JULES SAND
LA PRIMA DONNA.

Revue de Paris, avril 1831; t.XXV pp.234-248



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INTRODUCTION

HISTOIRE ET PERSONNAGES

Au th��tre � V�rone, un soir o� Gina, « la diva, la benedetta » fait sa rentr�e, le fran�ais Numa, qui vient d'arriver dans la ville, est reconnu par Valterna: ils se sont connus au coll�ge � Montpellier.

Valterna raconte � son ami qui s'interroge sur cette Gina dont on parle tant: Gina �tait la grande cantatrice de V�rone. Il en �tait amoureux. Mais deux rou�s — le duc de R**, fran�ais, et le comte de C**, un �tranger, voulaient tous deux la conqu�rir. « Ne pouvant se la partager ils la tir�rent au sort. » Elle �chut au duc; Gina, on ne sait pourquoi, accepta ce jeu du sort et devint la duchesse de R**. « Son mariage fut splendide et triste. [...] D�s le premier jour elle se sentit � l'�troit dans cette destin�e nouvelle. » Ayant par son mariage d� quitter la sc�ne, elle d�p�rit lentement et sa raison s'�gara. Pendant ce temps, Valterna, d��u, « voyageait dans l'espoir de se distraire. »

Ne pouvant rester loin d'elle bien qu'il ne se f�t jamais d�clar� et qu'il ne cr�t pas m�me qu'elle connaissait son nom, Valterna revint � V�rone. Un soir, il se m�la aux invit�s d'une soir�e donn�e par le duc en son h�tel. Plus tard dans la nuit, Gina, �pi� par Valterna, erra comme un fant�me dans le palais d�sert et se mit � chanter. Valterna lui d�clara sa flamme, elle parut le reconna�tre puis s'enfuit comme une ombre. Valterna fut pris d'une fi�vre « et les jours s'�coul�rent sans qu'[il] en marqu[�]t le cours. »

À demi gu�ri, Valterna voulut revoir le th��tre o� nagu�re Gina triomphait. La duchesse est l�, dans une loge d'avant-sc�ne. On joue Don Juan; Rosetta, une d�butante amie de Gina, tient le r�le de dona Anna. Elle est tr�s applaudie mais Valterna ne voit que Gina et s'�crie: « A Gina, � la reine du chant. » La duchesse le reconnait mais est aussit�t emmen�e par le duc.

On dit que Gina se meurt. Valterna va trouver un « c�l�bre m�decin qui venait d'arriver de Londres » et le prie de sauver Gina. Par ce truchement, il obtient le retour de la duchesse � la sc�ne. Fin du r�cit, retour au temps pr�sent.

On joue Romeo et Giuletta. Gina est Giulietta, Rosetta est Romeo. Triomphe de l'une et de l'autre. Mais � la toute fin, Gina est morte, comme l'h�ro�ne qu'elle incarnait. Valterna et le duc se pr�cipitent vers elle: « le premier avait �t� Valterna qui, rugissant de douleur, alla s'�teindre aux pieds de Juliette. »

On a donc trois protagonistes: Valterna et Gina qui s'aiment mais ne se savent pas aim�s, et le duc de R** qui veut Gina et l'obtient. Cela ne tient pas debout, c'est � la fois du roman gothique et du romantisme � grandes passions d�chirantes. Mais c'est bien venu car simplement racont�, et donc c'est assez efficace. Un tel amour, un tel enfermement des personnages, ne peuvent finir que par un happy end ou par un cataclysme. Point de happy end, restons sous l'empire d'Ann Radcliffe et aussi d'Ernst Theodor Amadeus Hoffmann — car la musique est partout pr�sente. Comme dans Hernani les morts s'entassent � la fin; mais ici �a ne traine pas, c'est instantan�: en cinq phrases tout est dit.

L'int�r�t n'est pas dans l'intrigue et pas vraiment dans les personnages — pas m�me Gina puisque, au fond, c'est une sorte d'ombre de Gina qu'on nous raconte. L'int�r�t est dans la progression dramatique et dans la mani�re dont l'auteur fait varier les �motions du lecteur.

COMPOSITION

La Prima Donna a �t� �crite vers le mois de janvier 1831 par Aurore Dudevant et Jules Sandeau; ce r�cit �tait destin� � la Revue de Paris o� il fut publi� en avril de la m�me ann�e sous le pseudonyme de J. Sand dont c'�tait la premi�re utilisation. Il n'a paru en librairie qu'en 1840 dans le volume intitul� Les Revenan[t]s et comprenant des œuvres de Jules Sandeau et Ars�ne Houssaye.

Dans la correspondance de George Sand, la premi�re trace de La Prima Donna est dans la lettre du 15 janvier 1831 � son mari: « je suis tr�s occup�e d'un article qui doit �tre ins�r� dans la Revue de Paris » (L.342 in Corr.I p.780). Il est possible que le r�cit avait d�j� �t� entam� en d�cembre 1830; dans une lettre de fin d�cembre � F�lix Pyat, se trouve une allusion que Georges Lubin attribuait � Aim�e mais qui pourrait tout aussi bien s'appliquer � La Prima Donna: elle annonce � Pyat qu'elle arrive � Paris « avec un ouvrage auquel il ne manque plus que peu de chose, c'est le commencement et la fin. Je sais bien que les commencements sont supprim�s par la mode et qu'on peut s'en passer, mais les catastrophes sont indispensables et il faut tuer cinq ou six personnes � la fin. Je vous chargerai de cela » (L.335 in Corr.I p.762). Tuer « tuer cinq ou six personnes � la fin », voil� bien qui fait penser � La Prima Donna.

Le 19 janvier 1831, Aurore �crit � son amie Laure Decerfz: « J'ai fait avec Sandeau un article incroyable. Il y a de quoi [...] enfoncer toute la boutique des romantiques. À la fin nous tuons tous les personnages. Il n'en r�chappe pas un seul. Nous avons envoy� cela � Delatouche [Latouche, r�dacteur en chef du Figaro], il a dit que c'�tait superbe. [...] Je ne sais quand l'article para�tra. Il est sign� J. Sandeau. Il n'a pas le sens commun, cependant il y a du bon et tout ce qu'il y a de bon est de Jules. S'il te tombe sous la main, tu feras la part du mauvais go�t n�cessaire � la revue de Paris et tu m'en diras ton avis. » (L. S 94 in Corr.XXV p.220). Le m�me jour, � Charles Duvernet: « Quant � la Revue de Paris, il [V�ron] a �t� tout � fait charmant. Nous lui avons port� un article incroyable; Jules [Sandeau] l'a sign� et (entre nous soit dit) il en a fait les trois quarts, car j'avais la fi�vre. D'ailleurs je ne poss�de pas comme lui le genre sublime de la Revue de Paris. Il a promis solennellement de le faire ins�rer et il l'a trouv� bien » (L.344 in Corr.I p.783). Ces deux extraits ont tr�s probablement pour sujet La Prima Donna; voir aussi la lettre 366 du 7 mars 1831 (Corr.I p.826).

Latouche avait recommand� J. Sand � V�ron, mais Aurore est « oblig�e d'employer beaucoup de subterfuges pour n'�tre pas connue. Mr V�ron d�teste les femmes et n'en veut admettre aucune » (L.348 du 28 janvier � Casimir Dudevant, in Corr.I p.790). Mais V�ron refuse l'article et Latouche doit s'entremettre encore une fois (L.352 du 4 f�vrier, in Corr.I p.796) et la certitude ne vient que vers le 12 f�vrier (L.355 in Corr.I p.801). Mais il faut attendre: « les noms connus passent avant moi » (L.364 du 4 mars, in Corr.I p.818). La parution est pr�vue pour avril (L.366 du 14 mars, Corr.I p.826).

Il est malais� de dire quelle part a pris � la r�daction du r�cit chacun des deux auteurs. Dans la correspondance de George Sand, on voit souvent Aurore attribuer � Sandeau la plus grande part du m�rite de leurs œuvres communes; mais parfois elle dit tout le contraire, comme d'ailleurs on l'a vu plus haut dans les extraits de lettres. Aurore a plus de maturit� que Jules Sandeau — il est de plus de six ans son cadet —, elle est aussi de loin plus entreprenante et travailleuse (souvenons-nous que de la collaboration de Sandeau avec Balzac en 1834-1835, il n'est rien r�sult�). On peut penser qu'une partie de la r�daction initiale et une grande partie des ach�vements sont dues � Aurore. Mais sans manuscrit on ne peut que sp�culer, et d'ailleurs, devenue George Sand, Aurore se d�sint�ressera de cette œuvrette et n'en parlera pas dans Histoire de ma vie.

Si on admet que la la L.335 peut d�signer La Prima Donna, on remarque qu'Aurore disait qu'� son ouvrage il manquait « le commencement et la fin ». Or il est possible de distinguer trois parties dans La Prima Donna:
(1) du d�but � « Certes elle pourrait dire tout ce qu'il y a de maux vivans sous l'�clat des richesses » (fin du 17e alin�a);
(2) l'histoire de Gina: de « Elle �tait si belle autrefois » (18e alinea) � « et Gina lui sourit en la pressant sur son cœur » (fin du 37e alinea);
(3) la fin, � partir de « La foule attendait, le rideau se releva aux accords lugubres d'un chant de mort ».
Ce qui distingue la premi�re partie de la suite, c'est l'emploi de doubles interlignes: treize fois sur dix-sept alin�as, contre cinq dans la deuxi�me partie, aucun dans la troisi�me. Ce qui distingue la troisi�me partie est le changement de pr�nom du personnage de l'op�ra: auparavant Giuletta, d�sormais Juliette.

