qu'ailleurs, se trouver isol� dans sa vie de contemplation et d'oisivet�. Peu soucieux de conna�tre et de comprendre les hommes de son temps, il n'en fut ni connu ni compris, et traversa la foule, perdu dans le mouvement et le bruit de cette cohue, dont il ne daigna pas m�me regarder l'agitation tumultueuse. Lorsque la chute de l'Empire ax introduisit en France la discussion parlementaire, la discussion devint r�ellement la monarchie constitutionnelle, comme {Obe 14} l'empereur avait �t� l'Empire � lui tout seul. En m�me temps que les institutions et les coutumes, la litt�rature anglaise passa le d�troit et vint ay r�gner chez nous. La po�sie britannique nous r�v�la le doute incarn� sous la figure de Byron; puis la litt�rature allemande, quoique plus mystique, nous conduisit au m�me r�sultat {QAL 37} par un sentiment de r�verie plus profond. Ces causes, et d'autres, transform�rent rapidement l'esprit de notre nation, et pour caract�re principal lui inflig�rent le doute az. Or, le doute, c'est Obermann, et Obermann, n� trop t�t de trente ann�es, est r�ellement la traduction de l'esprit g�n�ral depuis 1830 ba.

    Pourtant, d�s le temps de sa publication, Obermann bb excita des {RDM 686} sympathies d'autant plus fid�les et d�vou�es qu'elles �taient plus rares. Et, en ceci bc, la loi qui condamne � de ti�des amiti�s les existences trop r�pandues fut bd accomplie; la justice, qui d�dommage du peu d'�clat par la solidit� des affections, fut rendue be. Obermann n'encourut pas les trompeuses jouissances d'un grand succ�s, il fut pr�serv� de l'affligeante insouciance des admirations consacr�es et vulgaires. Ses adeptes s'attach�rent � lui avec force et lui gard�rent leur enthousiasme, comme un tr�sor apport� par eux seuls, � l'offrande duquel ils d�daignaient d'associer la foule. Ces �mes malades, parentes de la sienne, port�rent une irritabilit� chaleureuse dans l'admiration de ses grandeurs et dans la n�gation de ses d�fauts. Nous avons �t� de ceux-l�, alors que, plus jeune et d�vor� bf d'une plus �nergique souffrance, nous �tions fiers de comprendre Obermann et pr�s bg de ha�r tous ceux dont le cœur lui �tait ferm�.

    Mais le mal d'Obermann, ressenti jadis par un petit nombre d'organisations pr�coces, s'est r�pandu peu � peu depuis, et, au temps bh o� nous sommes, beaucoup peut-�tre bi en sont atteints; car notre �poque se signale par une grande multiplicit� de maladies morales, jusqu'alors inobserv�es, d�sormais contagieuses et mortelles.

    {Obe 16} Durant les quinze premi�res ann�es du XIXe bj si�cle, non-seulement le sentiment de la r�verie fut g�n� et {QAL 38} emp�ch� par le tumulte des camps, mais encore le sentiment de l'ambition fut enti�rement d�natur� dans les �mes fortes. Excit�, mais non d�velopp�, il se restreignit dans son essor en ne rencontrant que des objets vains et pu�rils. L'homme qui �tait tout dans l'État bk avait arrang� les choses de telle fa�on que les plus grands hommes furent r�duits � des ambitions d'enfant. L� ou il n'y avait qu'un ma�tre pour disposer de tout, il n'y avait pas d'autre mani�re de parvenir que de complaire au ma�tre, et le ma�tre ne reconnaissait qu'un seul m�rite, celui de l'ob�issance aveugle; cette loi bl de fer eut le pouvoir, propre � tous les despotismes, de retenir la nation dans une perp�tuelle enfance; quand bm le despotisme croula irr�vocablement en France, les hommes eurent quelque peine � perdre cette habitude d'asservissement qui avait effac� et confondu tous les caract�res politiques dans une seule physionomie. Mais, rapidement bn {RDM 687} �clair�s sur leurs int�r�ts, ils eurent bient�t compris qu'il ne s'agissait plus d'�tre �lev� par le ma�tre, mais d'�tre choisi par la nation; que, sous bo un gouvernement repr�sentatif, il ne suffisait plus d'�tre aveugle et ponctuel dans l'exercice de la force brutale pour arriver bp � faire de l'arbitraire en sous-ordre, mais qu'il fallait chercher d�sormais sa force dans son intelligence, pour �tre �lev� par le vote libre et populaire � la puissance et � la gloire de la tribune. A mesure que la monarchie, en s'�branlant, vit ses faveurs perdre de leur prix, � mesure que la v�ritable puissance politique vint s'asseoir sur les bancs de l'opposition, la culture de l'esprit, l'�tude de la dialectique, le d�veloppement de la pens�e devint le seul moyen de r�aliser des ambitions d�sormais plus vastes et plus nobles.

