GEORGE SAND
Mars et Dorval. 1 a

"Questions d'art et de litt�rature" - Paris; Calmann L�vy, anc. maison Michel L�vy fr.; 1878



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INTRODUCTION

On trouvera ici
- le texte de Mars et Dorval tel qu'il parut dans Questions d'art et de litt�rature (Paris; Calmann L�vy, anc. maison Michel L�vy fr.; 1878; 1 vol. in-18), �dition rep�r�e {QAL}
- les variantes de la parution dans L'Artiste, 17 f�vrier 1833 (1e s�rie, t.V, 3e ann�e, pp.33-36l), rep�r�e {Artiste}.
Les �tats d'une m�me variante sont s�par�s par le signe ♦.

Le texte contient en outre les indications de pagination des �tats contr�l�s, sous la forme: {QAL x } ou {Artiste x/y } o� 'x' est le num�ro de page et 'y' est le num�ro de colonne. Cette indication ne coupe jamais un mot.






{Artiste 33/1 QAL 13} Le 9 f�vrier 1833, madame Dorval et mademoiselle Mars b ont jou� au Th��tre-Fran�ais un acte du Mariage de Figaro. Ces deux femmes si c�l�bres, avec mademoiselle D�jazet, pleine de gentillesse sous le costume de Ch�rubin, ont form�, dans la sc�ne de la romance, un tableau c qui rappelait le dessin spirituel, l'expression enjou�e et le riche coloris des meilleures compositions de l'�cole fran�aise d. Le r�le de Suzanne a toujours valu tant d'�loges � mademoiselle Mars, qu'elle doit y avoir �puis� les �motions du triomphe. Quant � madame Dorval, c'�tait la premi�re fois qu'elle paraissait sous la toque emplum�e de la comtesse Almaviva. La partie super-aristocratique de l'auditoire t�moignait d'avance quelque doute sur l'aptitude de l'actrice � bien conserver la dignit� de la grande dame, � c�t� de l'inflammable sensibilit� de la femme. On pensait que mademoiselle Mars, plus {QAL 14} habitu�e aux charmantes minauderies de l'�ventail, serait une comtesse plus convenable, et que madame Dorval, dou�e d'un talent plus incisif et d'une imagination plus jeune, serait une Suzanne plus piquante. Mais � l'intelligence de madame Dorval, l'�tude e et la r�gle sont des lisi�res trop courtes. L'inspiration lui r�v�le tout ce que l'enseignement donne aux autres. Il a sembl� qu'en rev�tant les nobles et frais atours de la ch�telaine, en f tra�nant la robe � queue, solennel caract�re de certains r�les, dans les traditions du th��tre, elle se soit sentie investir de l'orgueil du rang sans d�pouiller cependant les entra�nements du cœur. Les personnes d'un jugement d�licat et d'une observation �clair�e ont remarqu� tout ce qu'elle a su �tablir de nuances dans ce peu de sc�nes, ingrat et incomplet moyen de d�veloppement pour la puissance de son �me. Ces personnes ont n�anmoins eu le temps de s'int�resser, de s'attacher � cette femme m�lancolique et fine, encore bris�e par les chagrins d'un amour mal pay�, d�j� ranim�e par les vives impressions d'un amour nouveau, nonchalante au dehors, passionn�e au dedans; � cette femme incertaine, effray�e, entra�n�e, que l'avenir et le pass� se disputent, qui lutte contre sa raison et contre son cœur, � cette femme enfin qui a tant de r�pugnance et tant d'adresse � mentir, parce qu'elle se sent comtesse, et parce qu'elle se souvient d'avoir �t� Rosine. On a compris tout cela dans ce peu de temps, parce que, en lisant {Artiste 33/2} Beaumarchais, madame Dorval en a tout � coup saisi la pens�e intime.