Ce qui caract�rise la deuxi�me partie, qui constitue le gros de l'ouvrage, c'est qu'elle est une histoire dans l'histoire, une histoire � laquelle il manque un d�but et une fin. De cet ensemble on peut �ter l'intervention de Valterna et du fran�ais au 19e alinea: « Valterna laissa tomber sa t�te sur son sein. “ Vous l'aimez! ” dit le Fran�ais en lui pressant la main avec un sentiment d'affection sympathique » et modifier l�g�rement le d�but du vingti�me alin�a:
« Oh! elle �tait ma vie. La voir et l'entendre [...] »
au lieu de:
« — Oh! elle �tait ma vie, r�pondit le jeune homme. La voir et l'entendre [...] ». À l'appui de cette modification, on notera que l'alin�a dix-neuf est pr�c�d� et suivi d'un double interligne, ce qui le rapproche de la caract�ristique de la premi�re partie. De m�me, on peut supprimer l'alin�a vingt-sept — qui est �galement entour� de doubles interlignes. Et de m�me, en tout ou en partie, pour l'alin�a trente-six — qui est pr�c�d� mais non suivi d'un double interligne.

On peut certes objecter que les doubles interlignes de ces trois alin�as sont n�cessit�s par l'interruption du r�cit, et il n'y a pas grand-chose � opposer � cela ... sinon que dans Les Revenants, le texte de La Prima dona (sic), contr�l� par Sandeau, n'a pas de double interligne.

Il est tr�s probable que le travail de d�coupage propos� ci-dessus ne conduit pas ipso facto aux parties �crites par Jules (le d�but et la fin et les interventions de Valterna et du fran�ais dans la deuxi�me partie) et par Aurore (l'histoire de Gina). L'histoire de Gina avait peut-�tre un d�but — dont l'actuel premier alinea (ou les deux premiers) faisait partie?) —, d�but qui ne satisfaisait pas Aurore. Probablement le personnage de Valterna existait et �tait introduit d'une quelconque mani�re; peut-�tre l'histoire �tait-elle rest�e inachev�e. Aller plus loin devient hasardeux.

PUBLICATION

La Prima donna fut publi�e
– dans la Revue de Paris d'avril 1831; t.XXV pp.234-248. Nous utilisons le sigle {RDP}.
– tr�s probablement dans l'�dition bruxelloise, en contrefa�on, de la m�me Revue de Paris: avril ou 1831. Nous n'avons pu consulter cette revue, laquelle, suivant de pr�s son originl parisien, ne devait pas pr�senter de diff�rence signficative.
– Jules Sandeau et Ars�ne Houssaye, Les Revenants; Paris, Desessart, 1840, 2 vol. in-8�. Le texte se trouve dans le tome I en pp.1-39. Nous n'avons pu consulter ce texte.
– Jules Sandeau et Ars�ne Houssaye, Les Revenants; Bruxelles, M�line, Cans et Cie, 1840, 2 vol. in-8�. Le texte se trouve dans le tome I en pp.1 � 33. Cette �dition en contrefa�on ne devait pas pr�senter de variante significative par rapport � l'�dition Desessart. Nous utilisons le sigle {Mel}.
Pr�sence de George Sand n° 17 (juin 1983), pp.40-45. Nous utilisons le sigle {PGS}. Le texte est dit conforme � celui de {RDP} mais, quelques inattentions mises � part, pr�sente de curieuses variantes: curieuses car on les retrouve dans {Mel}. Cette similitude de divergence par rapport � {RDP} donne � penser que tant {Mel} que {PGS} pourraient avoir subi l'effet d'une lecture trop rapide du texte t�moin.

Balzac a aim� ce r�cit, il en fit part � Jules Sandeau le 4 mai 1831: « j'ai lu avec beaucoup de plaisir La Prima Donna, et j'y trouve plus que des esp�rances... » (Corr.de Balzac, �d. R.Pierrot : Garnier, I, p.522-523; Gallimard, coll. Pl�iade, I, p.353).

LA RÉVISION PAR JULES SANDEAU (1839)

Cette r�vision a tr�s probablement �t� faite � l'occasion de la publication du recueil les Revenants, donc en 1839. À la fin du texte, Sandeau ajoutera une date: avril 1831. Or ce n'est pas la date de composition du texte mais celle de sa publication dans la Revue de Paris. Cela semble donc indiquer qu'en 1839, Sandeau ne se souvenait plus pr�cis�ment de l'�poque o� il avait avec Aurore �crit ce texte. Cela peut aussi signifier que cette date �tait inscrite au bas du manuscrit, peut-�tre ajout�e apr�s la publication en revue. Mais le manuscrit existait-il encore?

On verra que le nombre de variantes est tr�s consid�rable pour un texte de cette taille: nous avons relev� cent dix-huit variantes. La plupart de ces variantes sont introduites dans {Mel}, elles r�sultent donc d'une r�vision du texte, qu'il est l�gitime d'attribuer � Jules Sandeau. On laissera de c�t� l'utilisation du tiret et du guillemet, et les changements d'orthographe. Il reste alors essentiellement deux types de variantes: les alt�rations de ponctuation et les alt�rations du texte.

Les modifications du texte sont peu nombreuses:
♦ la prima donna ⇒ la prima dona
♦ une chaise demi-bris�e pr�te � manquer sous son poids. ⇒ une chaise demi-bris�e (suppression d'une redondance)
♦ Numa l'interroge avec cette r�serve ⇒ Numa l'interrogea [...] (le�on qui para�t pr�f�rable)
♦ la femme du duc de R** ⇒ la femme de R** (peut-�tre imputable au typographe)
♦ Oh! elle ⇒ Oui, elle
♦ et mes jours se pass�rent � d�sirer le soir, et le soir je sentais ⇒ [...] je sentis
♦ et elle ⇒ et Gina
♦ b�n�diction! et ma vie ⇒ b�n�diction! ma vie
♦ se r�veilla enthousiaste et forte aux ⇒ se r�veilla aux (suppression de qualificatifs superflus)
♦ qui tuent et qui enivrent ⇒ qui enivrent et qui tuent (davantage dans la logique des choses)
♦ Ne pouvant se la partager, les deux seigneurs la tir�rent au sort ⇒ Ne pouvant la partager, les deux seigneurs tir�rent au sort (le�on pr�f�rable)
♦ sa t�te tombait tristement ⇒ sa t�te s'affaissait tristement (la le�on originale est plus expressive mais on avait d�j� eu plus haut: « Valterna laissa tomber sa t�te » )
♦ je contemplais sa fa�ade ⇒ j'en contemplais la fa�ade
♦ silence solennel de la nuit ⇒ silence de la nuit (suppression d'un clich�)
♦ en deux bandes noires et luisantes, et �clair�es ⇒ en deux bandeaux noirs et luisants et �clair�s*
♦ Je m'�lan�ais, je saisis ⇒ Je voulus saisir
♦ de pierreries, et les ⇒ de pierreries, les

* La coiffure en bandeaux devint � la mode vers cette �poque (ann�es 1830). On a par exemple: « Je suis mal en bandeaux; mes cheveux sont trop courts » (Alfred de Musset, À quoi r�vent les jeunes filles (1833), sc�ne I).

À l'inverse les changements de ponctuation sont tr�s nombreux et de tout type! Nous r�sumons en un tableau qui d�nombre, pour un signe de ponctuation dans la colonne de gauche, les alt�rations subies (reste de la ligne). Exemple: le point est remplac� onze fois par point-virgule, une fois par deux-points, dix fois par virgule, etc.:

  ajout suppr. remplacement par
. ; : , !
.       11 1 10 3
;     6   15 6  
:     1 1   2  
, 15 23 1 2 6   4
!           6  
?             1
... 1   1        
3            

À quoi s'ajoutent un d�placement de virgule et neuf alin�as suppl�mentaires. Quand on examine tous ces changements, on en retire une impression de minutie excessive. Si certaines modifications sont heureuses, la plupart sont insignfiantes, et certaines paraissent m�me n�gatives.






Nous donnons le texte de la Revue de Paris repris par le n° 17 de la revue Pr�sence de George Sand (pp.40-45), avec les variantes de cette derni�re — la plupart de celles-ci semblent �tre des inadvertances.
Nous donnons aussi les variantes de {Mel}. Dans presque tous les cas de variantes, nous rappelons le texte de {RDP} avant celui de {Mel} nous ne rappelons celui de {PGS} que si celui-ci diff�re de {RDP}. Quelques exemples:
"V�rone on vit {RDP}, {Mel} ♦ V�rone, on vit {PGS}" : {RDP} et {Mel} sont identiques.
"extraordinaire. Des {RDP} ♦ extraordinaire; des {Mel}." : {RDP} et {PGS} sont identiques.
Dans les variantes, le signe '/' indique un alin�a.

Le texte est ici pagin� sous la forme {RDP n}, {Mel n} — sans rappel du tome qui est toujours le premier — et {PGS n}. Ces indications toutefois ne coupent pas un mot et la c�sure est plac�e avant ou apr�s le mot coup� dans l'�dition.