    {QAL 39} Mais, avec bq ces promesses plus glorieuses, avec ces pretentions plus hautes, les ambitions ont pris un caract�re d'intensit� f�brile qu'elles n'avaient pas encore pr�sent�. Les �mes, surexcit�es br par d'�normes travaux, par l'emploi de facult�s immenses, ont �t� �prouv�es tout � coup par de grandes fatigu�s et de cuisantes angoisses. Tous les ressorts de l'int�r�t personnel, toutes les puissances de l'�go�sme, tendues et d�velopp�es outre mesure, ont donn� naissance � des maux inconnus, � des souffrances monstrueuses, auxquelles la psychologie n'avait point encore assign� de place dans ses annales.

    L'invasion de ces maladies a d� introduire le germe d'une po�sie nouvelle. S'il est vrai que la litt�rature soit et ne puisse �tre autre chose que l'expression de faits accomplissables, la peinture de traits visibles, ou la r�v�lation de sentiments possiblement vrais, la litt�rature de l'Empire devait r�fl�chir la physionomie de l'Empire, reproduire la pompe des �v�nements ext�rieurs, ignorer la science des myst�rieuses souffrances de l'�me. L'�tude de la conscience ne pouvait �tre approfondie que plus tard, lorsque la conscience elle-m�me jouerait un plus grand r�le dans la vie, c'est-�-dire lorsque l'homme, ayant un plus grand besoin de son intelligence pour arriver aux choses ext�rieures, serait forc� � un plus m�r examen de ses facult�s int�rieures. Si l'�tude d� la psychologie, po�tiquement envisag�e, a �t� jusque-l� incompl�te et superficielle, c'est que les observations lui ont manqu�, c'est que les {RDM 688} maladies, aujourd'hui constat�es et connues, hier encore n'existaient pas.

    Ainsi donc le champ des douleurs observ�es et po�tis�es s'agrandit chaque jour, et demain en saura plus {QAL 40} qu'aujourd'hui. Le mal de Werther, celui de Ren�, celui d'Obermann, ne sont pas les seuls que la civilisation avanc�e nous ait apport�s, et le livre o� Dieu a inscrit le compte de ces fl�aux n'est peut-�tre encore ouvert qu'� la premi�re page. Il en est un qu'on ne nous a pas encore officiellement signal�, quoique beaucoup d'entre nous en aient �t� frapp�s; c'est bs la souffrance de la volupt� d�pourvue de puissance. C'est un autre {Obe 18} supplice que celui de Werther, se brisant contre la soci�t� qui proscrit sa passion, c'est bt une autre inqui�tude que celle de Ren�, trop puissant pour vouloir; c'est une autre agonie que celle d'Obermann, atterr� de son impuissance; c'est la souffrance �nergique, col�re, impie, de l'�me qui veut r�aliser une destin�e, et devant qui toute destin�e s'enfuit comme un r�ve; c'est l'indignation de la force qui voudrait tout saisir, tout poss�der, et � qui tout �chappe, m�me la volont�, au travers de fatigues vaines et d'efforts inutiles. C'est bu l'�puisement et la contrition de la passion d�sappoint�e; c'est, en un mot, le mal bv de ceux qui ont v�cu.

