GEORGE SAND
FANCHETTE.

CL: "Les Légendes rustiques" / "Fanchette"; Paris; Calmann Lévy, Libr. Nouvelle; 1877; 1 vol.



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INTRODUCTION

Fanchette fut publié dans la Revue indépendante du 25 octobre 1843 (t.X pp.489-501). Cette livraison se composait de la Lettre de Blaise Bonnin à Claude Germain et d'une Communication au Rédacteur en chef [...], l'une et l'autre de George Sand, la seconde signée par elle. Cette publication mena le procureur du roi de La Châtre à écrire à la revue pour exiger un droit de réponse.

George Sand décida alors de répondre au procureur et de publier des témoignages contredisant les affirmations de celui-ci et appuyant ses propres dires.

Dans son numéro suivant, du 25 novembre (t.XI pp.161-178), la Revue indépendante publia Fanchette (suite) — titre suggéré à l'éditeur par George Sand — qui se composait de quatre parties: la Lettre de M. le procureur du roi de La Châtre, au directeur de la Revue indépendante; de la Réponse à M. le procureur du roi [...] par George Sand, accompagnée de notes précises; et de deux lettres adressées à George Sand: l'une de M. Delaveau, maire de La Châtre et député de l'Indre, l'autre de M. Boursault, médecin de l'Hospice de La Châtre. L'affaire en resta là.

Un tiré à part de la la Revue indépendante fut mis en vente en décembre 1843: Fanchette / lettre de Blaise Bonnin à Claude Germain (Paris; Impr. Schneider et Laugrand; [1843]; grand in-8°). N'ayant pu voir ce tiré à part, nous ignorons s'il reprend les deux livraisons; vu la date de mise en librairie, il semblerait qu'il reprend les deux.

L'édition originale de Fanchette ne vint qu'en 1846 dans le troisième volume de l'édition originale d'Isidora: Paris; Hippolyte Souverain; 3 vol. in-8°.

Notre texte de base est celui de l'édition Calman Lévy de 1877 — repérée {CL}. Nous donnons les variantes de La Revue Indépendante — repérée {RInd} —, et de l'édition Souverain de 1846 — repérée {Souv}.

Nous donnons la pagination des éditions collationnées, sous la forme "{<repère> <page>}

La pagination ne coupe pas les mots; le cas échéant elle est placée avant ou après le mot coupé dans l'impression, suivant le rythme du mot.








{RInd t.X p.[489]; Souv [89]; CL [181]} LETTRE DE BLAISE BONNIN A CLAUDE GERMAIN* a



* Publiée dans la Revue indépendante. b

{Souv [91]; CL [181]} La présente, mon cher parrain, est pour vous remercier de la vôtre, et vous donner des nouvelles de notre santé. Tant qu'à nous, nous sommes assez bien, Dieu merci; et {Souv 92} les fièvres ont épargné toute notre couvée, cette année, malgré la mauvaise qualité du temps d'été, qui faisait trembler le pauvre monde et grouiller d'aise la poche des médecins. Les petits enfants de chez nous ne vont pas pire que les grands c; et la grand'mère, votre commère, {CL 182} comme vous l'appelez, sauf qu'elle entend un peu plus gros* que l'an passé, a encore bonne envie de vivre, grâce au bon Dieu. La moisson n'a pas été si pire qu'on pouvait le craindre; mais, tant qu'à la vendange, il ne faut {Souv 93} pas parler de huit bœufs, ni de six, ni de quatre, ni tant seulement de deux, pour la rentrer; l'âne à Jarvois amènera le tout dans un panier. Sur l'article de la boisson, faudra se serrer le gosier, ce qui vaut mieux que de se serrer l'estomac sur l'article du pain. Mais le meilleur des deux ne vaut rien; et, d'une chose ou d'une autre, le pauvre monde peut bien {RInd 490} compter qu'il n'a pas fini de pâtir. Le plus sage serait de se priver: avec cela d qu'on a de quoi s'y accoutumer! e Ça nous est facile à dire quand nous ne sommes pas des plus gênés. Aucuns prêchent f la tempérance; et M. le curé, {Souv 94} dont la cave n'est pas tarie, saura bien nous dire des paroles là-dessus; mais le {CL 183} plus grand nombre répond que, quand le vin manque, le courage est bien malade et le nerf bien relâché.