{RDP 234; Mel 7} LA PRIMA DONNA. a 1

Dans une des principales h�telleries de V�rone on vit b un soir un mouvement extraordinaire. Des c groupes se formaient dans la salle et jusque dans la cour; on d parlait avec chaleur. Un e �tranger e�t pu croire qu'il s'agissait d'un grand �v�nement politique; car pour ce peuple restreint � la passion des arts, le d�but d'un chanteur ou le succ�s d'un op�ra sont d'aussi puissans f motifs d'int�r�t que chez nous le renvoi d'un ministre ou une d�claration de guerre.

Or il ne s'agissait rien moins � V�rone ce soir-l� que de la rentr�e de la signora Gina, {Mel 8} jadis les d�lices de la ville, mais �loign�e du th��tre durant plusieurs ann�es. Son g nom partait de toutes les bouches accompagn� des �pith�tes de diva, de benedetta 2.

Un grand silence succ�da aux transports. Tous les yeux se tourn�rent vers un jeune homme qui venait d'entrer sans rien dire � personne, et qui s'�tait jet� sur une chaise demi-bris�e pr�te � manquer sous son poids. h

Il �tait beau, mais �trange. Pr�s de lui, sur une table, il avait pos� son manteau roul� autour d'une �p�e, et sa main droite �tait cach�e dans son sein.

« Valterna! » lui i cria quelqu'un en lui frappant sur l'�paule. {RDP 235} Il ne bougea pas; seulement j ses grands yeux noirs se tourn�rent lentement vers le cadran de la pendule.

« Il n'est pas temps encore, » k dit-il; et son l regard, un instant anim�, se voila de nouveau des longs cils de sa paupi�re.

« m Quel est cet homme? n demanda un Fran�ais arriv� depuis une heure � V�rone. — C'est o Valterna, lui r�pondit-on. — Un officier? dit le Fran�ais en regardant l'�p�e et les moustaches du jeune homme. — Non p, r�pondit-on, un dilettante. {Mel 9}— Un q voyageur autour du monde, dit un autre. — Un r furieux, un fou, ajouta un troisi�me en s'�loignant.

— Peut-�tre pas si fou qu'on le pense, dit le premier qui avait parl�; mais qui peut savoir la v�rit�? — C'est s une histoire singuli�re, et que nul autre que lui ne peut raconter. » t

Le Fran�ais, frapp� profond�ment de l'aspect de Valterna, c�da � un sentiment d'int�r�t irr�sistible en poursuivant ses questions. Les uns lui dirent que c'�tait l'amant disgraci� de la cantatrice Gina; d'autres, que u c'�tait l'amant heureux de la duchesse de R**. « v Écoutez, lui dit-on, si vous �tes curieux de le conna�tre, essayez de le faire parler; peut-�tre vous montrera-t-il plus de confiance qu'� un ancien ami, peut-�tre aussi vous tournera-t-il le dos sans vous r�pondre, car w il est bizarre, in�gal, inexplicable, mais il n'est pas m�chant. Avant sa folie c'�tait un grand cœur. Allez, parlez-lui de Gina. Si une fois vous le mettez en train de raconter, il vous en dira, beaucoup; mais on ne peut que m�diocrement se fier � ses r�cits, car il ne sait pas toujours lui-m�me ce qu'il doit penser de sa vie. »

{Mel 10} Le Fran�ais s'assit � la m�me table que Valterna; c'est alors seulement qu'il crut ne pas contempler ses traits pour la premi�re fois. Il se demanda � quelle �poque de sa vie le vague souvenir de cet homme devait le reporter, lorsque celui-ci, avec autant {RDP 236} d'assurance que s'il l'e�t quitt� la veille, se jeta dans ses bras en l'appelant son ami, son camarade, son cher Numa. A ce nom le Fran�ais tressaillit; il crut se retrouver enfant au coll�ge x de Montpellier, et serra contre sa poitrine un ancien compagnon dont la figure et le nom s'�taient presque effac�s de sa m�moire, mais dont le caract�re enthousiaste et sombre marquait comme un trait ineffa�able dans la vie de ceux qui l'avaient une fois rencontr�.

« y Vous me voyez bien chang�, dit-il � son ami, apr�s ces premi�res effusions d�licieuses pour deux cœurs qui retrouvent l'un dans l'autre le t�moignage d'un bonheur perdu; le chagrin et la maladie m'ont vieilli plus que les ann�es. » Numa z l'interroge aa avec cette r�serve d�licate qui inspire la confiance sans l'exiger. « Gina! ab r�pondit le V�ronais ; et un sourire infernal sillonna sa bouche fl�trie. Gina! c'est toute mon histoire.

{Mel 11} — Quelle est donc cette Gina dont le nom trouve ici tant d'�chos? dit le Fran�ais.

— Vous ne le savez pas? dit Valterna avec amertume, c'est la duchesse de R**. » ac

Numa fit un mouvement de surprise.

« ad Oui, reprit Valterna, la femme du duc de R** ae, votre compatriote. N'avez-vous pas entendu dire qu'il s'�tait mari� ici avec une chanteuse?

— Il est vrai; je m'en souviens � pr�sent.

— Gina! pauvre Ginetta; dit af le V�ronais; on a vant� son bonheur, elle fut seule � ne pas y croire. Certes elle pourrait dire tout ce qu'il y a de maux vivans sous l'�clat des richesses.

» Elle ag �tait si belle autrefois, jeune fille chantant chaque soir sur le th��tre de V�rone, puisant le bonheur et la vie dans les {RDP 237} applaudissements d'un public qu'elle enivrait de sa voix magique, et qui l'�puisait � son tour des transports de son enthousiasme; jeune fille si belle � voir et si ravissante � entendre qu'on ne pouvait la voir et l'entendre � la fois. ah Oh! si vous l'aviez vue para�tre, froide d'abord et belle comme une statue antique, absorbant dans son regard toute une foule muette et p�lissante! si vous aviez vu ses narines se gonfler, ses l�vres fr�mir, son sein s'agiter aux premiers accords! {Mel 12} puis comme tout � coup sa voix, sortant � flots harmonieux, coulait douce et sonore, ou �clatait forte et passionn�e! Voix du ciel, voix de l'enfer, remuant tous les cœurs, vibrant dans toutes les ames ai, les rafra�chissant de suaves m�lodies, ou les torturant sans piti� d'accens aj cruels et d�chirans! Moi, je l'ai vue, cette femme, comme un lutteur �puis� de sa victoire, s'arr�ter, les bras pendans, les yeux �teints, et l'on e�t pu entendre son haleine embras�e s'�chapper in�gale et press�e de sa gorge haletante; et la foule �tait l� sans force, sans voix, osant � peine aspirer l'air... Puis c'�tait comme un r�ve dont on sortait par un coup de tonnerre; il n'y avait qu'un seul cri, qu'un seul enthousiasme, et la jeune fille souriait; ses mains tremblantes se croisaient sur sa poitrine, et des larmes de bonheur brillaient � ses cils abaiss�s. »

Valterna laissa tomber sa t�te sur son sein. « Vous ak l'aimez! dit le Fran�ais en lui pressant la main avec un sentiment d'affection sympathique.

— Oh! elle al �tait ma vie, r�pondit le jeune homme. La voir et l'entendre, c'�tait toute ma joie. Avant elle mes jours coulaient tristes et nonchalans am, j'existais sans passions, sans tourmens, {Mel 13} sans d�sirs: je la vis, je l'entendis, et mes jours se pass�rent � d�sirer le soir, et le soir je sentais an � mes larmes que j'�tais n� pour le bonheur. Les autres l'admiraient, je la b�nissais en secret; ils avaient pour elle de l'enthousiasme, pour elle mon ame avait un culte; elle n'�tait que le soir de leurs jours, elle �tait mes jours tout entiers. Oh! vous ne savez pas ce que c'est que cette existence fade et monotone � laquelle on se laisse aller, vide d'�motions, de {RDP 238} sourires et de peines. C'�tait mon existence � moi, et elle ao m'apparut, bienfait et b�n�diction! et ma vie ap s'alluma � son regard, et mon ame engourdie et triste se r�veilla enthousiaste et forte aux aq accens enchanteurs de sa voix. Le croirez-vous? Jamais ma main n'avait press� la sienne, je croyais que mon regard n'avait jamais arr�t� le sien; mais elle m'avait donn� de ces �motions qui tuent et qui enivrent ar; elle devint un besoin pour moi. Il fallut que chaque soir me rendit le bonheur de la veille. C'�tait comme une religion que je portais dans mon cœur, une religion � laquelle je vouais la vie qu'elle m'avait donn�e. Gina m'avait-elle remarqu�? le bruit de mon admiration fanatique �tait-il parvenu jusqu'� elle? et son ame d'artiste, son ame enthousiaste et neuve avait-elle r�v� quelquefois � {Mel 14} celle qui lui devait ses joies et ses d�lices? Je l'ignorai long-temps as: mais, �trange bizarrerie de ma destin�e! j'�tais heureux, je me disais que l'amour de la gloire remplissait sa vie tout enti�re, et qu'il n'y avait plus en elle de place pour les autres passions. Elle pleurait aux applaudissemens d'une foule idol�tre, elle riait � une parole d'amour; je n'avais donc pas de rival � craindre. Apr�s le bonheur de l'aimer, il at n'y avait rien de plus enivrant que le bonheur d'�tre aim� d'elle; je au n'y croyais pas, et, persuad� qu'elle d�pensait tout son cœur dans ses chants, qu'elle le jetait tout entier sur la sc�ne, je puisais dans l'activit� qu'elle avait fait �clore en moi le sentiment exquis et pur d'une f�licit� sans m�lange. Apr�s vous avoir dit mes premi�rs joies sur la terre, je ne vous parlerai ni du bruit que fit dans V�rone mon amour romanesque pour Gina, ni des �tranges commentaires que chacun hasarda sur mon compte. Le vulgaire ne comprendra jamais ce qui tranche hardiment avec le commun de la vie; et comme pour se venger av de ne pouvoir me comprendre, il s'en rit comme d'une sottise, ou aw s'en �tonne comme d'une folie.