    Ren� et Obermann sont jeunes. L'un n'a pas encore employ� sa puissance, l'autre n'essayera pas de l'employer; mais tous deux vivent dans l'attente et l'ignorance d'un avenir qui se r�alisera dans un sens quelconque. Comme le bourgeon expos� au vent imp�tueux des jours, au souffle glac� des nuits, Ren� r�sistera aux influences mortelles et produira de beaux fruits. Obermann languira comme une fleur d�licate qui exhale de plus suaves parfums en p�lissant � l'ombre. Mais il est des plantes � la fois trop vigoureuses pour c�der aux vains efforts des temp�tes, et trop avides de soleil pour fructifier sous un ciel rigoureux. {QAL 41} Fatigu�es, mais non bris�es, elles enfoncent encore leurs racines dans le roc, elles �l�vent encore leurs calices dess�ch�s et fl�tris pour aspirer la ros�e du ciel; mais, courb�es par les vents contraires, elles retombent et rampent sans pouvoir vivre ni mourir, et le pied qui les foule ignore bw la lutte immense qu'elles ont soutenue avant de plier.

    Les �mes atteintes de cette douloureuse col�re peuvent avoir {RDP 689} eu la jeunesse de Ren�. Elles peuvent bx avoir r�pudi� longtemps by la vie r�elle, comme n'offrant rien qui ne f�t trop grand ou trop petit pour elles; mais � coup s�r elles ont v�cu la vie de Werther. Elles se sont suicid�es comme lui par quelque passion violente et opini�tre, par quelque sombre divorce {Obe 19} avec les esp�rances de la vie humaine. La facult� de croire et d'aimer est morte en elles. Le d�sir seul bz a surv�cu, fantasque, cuisant, �ternel, mais irr�alisable, � cause des avertissements sinistres de l'exp�rience. Une telle �me peut s'efforcer � consoler Obermann, en lui montrant une blessure plus envenim�e que la sienne, en lui disant la diff�rence du doute � l'incr�dulit�, en r�pondant � cette belle et triste parole: « Qu'un jour je puisse dire � un homme qui m'entende: Si nous avions v�cu! 14 » — Obermann, consolez-vous, nous aurions v�cu en vain. ca

    Il appartiendra peut-�tre � quelque g�nie aust�re, � quelque psychologue rigide et profond, de nous montrer la souffrance morale sous un autre aspect encore, de nous dire une autre lutte de la volont� contre l'impuissance, de nous initier � l'agitation, � l'effroi, � la confusion d'une faiblesse qui s'ignore et se nie, de nous int�resser au supplice perp�tuel d'une �me qui refuse de conna�tre son infirmit�, et qui, dans l'�pouvante {QAL 42} et la stup�faction de ses d�faites, aime mieux s'accuser de perversit� que d'avouer son indigence primitive. C'est une maladie plus r�pandue cb que toutes les autres, mais que nul n'a encore os� traiter. Pour la rev�tir de gr�ce et de po�sie, il faudra une main habile et une science consomm�e.

    Ces cr�ations viendront sans doute. Le mouvement des intelligences entra�nera dans l'oubli la litt�rature r�elle, qui ne convient d�j� plus � notre �poque. Une autre litt�rature se pr�pare et s'avance � grands pas, id�ale, int�rieure, ne relevant que de la conscience humaine, n'empruntant au monde des sens que la forme et le v�tement de ses inspirations, d�daigneuse, � l'habitude, de cc la pu�rile complication des �pisodes, ne se souciant gu�re de divertir et de distraire les imaginations oisives, parlant peu aux yeux, mais � l'�me constamment. Le r�le de cette litt�rature sera laborieux et difficile, et ne sera pas compris d'embl�e. Elle aura contre {Obe 20} elle l'impopularit� des premi�res �preuves; elle aura de nombreuses batailles {RDM 690} � livrer pour introduire, dans les r�cits de la vie famili�re, dans l'expression sc�nique des passions �ternelles les cd myst�rieuses trag�dies que la pens�e aper�oit et que l'œil ne voit point.

    Cette r�action a d�j� commenc� d'une fa�on �clatante dans la po�sie personnelle ou lyrique: esp�rons que le roman et le th��tre ne l'attendront pas en vain.

    Mai 1833 ce.