[{RInd 489}] * Sauf qu'elle est un peu plus sourde.

Et puis g ce n'est pas là encore le pire de l'affaire. Ceux qui ont du courage s'en servent, et, s'ils h crèvent à la peine, ça les regarde, comme dit l'autre. Ceux qui ne veulent pas abuser de leurs membres, et qui aiment à se réjouir un peu le cœur le dimanche (m'est avis qu'il y en a beaucoup de cette opinion-là, et qu'ils n'ont pas mérité la corde pour choyer un tant soit peu le vin gris de la côte), ceux-là, je dis, ne {Souv 95} comprendront guère les raisons de M. le curé, et iront frapper, comme de coutume, à la branche de houx. Croyez-vous, mon parrain, que les cabarets seront vides cette année, que les brocs seront cassés, et que les araignées fileront leur toile dans les futailles? Oh! que nenni! Il y aura du vin comme à l'ordinaire, et peut-être pas beaucoup plus cher qu'à l'ordinaire; car il faut {CL 184} bien que tout le monde y vienne, et le cabaret ne peut pas plus se passer i de la petite monnaie du gueux que le gueux ne peut se passer de la piquette du cabaret. Reste à savoir quelle piquette ce sera, et quel vin {Souv 96} coulera dans nos tasses de grès. Issoudun n'a pas gelé, et Issoudun nous enverra ses gros vins noirs, qui rendent lourd et triste le paysan de chez nous, habitué à son clairet égrillard. Il est vrai que les cabaretiers y mettront bon ordre, et qu'avec une pièce de vin issoudunois ils en feront bien dix; le reste sortira de chez le droguiste; la couleur sera belle, et le montant n'y manquera pas. Personne n'y perdra, si ce n'est que la santé pourra bien en souffrir, et que les grosses maladies pleuvront dru comme mouches, au retour du printemps.

Vous me direz que l'hôpital fera {CL 97} ses affaires, c'est-à-dire le salut des saintes âmes qui amassent en bonnes œuvres des rentes pour le paradis. Vous qui avez pris à fermage, {CL 185} pendant quinze ans, un lot des terres de l'hospice, vous savez, mon parrain, qu'il y a là, pour le soulagement des nécessiteux, dix-huit cents ou deux mille bonnes pistoles de revenu au soleil. Mettons seulement quinze mille livres par chacun an: c'est bien de quoi assister les plus malheureux du canton. Mais demandez­moi quelles gens de la campagne ont jamais été franchement assistés à la ville avec cette fortune-là, {RInd 491} je serai très-empêché de vous {Souv 98} le dire. L'hospice a toujours ses six lits, comme du temps où vous l'avez vu, ni plus ni moins. Avec mille pistoles de revenu, est-ce qu'on ne pourrait pas entretenir au moins vingt lits? Ça commencerait à compter; il resterait encore assez du susdit revenu pour monter une salle d'asile, alimenter les trois nonnes qui sont censées sœurs de charité, faire même quelques bâtisses, puisque l'administration tient à honneur de faire danser ses six couchettes dans un palais; enfin payer la messe à M. le curé, {CL 186} qui ne veut pas la dire aux malades à moins d'un écu. La cherté est partout; et {Souv 99} messieurs nos desservants j ne s'en tiennent pas à leur tarif.

Pour en revenir à notre hospice, nous avons eu grand'peine à y faire rester ce pauvre diable de Daudet, qui était revenu du service avec la poitrine défoncée par les pieds des chevaux dans une manœuvre. On n'en voulait pas, on le renvoyait d'Hérode à Pilate; et il a fallu la croix et la bannière pour qu'on ne le mît pas sur le pavé. Mais ça n'est rien ou pas grand'chose. Un homme qui ne peut pas gagner sa vie, parce qu'il a les côtes brisées, ça ne vaut pas la peine d'en parler. Nous en avons vu de meilleures; et, puisque k {Souv 100} vous me demandez ce que c'est qu'une histoire d'enfant perdu que Lorrain l vous a embrouillée; puisque aussi bien, mon parrain, vous êtes quasi de l'hospice, et que vous vous intéressez toujours aux manigances de là dedans, je vais vous en régaler tout au long.