» Cependant deux seigneurs �trangers, voyageant par manie et s'ennuyant partout, {Mel 15} arriv�rent � V�rone. Le ax plus jeune, le comte de C**, fat par principes, sceptique par ton, doutant de tout, except� de sa beaut� et de ses moyens de s�duction; le plus vieux, le duc de R**, profond�ment �go�ste, satur� de plaisirs, pr�t � {RDP 239} tout faire, � tout sacrifier pour colorer un peu la vie p�le et morne qu'il promenait depuis dix ans.

» Il n'�tait bruit alors que de la prima donna ay. Ne pouvant se la az partager, les deux seigneurs la tir�rent ba au sort. Elle �chut au duc de R**. Gina se rit bb et du duc et du sort. Le duc amusa tout V�rone. Son amour-propre fut cruellement bless�. Je l'aurai! bc s'�cria-t-il un matin. Le soir elle �tait � lui; Gina �tait duchesse.

» Ne me demandez pas les raisons qui la d�termin�rent � �changer son bonheur contre un titre et de l'opulence; je bd les ai toujours ignor�es. Pensa-t-elle s'�lever plus haut dans l'opinion en joignant un faux �clat � tant d'�clat solide et r�el dont l'entourait son talent? Eut-elle la faiblesse de se croire au-dessous de ces femmes qui l'applaudissaient tout haut, et qui l'enviaient en secret? H�las! elle �tait plus qu'elles toutes; elle pr�f�ra devenir la derni�re d'entre elles.

» V�rone perdit ses soir�es de d�lices. Une {Mel 16} fi�vre br�lante s'empara de moi, et je n'�chappai � la tombe que pour me sentir agit� de tous les tourmens de l'enfer. Le barbare! il avait d�senchant� ma vie; et cette femme que j'idol�trais, cette femme que j'avais respect�e jusque dans mes r�ves les plus doux, elle �tait � lui, il l'avait � lui seul; je voulus mourir.

» Je n'eus pas m�me la consolation de la savoir heureuse, pour adoucir la douleur qui consumait mes jours. Pauvre Gina! la plante qui cro�t be sur la montagne p�rit � l'ombre des vallons. Son mariage fut splendide et triste. On enviait le bonheur de Gina, elle bf s'y laissa tra�ner en tremblant. D�s le premier jour elle se sentit � l'�troit dans cette destin�e nouvelle. bg Adieu cette vie d'artiste, si pleine et si br�lante; adieu les agitations du th��tre, les enivremens de la gloire! Vint le positif de la vie, froid et sec comme le cœur du riche; celui de Gina s'y brisa. Pauvre femme! le luxe et l'opulence ne lui allaient pas; il fallait � ses larges poumons un air et plus �pre et plus libre. Ses joues se cav�rent, et ses grands yeux bleux se marbr�rent de noir. Triste sans chagrin, on la vit d'abord joyeuse sans gaiet�. Si le soir, dans ses salons brillans qui r�unissaient toute la noblesse de V�rone, elle {Mel 17} s'abandonnait � la {RDP 240} verve de son talent, si elle retrouvait ses br�lantes inspirations, vous eussiez vu ses joues se colorer, ses yeux s'animer, quelque chose d'inspir� briller dans ses regards. Qu'elle �tait belle encore! On l'entourait alors, on la complimentait, et son regard s'�teignait tout � coup, et sa t�te tombait bh tristement sur son sein. Ce n'�taient plus cette extase immobile, ce silence contemplatif, ces tr�pignemens fr�n�tiques; ce n'�taient plus ces femmes br�lant de sa passion et pleurant de ses larmes, ces mouchoirs qui s'agitaient, ce lustre �tincelant sous la vo�te retentissante, cette pluie de fleurs qui tombait � ses pieds; ce n'�taient plus ces cris qui la rappelaient sur la sc�ne: dans ses salons tout �tait froid et morne. En vain chercha-t-elle � vaincre cette r�verie am�re qui la consumait; en vain essaya-t-elle des chants vifs et joyeux: si elle venait � laisser courir ses doigts sur le piano, si elle for�ait sa voix � des mesures vives et press�es, bient�t seule au milieu de la foule �tonn�e, elle revenait aux noires pens�es qui l'assi�geaient sans cesse, ses bi doigts erraient lentement sur les touches plaintives, sa voix s'affaiblissait, des phrases d'une harmonie poignante sortaient sourdement de sa poitrine, et {Mel 18} les chants commenc�s dans la joie allaient mourir dans la douleur.

» Bient�t son �tat empira. En vain son mari l'entourait de tout le bien-�tre de la vie ext�rieure, la ber�ait de toutes les molles aisances que peut donner la fortune, chaque bj jour emportait un d�bris de sa beaut�; depuis longtemps bk c'en �tait fait de son bonheur. » bl

Valterna s'interrompit, passa � plusieurs reprises sa main sur son front d�couvert, regarda la pendule, et continua apr�s quelques instans de silence bm. Sa voix �tait alt�r�e; quelques �clairs de joie traversaient parfois son visage, et son cœur semblait bondir d'impatience.

« Je voyageai dans l'espoir de me distraire; je bn revins plus malheureux que jamais. L'image de Gina m'avait suivi partout, comme bo un g�nie de malheur attach� � mes pas, comme un remords {RDP 241 } cramponn� � mon cœur. Partout bp je l'avais retrouv�e, partout j'avais entendu sa voix, dans le bruit des vents, dans le murmure des vagues, dans le silence du d�sert. Gina! le soleil des sables br�lans m'avait consum� de tous ses feux, j'avais gravi tout sanglant le rochers, j'avais dormi sur la neige des monts, et je n'avais jamais �t� tortur� que de son souvenir. Mon ame s'ulc�ra, mon caract�re {Mel 19} s'aigrit; je revins � V�rone, mort aux �motions douces. Je ne sentis que col�re et fureur au th��tre, � cette place solitaire o� j'avais go�t� la vie; dans ces lieux o� elle m'avait vers� des torrens de d�lices, je n'�prouvai que rage et jalousie.

» 3 La t�te de l'infortun�e Gina s'�tait �gar�e. Malheureuse, son mari l'avait accus�e de folie. Folle bq, il l'accusa d'ingratitude. Il �tait dans sa nature de s'indigner de tout ce qui froissait son ti�de bonheur, de s'irriter des maux d'autrui, non par piti�, mais par �go�sme. Il vint un temps o� la pauvre femme se levait toutes les nuits, p�le et silencieuse, s'habillait lentement, bouclait avec soin ses longs cheveux noirs, et apr�s avoir contempl� avec un sourire m�lancolique la glace qui l'avait autrefois r�fl�chie et si br fra�che et si belle, elle parcourait les vastes appartemens de son palais; et tout � coup elle s'arr�tait; se bs croyant sur la sc�ne, pensant avoir un public � remuer, des couronnes � recevoir, elle bt �tait tour � tour Anna, Juliette bu, Am�na�de; sa voix s'�levait sous la vo�te sonore, les modulations les plus suaves sortaient de ses l�vres, et bv les phrases harmonieuses coulaient douces bw et cadenc�es, comme l'eau murmurant sur les cailloux polis. On dit que {Mel 20} parfois, lorsque ses chants avaient cess�, ses yeux inquiets et hagards semblaient interroger la foule; qu'elle r�pondait par un long cri au silence de mort qui r�gnait autour d'elle, et qu'elle tombait alors, froide comme la pierre qu'allait frapper sa t�te �chevel�e.

