J.S. [Aurore Dudevant]
LA FILLE D'ALBANO.

7Cor: Les sept Cordes de la Lyre - [...]; Paris, Michel L�vy fr�res, Librairie Nouvelle, 1869



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INTRODUCTION

Avec Jules Sandeau, Aurore Dudevant a �crit La Prima Donna; plus tard dans la m�me ann�e ils �criront Le Commissionnaire – une œuvre de commande – et Rose et Blanche. Ensemble, ils partagent le nom d'auteur Jules Sand ou J. Sand ou encore J.S.. Mais cette collaboration est de partage fort in�gal: l'apport de Jules Sandeau para�t toujours inf�rieur � celui d'Aurore.

Si, lors de sa parution dans la Mode, La Fille d'Albano est sign�e J.S. et donc serait le fruit de la collaboration d'Aurore avec Jules Sandeau, il est bien difficile d'y voir quelque chose de Sandeau, sinon peut-�tre cette esp�ce d'exc�s – un peu comme une plaisanterie de potache – qu'on remarque �galement dans certains chapitres de Rose et Blanche.

De janvier � mars 1831, Aurore a collabor� au Figaro dirig� par Latouche. Le 1er avril*, elle quitte Paris pour Nohant, elle ne reviendra � Paris que vers le 9 juillet**. Entre ces deux dates, seule La Fille d'Albano a �t� publi�e, sous le nom J.S. comme on a vu. On sait qu'au d�but de mars, Aurore cherchait d'autres p�riodiques que Le Figaro et La Revue de Paris: « Je travaille � me faire inscrire dans La Mode et dans l'Artiste, deux journaux du m�me genre que la Revue [de Paris]. C'est bien le diable si je ne r�ussis dans aucun***. » Notons qu'elle parle pour elle m�me et non pour Jules Sand.

* Le 5 avril, Aurore �crit � son mari: « j'ai fait retenir hier ma place � la diligence. Je n'ai pu en trouver avant vendredi soir » (lettre 373 in Corr.I p.833).
** Voir Corr.I p.911 n.1 (de la lettre 401).
*** Le 3 mars � Jules Sandeau, lettre 364 in Corr.I p.818.

La Fille d'Albano parait dans La Mode le 15 mai, avec des fautes grossi�res dans les noms*, dont Aurore se plaindra et dont Jules Sandeau se tourmentera**: il « avait corrig� les �preuves avec mollesse***. »

* Voir Corr.I p.871 n.1.
** « Dites-lui [� Jules Sandeau] que je ne peux pas �tre f�ch�e contre lui de ce qui est arriv� � notre fille d'Albano. Je m'en moque comme de cela. Est-ce que c'est sa faute? Il est fou de se tourmenter pour si peu » (Lettre 384, en mai (apr�s le 16), � Émile Regnault; in Corr.I pp.871-872). Notons le "notre".
*** Corr.I p.872 n.1 (de la p.871).

La Fille d'Albano a tr�s vraisemblablement �t� �crite � la fin du mois d'avril et/ou dans les premiers jours de mai. Comme on ne poss�de pas la correspondance Sand-Sandeau, on ne peut dire combien de lettres furent �chang�s entre Aurore et Jules en la circonstance; en corollaire, on ne peut rien dire de pr�cis sur la part de chacun dans l'�criture de La Fille d'Albano. Il y a cependant un argument qu'on peut consid�rer comme d�finitif: La Fille d'Albano est la seule œuvre de Jules Sand que George Sand a incluse dans ses œuvres compl�tes. On peut m�me ajouter qu'elle est la seule œuvre ant�rieure � Indiana qui sera publi�e sous le nom de George Sand du vivant de celle-ci. C'est donc bien une œuvre d'Aurore.

La Fille d'Albano ne fut publi�e en volume qu'une seule fois du vivant de George Sand, en 1869, chez Michel L�vy fr�res, dans le volume intitul� "Les Sept Cordes de la Lyre — Lettres � Marcie — Carl — Le Dieu inconnu — La Fille d'Albano o� ce court r�cit occupait les pages 279 � 293.

Albano n'est pas un personnage mais une localit� pr�s de Rome. La fille d'Albano n'est pas davantage un personnage du r�cit mais le sujet d'un tableau d'Horace Vernet intitul� Vittoria d'Albano et expos� dans la galerie du Luxembourg au d�but de l'ann�e 1831. Ce tableau « attirait tous les regards. »

