George Sand
[Pr�face � La Botanique de l'enfance de Jules N�raud]. a

Bridel: pr�face � "[Jules N�raud] - La Botanique de l'Enfance" - Lausanne, Bridel, 1847



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INTRODUCTION

Cette pr�face a �t� �crite par George Sand en 1841 pour son ami Jules N�raud. La Botanique de l'Enfance parut pour la premi�re fois en 1847, avec le pr�face de George Sand. C'est l'�dition Bridel de Lausanne, dont nous donnons le texte avec indication de la pagination originale, sous la forme {Bridel x} o� 'x' est le num�ro de page. Nous rep�rons cette �dition par {Bridel}.

L'�dition, posthume, des Souvenirs de 1848 – que nous rep�rons {S1848} – contient, dans la section M�langes, ladite pr�face titr�e « La Botanique de l'enfance, par Jules N�raud ». Nous n'avons pas vu cette �dition mais Georges Lubin dit qu'elle a �t� « modifi�e et dat�e 14 mars 1845 » (Corr.V p.259 n.1 de la lettre 2198 du 23 mars 1841 � Jules N�raud). Cette derni�re date pourrait correspondre � l'�poque o� l'ouvrage de N�raud �tait � l'impression (mais ne fut publi� qu'en 1847).






{Bridel [V]} Un de nos plus chers et de nos plus anciens amis, surnomm� parmi nous, tour � tour, le B�douin et le Malgache, � cause des longues tourn�es entreprises et accomplies par lui dans les r�gions tropicales, a rassembl� les mat�riaux de ce petit livre, en se jouant, en causant avec nous, en donnant le�on � ses enfans au coin du feu. Adonn� � la science, par vocation, d�s ses plus jeunes ann�es,.... il l'aima trop en po�te et en artiste, pour songer � s'en faire un instrument de gloire ou de fortune. Comme Jea-Jacques, il contempla l'or des gen�ts et la pourpre des bruy�res, sans songer � un plus grand bien que celui qu'il retirait de ses r�veries solitaires. Peut-�tre, s'est-il trop souvent �gar� dans les prairies, � poursuivre les brillants insectes parmi les fleurs; peut-�tre, s'est-il oubli� trop long-temps au bord des eaux qui dorment sous les {Bridel VI} saules, � voir �clore le lotus et courir l'alcyon et le nautonecte. Il ne s'est pas assez dit que toute puissance soit de cr�ation, soit d'investigation, impose des devoirs � celui qui l'a re�ue d'en haut, et qu'il n'est pas permis d'�tre savant pour soi tout seul. Toutes les connaissances qu'il avait approfondies, toutes les observations ind�nieuses et fines qu'il avaient rencontr�es, il en devait compte, sans doute, et il s'est t�: craignant les peines infinies qu'il faut prednre pour sortir de l'obscurit�, et qui ne sont pas moindes, avouons-le, pour l'homme de d�vouement que pour l'ambitieux.

Malgr� tous nos reproches, j'ignore s'il secouera quelque jour la poussi�re de ses vieux cahiers, et s'il consentira � mettre en ordre les richesses insoucieusement amass�es dans tout le cours de sa vie. Pour aujourd'hui, nous l'avons d�cid� seulement � publier la plus modeste de ses productions; mais dans ce cadre na�f d'un livre �l�mentaire pour l'enfance, il nous a sembl� que tant de gr�ce �tait jointe � tant de clart�, tant de savoir � tant d'humeur po�tique, que ce livre devait se recommander de lui-m^me, d�s les premi�res pages, � l'attention des lecteurs. Ce ne seront peut-�tre pas seulement les enfans qui l'�tudieront avec fruit, ce seront les esprits litt�raires et les gens de go�t, m�me mes moins vers�s dans la botanique, qui le parcourront avec plaisir. Il m'a sembl�, quant � moi, toute pr�vention d'amiti� � part, que ce petit ouvrage me promenait tant�t dans de beaux jardins, tant�t dans le d�sert des for�ts; je voyais tant�t les bizarres et terribles aspets de l'Atlas, tant�t les calmes et sublimes {Bridel VII} vall�es de l'Helv�tie, eet je faisais ce voyage imaginaire sous la conduite d'un Cicerons savant et amusant (ce qui ne se rencontre pas toujours ensemble), na�f comme un enfant, malin comme un campagnard du temps de Montaigne, aimant le merveilleux po�tique, et portant bien en lui, dans son tour d'esprit enjou�, dans son cœur tranquille et doux, la bonhommie s�rieuse avec laquelle Rousseau et Lafontaine examinaient la gr�ce d'un brin d'herbe ou le naturel d'un insecte.

Je ne sais si c'est le souvenir de ma jeunesse et de mes joies les plus pures, qui, se rattachant � la botanique, m'a fait trouver tant d'attrait � cette lecture; s'il en est ainsi je ne dois pas craindre d'�tre le seul; car quel est celui de nous qui n'a pas gard� dan sla m�moire les riantes promenades de son enfance, et � qui le nom d'une fleur ne rappelle pas avec le parfum qu'elle exhalait, le site o� elle croissait et mille douces pens�es qui se lient � ce souvenir?

La m�thode de ce trait� �l�mentaire ne m'a pas moins frapp� que la r�daction. Pl�t � Dieu qu'on p�t appliquer � toutes les �tudes ce proc�d� si simple et si attrayant, mais la botanique est peut-�tre de toutes les sciences celle o� l'analyse offre le plus de charme, et o� la synth�se s'en d�gage le plus nettement avec une bonne direction. Cette m�thode doit n�cessairement cr�er une occupation pleine d'attraits aux enfans les moins studieux et � beaucoup d'entre nous, grands enfans qui fuyons la peine et reculons d'effroi devant les techniques des d�finitions g�n�rales; elle doit prendre, {Bridel VIII} comme par surprise, les esprits paresseux et ranimer les m�moires engourdies; elle est comme toutes les choses excellentes, si simple et si logique, que chacun en se l'appliquant, s'�tonnera de ne pas l'avoir trouv�e lui-m�me. Enfin, le style aura, comme la forme, cet inimitable et irr�sistible attrait dont sont empreintes seulement les œuvres faites avec amour et abandon.

GEORGE SAND.


Variantes

  1. sans titre dans {Bridel}La Botanique de l'enfance, par Jules N�raud {S1848}