{CL 187} En mars dernier, à l'époque des semences, une jeunesse d'une quinzaine d'années, assez jolie, et dans une livrée de misère, s'est trouvée comme tombée d'en haut, au droit du pré Burat, à deux pas de la ville. Il y avait trois jours qu'elle vaguait par là, sans que personne pût dire à qui elle était, et sans qu'elle pût {Souv 101} le dire elle-même, la pauvre âme. Il parait que sa mère, qui n'a pas pu lui donner du pain, n'a pas eu non plus le moyen de lui donner une langue pour en demander. Ça raisonne à peu près comme ma serpe, ça n'a pas plus de connaissance qu'un cabri, et c'est muet comme une pierre; ça entend, mais ça m ne peut pas dire un mot; ça parait ne pas se rappeler de la veille, et ne pas s'inquiéter du lendemain. Enfin, ça n'est n bon à rien; et, pour o celui qui ne pense qu'à la vie d'aujourd'hui, mieux vaudrait trouver une caille dans son pré qu'une innocente comme celle-là à sa porte.

Cependant p {Souv 102} ça n'est pas méchant, un enfant {CL 188} comme ça; ça n'a pas fait de mal, ça n'en pourrait pas faire. Comment ça pourrait-il mériter la mort? Qu'est-ce qui voudrait se charger de débarrasser la terre {RInd 492} de tout ce qui s'y trouve d'inutile? Ça n'est pas moi, j'aurais trop d'ouvrage.

Si ça n'a pas mérité la mort, ça a donc droit à la vie? Suivez mon idée, parrain. C'est-à­dire, ça a droit à du pain, à des habits, à un couvert, à des soins, à la charité, pour tout dire. Si l'État n'a pas le moyen de recueillir les idiots et les infirmes, il faut donc qu'ils nous retombent sur les bras, à nous autres {Souv 103} pauvres gens. Car nous ne voulons pas les laisser mourir à notre porte; et, s'il q y aurait grand'honte à cela, c'est que sans doute il y aurait grand mal. Mais nous avons bien de la peine à joindre les deux bouts quand nous sommes valides, et même le plus grand nombre d'entre nous ne les joignent pas du tout. Quand nous pouvons garder chez nous nos vieux, nos malades {CL 189} et nos infirmes, c'est que nous sommes déjà un peu riches. Et quand nous ne le pouvons pas, voyons! r qu'est-ce qu'il faut faire? qu'est-ce qu'il faut devenir? Il y a un gouvernement ou il n'y en pas. Je veux qu'on me {Souv 104} réponde moi, s Blaise Bonnin; j'ai le droit de demander le fin mot de la loi; car t je suis adjoint de ma commune, et j'espère bien passer maire un jour ou l'autre. On me répond qu'il y a des fonds départementaux destinés à ne pas laisser mourir ceux qui ne peuvent pas se faire vivre. C'est bien court, à ce qu'il paraît; mais enfin il y en a. Qu'on s'en serve donc! Et, si u on ne s'en sert pas, si on les fait administrer par des gens qui ne savent pas ou qui ne veulent pas s'en servir, à qui nous plaindrons­nous? à qui demanderons-nous justice? v

Ma femme, qui n'est point sotte, {Souv 105} comme vous savez, et qui a un cœur superbe*, me disait comme ça en voyant cette jeunesse dehors, {CL 190} sans feu ni lieu, que, si w le gouvernement ne s'en mêlait pas, elle voulait faire honte au gouvernement, elle, Jacquette, et prendre l'enfant à sa charge, dût-elle tremper la soupe plus maigre à ses propres enfants.

[{RInd 492; Souv 105; CL 189}] * Excellent, généreux.

— Attends x donc un peu, femme, que je lui disais; si y ça continue, il faudra le faire, mais ça ne peut pas continuer.

— Et, en attendant z, disait Jacquette, Dieu sait ce qui peut arriver d'une pauvre jeunesse comme {Souv 106} ça qui commence à avoir l'air de quelque chose, et qui ferait le mal sans connaître sa main droite de sa main gauche.