Le sujet de ce r�cit est une rupture quelques instants avant un mariage. Laurence doit �pouser Aur�lien de Nanc�: « C'�tait quelque chose de touchant que de voir l'amour et le respect dont madame de Nanc� et son fils entouraient Laurence, quelque chose de touchant que cette adoption de l'orpheline, ciment�e par le cœur, avant de l'�tre par la loi, que cette confiance de la femme qui, pauvre et d�laiss�e, acceptait sans rougir les dons de son amant. » Survient, in extremis Carlos, artiste, fr�re a�n� de Laurence – ci-devant artiste elle-m�me. Avec un manque de tact digne d'un roman gothique, Carlos apostrophe sa dite sœur, la poussant � mettre en balance d'une part son pass� et son talent d'artiste, d'autre part une vie banale d'�pouse et de m�re. À ce v�ritable r�quisitoire contre la condition de la femme et ce plaidoyer pour la vie de Boh�me, Laurence, r�tive, puis �branl�e, puis convaincue, se rallie: « Libre! [s'�crie-t-elle] en respirant plus largement. / [...] / Viens! [ajoute-t-elle] en saisissant le bras de son fr�re... »

Tr�s romantiques par leur �lans, par la passivit� ou la v�h�mence de leurs �motions, Laurence, son fr�re, Aur�lien semblent emport�s dans un tourbillon. Sur cette mince trame, se joue pour l'auteur une diatribe contre le destin de la femme. À l'encontre des h�r��nes de Jane Austen, dont la pr�occupation essentielle est de faire un mariage convenable et si possible heureux, Laurence, qui, on l'a vu, acceptait ce mariage comme une chose convenue et convenable � sa situation, soudain retrouve la libert� perdue. Que sera cette libert�? On n'en saura rien; on apprendra seulement les souffrances et les consolations d'Aur�lien.

Sorte de fabliau en prose, la Fille d'Albano apporte une morale qui semble naturelle aujourd'hui mais qui, alors, �tait celle d'une r�volution presqu'impossible: la lib�ration de la femme. Si le sujet de d�part a peut-�tre �t� donn� par Sandeau, c'est, � n'en pas douter, Aurore qui a donn� au r�cit son �lan libertaire.

Si le mari� se pr�nomme Aur�lien, ce n'est sans doute pas fortuit, et on pense imm�diatement � Aur�lien de S�ze pour lequel Aurore s'enflamma lors d'un voyage dans les Pyr�n�es en 1825. Aur�lien voit ici son sort se r�gler d'une mani�re satirique, comme si par cela Aurore enterrait le souvenir de l'ind�cision et du c�t� « recommandable » de celui qu'elle avait ador�.

Voici ce que Wladimir Kar�nine disait de la Fille d'Albano: « C'est une diatribe de po�te contre le bien-�tre moral et mat�riel de la bourgeoisie, milieu le moins appropri� et le plus funeste � une nature artistique; Carlos, fr�re a�n� d'une artiste, Laurence, attaque �nergiquement la vie bourgeoise pour sauver sa sœur adoptive en l'emp�chant d'�pouser un excellent homme de tr�s bonne famille, parce que ni lui ni les siens ne conviennent nullement � sa bouillante nature artistique. Presqu'au moment de signer le contrat, Carlos arrache Laurence � l'homme aim�, il l'enl�ve � l'eau tranquille et stagnante, pour l'entra�ner de nouveau vers la mer houleuse de la vie artistique o� l'art est but, moyen, r�compense, souverain bonheur. Le ton quelque peu emphatique du r�cit lui nuit un peu, mais ce ton est presque naturel dans la bouche d'un “ artiste ”.* »

* Wladimir Kar�nine,George Sand, sa vie et ses œuvres, t.*, Plon-Nourrit, 2de �dition, 1899, pp.345-346.

Nous donnons de la Fille d'Albano le texte de l'�dition Michel L�vy fr�res des Sept Cordes de la Lyre [etc.] (1869), avec indication de la pagination – sans couper les mots –, sous la forme {7Cor x} o� 'x' est le num�ro de page. Nous rep�rons cette source par {7Cor}.






{7Cor 279} C'�tait un dimanche, et l'un des beaux jours de mai; le son de la cloche vibrait au fond de la vall�e; tout le hameau avait un air de f�te. Les jeunes filles couraient avec leur bonnet blanc � tuyaux empes�s; le garde champ�tre marchait gr�vement avec la plaque luisante au bras; des jeunes gens apportaient des corbeilles pleines de fleurs, et d'autres suspendaient au porche gothique de l'�glise paroissiale de fra�ches guirlandes de pervenches et de marguerites qui fuyaient sur les crevasses poudreuses et les arabesques �raill�es du frontispice. Les hirondelles d�crivaient de grands cercles dans le ciel bleu, et, dans l'air embaum� de violettes, on respirait un parfum de bonheur!

C'�tait bien autre chose au ch�teau! Le ch�teau �tait un de ces vieux manoirs qui s'effacent peu � peu du sol de la France, et que le voyageur aime tant � retrouver habill�s, avec leur air d'opulence seigneuriale, leurs tableaux de famille et leurs grandes cours ouvertes � tout venant, au carrosse armori� du seigneur voisin, au souple landau du riche industriel, {7Cor 280} au mendiant charg� de la besace, au pauvre artiste qui voyage � pied et qui se repose l� o� le ciel est beau et la campagne riante.