Ces m�mes personnes ont song� � �tablir Un parall�le entr� madame Dorval et mademoiselle Mars, et nous avons entendu raisonner, avec l'impartialit� que {QAL 15} donne un vrai sentiment de l'art, sur le m�rite de ces deux grandes artistes. Nous avons recueilli quelques-unes de ces causeries d'entr'acte, triomphe moins imm�diat et moins enivrant pour les acteurs que les applaudissements de la repr�sentation; succ�s plus flatteur et plus solide, parce qu'il est �tabli sur des impressions plus profond�ment recueillies, plus religieusement conserv�es.

Naturellement l'esprit des juges s'est report� sur les divers succ�s qu'ont obtenu, mademoiselle Mars dans le cours d'une longue et brillante carri�re; g madame Dorval dans la p�riode de quelques ann�es de triomphes, r�compense tardive d'un talent trop longtemps h ignor� ou m�connu. Parmi ces juges, soit d�licatesse d'affection, soit sentiment exquis de la politesse, aucun ingrat n'a reproch� � mademoiselle Mars d'avoir us� trop longtemps du privil�ge de sa gloire. Tous �taient p�n�tr�s d'une sorte de respect na�f pour cette grande renomm�e que tous n'ont pas vu briller dans son plus vif �clat, mais dont tous ont senti le reflet encore chaleureux et beau. Nul n'a donc song� � faire � madame Dorval un m�rite de sa jeunesse au d�triment de mademoiselle Mars: on aime trop madame Dorval aujourd'hui pour ne pas sentir qu'on l'aimera encore dans vingt ans, et qu'on la perdra le plus tard possible. Ne d�sirons-nous pas tous qu'elle suive l'exemple de mademoiselle Mars, et qu'elle h�site longtemps � recevoir de son public la couronne des adieux?

Abstraction faite d'une diff�rence d'�ge qui ne constitue de pr�s�ance � l'une qu'au jugement des yeux, mais o� l'esprit et le coeur n'entrent pour rien dans l'arr�t du spectateur, d'assez chaudes discussions {QAL 16} se sont �lev�es sur cette question de sup�riorit�, consid�r�e non pas seulement comme attrait, mais aussi comme m�rite. Les deux illustres rivales ont eu chacune une nombreuse phalange de champions courtois et honorables admirateurs i z�l�s, mais sinc�res et g�n�reux comme le sentiment qui doit exister dans le cœur de ces deux femmes. Car ces deux femmes ont compris l'art sous deux aspects diff�rents j, et toutes deux ont march� � leur but avec la pers�v�rance que donnent l'intelligence et la r�flexion; mais toutes deux se sentent trop haut plac�es dans leur gloire pour ne pas s'admirer l'une l'autre, et pour ne pas se donner loyalement la main dans la coulisse comme sur la sc�ne.

Les r�les qu'elles venaient de remplir dans la pi�ce de Beaumarchais impliquaient des qualit�s tellement distinctes, qu'il a �t� n�cessaire de se reporter � des r�les analogues entre eux, pour asseoir le syst�me de comparaison. {Artiste 34/1} Ainsi l'on a mis en pr�sence Suzanne avec Jeanne Vaubernier, Clotilde avec Ad�le d'Hervey.

L'ar�opage, vous le voyez, a tout � fait mis de c�t� le doute pr�c�demment �mis sur la comp�tence de l'une ou de l'autre actrice dans l'une ou l'autre litt�rature, drame ancien ou drame nouveau. Madame Dorval, en paraissant sur le Th��tre-Fran�ais, pour k la seconde fois, venait de prouver qu'elle sait se reporter � la pens�e des ma�tres de l'art (c'est ainsi que l'on dit encore au foyer des acteurs de la rue Richelieu). Mademoiselle Mars a �t� une interpr�te admirable des po�tes vivants. La premi�re, elle l nous a r�v�l� le drame de Dumas et le drame de Victor Hugo; elle a march� avec son si�cle, elle a ouvert le {QAL 17} chemin � une litt�rature nouvelle, et madame Dorval, appel�e � en suivre le progr�s et � en assurer le triomphe, a recueilli l� o� l'autre avait sem�. Elle a eu tous les b�n�fices de l'�poque qui l'a produite; ce n'est pas � dire qu'il faille reprocher � mademoiselle Mars d'�tre venue trop t�t.