    Variantes

    1. pas de sous-titre dans {RDM} ni {Obe}
    2. des hommes, a, de tout temps, poss�d� {RDM} ♦ des hommes, a de tout temps poss�d� {Obe} ♦ des hommes a de tout temps poss�d� {QAL}
    3. av�r� pour {RDM}, {Obe} ♦ av�r�, pour {QAL}
    4. po�mes {RDM} ♦ po�mes {Obe}, {QAL} (Nous ne reviendrons plus l�-dessus; il en va de m�me pour po�te ⇒ po�te)
    5. importans {RDM} ♦ importants {Obe}, {QAL} (Nous ne reviendrons plus sur ces pluriels: ~ns ⇒ ~nts)
    6. l'histoire, pour l'�tude de la psychologie, au travers {RDM}, {Obe} ♦ l'histoire pour l'�tude de la psychologie au travers {QAL}
    7. muries {RDM}, {Obe} ♦ m�res {QAL}
    8. s�v�res, o� {RDM}, {Obe} ♦ s�v�res o� {QAL}
    9. se soulager en se jetant {RDM}, {Obe} ♦ se soulager, en se jetant {QAL}
    10. de canaux pour {RDM}, {Obe} ♦ de canaux, pour {QAL}
    11. sentiment de facult�s {RDM}, {Obe} ♦ sentiment des facult�s {QAL} (Il en va de m�me au 3°)
    12. trois noms, Werther {RDM}, {Obe} ♦ trois noms: Werther {QAL}
    13. de l'�me et {RDM} ♦ de l'�me, et ♦ {QAL} comme {RDM}
    14. et comme {RDM} ♦ et, comme {Obe}, {QAL}
    15. Bris��s {RDM} ♦ Bris�is {Obe}, {QAL}
    16. allemand {RDM}, {Obe} ♦ Allemand {QAL}
    17. de distance, ne trouble {RDM}, {Obe} ♦ de distance ne trouble {QAL}
    18. tr�s avanc�e {RDM}, {Obe} ♦ tr�s-avanc�e {QAL} (Nous ne reviendrons plus sur ce superlatif)
    19. Et pour parler {RDM}, {Obe} ♦ Et, pour parler {QAL}
    20. dess�chantes {RDM}, {Obe} ♦ d�ss�chantes {QAL}
    21. brillante et sombre, se tra�ne {RDM}, {Obe} ♦ brillante et sombre se tra�ne {QAL}
    22. majestueuse dans sa mis�re, sublime dans son {RDM}, {Obe} ♦ majestueuse dans sa mis�re; sublime dans son {QAL} (On verra plus loin d'autres cas d'h�sitation entre virgule et point-virgule)
    23. sans volont�: Obermann {RDM} ♦ sans volont�; Obermann {Obe}, {QAL}
    24. si triste, mais si beau, si d�courag�, mais {RDM}, {Obe} ♦ si triste mais si beau, si d�courag� mais {QAL}
    25. ont pu exciter {RDM}, {Obe} ♦ ont excit� {QAL}
    26. Atteint, mais non pas {RDM}, {Obe} ♦ Atteint mais non pas {QAL}
    27. Gœthe {RDM}, {Obe} ♦ Goethe {QAL}
    28. intellectuelle; et {RDM}, {Obe} ♦ intellectuelle, et {QAL}
    29. manqu� de peu pour {RDM}, {Obe} ♦ manqu� pour {QAL}
    30. paresseuse ou insuffisante {RDM}, {Obe} ♦ paresseuse ou insuffisance {QAL}
    31. naturelle � caract�re {RDM}, {Obe} ♦ naturelle de son caract�re {QAL}
    32. habituelles, lui {RDM} ♦ habituelles lui {Obe}, {QAL}
    33. la maladie, plus tard il {RDM}, {Obe} ♦ la maladie; plus tard, il {QAL}
    34. incompl�tes, la touchante {RDM}, {Obe} ♦ incompl�tes; la touchante {QAL}
    35. et des devoirs, font {RDM}, {Obe} ♦ et des devoirs font {QAL}
    36. et sans bruit; puis {RDM} ♦ et sans bruit, puis {Obe}{QAL} comme {RDM}
    37. pas un livre; mais, c'en est {RDM}, {Obe} ♦ pas un livre, mais c'en est {QAL}
    38. de vivre parce qu'elle {RDM} ♦ de vivre, parce qu'elle {Obe}, {QAL}
    39. une nuit d'insomnie... « Me sentant dispos� {RDM}, {Obe} (Pas d'alin�a. Par ailleurs le guillemet est r�p�t� au d�but de chaque ligne d'une citation) ♦ une nuit d'insomnie... / « Me sentant dispos�
    40. ann�es; vaste conscience {RDM} ♦ ann�es, vaste conscience {Obe}, {QAL} (C'est la le�on de {RDM} qui est conforme au texte d'Obermann.)
    41. affaiblissement; {RDM} ♦ affaiblissement, {Obe} {QAL}
    42. inqui�tes, ses �lans {RDM} ♦ inqui�tes; ses �lans {Obe}, {QAL}
    43. bois d'Armand...... {RDM} ♦ bois d'Armand... {Obe}, {QAL} (de m�me plus loin, apr�s automne et apr�s philosophique, � la diff�rence que {Obe} donne "...." au lieu de "..." dans ces deux derniers cas)