La dame du lieu, aussi hospitali�re dans sa dignit� de ch�telaine que le manoir dont elle faisait les honneurs, �tait encore belle avec cet embonpoint qui est pour la beaut� comme l'�t� de la Saint-Martin; ses cheveux gris, artistement fris�s, faisaient un fort bon effet sous un bonnet de dentelle, et l'on aimait � voir, parmi ces boucles argent�es, des roses artificielles qui semblaient d�fier le ridicule. En effet, la raillerie aurait expir� sur les l�vres de tout homme qui e�t rencontr� le regard bienveillant et le sourire affectueux de madame de Nanc�, et, lorsqu'on avait press� sa main blanche et ronde, il �tait impossible de se soustraire � la sympathie vraie qui �tait comme r�pandue dans l'atmosph�re de cette femme excellente.

Avec les grands talents et le haut caract�re d'un magistrat recommandable, Aur�lien de Nanc� avait toute la beaut� qu'avait eue sa m�re, toute la bont� de temp�rament qu'elle avait encore. Une inclination marqu�e, en d'autres termes, une forte passion, l'avait d�cid� � �pouser une jeune personne sans nom et sans fortune, mais telle, que la famille riche et noble des Nanc� n'e�t pu la repousser sans ridicule et sans injustice.

Elle �tait l�, sans diamants ni dentelles, sans autre ornement � ses cheveux que le voile de gaze et le bouquet blanc de la fianc�e; belle de gr�ce, de po�sie et de jeunesse, Laurence n'�tait plus une enfant; elle connaissait d�j� le monde, et pourtant, au milieu de l'assembl�e solennelle des grands parents, {7Cor 281} elle avait une gaucherie qui trahissait son go�t pour la libert�, et qui, chez elle, �tait une gr�ce de plus. Se croyait-elle oubli�e, c'�tait une autre femme: son regard r�veur devenait imposant, et la douce gravit� de son front ressemblait � la conscience modeste d'une sup�riorit� involontaire.

C'�tait quelque chose de touchant que de voir l'amour et le respect dont madame de Nanc� et son fils entouraient Laurence, quelque chose de touchant que cette adoption de l'orpheline, ciment�e par le cœur, avant de l'�tre par la loi, que cette confiance de la femme qui, pauvre et d�laiss�e, acceptait sans rougir les dons de son amant.

Aur�lien �tait maire de la commune. Ne pouvant se marier lui-m�me, il avait mand� son adjoint, brave paysan g�n� dans son habit neuf et dans la soci�t� de ses ma�tres, soupirant apr�s le moment de se d�barrasser de sa cravate et de sa dignit�. Mais, pour ne pas laisser de lacune entre le mariage civil et la b�n�diction religieuse, on prolongeait les angoisses du bonhomme, parce que M. le cur� n'�tait pas de retour. Le pasteur villageois avait �t� porter les derniers secours � un mourant fort �loign� dans la campagne, et tout le monde attendait, dans cette sorte de g�ne qui s'empare de gens r�unis pour jouer un r�le, et d�contenanc�s de voir intervertir l'ordre de la repr�sentation.

Laurence ne put r�sister � ce malaise, dont, moins que personne, elle avait appris � subir le supplice. Elle monta sur une terrasse par�e de fleurs qui s'�levait au milieu d'un petit parc solitaire, et, l�, appuy�e sur le balcon, elle promena sur la campagne un regard m�lancolique. C'�tait l� son pays d�sormais! {7Cor 282} l'enceinte o� devaient s'enfermer ses affections, ses r�ves et ses esp�rances! À elle une maison, des devoirs! À cette �me libre et fi�re, dont le monde � peine �tait la patrie, un espace de terrain limit�, des chemins qui devaient toujours porter dans le m�me jour l'empreinte de ses pas tourn�s vers l'horizon, et l'empreinte de ces m�mes pas retournant au point de d�part! Un toit �cras� pour couvrir, chaque soir, sa t�te ardente de voyages, un climat ramenant avec r�gularit� le chaud et le froid, sans qu'elle p�t jamais h�ter le soleil ou se soustraire � la bise glac�e! Dans une heure, tout serait dit...

Un froid mortel tomba sur son cœur.

Et puis elle pensa � Aur�lien... L'amour est comme la magie, il rend naturel ce qui semblait impossible. L'artiste redevint femme, et les r�ves d'un autre bonheur effac�rent les regrets futiles d'un bonheur perdu.

O� trouver une �me assez forte, assez sceptique, pour h�siter devant les promesses de l'amour, pour repousser ces serments si flatteurs � l'oreille et qui sont si doux au cœur? Si cette �me existe, ce n'est pas du moins celle d'une femme. Elle r�vait donc de bonheur et d'amour, lorsque des pas firent crier le sable � ses c�t�s... C'�tait un homme en habits de voyage, couvert de poussi�re; une chevelure en d�sordre tombait sur son front large et safran�; sa barbe �tait �paisse et noire, et ses grands yeux, enfonc�s sous leurs orbites, �taient vifs et br�lants comme des �clairs.