» On assure qu'� cette �poque ma raison se troubla. Il est certain qu'une �trange r�verie s'empara de mon cerveau; je bx ne sais par quelle fatalit� je vins � croire que Gina m'aimait, qu'en des temps plus heureux ma t�te avait repos� sur son sein; qu'elle by m'appelait encore dans le silence embras� de ses nuits. Que vous dirai-je? J'�tais fou, fou de malheur. Je ne sais ce que je r�solus, {RDP 242} mais un soir que le duc de R** donnait une f�te aux seigneurs de V�rone, je me m�lai � la foule �l�gante qui se pressait dans la cour de son palais, et je glissai inaper�u bz � travers les colonnes de marbre: bient�t ca la fra�cheur parfum�e du soir caressa mon visage, et je me trouvai dans les all�es ombreuses d'un jardin immense et d�sert. J'errai long-temps cb, sombre et soucieux, aux sons de la mandoline, aux refrains de la Tarentaise, et lorsque cc je secouai les id�es vagues et p�nibles qui cd m'oppressaient comme un cauchemar, les chants de f�te avaient cess�, les {Mel 21} flambeaux �taient �teints, et le palais s'�levait devant moi, silencieux comme une tombe. Rafra�chi par la brise, qui m'apportait les parfums des cythises, la t�te plus calme et les sens repos�s, je contemplais sa fa�ade ce d'architecture composite, sans cf chercher � me rendre compte de l'endroit o� je me trouvais et des motifs qui m'y avaient conduit, lorsque j'aper�us � travers les larges carreaux l'�clat d'une lumi�re qui tremblait, blanche et triste, sur des rideaux de velours cramoisi. Une voix s'�leva dans le silence solennel de la nuit cg, et l'air vint en fr�missant se briser sur les vitres qui, frapp�es ch en m�me temps des rayons de la lune, brillaient de mille facettes d'argent. Je tressaillis: c'�tait sa voix c�leste! Je sentis mon cœur rajeuni s'�panouir comme en ses beaux jours; c'�tait Gina! Je l'entendais encore! Plusieurs portes de glace roul�rent sur leurs gonds; la voix s'approcha plus ci grave et plus sonore; l'herbe fra�che fl�chit en criant; un cj fr�lement de robe agita le feuillage, et � travers les citronniers et les myrthes ck je vis Gina s'avancer lentement, p�le, les cheveux s�par�s sur le front en deux bandes noires et luisantes, et �clair�es cl par la lune qui, bizarrement cm d�coup�e par les nuages, jouait de ses {Mel 22} rayons capricieux avec les plis de son v�tement blanc. Son aspect me fascina, et je restai immobile, les mains tendues vers elle.

» Ses bras cn �taient nus, ses �paules � moiti� d�couvertes, et sa robe fine et l�g�re dessinait la maigreur diaphane de ce corps que depuis si long-temps l'ame fatiguait et brisait sans cesse. Elle alla s'asseoir sur un tertre de gazon humide, et l�, appuy�e sans art, presque sans gr�ce, d'une voix triste et plaintive, elle co chanta la romance du Saule cp: c'�tait Desdemona, la Desdemona de {RDP 243} Shakspeare; cq m�lancolique comme la nuit qui cr semblait g�mir avec elle, pressentant sa terrible destin�e, la pr�disant dans chacun de ses accens, la racontant dans chacun de ses regards. Je l'�coutais dans une muette extase; tout-�-coup cs elle poussa un cri d�lirant, et je frissonnai. Elle avait vu dans l'ombre surgir une figure froidement atroce; elle ct venait d'apprendre qu'il fallait mourir! Oh! il fallait la voir, na�ve comme la peur d'un enfant, ou cu am�re comme le m�pris, passer de la crainte qui supplie � l'indignation qui foudroie, et se dresser, grande et terrible, dans sa fiert� de femme outrag�e! et puis comme cv une pauvre fille qui a besoin d'amour et de pardon. Il cw fallait la voir arrondir ses {Mel 23} bras souples et blancs, comme cx pour enlacer le cou rude et basan� du barbare, le menacer, le prier encore, et, glac�e de terreur, tomber � ses pieds, palpitante comme la colombe sous la serre cruelle du vautour! et ses larmes m�lodieuses, ses �nergiques protestations, ses lamentables cris, si vous les aviez entendus! Pleure! pleure! pauvre cy V�nitienne! c'�tait cz bien la peine de quitter ta patrie, et ton p�re, et ta gloire da pour ce monstre alt�r� de sang! Ton heure est venue; le poignard est bien luisant; la db nuit est bien sombre..... dc Pauvre V�nitienne, il faut mourir. dd — Mourir! et elle de fuyait, p�le, les yeux �gar�s, sublime de peur..... et au df moment o� l'amour de la vie d�ployait dans toute sa vigueur la puissante �nergie de ses moyens, au moment o� sa voix poignait l'ame de toute l'harmonie d�chirante de ses accens, elle s'arr�ta, comme frapp�e d'une commotion �lectrique, le regard fixe, le cou tendu, immobile et froide comme une statue de marbre..... L'orchestre dg ne va pas, murmura-t-elle lentement, les lumi�res p�lissent; tout est muet autour de moi!... Oh! mon Dieu! s'�cria-t-elle avec d�sespoir. Lui aussi! et dh sa main semblait indiquer une place o� ses yeux se reposaient tristement. Lui aussi, il {Mel 24} se tait!... Lui, dont j'�tais la vie, di ajouta-t-elle d'une voix myst�rieuse... Pourquoi donc?... Je br�lais; je m'�lan�ai vers elle: dj je voulus l'attirer sur mon sein; mais � peine eus-je touch� son v�tement qu'elle frissonna de la t�te aux pieds, et ses traits peignirent une souffrance physique qui me gla�a d'effroi... Reste, dk oh! reste, m'�criai-je! Gina, dl j'ai tant souffert! Oh! {RDP 244} viens, plus pr�s encore! ma Gina! dm mon amour! souffrances dn, tourmens, peines am�res; do un chant de ta voix a tout emport�!... Elle me regarda d'un air �tonn�; une de ses mains s'appuya sur son cœur, l'autre sur son front, et elle eut l'air de chercher � se ressouvenir. Oh! je te connais bien, dp dit-elle... Mon regard �tait �tincelant, ma voix forte et br�ve. La dq terre fuyait sous mes pieds. Je m'�lan�ai; je saisis Gina dr dans mes bras; mais elle poussa un cri per�ant, et s'arrachant ds � mes �treintes, elle glissa comme une ombre � travers le feuillage; je courus sur ses pas, mais dt la lune n'�clairait plus, la nuit �tait noire; furieux du, �gar�, apr�s avoir escalad� le mur du jardin et parcouru long-temps les rues d�sertes de V�rone, sans dv savoir o� j'allais, sans chercher � le savoir, je rentrai chez moi, j'eus la fi�vre; j'ignore dw ce que je devins, et les jours {Mel 25} s'�coul�rent sans que j'en marquasse le cours.

» Rendu � la vie et � la raison, cette nuit de d�lire me poursuivit d'abord de paroles vagues et myst�rieuses. Je me rappelais qu'autrefois tout V�rone avait parl� de la passion sympathique que la prima donna nourrissait pour moi; incr�dule dx comme autrefois, je souriais de mes souvenirs: mais au moins j'avais marqu� dans la vie de Gina, je n'avais point travers� son existence comme une joie qui passe et qu'on oublie, comme un jour qu'un autre jour efface. Puis une incertitude effrayante me plongea dans mille tourmens. Je songeai � mes jours de folie: je me crus abus� par les r�ves fantasques de la fi�vre qui m'agitait alors; cette nuit de d�lices disparut dans un lointain douteux; ma t�te trop dyfaible pour tant de bonheur la rejeta bient�t sans y croire; et cependant, ange d�chu, je ne sais quelle id�e confuse du ciel vivait en moi, j'ignore dz � quels souvenirs du pass� mon sang refluait violemment vers mon cœur. Je fus long-temps souffrant et faible. D�s que j'eus retrouv� des forces, je ea voulus revoir encore ce th��tre o� j'allais autrefois pour vivre. Je m'y tra�nai avec peine, et je tombai accabl� de fatigue sur le dernier banc. Gina remplissait encore cette salle {Mel 26} d�serte et eb le pass� se dressa tout vivant devant moi. H�las! je ne vous dirai ni ma joie ni mes peines. Qui n'a pas revu apr�s ec des jours de tourmente ed et d'orage les ee lieux o� s'�coula la {RDP 245} fra�che matin�e de la vie? Qui ef n'a pas eu � y pleurer sur des souvenirs et des tombes?

» Le rideau n'�tait pas lev�, les premiers accords de l'ouverture n'avaient pas encore fait passer le frisson sur toutes les ames eg, lorsqu'un mouvement semblable se communiqua � l'assembl�e. Tous eh les regards se port�rent avec int�r�t, avec une admiration m�l�e de piti�, vers ei une loge d'avant-sc�ne, o� venait d'appara�tre une femme voil�e. Je n'eus pas besoin de voir ses traits, je n'eus pas besoin d'entendre prononcer son nom pour la reconna�tre. Son ej apparition apportait dans le cœur comme un souvenir des m�lodies du ciel. Je n'�coutai pas le Don Juan qu'on jouait sur la sc�ne, et pourtant toutes les �motions de cette œuvre sublime pass�rent dans mon cerveau exalt�. Je m'�tais approch� jusqu'au banc adoss� contre cette loge, o� Gina s'enivrait douloureusement des triomphes d'autrui. L�, tout pr�s d'elle, je respirais ses parfums, je comptais les palpitations de son sein. La cantatrice qui remplissait le r�le de dona Anna 4 fut applaudie {Mel 27} avec transport. Je ek secouai tristement la t�te, et je fus froiss� de d�pit; j'�tais jaloux, comme si la gloire de Gina m'e�t appartenu el, comme si c'e�t �t� me voler que d'en donner � une autre qu'elle. Mais Rosetta �tait l'amie de Gina: plus em jeune qu'elle de quelques ann�es, elle en avait re�u ses le�ons; elle lui devait son talent, son succ�s, et peut-�tre aussi le sentiment �lev� d'une reconnaissance g�n�reuse et d�licate. Gina l'encourageait de ses regards et de ses gestes; le eo triomphe de la jeune d�butante fut complet. Elle ep fut redemand�e et couronn�e � la fin de la pi�ce. Alors, modeste et touchante, elle s'approcha de la loge d'avant-sc�ne, et eq tendit la couronne � son amie, qui la refusa. Je la ramassai comme elle tombait des mains de Rosetta, et, me penchant vers celle dont une faible barri�re me s�parait, je la posai sur sa t�te, en m'�criant: « A Gina er, � la reine du chant! » Un es tonnerre d'applaudissemens me r�pondit. Gina s'�tait lev�e, faible, �mue, malade, mais radieuse de joie. Elle appuya une main sur mon �paule; au milieu de l'enivrement de sa gloire, elle eut un regard pour moi; sa bouche murmura faiblement mon nom. Aussit�t elle fut entra�n�e par le duc {RDP 246} de R**, qui s'�lan�a, sombre et m�content, au milieu {Mel 28} de cette sc�ne de d�lire, et vint arracher sa femme aux rapides instans de joie qu'elle venait de retrouver.