    44. point.... {RDM} ♦ point... {Obe}, {QAL}
    45. qui passe, je retrouve {RDM}, {Obe} ♦ qui passe je retrouve {QAL}
    46. A cette �poque la {RDM} ♦ A cette �poque, la {Obe}, {QAL}
    47. consulat {RDM}, {Obe} ♦ Consulat {QAL}
    48. elle {RDM}, {Obe} (le sujet est la grande mystification) ♦ il {QAL} (serait correct si le sujet �tait Consulat, mais on a pr�par�e, ... r�v�l�e; c'est donc une erreur et nous adoptons la le�on de {RDM})
    49. les esprits. Le sentiment {RDM} ♦ les esprits; le sentiment {Obe}{QAL} comme {RDM}
    50. l'empire {RDM}, {Obe} ♦ l'Empire {QAL} (de m�me par la suite)
    51. d�troit, et vint {RDM}, {Obe} ♦ d�troit et vint {QAL}
    52. le doute {RDM}, {Obe} ♦ le doute {QAL}
    53. en 1833 {RDM} ♦ depuis 1830 {Obe}, {QAL}
    54. sa publication. Obermann {QAL} (nous corrigeons)
    55. Et en ceci {RDM}, {Obe} ♦ Et, en ceci {QAL}
    56. trop r�pandues, fut {RDM} ♦ trop r�pandues fut {Obe}, {QAL}
    57. affections, fut rendue {RDM} ♦ affections fut rendue {Obe}{QAL} comme {RDM}
    58. alors que plus jeunes, et d�vor�s {RDM}, {Obe} ♦ alors que, plus jeune et d�vor� {QAL}
    59. Obermann, et pr�s {RDM}, {Obe} ♦ Obermann et pr�s {QAL}
    60. et au temps {RDM}, {Obe} ♦ et, au temps
    61. o� nous sommes, beaucoup peut-�tre {RDM} ♦ o� nous sommes beaucoup peut-�tre {Obe}{QAL} comme {RDM}
    62. dix-neuvi�me {RDM}, {Obe}XIXe {QAL}
    63. �tat {RDM} ♦ État {Obe}, {QAL}
    64. aveugle; cette loi {RDM} ♦ aveugle: cette loi {Obe}{RDM} comme {QAL}
    65. perp�tuelle enfance; quand {RDM} ♦ perp�tuelle enfance. Quand {Obe}{QAL} comme {RDM}
    66. physionomie. Mais rapidement {RDM} ♦ physionomie: mais, rapidement {Obe} ♦ Mais, rapidement {QAL}
    67. la nation; que sous {RDM}, {Obe} ♦ la nation; que, sous {QAL}
    68. la force brutale, pour arriver {RDM}, {Obe} ♦ la force brutale pour arriver {QAL}
    69. Mais avec {RDM}, {Obe} ♦ Mais, avec {QAL}
    70. Les �mes surexcit�es {RDM}, {Obe} ♦ Les �mes, surexcit�es {QAL}
    71. frapp�s; c'est {RDM} ♦ frapp�s: c'est {Obe}{QAL} comme {RDM}
    72. sa passion; c'est {RDM}, {QAL} ♦ sa passion, c'est {QAL}
    73. inutiles. C'est {RDM} ♦ inutiles; c'est {Obe}{QAL} comme {RDM}
    74. c'est en un mot le mal {RDM} ♦ c'est, en un mot, le mal {Obe}, {QAL}
    75. qui les foule, ignore {RDM} ♦ qui les foule ignore {Obe}, {QAL}
    76. Ren�. Elles peuvent {RDM} ♦ Ren�; elles peuvent {Obe}{QAL} comme {RDM}
    77. long-temps {RDM} ♦ longtemps {Obe}, {QAL}
    78. en elles. Le d�sir seul {RDM} ♦ en elles; le d�sir seul {Obe}{QAL} comme {RDM}
    79. Qu'un jour je puisse dire � un homme qui m'entende: « si nous avions v�cu! » — Obermann, consolez-vous, nous aurions v�cu en vain. » {RDM}{Obe} comme {RDM} mais sans le guillemet final ♦ « Qu'un jour je puisse dire � un homme qui m'entende: Si nous avions v�cu! » — Obermann, consolez-vous, nous aurions v�cu en vain. {QAL} (pour le sens g�n�ral, la le�on de {Obe} est pr�f�rable)
    80. plus r�pandue peut-�tre {RDM}, {Obe} ♦ plus r�pandue {QAL}
    81. d�daigneuse, � l'habitude, de {RDM} ♦ d�daigneuse � l'habitude de {Obe}{QAL} comme {RDM} (La le�on de {Obe} sera�t plus convaincante si on avait de l'habitude; les autres le�ons impliquent que le d�dain est habituel. Peut-�tre George Sand a-t-elle h�sit� sur le sens de sa phrase? ou bien est-ce une faute du typographe?)
    82. �ternelles, les {RDM} {Obe} ♦ �ternelles les {QAL}
    83. GEORGE SAND {RDM}, {Obe} ♦ Mai 1833 {QAL}