— Oh! mon Dieu! c'est toi! s'�cria Laurence en se jetant dans ses bras; c'est toi! Tu as donc voulu que ce jour fut le plus beau de ma vie?...

{7Cor 283} — Ma sœur, mon enfant, disait l'�tranger en caressant les cheveux noirs de la fianc�e, je n'arrive donc pas trop tard?

— Non, non, tu assisteras � la noce, tu verras l'�glise et l'autel; tu feras un beau tableau de la c�r�monie, n'est-ce pas? Oh! que tu dois bien peindre maintenant!

— Et toi, Laurence, et toi! as-tu donc abandonn� ton art?...

— Oh! non... Il aime tant � me voir travailler!

— Le bourgeois? murmura l'�tranger � voix basse. Sommes-nous seuls ici?

Laurence p�lit, parcourut d'un œil inquiet les all�es sinueuses du parc; puis, apr�s un moment d'h�sitation, conduisit son fr�re dans la chambre qu'elle habitait, et, apr�s en avoir ferm� la porte:

— Expliquez-vous, dit-elle en se laissant tomber sur une chaise, avec une sorte de terreur.

— Mon enfant, dit l'artiste, car vingt ans de plus que toi m'ont donn� le droit de te regarder comme ma fille; as-tu bien r�fl�chi � ce que tu vas faire?

— R�fl�chi?... Oui, Carlos... Je l'aime!

— Ah! femme!... s'�cria-t-il en frappant du pied, aimer un bourgeois! toi, ma sœur! un ampliateur de la loi �crite, un homme � m�tier, un homme qui mesure la vie avec un compas, et qui envoie � l'�chafaud celui dont la mesure est plus petite ou plus grande que la sienne!... Écoute: tu es libre et je t'aime; tu peux te marier, tu ne peux pas te brouiller avec moi. Ce que je t'ai �crit de Rome, je te le r�p�te encore; fais ta volont�. Mais je suis venu un peu tard, je le vois; et ce n'est pas lorsque ton front est par� de la couronne du mariage que je dois esp�rer de te rendre � la {7Cor 284} libert�; tu m'entendras pourtant, et, apr�s..., je souscrirai � ton mariage; j'en souffrirai, et ne t'en aimerai que mieux, car tu en auras besoin, pauvre enfant!

Laurence laissa tomber son front blanc et pur sur sa main vein�e de bleu, et une larme, qu'elle s'effor�a vainement de retenir, roula sur son bouquet de jasmin et d'orange.

Carlos, qui se promenait en silence dans la chambre, s'arr�ta tout � coup pour la regarder.

— Belle comme la vierge du Corr�ge! disait-il; et, avec tant de po�sie dans le regard, tant de feu dans l'�me, tant de g�nie entre les mains, v�g�ter parmi des l�gistes et des calculateurs, amasser une fortune, faire des enfants, �tre la premi�re servante d'une famille et d'un homme! ma sœur! ma pauvre sœur!... Et, sans doute, ils ont r�ussi � te prouver qu'une femme n'�tait pas n�e libre, que la gloire d�shonorait ton �me; qu'il fallait jeter l'eau et la cendre sur le feu sacr�!... Ma sœur, ma fille, mon �l�ve, perdue, perdue!

— Non, Carlos; telle que le ciel m'a faite, ils m'ont prise, ils m'ont aim�e; loin de leur sacrifier mes go�ts, mes id�es ind�pendantes et ma passion des arts, c'est lui, c'est sa m�re, qui m'ont sacrifi� leurs croyances pour m'attirer sur leur sein, pour me faire asseoir � leur bonheur, sans vouloir m'exiler du mien.

— Ils ont donc daign�, les superbes, te pardonner ton g�nie! Dis-moi, ton mari te pardonne-t-il aussi d'�tre belle comme l'entendait Van Dyck? Ne t'a-t-il point prescrit de lisser tes boucles rebelles � la main de la cam�riste, de serrer dans des lames d'acier ton corsage andalous 1, de baisser tes yeux de feu, et de faire {7Cor 285} usage de cosm�tiques pour p�lir ton coloris oriental?... Oh! calme-toi, ton �poux est charmant, ta belle-m�re parfaite... On se r�signe � toi, on t'admet sans reproches. Sais-tu bien, maintenant, les devoirs que ta condition t'impose? Connais-tu l'esclavage? As-tu pass� une heure enti�re dans une prison, et sais-tu que la vie est longue? Tiens, regarde ces foss�s qui n'ont plus d'eau, ces bastions �croul�s, cette herse qu'on ne baisse plus; autrefois, c'est ainsi que l'on gardait les femmes... Dans la cour, des hommes d'armes, des pr�paratifs de combat; de l'autre c�t� du mur, la guerre et les dangers, les meurtriers ou les ravisseurs, le tr�pas ou l'infamie. C'�tait peu de chose, apr�s tout, tant qu'il y avait un beau page dans le ch�teau et un mari en Palestine. Eh bien, aujourd'hui, il y a des entraves plus fortes pour la femme que le fer des lances et la pierre des fortifications; le pr�jug�, l'usage! Voil� vos liens, et malheur � celle qui les brise! Il lui reste du m�pris dans le cœur des femmes, et, dans celui des hommes, un amour qui outrage. Adieu donc la libert�! La r�colte manquera, ou la faveur du ministre; puis ta belle-m�re aura la goutte, il faudra soigner l'h�ritage d'un oncle riche et cacochyme... Et, lorsque tu seras sur le point de donner un fils � ton heureux �poux, dans la crainte de voir s'�vanouir une esp�rance aussi ch�re (car une femme comme toi ne pourra devenir m�re � la mani�re du peuple), une prudence f�roce t'imposera les ennuis rongeurs d'une captivit� de six mois, et sacrifiera sans piti� les beaux jours de ta jeunesse � l'espoir incertain d'un rejeton illustre, d�j� vicomte dans ton sein... Adieu l'avenir!... adieu le laurier du concours!... adieu l'Italie!