» Ce n'�tait donc pas un songe, une vision de mes nuits agit�es. Gina et savait mon nom, mon amour; peut-�tre eu aussi se rappelait-elle confus�ment m'avoir parl� dans une de ses nuits de fi�vre et d'�garement. Une rapide esp�rance me rendit la raison: je fis des projets comme e�t pu les faire un homme dans son bons sens, je pr�tai int�r�t aux choses ext�rieures, je compris ce qui se passait autour de moi. Gina se mourait: je passai mes jours et mes nuits � songer aux moyens de lui rendre la vie. J'entendis parler d'un c�l�bre m�decin qui venait d'arriver de Londres, et ev qui �tait descendu dans cette h�tellerie. Je vins le trouver. « Si ew vous la sauvez, lui dis-je, je suis � vous. Ce n'est pas seulement ma fortune que je vous donnerai, c'est mon sang, c'est mon cœur, c'est ma vie qui vous appartiendront. » Le ex m�decin m'interrogea. On l'avait d�j� fait appeler aupr�s de la duchesse de R*** ey. Il ez l'avait trouv�e au dernier p�riode 5 d'une maladie de langueur dont il ignorait la cause. Ce n'est pas le duc de R*** qui la lui aurait apprise. Je fa m'en chargeai pour lui. « Ne fb voyez-vous pas, lui dis-je, que {Mel 29} cette ame d'artiste, avide de secousses et d'�motions, languit et meurt dans la fastueuse indolence des grandeurs o� on l'a rel�gu�e? La cantatrice est devenue duchesse; et fc l'on demande pourquoi Gina se meurt d'ennui et de d�go�t! C'est la gloire qu'il lui faut: qu'on la rende � son �l�ment, et vous la verrez refleurir. » fd

» Le m�decin parla. Le duc repoussa d'abord cette id�e avec hauteur. Il vit sa femme pr�te � mourir; elle �tait n�cessaire � son bonheur: il fit pour lui-m�me ce qu'il n'e�t pas fait pour elle. Il fe promit tout. L'espoir et la joie ont donn� un peu de force � Gina; ce soir ff elle est rendue au th��tre, � V�rone, � la vie; dans fg un instant je vais l'entendre... Mon ami, dites-moi, pensez-vous qu'on meure de bonheur? »

La pendule sonna sept heures; la fh foule se pr�cipita hors de l'h�tellerie, et fi se porta vers le th��tre. Valterna agrafa son �p�e, jeta {RDP 247} son manteau sur lui, saisit convulsivement le bras du Fran�ais, et fj fut s'asseoir fk � l'orchestre.

L'ouverture de Romeo et Giuletta fl 6 finie, le rideau se leva lentement; l'orchestre se tut, et fm tel fut le religieux silence qui r�gnait dans la salle qu'on put entendre fr�mir long-temps les derniers accords, s'�levant l�gers comme {Mel 29} un nuage, planant sur la foule immobile, et se brisant sur la vo�te, comme fn les ondulations de l'eau agit�e contre la pierre du bassin qui l'enferme. Lorsque Gina parut, tous fo les fronts se d�couvrirent, et d'un mouvement spontan� la foule se leva comme un seul homme. Pas un cri, pas un murmure: elle fp �tait muette. Il n'y eut alors ni joie ni enthousiasme; il fq n'y eut qu'attendrissement et piti�, et fr ce fut un touchant spectacle que de voir tous ces visages empreints d'une commune douleur au milieu de cette salle par�e de luxe et d'�l�gance. Gina s'avan�a � pas lents, les bras maigres, les yeux �teints et les joues caves; mais fs plus belle que jamais de la beaut� qu'elle avait perdue, belle de ses longues souffrances, de son long veuvage de gloire, belle comme la jeune �pouse qui sort de ses habits de deuil, p�le et les yeux br�l�s de larmes. Mais lorsqu'elle fut arriv�e sur le bord de la sc�ne, et que, simple et na�ve, elle se fut inclin�e, alors, comme la bombe tombant avec fracas sur les pav�s d'une ville endormie, la foule �clata tout � coup. La clart� des lumi�res vacilla au bruit des longs cris d'enthousiasme; les fleurs pleuvaient, les loges �tincelaient de pierreries, et les ft �charpes blanches et roses s'agitaient dans l'air embaum�. {Mel 31} Gina �tait sublime alors. Les fu yeux brillans, d�vor�e d'inspiration, victime haletante sous le g�nie qui la pressait, les ressorts de son �me ardente reprenaient toute la verve, toute la hardiesse de la jeunesse, plus �nergiques, plus br�lans que jamais, comme la force �lastique qui, long-temps fv comprim�e, ne bondit qu'avec plus de violence. Qu'elle �tait belle avec sa figure p�le et passionn�e, avec son sein qui palpitait, impatient d'harmonie! Elle chanta comme jamais elle n'avait chant� en ses plus beaux jours. Dans tout le cours de la pi�ce, exalt�e par les applaudissements fr�n�tiques, elle s'�leva au-dessus de tout ce que l'Italie avait produit de g�nie et de m�lodie. Surprise elle-m�me {RDP 248 } de la puissance de ses moyens, elle dit � Rosetta, dans le dernier entr'acte, qu'il lui semblait qu'une autre voix que la sienne, une voix magique, s'exhalait fw, m�le et pleine, de ses poumons �largis. Rosetta remplissait le r�le de Rom�o. Sa belle voix de contralto, grave et sonore, avait �t� cultiv�e par les soins de la duchesse de R**. Maintenant fx elle partageait son triomphe, son enthousiasme et ses inspirations. Elle-m�me l'arrangea dans le cercueil qui renferme, au dernier acte, Giuletta endormie, sous les fausses apparences du tr�pas. {Mel 32} Elle d�tacha ses longs cheveux noirs, arrangea la couronne de roses blanches sur son front; et l'embrassant fy avec tendresse: « Heureuse et gu�rie! » lui dit-elle, et Gina fz lui sourit en la pressant sur son cœur.

La foule attendait, le ga rideau se releva aux accords lugubres d'un chant de mort. Rom�o para�t, chante le beau r�citatif du dernier acte, �te le couvercle du s�pulcre, y trouve son amante � la place de l'ennemi qu'il a tu�, se tord les bras avec une path�tique �nergie d'effroi et de d�sespoir, boit le poison qui doit le r�unir � Juliette 7, revient � elle pour lui adresser un dernier adieu, la soul�ve dans ses bras..... gb

Ici le public interdit se leva. Rosetta avait pouss� un cri de terreur, et le corps qu'elle avait soulev� retomba lourd et roide dans le cercueil o� Juliette devait se r�veiller....... gc Juliette ne se r�veilla pas.

Tant d'�motions long-temps perdues, longtemps d�sir�es, retrouv�es et senties avec tant de puissance, avaient gd bris� ce corps �puis� de maladie. Gina ge �tait morte aux accords suaves et religieux de Zingarelli, au milieu du dernier et du plus beau de ses triomphes.

Deux hommes comprirent les premiers la {Mel 33} v�rit�; ils gf s'�lanc�rent sur la sc�ne par deux c�t�s diff�rens. Le second fut le duc de R**; le premier avait �t� Valterna, qui, rugissant de douleur, alla s'�teindre aux pieds de Juliette.