    Notes

    1. Maurice Regard, L'Adversaire des romantiques, Gustave Planche Paris, N.E.L., [1955], 2 vol. in-8°.
    2. C'est la raison pour laquelle Georges Lubin n'a pas inclus ce texte, intitul� À propos d'Obermann (ou Autopsie d'Obermann?, voir Corr.II p.212 � la date du 6 juin), dans son �dition de Sketches and Hints (Œuvres autobiographiques, t.II; Gallimard, coll. de la Pl�iade).
    3. Dans {RDM}, le titre est suivi du renvoi � la note suivante: “2 vol. in-8°, chez Abel Lecloux”. Dans {Obe}, le titre fait bien entendu d�faut, on a: PRÉFACE. Dans {QAL}, le titre est chapeaut� par un III, Obermann �tant en effet la troisi�me section du livre.
    4. On aura reconnu les h�ros des Souffrances du jeune Werther (Die Leiden des jungen Werther) de Goethe, de Ren� de Chateaubriand, et d'Obermann d'Étienne Pivert de S�nancour (1779-1846).
    5. le sentiment de la vie perdue ...: extrait de la lettre XXXVII d'Obermann ({Obe} pp.146).
    6. J'ai connu l'enthousiasme des vertus difficiles...: extrait de la lettre IV d'Obermann ({Obe} pp.51-52).
    7. para�t bien grande � l'homme: extrait de la lettre IV d'Obermann ({Obe} pp.46-47).
    8. aux sons romantiques que l'on entend sous l'herbe courte de Titlis: ce n'est pas une citation; il est fait mention d'herbe courte dans la lettre XII ({Obe} p.86) et dans la lettre XCI (p.438, passage cit� plus bas); mais George Sand fait sans doute allusion � ce passage: « Quelques insectes sous l'herbe, un seul oiseau �loign�, chantaient dans la chaleur du soir » (lettre XV, {Obe} p.90).
    9. On devait le lendemain ...: citation de la lettre IX, {Obe} pp.72-73.
    10. Il y a l'infini ...: citation de la lettre XVIII, {Obe} p.93.
    11. Je ne veux plus de d�sirs ...: citation de la lettre XXII, {Obe} p.108.
    12. Si j'arrive � la vieillesse ...: citation de la fin de la lettre XCI qui cloture le roman ({Obe} p.438).
    13. Dans {QAL} le “1804” se lit “1801, mais les 4 sont tr�s �troits et pr�tent � confusion.
    14. Qu'un jour je puisse dire: citation approximatice de la finale de la lettre XII ({Obe} p.86, dans cette �dition, on trouve « [Qu']une fois avant la mort, je puisse [...] »).