{7Cor} — Aur�lien d�sire l'Italie autant que moi m�me. Ne t'ai-je pas �crit que nous devions aller t'y rejoindre?

— Oui, en poste, avec une escorte de gendarmes pour prot�ger tes �motions dans l'Apennin 2, et une place au spectacle dans la loge de l'ambassadeur . Adieu nos soupers d'artistes, �tincelants de verve et de po�sie, o�, dans la chaleur nerveuse du cerveau, le peintre �bauchait hardiment les traits de 1a danseuse a�rienne mollement courb�e spus les vibrations du hautbois, ou bondissant comme une bacchante aux chants fr�n�tiques de l'ivresse! L'ivresse de l'artiste! l'exaltation fougueuse d'un d�lire sublime, la brulante sensation du plaisir intellectuel! la d�bauche du g�nie, l'invasion du feu c�leste! l'ivresse qui broyait de l'�me sur la palette de Salvator 3 et sous l'archet de Tartini 4! Va donc! dans le monde qui t'attend, l'enthousiasme fait scandale, et, froide et d�senchant�e, il te faudrait renoncer � toutes les jouissances de la pens�e, � ces courses nocturnes que pous faisions autour des vieux monuments, � ces muettes extases qui nous encha�naient sous les gothiques arceaux des temples du moyen �ge. La pi�t� est le devoir d'une m�re de famille; tu iras � l'�glise pour prier Dieu... Et pourtant, quels transports je t'ai vue exprimer alors que tu �tais pauvre fille vivant de la palette et de l'inspiration! Rappelle-toi notre s�jour � Paris, notre maison sur le quai d�sert, l'antique cit�, la ville de l'histoire! Rappelle-toi ces deux tours, sœurs rivales, se haussant dans l'air lumineux, pendant que la lune, molle et nonchalante, d�coupait en festons d'argent leurs galeries a�riennes, et leurs faisceaux de colonnettes!... Toi, tu demeureras {7Cor 287} dans la Chauss�e-d'Antin, dans des rues b�ties d'hier, align�es comme des vers classiques, blanches comme les mains de l'oisivet�; et, d'ailleurs, qu'irais-tu faire ailleurs, sultane fourvoy�e au milieu des profanes que mettrait en fuite ton odeur d'ambre, et des bacheliers d'outre-Seine qui oseraient louer tout haut ta beaut�, en d�pit du couteau de chasse luisant � l� ce�nture de ton heiduque? 5

— Arr�te, Carl�s! arr�te! Ces souvenirs me font mal, dit Laurence, dont le cœur battait violemment. Par piti�! ne me force pas de reporter ma pens�e sur un pass� perdu sans retour, beau comme la jeunesse, comme elle inressaisissable 6!

— Tu crois! dit l'artiste en saisissant le bras de sa sœur, et ses yeux brill�rent d'un feu subit; tu crois que nous ne pourrons plus �tre heureux! Qui donc a bris� notre coupe et cach� les morceaux? Quels liens p�sent sur toi? Voil� les seuls...

Et il arracha brusquement le bouquet de fleurs d'oranger, et le froissa dans ses mains.

— Carlos, j'ai fait un serment!

— L'homme n'a pas le droit d'en faire, puisqu'il n'a pas les moyens de les tenir. Fou qui se lie pour le lendemain! Autant vaudrait promettre sur sa t�te un ciel d'azur � tout un jour.