Si bien aa que j'allais chercher la petite, quand un jeune médecin de l'hospice vient à passer, et la trouve au milieu d'une bande d'enfants du faubourg qui jouaient {RInd 493} avec elle comme avec une guenille, et la tiraillaient vilainement pour la faire parler. A quoi la pauvrette ne savait que pleurer et marmotter des quarts de mots que personne ne pouvait comprendre plus que {CL 191} paroles de brebis. Ce digne jeune homme s'informe et l'emmène à l'hospice. Vous croyez qu'on {Souv 107} l'accueille, qu'on la soulage et qu'on la console? Point. Un enfant perdu, c'est pourtant quelque chose, et m'est avis que, si je n'avais chose à faire en ce monde que de prier Dieu et de servir les pauvres, je recevrais en bonne part tout ce que Dieu m'enverrait. Pas moins, on refuse l'enfant. Il est trop bête, il est trop abandonné, il faudrait en avoir trop de soin, ça ne nous regarde pas: nous ne nous mêlons pas des idiots, nous ne recevons pas les vagabonds. Oui-da, prenez-vous l'hôpital pour une maison de fous, ou pour un dépôt dé mendicité? Vous nous la baillez belle! Le médecin {Souv 108} insiste. Il donne un certificat de maladie à l'enfant, et voilà Fanchette (on lui a donné ce nom-là) reçue à l'hôpital, un peu malgré tout le monde.

Elle ab s'y plaisait fort, elle s'y occupait autant que son pauvre esprit le lui permettait; elle ac était douce, et se trouvait heureuse de jouer avec {CL 192} les autres petites filles que les religieuses instruisent. Ces enfants-là l'aimaient et ne la tourmentaient pas. Quand on lui mettait un petit béguin plissé, elle se croyait aussi parée qu'une reine; et, quand ad on la menait à la messe, elle ouvrait de grands yeux, et trouvait cela si beau, qu'elle n'eût jamais voulu en voir {Souv 109} la fin. Je ne sais pas s'il y a un règlement qui défendait à l'hospice de garder cette pauvre créature du bon Dieu; mais, quand même ça aurait été un abus de la garder, m'est avis qu'il y a tant d'autres abus plus mauvais dans ce monde, et peut-être même dans l'hôpital!

Ce ae qu'il y a de sûr, c'est qu'on ne voulait pas l'y garder. On en écrit à M. le préfet, et M. le préfet alloue, sur les fonds départementaux destinés aux aliénés, une petite somme pour l'entretien de Fanchette, sous la surveillance de l'hospice. On remet Fanchette à une de ces femmes qui prennent les enfants trouvés en {Souv 110} pension. Mais Fanchette pouvait-elle comprendre {CL 193} que son devoir était de rester là? Elle n'y comprit rien af. Elle décampa au bout d'une heure et revint trouver les petites filles, les bonnes sœurs et la belle grand'messe. On la renvoie chez la vieille, et, le soir, Fanchette de déguerpir et de rentrer à l'hospice. On essaye encore trois, quatre fois, peut-être plus: c'est peine perdue; Fanchette court à l'hôpital comme les autres s'en sauvent. Force sera de la garder tout à fait ag.

— Or ça ah, dit la supérieure, que ferons-nous de cette Fanchette qui nous gêne et nous ennuie fort?

{Souv 111} — Oui-da! dit quelqu'un; c'est ai bien simple: c'est un enfant qu'on est venu perdre exprès, on ne sait d'où, aux portes de l'hospice; c'est un sot cadeau qu'on nous a fait là.

— C'est une méchante niche de quelque autre congrégation, dit la sœur.

— Eh bien, reprend l'orateur du conseil (la plus forte tête de l'endroit, bien sûr), il faut la remettre où vous l'avez prise, sur la voie {CL 194} publique. On l'avait perdue, perdez-la. Elle est venue du bon Dieu, qu'elle retourne au bon Dieu.

Amen! firent aj les bonnes sœurs.

Aussitôt ak fait que dit.

{Souv 112} — Fanchette al, veux-tu aller à la messe?

Fanchette am saute de joie.