JULES SAND. 8


Variantes

  1. LA PRIMA DONA {Mel}
  2. V�rone on vit {RDP}, {Mel} ♦ V�rone, on vit {PGS}
  3. extraordinaire. Des {RDP} ♦ extraordinaire; des {Mel}
  4. la cour; on {RDP} ♦ la cour, on {Mel}
  5. chaleur. Un {RDP} ♦ chaleur; un {Mel}
  6. puissans {RDP} ♦ puissants {Mel} (Nous ne rel�verons plus ces variantes ~ans - ~ants)
  7. ann�es. Son {RDP} ♦ ann�es; son {Mel}
  8. une chaise demi-bris�e pr�te � manquer sous son poids. {RDP} ♦ une chaise demi-bris�e. {Mel}
  9. « Valterna! » lui {RDP} ♦ — Valterna! lui {Mel} (Par la suite nous indiquerons par la mention [TIRET] ce remplacement des guillemets par un tiret. L'appel de variante sera plac� apr�s le guillemet droit si l'�change de paroles est bref; il sera plac� apr�s le guillemet gauche dans les autres cas, et un autre appel de variante sera alors plac� apr�s le guillemet droit.)
  10. sur l'�paule. Il ne bougea pas; seulement {RDP} ♦ sur l'�paule. / Il ne bougea pas, seulement {Mel}
  11. [TIRET] {Mel}
  12. dit-il. Et son {RDP} ♦ dit-il. / Et son {Mel}
  13. [TIRET] {Mel}
  14. cet homme? {RDP} ♦ cet homme! {Mel}
  15. � V�rone. C'est {RDP} ♦ � V�rone. / — C'est {Mel}
  16. jeune homme. Non {RDP} ♦ jeune homme. / — Non {Mel}
  17. un dilettante. Un {RDP} ♦ un dilettante. / — Un {Mel}
  18. autre. Un {RDP} ♦ autre. / — Un {Mel}
  19. la v�rit�? — C'est {RDP} ♦ la v�rit�?... / — C'est {Mel}
  20. pas de guillemet dans {Mel}
  21. Gina; d'autres, que {RDP} ♦ Gina, d'autres que {Mel}
  22. [TIRET] {Mel}
  23. r�pondre, car {RDP} ♦ r�pondre; car {Mel}
  24. coll�ge {RDP}, {Mel} ♦ coll�ge {PGS}
  25. [TIRET] {Mel}
  26. les ann�es. » Numa {RDP} ♦ les ann�es. / Numa {Mel}
  27. l'interroge {RDP} ♦ l'interrogea {Mel}
  28. l'exiger. « Gina! {RDP} ♦ l'exiger. / Gina! {Mel}
  29. pas de guillemet dans {Mel}
  30. [TIRET] {Mel}
  31. la femme du duc de R** {RDP}, {Mel} ♦ la femme de R** {PGS} (oubli?)
  32. pauvre Ginetta; dit {RDP} ♦ Ginetta! dit {Mel}
  33. des richesses / » Elle {RDP} ♦ des richesses. Elle {Mel} des richesses / « Elle {PGS}
  34. � la fois. {RDP} ♦ � la fois! {Mel}
  35. ames {RDP} ♦ �mes {Mel} (il en va ainsi tout au long; on n'y reviendra plus)
  36. accens {RDP} ♦ accents {Mel} (Nous ne rel�verons plus ces variantes ~ens - ~ents)
  37. son sein. « Vous {RDP} ♦ son sein. / — Vous {Mel}
  38. Oh! elle {RDP} ♦ Oui, elle {Mel}
  39. nonchalans {RDP} ♦ nonchalants {PGS}
  40. je sentais {RDP} ♦ je sentis {Mel} (indavertance ou correction?)
  41. et elle {RDP} ♦ et Gina {Mel}
  42. b�n�diction! et ma vie {RDP} ♦ b�n�diction! ma vie {Mel}
  43. se r�veilla enthousiaste et forte aux {RDP} ♦ se r�veilla aux {Mel}
  44. qui tuent et qui enivrent {RDP} ♦ qui enivrent et qui tuent {Mel}
  45. long-temps {RDP} ♦ longtemps {Mel}(Nous ne rel�verons plus cette variante)
  46. l'aimer, il {RDP} ♦ l'aimer il {Mel}
  47. aim� d'elle; je {RDP} ♦ aim� d'elle, je {Mel}
  48. et comme pour se venger {RDP} ♦ et, comme pour se venger {Mel}, {PGS}
  49. sottise, ou {RDP} ♦ sottise ou {Mel}
  50. � V�rone. Le {RDP}, {Mel} ♦ � V�rone: le {PGS}
  51. prima dona {Mel} (Il en sera de m�me pour la seule autre occurence de ce mot, outre celle du titre)
  52. Ne pouvant se la {RDP} ♦ Ne pouvant la {Mel}
  53. les deux seigneurs la tir�rent {RDP}, {Mel} ♦ les deux seigneurs tir�rent {PGS}
  54. au duc de R**. Gina se rit {RDP}, {Mel} ♦ au duc de R**; Gina rit {PGS}
  55. bless�. Je l'aurai! {RDP} ♦ bless�. — Je l'aurai! {Mel}
  56. l'opulence; {RDP} ♦ je l'opulence: je {Mel}
  57. cro�t {RDP} ♦ croit {Mel} (inadvertance)
  58. Gina, elle {RDP} ♦ Gina; elle {Mel}
  59. nouvelle. {RDP} ♦ nouvelle! {Mel}
  60. sa t�te tombait {RDP} ♦ sa t�te s'affaissait {Mel}
  61. sans cesse, ses {RDP} ♦ sans cesse; ses
  62. la fortune, chaque {RDP} ♦ la fortune: chaque {Mel}
  63. depuis long-temps {RDP} ♦ depuis longtemps {PGS}
  64. (le guillemet est pr�sent dans {Mel} .)
  65. instans de silence {RDP} ♦ instants de silence {PGS}
  66. me distraire; je {RDP} ♦ me distraire: je {Mel}
  67. partout, comme {RDP} ♦ partout comme {Mel}
  68. mon cœur. Partout {RDP} ♦ mon cœur; partout {Mel}
  69. de folie. Folle {RDP} ♦ de folie; folle {Mel}
  70. r�fl�chie et si {RDP} ♦ r�fl�chie si {Mel} (oubli?)
  71. elle s'arr�tait; se {RDP} ♦ elle s'arr�tait, se {Mel} ♦ elle s'arr�tait: se {PGS}
  72. � recevoir, elle {RDP} ♦ � recevoir; elle {Mel}
  73. Juliette {RDP}, {Mel} ♦ Julienne {PGS} (inadvertance)
  74. de ses l�vres, et {RDP} ♦ de ses l�vres; et {RDP} ♦ de ses l�vres, et {Mel}, {PGS}
  75. coulaient douces {RDP} ♦ coulaient, douces {Mel}
  76. cerveau; je {RDP} ♦ cerveau: je {Mel}
  77. sur son sein; qu'elle {RDP} sur son sein, qu'elle {Mel}, {PGS}
  78. in�per�u {RDP} (c'est bien s�r une coquille)
  79. marbre: bient�t {RDP} ♦ marbre. Bient�t {Mel}
  80. long-temps {RDP} ♦ longtemps {PGS}
  81. la Tarentaise, et lorsque {RDP}la Tarentaise et, lorsque {Mel}
  82. p�niblesq ui {RDP} (autre coquille)
  83. je contemplais sa fa�ade {RDP} ♦ j'en contemplais la fa�ade {Mel}
  84. composite, sans {RDP} ♦ composite sans {Mel}
  85. silence solennel de la nuit {RDP} ♦ silence de la nuit {Mel}
  86. sur les vitres qui, frapp�es {RDP} ♦ sur les vitres, qui, frapp�es {Mel}
  87. s'approcha plus {RDP} ♦ s'approcha, plus {Mel}
  88. en criant; un {RDP} ♦ en criant, un {Mel}
  89. et les myrthes {RDP} ♦ et les myrtes {Mel}
  90. en deux bandes noires et luisantes, et �clair�es {RDP} ♦ en deux bandeaux noirs et luisants et �clair�s {Mel}
  91. la lune qui, bizarrement {RDP} ♦ la lune, qui, bizarrement {Mel}
  92. Ses bras {RDP} (le guillemet �tait oubli�)
  93. plaintive, elle {RDP} ♦ plaintive elle {Mel}
  94. la romance du Saule {RDP} ♦ la romance du Saule {Mel}
  95. Desdemona, la Desdemona de Shakspeare; {RDP} ♦ Desd�mona, la Desd�mona de Shakespeare, {Mel}
  96. la nuit qui {RDP} ♦ la nuit, qui {Mel}
  97. tout-�-coup {RDP} ♦ tout � coup {Mel}, {PGS}
  98. atroce; elle {RDP} ♦ atroce: elle {Mel}, {PGS}
  99. d'un enfant, ou {RDP} ♦ d'un enfant ou {Mel}
  100. et puis comme {RDP} ♦ et puis, comme {Mel}
  101. pardon. Il {RDP} ♦ pardon, il {Mel}
  102. blancs, comme {RDP} ♦ blancs comme {Mel}
  103. entendus! Pleure! pleure! pauvre {RDP} ♦ entendus!... Pleure, pleure, pauvre {Mel}
  104. c'�tait {RDP} ♦ C'�tait {Mel}
  105. ta patrie, et ton p�re, et ta gloire {RDP} ♦ ta patrie et ton p�re et ta gloire {Mel}
  106. luisant; la {RDP} ♦ luisant, la {Mel}
  107. bien sombre..... {RDP} ♦ bien sombre...... {Mel} ♦ bien sombre... {PGS} (il en est de m�me un peu plus bas, apr�s de peur et apr�s de marbre)
  108. mourir. {RDP} ♦ mourir! {Mel}
  109. Mourir! et elle {RDP} ♦ Mourir! elle {Mel}
  110. sublime de peur..... et au {RDP} ♦ sublime...... et, au {Mel}
  111. marbre..... L'orchestre {RDP} ♦ marbre. — L'orchestre {Mel}{PGS} ins�re des guillemets autour des parties dialogu�es de ce paragraphe. Nous respectons le choix de {RDP}.
  112. Lui aussi! et {RDP} ♦ Lui aussi! — Et {Mel}
  113. tristement. Lui aussi, il se tait!... Lui, dont j'�tais la vie, {RDP} ♦ tristement. — Lui aussi il se tait! lui dont j'�tais la vie! {Mel}
  114. Je br�lais; je m'�lan�ai vers elle: {RDP} ♦ Je br�lais: je m'�lan�ai vers elle, {Mel}
  115. d'effroi... Reste, {RDP} ♦ d'effroi. — Reste! {Mel}
  116. m'�criai-je! Gina, {RDP} ♦ m'�criai-je, Gina! {Mel}
  117. viens, plus pr�s encore! ma Gina! {RDP} ♦ viens! plus pr�s encore, ma Gina, {Mel}
  118. souffrances {RDP} ♦ Souffrances {Mel}, {PGS}
  119. peines am�res; {RDP} ♦ peines am�res, {Mel}, {PGS}
  120. ressouvenir. Oh! je te connais bien, {RDP} ♦ ressouvenir. — Oh! je te connais bien! {Mel}
  121. br�ve. La {RDP} ♦ br�ve; la {Mel}
  122. sous mes pieds. Je m'�lan�ai; je saisis Gina {RDP} ♦ sous mes pieds. Je voulus saisir Gina {Mel} ♦ sous mes pieds. Je m'�lan�ai, je saisis Gina {PGS}
  123. et s'arrachant {RDP} ♦ et, s'arrachant {Mel}, {PGS}
  124. feuillage; je courus sur ses pas, mais {RDP} ♦ feuillage. Je courus sur ses pas; mais {Mel}
  125. noire; furieux {RDP} ♦ noire. Furieux {Mel}
  126. V�rone, sans {RDP} ♦ V�rone sans {Mel}
  127. la fi�vre; j'ignore {RDP} ♦ la fi�vre. J'ignore {Mel}
  128. pour moi; incr�dule {RDP} ♦ pour moi. Incr�dule {Mel}
  129. ma t�te trop {RDP} ♦ ma t�te, trop {Mel}
  130. en moi, j'ignore {RDP} ♦ en moi; j'ignore {Mel}
  131. forces, je {RDP} ♦ forces je {Mel}
  132. salle d�serte et {RDP} ♦ salle d�serte, et {Mel}, {PGS}
  133. revu apr�s {RDP} ♦ revu, apr�s {Mel}
  134. de tourmente {RDP}, {Mel} ♦ de tourment {PGS} (oubli?)
  135. d'orage les {RDP} ♦ d'orage, les {Mel}
  136. de la vie? Qui {RDP} ♦ de la vie? qui {Mel}
  137. les ames {RDP} ♦ les �mes {PGS}
  138. � l'assembl�e. Tous {RDP} ♦ � l'assembl�e: tous {Mel}
  139. de piti�, vers {RDP} ♦ de piti� vers {Mel}
  140. la reconna�tre. Son {RDP} ♦ la reconna�tre; son {Mel}
  141. avec transport. Je {RDP} ♦ avec transport: je {Mel}
  142. appartenu {RDP} ♦ appartenue {Mel}
  143. Gina: plus {RDP} ♦ Gina; plus {Mel}
  144. ann�es, elle {RDP} ♦ ann�es elle {Mel}
  145. de ses gestes; le {RDP} ♦ de ses gestes. Le {Mel}
  146. complet. Elle {RDP} ♦ complet; elle {Mel}
  147. d'avant-sc�ne, et {RDP} ♦ d'avant-sc�ne et {Mel}, {PGS}
  148. « A Gina {RDP} ♦ — A Gina {Mel}
  149. » Un {RDP} ♦ — Un {Mel}
  150. agit�es. Gina {RDP} ♦ agit�es: Gina {Mel}
  151. mon amour; peut-�tre {RDP} ♦ mon amour, peut-�tre {Mel}
  152. de Londres, et {RDP} ♦ de Londres et {Mel}
  153. h�tellerie. Je vins le trouver. « Si {RDP} ♦ h�tellerie: je vins le trouver. — Si {Mel}
  154. appartiendront. » Le {RDP} ♦ appartiendront. — Le {Mel}
  155. duchesse de R*** {RDP} ♦ duchesse de R** {Mel}, {PGS} (de m�me un peu plus loin: duc de R**)
  156. de R**. Il {RDP} ♦ de R**: il {Mel}
  157. apprise. Je {RDP} ♦ apprise: je {Mel}
  158. pour lui. « Ne {RDP} ♦ pour lui. — Ne {Mel}
  159. duchesse; et {RDP} ♦ duchesse, et {Mel}
  160. comme {PGS} nous ajoutons le guillemet qui s'impose.
  161. pour elle. Il {RDP} ♦ pour elle, il {Mel}
  162. � Gina; ce soir {RDP} ♦ � Gina. Ce soir {Mel}
  163. � la vie; dans {RDP} ♦ � la vie, dans {Mel}
  164. sept heures; la {RDP} ♦ sept heures: la {Mel}
  165. l'h�tellerie, et {RDP} ♦ l'h�tellerie et {Mel}
  166. du Fran�ais, et {RDP} ♦ du Fran�ais et {Mel}
  167. et fut s'asseoir {RDP}, {Mel} ♦ et fus s'asseoir {PGS} (inadvertance)
  168. Romeo et Giuletta {RDP}Romeo e Giuletta {Mel}
  169. lentement; l'orchestre se tut, et {RDP} ♦ lentement, l'orchestre se tut; et {Mel}
  170. la vo�te, comme {RDP} ♦ la vo�te comme {Mel}
  171. Gina parut, tous {RDP} ♦ Gina parut tous {Mel}
  172. un murmure: elle {RDP} ♦ un murmure, elle {Mel}
  173. ni enthousiasme; il {RDP} ♦ ni enthousiasme, il {Mel}
  174. et piti�, et {RDP} ♦ et piti�; et {Mel}
  175. les joues caves; mais {RDP} ♦ les joues caves, mais {Mel}
  176. de pierreries, et les {RDP} ♦ de pierreries, les {Mel}
  177. alors. Les {RDP} ♦ alors: les {Mel}
  178. force �lastique, qui, long-temps {RDP} ♦ force �lastique qui, longtemps {Mel}, {PGS}
  179. une voix magique, s'exhalait {RDP} ♦ une voix magique s'exhalait {Mel}
  180. de R**. Maintenant {RDP} ♦ de R**: maintenant {Mel}
  181. sur son front; et l'embrassant {RDP} ♦ sur son front, et, l'embrassant {Mel}
  182. avec tendresse: « Heureuse et gu�rie! » lui dit-elle, et Gina {RDP} ♦ avec tendresse: — Heureuse et gu�rie! lui dit-elle. — Et Gina {Mel}
  183. attendait, le {RDP} ♦ attendait: le {Mel}
  184. dans ses bras..... {RDP} ♦ dans ses bras... {Mel}, {PGS}
  185. se r�veiller....... {RDP} ♦ se r�veiller... {Mel}, {PGS}
  186. puissance, avaient {RDP} ♦ puissance avaient {Mel}
  187. de maladie. Gina {RDP} ♦ de maladie: Gina {Mel}
  188. v�rit�; ils {RDP} ♦ v�rit�: ils {Mel}