Mais mademoiselle Mars a-t-elle toujours compris le vrai, qui est de tous les temps, mieux ou moins bien que madame Dorval? That is m the question. Et la question n'a pas �t� jug�e irr�vocablement. On n'a pas �t� aux voix, on n'a pas m lu la sentence �crite � la foule assembl�e. La foule �mue s'est retir�e, emportant des impressions diff�rentes, suivant l'�ge, les opinions et le cœur de chacun.

Car, ne vous o y trompez pas, ceci est une pierre de touche � laquelle vous conna�triez, si vous vouliez bien observer, des nuances de caract�res habilement ou pudiquement cach�es. Il fut un temps o�, pour juger un homme, on p lui adressait la question qui remuait alors toutes les existences morales: Voltaire ou Rousseau? Aujourd'hui que ces questions fondamentales ont re�u d'en haut beaucoup de jour, et qu'on s'amuse, en attendant mieux, � des questions d'art et de sentiment, on peut deviner quels cerveaux s'allument, quels cœurs palpitent sous le satin de ces turbans, sous le velours de ces corsages que vous voyez briller au premier et m�me au second rang des loges. Il ne s'agit pour cela que d'entendre la r�ponse � une question en apparence d�sint�ress�e. Mais vous, mesdames, m�fiez-vous de votre premier mouvement lorsqu'un mari, ou un autre homme encore, vous demandera d'un ton d�gag�: Pasta ou Malibran? Mars ou Dorval?

Oh! c'est que c'est bien diff�rent! il y a tant de {QAL 18} mani�res d'�tre belle et passionn�e! il y a de la passion si chaste, si comprim�e, si noble! Il y a de la passion si envahissante, si soudaine, si profonde! Voyez-vous, mesdames, il ne faut pas laisser voir toutes vos larmes quand vous �tes au th��tre avec votre mari ou avec un autre homme encore. Mais vous me direz que je me m�le de ce qui ne me regarde pas.

{Artiste 34/2} Je r�pondrai en vous disant que je retarde le plus possible � vous dire tout ce que j'ai entendu depuis l'orchestre jusqu'au balcon, les loges inclusivement. C'est que je n'aime pas � faire l'autopsie de mon cerveau, pour savoir la raison de mes plaisirs. Je suis heureux quand je puis dire devant mademoiselle Mars: « C'est beau! » heureux encore quand, oppress� par le jeu plus vigoureux et plus hardi de madame Dorval, je ne me sens la force de rien dire. Mais pourquoi tout cela est si beau, je ne saurais le dire ni pendant ni apr�s, si l'opinion du public ne me formulait mes sensations.

Voici ce que disaient les uns: « Mademoiselle q Mars est plus correcte; elle a un genre de gr�ce plus �tudi�e, plus coquette. Comme elle se donne plus de peine pour plaire, il faut bien qu'on lui en tienne compte. »