— Je suis femme, mon fr�re, j'ai besoin d'affection. J'�tais seule, et j'ai trouv� une famille; j'avais r�v� l'amour et je l'ai inspir�. 7

— Le g�nie n'a pas de sexe. Autre chose est la femme n�e pour perp�tuer l'esp�ce, et l'artiste qui vit de la vie de tout un monde. L'artiste ne s'appartient pas, les d�tails de la vie commune ne vont pas � sa taille. Bient�t le d�go�t et l'ennui, l'ennui {7Cor 288} poignant, la torture, la fin atroce d'une �me active, viendront ternir pour lui ce faux �clat de bonheur qu'en vain promet la vie positive. Ah! tu l'avais tant promis, de n'�tre jamais qu'artiste! Tu �tais si fi�re de ta libert�, de tes mœurs pures et larges comme la bonne foi, calmes comme la conscience forte! C'�tait bien la peine de refuser ce pauvre Henriquez, qui t'aurait donn� jusqu'� son dernier pinceau, qui te pla�ait dans toutes les cr�ations de son jeune talent! Mais tu le sacrifias � sa gloire et � la tienne; tu brisas ton cœur et le sien, et, maintenant qu'il � conquis le succ�s sous le ciel de sa patrie, il te b�nit, il te r�ve encore jeune et belle sous les murs de l'Alhambra, il te pleure en m�me temps qu'il te remercie de l'avoir sauv�. Te souviens-tu du jour o� tu vis son visage p�lir � ton refus, et son enthousiasme se rallumer ensuite � l'avenir de peintre et d'ind�pendance que tu lui d�roulais avec feu? « Elle a raison! s'�cria-t-il en se tournant vers ses compagnons. Alvar�s, Gaetano, Bragos, en Espagne! — En Espagne! en Espagne! disaient-ils avec transport. — À Rome! » s'�criaient les autres; et un pauvre pl�tre qui repr�sentait l'Amour avec son carquois et son bandeau classiques, fut bris� en �clats comme un holocauste � la libert�. Ah! comme ils t'aimaient tous, mes braves �l�ves! Quel saint respect pour la confiance de ta candeur! Comme, au bruit de tes pas, les statues se voilaient, les chevalets se renversaient! Et, quand tu t'asseyais par hasard sur un marbre antique, tes cheveux noirs flottants sur ta mantille, les genoux pli�s sous la mandoline �mue � l'approche de tes doigts, en moins d'un instant, tu �tais repr�sent�e sur vingt toiles comme si l'atelier avait eu vingt glaces pour te r�fl�chir! Ah! que tu faisais palpiter de cœurs {7Cor 289} et br�ler d'imaginations! que d'�me tu pr�tais au pinceau! que de vie tu versais sur la toile! Et cet amour que tu semais aitour de toi, qu'il �tait pur et chaste dans toutes ces jeunes t�tes �prises de ma Laurence comme d'un r�ve embaum�, comme d'une m�lodie c�leste, comme d'une apparition fantastique surgie des tableaux des grands ma�tres!... Et maintenant, tu vas �tre aim�e d'un amour conjugal, d'un amour terne et paisible, sans jalousie et sans v�n�ration, sans emportement et sans culte! Puis ils diront: « Elle �tait c�l�bre, elle s'est faite obscure; elle avait une grande destin�e, et elle l'a �touff�e dans son m�nage; elle a reni� la gloire pour conqu�rir l'estime... Ô mis�re! C'est-�-dire, elle nous d�passait de la t�te, et nous lui avons cri�: À genoux! C'�tait une �toile aux cieux, nous en avons fait un diamant pour orner notre sceptre; le monde la r�clamait, nous l'ayons vol�e au monde. Qu'elle nous b�nisse donc, la femme que nous avons d�pouill�e de son avenir, que nous avons nivel�e � notre m�diocrit�! » Et, s'ils soup�onnent un regret dans ton �me fl�frie, s'ils surprennent une larme se cachant dans tes cils, ils t'en feront un crime, les barbares! Car, ma sœur, la tristesse d'une femme d�shonore un �poux: pour �tre vertueux jusqu'� la lie, il faut m�me qu'elle renonce � pleurer.

Carlos pleurait lui m�me en parlant; sa sœur se jeta dans ses bras et l'y serra avec force, comme si elle e�t craint qu'on ne v�nt l'en arracher d�j�.

— Reste! reste! disait le peintre en la pressant sur son sein.

Et ses larmes tombaient sur la t�te de la fianc�e.

— Enfant, ajouta t-il, enfant qui veux une famille! {7Cor 290} Eh! n'as-tu pas le monde? Toi qui l'avais adopt� pour patrie, le trouves-tu trop vaste? d�borde-t-il ton �me? Que fait au boh�mien la terre qu'il foule de ses pas vagabonds, le ciel sous lequel repose sa t�te ind�pendante? La terre n'est-elle pas � lui? tous les lieux n'ont-ils pas du soleil? Ainsi l'artiste: il a l'univers pour famille; sa patrie, c'est le sol qui l'inspire. Et puis tu te plains d'�tre seule... Seule, ingrate! et Carlos? et ton fr�re?

— Mon fr�re! s'�cria la jeune fille en jetant ses bras blancs au cou du peintre.

Et elle pleurait.