— Tiens an, mets ton bonnet des dimanches. La servante va te conduire.

Qui ao fut bien contente? ce fut Fanchette. Il faisait grand jour; on ne pouvait pas la perdre au vu et au su de tout le monde. On lui fait traverser la ville, et celle qui la conduisait, n'y entendant peut-être pas malice, lui disait en passant devant les portes des maisons où elle connaissait du monde:

— Allons ap, Fanchette, dis donc adieu à Marguerite; dis donc adieu à Catherine.

Fanchette aq, qui de tout était contente, faisait signe de {Souv 113} la tête et de la main, ne pouvant mieux dire, et s'en allait toujours à la messe, bien {CL 195} fière d'avoir un bonnet, et ne se tourmentant pas d'aller si loin chercher l'église des Capucins. Cependant, les ar petites filles se disaient, sur le pas des portes, car il y a toujours une providence pour avoir l'œil ouvert sur les mauvaises actions:

— Tiens! as Fanchette s'en va donc? Adieu, Fanchette; bon voyage!

A la sortie de la ville, Thomas Desroys, le conducteur de la patache d'Aubusson, reçut Fanchette, qui monta sans défiance, toujours plus contente d'aller à la messe en {Souv 114} voiture.

— C'est at drôle tout de même, se disait Thomas Desroys, de faire perdre comme ça un enfant. On m'a donné hier cinquante sous pour perdre un chien; aujourd'hui, voilà au cent sous pour perdre une fille. Si la moitié de la ville voulait s'arranger avec moi pour faire perdre l'autre, ça ferait assez mes affaires. av

La nuit venue, Thomas Desroys, fidèle à sa {CL196} consigne, arrête sa patache à Chaussidon, un endroit tout désert, dans la Marche, à {RInd 495} deux lieues d'Aubusson.

— Fanchette aw, nous voilà à la messe; descends vite pour voir passer les prêtres.

Fanchette ax descend en confiance. {Souv 115} Thomas Desroys remonte, fouette ses chevaux, et laisse Fanchette toute seule, au milieu de la nuit, sur un chemin, sans un sou vaillant, avec ses quinze ans, pas de langue pour parler, mais bien avec ses pauvres yeux pour pleurer.

Au bout de quelque temps, le jeune médecin qui avait recueilli la pauvre innocente s'étonne de ne point la voir, et demande ce qu'elle est devenue.

— Elle est par ici, elle est par là; vous la verrez tantôt, un autre jour. ay

Il fallut pourtant bien s'expliquer. Les petites filles de la rue des Capucins {Souv 116} se souvenaient d'avoir dit adieu à Fanchette, et ce n'est pas bien aisé d'empêcher les petites filles de causer. {CL 197} La servante n'avait peut-être pas, d'ailleurs, la conscience bien tranquille, ni Thomas Desroys non plus. Tout fut avoué, et les religieuses mêmes, pensant que Fanchette était bien perdue, ne se gênèrent pas trop pour en convenir.

Sur ces entrefaites, notre maire, qui est aussi notre député, comme vous savez, arrive de Paris. Instruit par la clameur publique, il veut interroger et connaître les coupables. Personne ne se soucie de répondre; car on commence à {Souv 117} comprendre que ce n'est pas si joli de perdre un enfant sur un chemin, et que, si un pauvre avait fait pareille drôlerie, on pourrait bien parler des galères pour lui apprendre à vivre. Mais le maire insiste, et va aux preuves. Enquête est dressée, d'où il résulte que Thomas Desroys a reçu, de ses supérieurs, ordre de perdre une petite fille; que lesdits supérieurs, maîtres de poste et entrepreneurs de diligence, ont donné cet ordre, à la requête de la supérieure de l'hospice, laquelle en a reçu le conseil {CL 198} des membres les plus influents du conseil d'administration. Les gens {Souv 118} de la poste disent qu'ils ont trouvé la commission désagréable, mais que la supérieurè a levé leurs scrupules en leur disant que l'enfant ne serait pas inscrit sur la feuille de départ des voyageurs. La supérieure dit qu'elle n'eût pas pris l'affaire sur elle, si son administrateur ne le lui eût grandement conseillé. Les autres membres du conseil disent que c'est une misère; qu'il est ridicule de relever une pareille affaire; que c'est vouloir faire du scandale, chercher à déconsidérer des gens respectables, vu qu'ils sont riches et ont la main longue; qu'enfin ils sont résolus à {Souv 119} s'en taire, dans l'intérèt des mœurs, et pour la plus grande gloire de {RInd 496} Dieu. Le conseiller, le père de l'idée, fait celui qu'on outrage et qu'on calomnie. Il menace de faire du train, de déshonorer la mairie. Notre maire, qui n'en à cure, poursuit l'enquête. Il n'y a que Thomas Desroys qui n'y mette pas tant de façons: — il a az reçu cinquante sous de plus que pour le chien.