« Mais, disaient les autres, Jeanne Vaubernier, insouciante, �vapor�e, enfant sans soucis, pr�te � toutes les folies pourvu qu'elles ne lui co�tent pas de peine et ne lui apportent pas un pli au front, cette fille si folle et si jeune, ne l'avez-vous pas vue? C'est le seul r�le o� madame Dorval puisse d�ployer cette facult� qu'elle poss�de d'imposer le rire aussi bien que les larmes, et qu'on ne lui connaissait pas avant qu'elle e�t rendu � la sc�ne le personnage tant d�figur� de {QAL 19} madame Dubarry. Pensez-vous que mademoiselle Mars ait aussi bien compris l'esprit de Beaumarchais, dans Suzanne r, que madame Dorval a compris l'esprit du r�gne des cotillons dans la pi�ce de M. de Rougemont? Ne vous est-il pas venu quelquefois � l'esprit, en voyant cette Suzanne, si aimable, si suave, si exquise dans tous ses mouvements, qu'elle �tait bien plus fran�aise qu'espagnole? que son œil noir avait trop de tendresse et pas assez d'ardeur? que son maintien comme sa toilette n'�tait pas tout � fait s aussi p�tulant, aussi fripon, aussi malicieux que vous l'aviez r�v� en vous introduisant dans cette famille d'amoureuses intrigues et de mignonnes sc�l�ratesses domestiqu�s? Quelquefois ne semble-t-il pas que mademoiselle Mars ait peine � se d�barrasser de cet air d'urbanit� bienveillante et convenable qu'elle a pris dans ses r�les habill�s? Cette jolie et gracieuse cam�riste t de madame Almaviva u n'est-elle pas un peu trop son �gale et sa compagne? est-ce bien l� la soubrette Suzon qui inspire des d�sirs � tous les hommes? Il faut que ce comte Almaviva soit bien fat et bien sot pour s'�tre flatt� de s�duire, � la veille de son mariage, cette personne si bien �lev�e, si �l�gante de mani�res, si pudiquement modeste au milieu des plus grands �clats de sa gaiet�! nous avons bien peur que mademoiselle Mars ne sacrifie parfois la v�rit� forte et saisissante d'un r�le � des habitudes de bon ton qui plaisent � une classe de spectateurs exclusifs mais qui diminuent la puissance de ses effets sur les masses? »

A cela les admirateurs de mademoiselle Mars r�pondaient: « C'est {Artiste 35/1} possible, mais voyez quelle justesse inimitable de gestes! quelle exquise gentillesse {QAL 20} d'intention! que de fra�cheur dans cette voix, que de finesse dans ce sourire, que de charme et que de soin dans les moindres d�tails de la pantomime! »

Et personne n'apportait de contradiction. Le moyen, s'il vous pla�t?

Alors ceux qui se sentent plus imm�diatement domin�s par la puissance th��trale de madame Dorval disaient que Jeanne Vaubernier, introduite dans les jardins de Louis XV sous le riche habit d'une comtesse, elle, la petite grisette � la fois si gauche et si d�cid�e, �tait peut-�tre plus dans l'esprit de son personnage que la belle Suzanne mal d�guis�e en Suzon. Les enfantillages de madame Dorval ont moins de s�duction peut-�tre que ceux de mademoiselle Mars, mais ils font v rire d'un rire plus franc et plus joyeux. On songe moins � l'admirer. Elle y songe si peu elle-m�me! elle est si p�n�tr�e de la situation qu'elle retrace! elle oublie tellement l'amour-propre de la femme pour s'abandonner, ardente et g�n�reuse qu'elle est, � la t�che enthousiaste de l'artiste!

Alors de belles femmes aux yeux bleus, au front droit et ferme, laiss�rent �chapper de leurs l�vres calmes et discr�tes ces �loges �pur�s que mademoiselle Mars aime sans doute � m�riter. Elles d�clar�rent que le personnage de Clotilde* �tait le plus fermement trac� qui e�t encore paru sur la sc�ne moderne; elles rappel�rent tous ces mots si solennellement vrais, toutes ces notes de l'�me si nettement attaqu�es et cette expression calme, profonde, ce recueillement presque religieux de la passion qui fermente, ces larmes du cœur qui ne vont pas jusqu'aux {QAL 21} yeux, ces col�res de femme outrag�e, toujours r�prim�es dans leur �lan par le sentiment int�rieur d'une dignit� m�connue, et toutes ces nuances d�licates d'une douleur immense que l'infortun�e Clotilde semble impuissante � comprendre, tant elle est effray�e de la sentir. Les femmes aiment particuli�rement � s'indigner des torts d'un homme envers une femme. Il semble que tout cri de d�tresse et d'abandon trouve un �cho dans leur �me, que la plainte arrach�e, � tout cœur bless� rouvre une blessure du leur. Si beaucoup de femmes ha�ssent Clotilde � la fin du quatri�me acte, beaucoup aussi, davantage peut-�tre, tressaillent d'une joie sympathique au spectacle de sa vengeance.