— Pleure! lui disait-il, pleure!... Je t'ai vue na�tre, je t'ai berc�e sur mes genoux, je t'ai endormie de mes chants, et tu l'as oubli�! Ton enfance a grandi pr�s de moi, je l'ai r�chauff�e de ma tendresse, j'ai couv� ton jeune talent, et tu me quittes! je t'ai fa�onn�e pour la libert�, te voil� esclave! Appuy�s l'un sur l'autre, nous avons d�fi� l'avenir; chacun de nous avait une �me toujours pr�te pour �changer la sienne et tu te trouves seule!

Laurence l'enla�ait de ses bras.

— Mal�diction! s'�cria-t-il, que ne le disais-tu plus t�t? j'aurais taill� ton �me pour ce monde o� tu veux vivre; j'aurais r�tr�ci ton esprit, j'aurais raccourci les lisi�res, et bient�t, naturalis�e dans la soci�t� qui t'attire, tu n'y serais pas comme une �trang�re, gauche et timide au milieu d'un cercle o� l'on ne parle pas sa langue. Il est trop tard!... L'arbuste ob�it � la main qui l'incline: l'arbre ne ploie pas, il casse. Va donc y d�p�rir de mis�re et d'ennui; va donc v�g�ter sur ce terrain ingrat o� l'espace manquera � tes pas, l'air � tes poumons, l'ind�pendance � ton allure! Et moi, moi qui {7Cor 291} n'avais que toi, ma sœur, je tra�nerai mes jours d�senchant�s loin de toi qui pouvais me les faire si beaux!

— Ah!... s'�cria la jeune fille.

Et elle arracha de son sein le bouquet de la fianc�e.

— Vois, que le ciel est pur! que l'air est enivrant! que l'horizon est vaste! s'�cria Carlos rayonnant de joie et d'esp�rance; vois, que la campagne est belle! À nous tout cela! � nous le monde!...

Ils tomb�rent dans les bras l'un de l'autre.

— Libre! dit Carlos avec enthousiasme.

— Libre! r�p�ta Laurence en respirant plus largement.

Elle �crivit quelques mots sur un papier, le joignit � la couronne blanche qu'elle avait d�tach�e de sa t�te, le pla�a sur une table, et, laissant tomber un dernier regard sur cette chambre qu'elle allait quitter pour jamais:

— Viens! s'�cria-t-elle en saisissant le bras de son fr�re...

Le cur� du village �tait de retour, les cierges s'allumaient, les registres de l'�tat civil �taient ouverts, et le cort�ge allait partir. Aur�lien, apr�s avoir vainement cherch� sa fianc�e dans le jardin et dans le parc, courut � sa chambre, tressaillit � l'aspect des fleurs froiss�es qui jonchaient le parquet, saisit en tremblant le billet et la couronne.

« Je vous la rends, lui �crivait Laurence; jamais � vous! jamais � un autre! »

— Laurence! o� est Laurence? cria d'une voix tonnante Aur�lien �perdu, au cort�ge qui attendait sur la terrasse.

{7Cor 292} — Ma fille? dit madame de Nanc� avec effroi.

Tous se regard�rent avec �tonnement.

Cependant, au bout d'une ligne blanche et poudreuse qui coupait les champs et les gu�rets, une chaise de poste volait, rapide comme le vent, et on entendait encore le claquement du fouet, les cris du postillon et le bruit sourd des roues qui laissaient derri�re elles des nuages de poussi�re.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Aur�lien fut s�rieusement malade; il eut des attaques de nerfs, une fi�vre c�r�brale, une convalescnece p�nible et lente.

L'ann�e d'apr�s, il reprit ses travaux par une mercuriale fort remarquable: ses amis crurent remplir un devoir en lui donnant des �loges proportionn�s au degr� d'int�r�t que son malheur et son talent avaient le droit d'inspirer. Ce fut une premi�re consolation qu'il go�ta malgr� lui et presque � son insu.

L'ann�e suivante, madame de Nanc� fut malade � son tour; Aur�lien soigna sa m�re avec d�vouement, avec anxi�t�. Lorsqu'elle revint � la vie, Aur�lien sentit le prix de ce qui lui restait � toutes les angoisses que la crainte de la perdre avait r�veill�es en lui. Ses facult�s de souffrir n'avaient point �t� �puis�es par la fuite de Laurence; ses facult�s d'aimer ne l'�taient pas non plus. Pendant toute cette ann�e, il v�cut pour sa m�re.

L'ann�e suivante, il �pousa une jeune demoiselle de bonne maison, qui lui apporta trente mille livres de rente, et, � force de s'entendre dire que la fortune avait une influence directe sur le bonheur, il commen�a a � le croire.

{7Cor 293} L'ann�e suivante, il fut p�re et s'attacha � la m�re de son fils.

L'ann�e suivante, il amena sa famille � Paris.

Un jour, il voulut voir les nouveaux chefs-d'œuvre qu'Horace Vernet venait d'envoyer � Paris. La foule se pressait dans la galerie du Luxembourg 8; le portrait d'une jeune fille d'Albano attirait tous les regards; sa robe d'un rose p�le, ses dentelles d'un blanc mat, faisaient ressortir d'une mani�re neuve et fra�che le ton solide de son chaud coloris et les ombres de son large front.