D'une main, le maire pousse à la réparation de la justice, et l'on pourrait bien dire, sans trop s'avancer, que c'est la justice de Dieu qui est en cause dans cette affaire-là; de l'autre main, il fait {Souv 120} chercher Fanchette; mais ba Fanchette a été si bien perdue, que, depuis tantôt trois mois, on bb n'en a pas eu de nouvelles. Personne n'en a ouï parler à Aubusson. On écrit de tous les côtés, pas plus de Fanchette que de poursuites contre l'hospice. Le procureur du roi et le sous-préfet ont reçu la plainte, et ne disent mot. Tous les honnêtes gens de la ville (vous savez, parrain, que les riches et les gens en place portent ce nom-là depuis la Révolution bc) disent qu'il faut cacher ça.

Oh! bd si vous ou moi, ou mon voisin Jarvois, ou Marcasse, en eussions fait tant seulement la moitié, {Souv 121} il n'y aurait pas assez de gendarmes, assez de geôliers, assez de témoins, assez de jugements, assez de lois, assez de prisons pour {CL 200} nous prendre, nous condamner et nous châtier. Je ne dis pas que ce serait mal fait; mais peut-être que ce n'est pas bien fait non plus de ménager tant les uns, quand on houssine si bien les autres. Je ne suis pas tracassier, je ne veux de mal à personne; je sais bien que, quand be on punirait tous les méchants, on ne rendrait pas l'honneur et la vie à ceux qui les ont perdus par leur fait: mais, enfin bf, je me sens la tête un peu échauffée {Souv 122} et le cœur plus gros qu'il ne faut pour l'avoir léger, quand j'entends dire qu'on doit cacher les fautes de ceux que rien n'arrête. Puisqu'il n'y a pas de justice pour eux, à la bonne heure; mais on ne peut pas nous empêcher de blâmer, et, mordienne! je blâmerai jusqu'à mon dernier jour ceux qui font perdre un enfant comme un chien.

Tant qu'à Fanchette, Dieu en aura-t-il eu plus de pitié que l'hospice? Il est dit qu'à brebis tondue Dieu ménage le vent. Mais, la nuit bg, dans les brandes, il y a bien des marécages où {CL 201} un enfant qui n'a pas pour deux liards de connaissance {Souv 123} peut se noyer. Sans compter qu'il y a encore pire la nuit sur les chemins. Il y a de mauvaises gens qui, en trouvant là une fille de quinze ans toute seule, ne lui demandent ni son extrait de naissance ni ses autres certificats pour la mettre à mal. Vous voyez bien le sort de Fanchette? Eh bien, bh faites-vous une idée de Fanchette devenant {RInd 497} mère, et figurez­vous un peu maintenant le sort de l'enfant que Fanchette mettrait au monde! Non, ça n'est pas bien d'avoir livré Fanchette aux vagabonds du chemin, et aux loups de la brande. Ça n'est pas chrétien, ça n'est pas {124} humain; c'est peut­être administratif, je n'en sais rien; mais je ne voudrais pas l'avoir fait, quand même on me donnerait quinze mille livres de rente, et le titre de maire par-dessus le marché. Ma pauvre femme en pleure de honte, et elle m'en veut de n'avoir pas été chercher Fanchette au pré Burat avant qu'on l'ait conduite à l'hospice. {CL 202} Votre commère en lève sa béquille de colère, et dit qu'il faut vous conter ça.