* 2 Dans le drame de Fr�d�ric Souli� qui porte ce titre.

Mais de jeunes femmes aux cheveux noirs, aux l�vres vermeilles et mobiles, dont les grands yeux brillaient au travers d'une humidit� m�lancolique, dont la parole �tait plus br�ve et l'expression plus pittoresque, r�pondirent � leurs p�les compagnes en refaisant � leur guise et � leur taille peut-�tre le personnage de Clotilde. Elles d�test�rent sa d�lation, et cependant elles la concevaient; elles {{Artiste} 35/2} comprenaient fort bien cette invasion soudaine et terrible du d�sespoir qui jette le caract�re en dehors de toute piti�, de toute tendresse f�minine. Mais elles ne se l'expliquaient que comme l'effet du d�lire, et, si elles trouvaient le d�lire de Clotilde assez prouv� dans la pens�e de l'�crivain, elles le trouvaient incomplet dans celle de l'actrice; elles aimaient � rendre justice � cet �clair d'emportement o� mademoiselle Mars pose si bien; mais elles insinuaient que cet �tat de prostration morale o� tombe Clotilde un instant apr�s son horrible effort ressemble � une extase de sublime {QAL 22} m�ditation, plut�t qu'� l'accablement d'une femme tout � l'heure en d�mence.

Quelques hommes essay�rent de trancher la question en disant que mademoiselle Mars avait eu dans sa vie le v�ritable malheur d'�tre trop correctement belle, et de ne pouvoir jamais abjurer le caract�re ang�lique de sa physionomie. Peut-�tre le masque musculaire manque-t-il chez elle de souplesse et de mobilit�; peut-�tre y a-t-il dans sa noble intelligence des formes trop arr�t�es, un type de passion trac� sur des proportions trop syst�matiques, pas assez d'�clectisme et d'�lasticit� morale, s'il est permis de parler ainsi.

Madame Dorval, sans avoir �tudi� plus consciencieusement son art, a peut-�tre re�u du ciel des lumi�res plus vives; son esprit est peut-�tre plus souple en m�me temps que sa taille et ses traits. Il y a en elle un plus sinc�re abandon de la th�orie, une plus grande confiance dans l'inspiration, et cette confiance est justifi�e par une soudainet� presque magique dans toutes les situations de ses r�les. Le principal caract�re de son jeu, ce qui la place si en dehors de toute imitation et doit la maintenir d�sormais au premier rang sur la nouvelle sc�ne fran�aise, c'est le jet inattendu et toujours br�lant de ses impressions. Jamais on ne devine le mot qu'elle va dire. Il n'y a pas dans l'action de ses muscles, dans le soul�vement de sa poitrine, dans la contraction de ses traits, un effort pr�paratoire qui r�v�le au spectateur la p�rip�tie prochaine de son drame int�rieur; car madame Dorval compose son drame elle-m�me, elle s'en p�n�tre, et, ob�issante � l'impulsion de son g�nie, elle se trouve tout � coup jet�e hors d'elle-m�me, au del� w de ce qu'elle avait pr�vu d'heureux, au del� de ce {QAL 23} que nous osions esp�rer de path�tique et d'entra�nant. On se rappellera toujours ce cri d'enthousiasme et de d�chirement qui s'�chappa de toutes les poitrines � la premi�re repr�sentation d'Antony, lorsque madame Dorval, r�sumant dans un mot fort et vrai toute la destin�e d'Ad�le, se retourna brusquement et froissa sans piti� sa robe de bal sur le bras de son fauteuil en s'�criant:


Mais je suis perdue, moi!

{{Artiste} 36/1} Un mot plus simple n'atteignit jamais � une telle puissance et ne produisit une sensation plus impr�vue.