Notes

  1. voir la variante du dernier paragraphe.
  2. la rentr�e de la signora Gina: Le mod�le de Gina pourrait �tre la Malibran (1808-1836) qu'Aurore Dudevant avait vue dans Otello en janvier 1831 (L. 348 du 28 (?) janvier 1831 � Casimir Dudevant, in Corr.I p.789). Mais ce pourrait aussi �tre Giudita Pasta (1797-1865) qu'Aurore avait tr�s probablement vue (elle en parle dans la L. 433 du 28 octobre 1831 � Laure Decerfz, in Corr.I p.972 et n.1); cette derni�re avait triomph� dans Giuletta e Romeo — de Zingarelli (voir note 6); une lithographie de C. Motte la repr�sente dans le r�le de Romeo (1821, ann�e de ses premiers succ�s), Talma avait encore pour son jeu des paroles admiratives en 1826.
  3. Notons que dans {Mel} le d�but du r�cit de Valterna avait �t� introduit par un tiret et qu'ici, � la reprise, il y a un guillemet.
  4. dona Anna: notons ici l'emploi de dona et non donna. C'est la seule fois dans {RDP}.
  5. au dernier p�riode: La forme masculine est correcte. « On fait encore P�riode masc. lorsqu'il s'agit d'un espace de temps vague. Dans un certain p�riode de temps. Dans un court p�riode. Dans le dernier p�riode de sa vie, pour dire, Dans les derniers temps de sa vie » (Dict.Acad.Fr., 5e �d., 1798). Cette acception est toujours correcte aujourd'hui (cfr. Maurice Grevisse; "Le bon usage", 13e �d. par Andr� Goosse, 1993).
  6. Romeo et Giuletta: L'op�ra de Zingarelli (1752-1837) s'intitule en r�alit� Giulietta e Romeo; il fut cr�� en 1796 et repr�sent� � Paris pour la premi�re fois le 16 d�cembre 1812.
  7. Juliette: notons le passage de GiulettaJuliette.
  8. Dans {RDP}, le nom de l'auteur n'appara�t pas sous le titre mais sous le dernier alin�a; et dans la table des mati�res du t. XXV, � la page 259, rubrique LITTÉRATURE MODERNE, on a l'entr�e suivante: « La Prima donna, par M. Jules Sand . . . . . . . . . . 234 ».
    Dans {Mel}, au lieu de la signature, on a une date: « Avril 1831. » C'est la date de la parution dans {RDP}.
    Dans {PGS} le nom de l'auteur appara�t apr�s le titre.