L'administrateur bi de l'hospice qui a donné ce joli conseil avait ici bj une bonne place du gouvernement. Tout au milieu de cette belle affaire, que le gouvernement ait su {Souv 125} ou n'ait pas su bk son fait, on l'a retiré d'ici pour l'envoyer dans une autre ville, comme receveur particulier des finances, avec de l'avancement, s'il vous plaît, deux ou trois mille livres de profits de plus sur sa charge, à ce qu'on dit.

Et pour nous bl, bonnes gens, la morale de la chose est que, si bm nous ne réussissons pas à élever nos enfants, si nous mourons à la peine, si nous en laissons d'infirmes ou en bas âge sur les bras de la charité publique, à la porte des hospices, voilà les appuis qu'ils trouveront dans ce monde; voilà comme les administrations de la prévoyance publique {Souv 126} veilleront à leurs besoins; voilà comme les congrégations chrétiennes veilleront sur leurs mœurs. Dieu {CL 203} du ciel et de la terre! cela ne fait-il pas dresser les cheveux sur la tête?

Par ainsi, mon parrain, je prie Dieu de vous avoir en sa sainte et digne garde, ainsi que toute votre famille, et qu'il vous reçoive au ciel droit comme une gaule. Quant à ceux de l'hospice, on peut bien leur promettre, comme dit l'autre, qu'ils iront droit comme une faucille.

BLAISE BONNIN,                
Laboureur, adjoint à Montgivret, près La Châtre (Indre) bn.



{RInd 498; Souv [127, 128 blanche]; CL 204} COMMUNICATION AU RÉDACTEUR EN CHEF DE LA
REVUE INDÉPENDANTE.



{Souv [129]} Chargé par mon voisin Blaise de faire passer cette lettre à son parrain Claude, et prié par lui d'en corriger les fautes d'orthographe, j'ai pensé, mon cher monsieur, que {Souv 130} l'histoire révoltante et douloureuse dont elle contient le récit ingénu ne devait pas rester enfouie dans la correspondance de ces deux campagnards illettrés et, bo à coup sûr, fort mal placés pour lui donner la publicité qu'elle réclame. Frappé de cette anecdote à peine croyable, j'ai voulu aller aux preuves, et j'ai acquis la certitude qu'elle était si exactement vraie, que je pouvais m'en faire l'éditeur responsable.

J'ai bp reproché à mes amis, témoins quasi oculaires de tous les faits, de n'avoir pas demandé à l'opinion publique la justice que {CL 200} les tribunaux semblaient refuser à ce crime de {Souv 131} lèse-charité et de lèse-humanité. Ils m'ont répondu que leur déclaration avait été rédigée et envoyée au Siècle et à deux autres journaux qui avaient dédaigné de l'insérer, et au National, qui l'avait insérée, tronquée et affaiblie, en présentant, sous la forme du doute, ce qui était affirmatif. Je conçois la répugnance d'un journal à endosser la garantie d'un fait si étrange, si révoltant et si invraisemblable, et je saïs que la vie de Paris et les préoccupations de la presse quotidienne ne laissent guère de place aux soins d'un plus ample informé. Je conçois également les répugnances de mes amis {Souv 132} de La Châtre à poursuivre d'une si terrible accusation les représentants d'une opinion qui leur est hostile: non que l'égide de la doctrine conservatrice fût pour eux un épouvantail; mais, en province, on bq est facilement soupçonné de rancune particulière et de prévention personnelle, sur le terrain dangereux {CL 206} des opinions politiques. Je suis tellement en dehors des partis, les conservateurs et les fonctionnaires de ma province me sont tellement inconnus; je suis si étranger, en un mot, à toute amertume, à toute discussion, à tout ressentiment, que, s'il br me fallait citer les noms des {Souv 133} coupables, je serais forcé de les prendre par écrit; je ne les connais pas, ou je les ai oubliés. Dans cette position, j'ai assumé, sans scrupule, sur moi seul le devoir de révéler de nouveau à l'opinion publique les faits inouïs dont témoigne un procès-verbal d'enquête dressé par le {RInd 499} commissaire de police et déposé à la mairie de la ville. Trois mois se sont écoulés sans bs que le procureur du roi ait encore voulu donner suite à cette enquête, et le sous-préfet est resté jusqu'à présent impassible devant des faits dont le contrôle cependant lui appartient aussi.