— Quelle finesse de peau! disait-on; quelle puret� de sourcils! quelle coupe de visage! que de pens�es ensevelies sous cette r�verie pieuse, de passions cach�es sous cette calme m�ditation! Jamais Fran�aise n'e�t inspir� l'id�e de cette cr�ation suave et br�lante.

Aur�lien s'approcha; cette ravissante Italienne, c'�tait le portrait de Laurence... Il s'�vanouit.

Aur�lien est un homme de m�rite; il sera pair de France, si la pairie devient �lective, ou ministre, si le minist�re devient plus national. 9


Variantes

  1. il ommen�a {7Cor} (Nous corrigeons.)

Notes

  1. Andalous: Le Dictionnaire de l'Acad�mie Fran�aise, compl�ment, 1842, donne andalous[e] comme adjectif et substantif. De m�me Bescherel (1846), qui n'admet andalou que comme substantif d�signant une race de cheval.
  2. L'Apennin: on attendrait Apennins, mais la forme n'�tait pas encore bien fix�e. On trouve le singulier et le pluriel dans le Voyage pittoresque [...] de l'abb� de Saint-Non (1781-1786), le singulier dans les Lettres sur l'Italie d'A.-L. Castellan (1819), le pluriel dans le Voyage aux Apennins de Viviani (1807?).
  3. Salvator: Salvator Rosa, c�l�bre peintre de l'�cole napolitaine (°L'Arenella, 20/6/1615 - †Rome, 15/3/1673). Il �tait aim� des Romantiques pour ses paysages sauvages et empreints de myst�re.
  4. Tartini: Giuseppe Tartini, c�l�bre violoniste et compositeur italien (°Pirano (Istrie), 1692 - †Padoue, 26/2/1770). Il �tait « le Paganini du XVIIIe si�cle » dit le Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse (t.14 p.1489).
  5. Heiduque: domestique en livr�e � la hongroise (d�riv� du sens de milicien hongrois gardant la fronti�re contre les turcs). « Les avocats qui n'avaient pas de laquais hier, prennent aujourd'hui des heiduques » (Balzac, 1831, texte non identifi�).
  6. Inressaisissable: n�ologisme probable, introuvable dans les dictionnaires.
  7. Avec ces deux derni�res r�pliques on atteint le point o� la balance des sentiments de Laurence est au point d'�quilibre, d'�quilibre instable. Il ne reste plus � la jeune femme qu'� peser d'un c�t� ou de l'autre, car Carlos, � bout d'argument, n'ajoutera plus qu'amertume, jusqu'� « pleur[er] lui-m�me am�rement. » Mais ces larmes p�seront sur la balance.
  8. Horace Vernet au Luxembourg: De Rome, o� il �tait directeur de l'�cole fran�aise depuis 1829, Horace Vernet avait envoy� six tableaux qui furent expos�s au Luxembourg � Paris. Sur ce sujet, voir Exposition au Luxembourg – M. H. Vernet dans L'Artiste, tome I (1831), 2�me livraison, pages 21 � 24, article sign� Del�cluze. Parmi les six tableaux, Vittoria d'Albano (1829?) et Judith et Holopherne de (1829 ou) 1830. Olympe P�lissier (°1799 - †1878), mod�le d'Horace Vernet, avait pos� pour une �tude de Judith; elle �tait la ma�tresse du peintre. Olympe �tait une c�l�bre courtisane qui fut vendue � l'�ge de quinze ans, par sa m�re et par deux fois*. Si Aurore avait eu connaissance de cette anecdote, peut-�tre par Balzac, on trouverait l� un possible lien entre la fille d'Albano et le personnage de Laurence: � travers la Judith d'Horace Vernet et Olympe P�lissier. Cela para�t tr�s compliqu� parce que cela suppose plusieurs transpositions dans la cr�ation de la finale du r�cit, mais, Aurore racontant une r�volte de femme d'abord soumise (et aimante, mais on ne sait trop si cet amour est sinc�re), et donc transposant sa propre r�volte, aurait pu imaginer la transposition Judith ⇒ Olympe ⇒ fille d'Albano ⇒ Laurence.
    On sait en tous cas, par elle-m�me, qu'Aurore avait vu en janvier l'exposition au Luxembourg: « Il y a une certaine Judith, d'Horace Vernet, qui est ce que j'ai vu de plus beau dans ma vie, et puis le portrait d'une jeune italienne, qui est ravissante » (lettre 348, � son mari vers le 28 janvier 1831, in Corr.I p.790 et n.1).
    * Sur la double vente d'Olympe P�lissier, on consultera Chantal Maury: Balzac, Olympe P�lissier et les courtisanes de « La Com�die humaine » in L'Ann�e balzacienne, 1975, p.201.
  9. La finale manque d'originalit�: les souffrances et les consolations d'Aur�lien n'ajoutent rien. Mais la chute en deux paragraphes apporte l'effet de surprise et la touche satirique.