Entre ces deux grands talents, personne n'osa se d�cider. Que mademoiselle Mars se rassure; elle est x arriv�e � une telle l�gitimit� de puissance, que, si l'on voyait chanceler son diad�me, nul ne serait assez impie pour y porter la main. On se retira y en disant que chacune de ces deux illustrations r�gnait par des moyens diff�rents: l'une par des qualit�s exquises, par des gr�ces attractives et des s�ductions dont la nature fut peut-�tre plus prodigue envers elle qu'envers aucune organisation physique de son temps; l'autre, par une plus vaste r�partition d'instinct dramatique et de sensibilit� expansive, par une vigueur plus saisissante et une plus imp�rieuse r�v�lation de sa sp�cialit�.

F�vrier 1833. z


Variantes

  1. MLLE MARS ET MME DORVAL {Artiste} ♦ MARS ET DORVAL
  2. Mme Dorval et Mlle Mars {Artiste} ♦ madame Dorval et mademoiselle Mars {QAL} (Il en sera ainsi dans tout le texte pour les madame et les mademoiselle)
  3. de la romance un tableau {Artiste} ♦ de la romance, un tableau {QAL}
  4. de l'�cole flamande {Artiste} ♦ de l'�cole fran�aise {QAL} (On peut supposer que le flamande est une distraction d'auteur)
  5. de madame Dorval l'�tude {Artiste} ♦ de madame Dorval, l'�tude {QAL}
  6. chatelaine; en {Artiste} ♦ ch�telaine, en {QAL}
  7. carri�re, {Artiste} ♦ carri�re; {QAL}
  8. long-temps {Artiste} ♦ longtemps {QAL} (de m�me par la suite)
  9. honorables, admirateurs {Artiste} ♦ honorables admirateurs {QAL}
  10. diff�rens {Artiste} ♦ diff�rents {QAL} (Il en sera de m�me plus loin, ainsi que pour vivan[t]s, mouvemen[t]s, talen[t]s et diff�ren[t]s)
  11. sur le Th��tre-Fran�ais pour {Artiste} ♦ sur le Th��tre-Fran�ais, pour {QAL}
  12. La premi�re elle {Artiste} ♦ La premi�re, elle {QAL}
  13. That's {Artiste} ♦ That is {QAL}
  14. L'on n'a pas [...] l'on n'a pas {Artiste} ♦ On n'a pas [...] on n'a pas {QAL}
  15. Car ne vous {Artiste} ♦ Car, ne vous {QAL}
  16. un homme on {Artiste} ♦ un homme, on {QAL}
  17. Pas de guillemets dans {Artiste} ni ici, ni plus loin
  18. de Beaumarchais dans Suzanne {Artiste} ♦ de Beaumarchais, dans Suzanne {QAL}
  19. tout-�-fait {Artiste} ♦ tout � fait {QAL}
  20. camariste {Artiste} ♦ cam�riste {QAL}
  21. Mme Almaviva {Artiste} madame Almaviva {QAL}
  22. il font coquille de {QAL}
  23. au-del� {Artiste} ♦ au del� {QAL} (de m�me plus loin)
  24. se rassure. Elle est {Artiste} ♦ se rassure; elle est {QAL}
  25. y porter la main. / On se retira {Artiste} y porter la main. On se retira {QAL}
  26. F�vrier 1833. {Artiste} ♦ GEORGES (sic) SAND. {QAL}

Notes

  1. Dans {Artiste}, le texte se trouve en pages 33 � 36, il est pr�c�d� d'un titre de rubrique: « Beaux-Arts ». Dans {QAL}, le texte se trouve en pages 13 � 23, le titre est chapeaut� d'un « II », marquant la deuxi�me section du recueil.
  2. Cette note — est-elle de George Sand? — num�rot�e 1, se trouve en bas de la p.20 dans {QAL}. Elle est absente de l'{Artiste}.