De tous nos magistrats, M. Delaveau bt, {Souv 134} maire et député de La Châtre, a seul fait son devoir, {CL 207} mais non entièrement encore; car lui seul est en position de demander réparation pour la morale publique outragée; et nous comptons bien qu'il ne se contentera pas des explications des membres du bureau de l'hospice, dont l'avis général a été d'étouffer l'affaire. Ce magistrat honorable et ces citoyens trop timorés reconnaîtront que leurs véritables devoirs ne sont pas le respect des personnes, mais celui des mœurs et de la foi publique. Les membres du bureau de l'hospice, recrutés probablement parmi des personnes réputées intègres {Souv 135} et recommandables, auraient de graves reproches à se faire s'ils acceptaient la responsabilité du rapt de Fanchette. Plusieurs de ces citoyens, peut-être tous, sont pères de famille. Quelle serait leur terreur si, frappés de ces désastres qui font tache dans les familles, ils trouvaient dans le public le même dédain pour leurs plaintes, le même mépris pour leurs douleurs, la même tolérance pour les ravisseurs de leurs {CL 208} enfants! Qu'ils ne se fient point trop sur ce qu'une certaine position de considération et de fortune les met à l'abri de malheurs analogues. Il y a des malheurs comparés qui {Souv 136} n'en sont pas moins graves; il y a des rapprochements qu'on dirait être des châtiments célestes.

D'autres bu personnes encore sont en cause dans cette aventure. Un soupçon pénible, et peut-être un blâme sévère, pèse sur les entrepreneurs des diligences. Mais on a peine à croire que, pour commettre un crime, on puisse réunir si aisément et si gratuitement tant de complices. Il faut donc que ces entrepreneurs aient été trompés. On a dû leur faire croire que la malheureuse Fanchette avait l'intelligence nécessaire pour se tirer des dangers auxquels on l'abandonnait; on a dû invoquer, pour {Souv 137} vaincre des répugnances dont l'aveu est consigné dans l'enquête, des ordres supérieurs. Il y a eu dans tout cela je ne sais quelle trame honteuse qu'il appartiendrait aux débats {CL 209} de dévoiler, et que les accusés secondaires auraient intérêt, sans doute, à révéler à la justice.

Quant à moi, je suis assez du caractère de Blaise Bonnin: bv comme lui, peu amateur de châtiments matériels, je crois davantage à l'effet des sentences de l'opinion sur de telles matières; et, quoique je {RInd 500} haïsse ce rôle d'exécuteur des hautes œuvres morales, quoique je ne le sente fait à ma taille en aucune façon, je {Souv 138} l'accepterais sans hésiter, si j'avais mandat pour le faire.

Certain de trouver dans votre Revue autant de courage et d'impartialité qu'il m'en faut à moi-même pour remplir ma triste mission, je vous confie la publication de cette courte et trop véridique histoire, tout en vous demandant pardon d'entretenir vos lecteurs, aujourd'hui, d'un roman si peu poétique et si peu agréable.

Je vous en fournirai cependant le dénoûment.

{CL 210} Avant-hier bw, une lettre de la mairie de Riom (Cantal) a donné avis à la mairie de La Châtre de la réapparition de la pauvre {Souv 139} Fanchette sur la scène sociale. Elle a été reconnue sur son signalement, et arrêtée au milieu d'une troupe de bateleurs ambulants, dont elle avait l'honheur de faire partie. On la renvoie à l'hospice de La Châtre, de briqade en briqade, c'est-à-dire de prison en prison, sur quelle litière et dans quelle compagnie, hélas! N'y a-t-il pas des destinées qui serrent le cœur? et l'auteur ingénieux et généreux des Mystères de Paris a-t il exagéré l'horreur des misères et des humiliations du pauvre et du déshérité? Dans quel état de souillure et d'abjection l'infortunée Fanchette va-t-elle être ramenée chez les sœurs {Souv 140} de l'hôpital? Le venin de la prostitution n'est­il pas déjà dans les veines de cette créature innocente dans l'infamie, puisqu'elle est privée de la connaissance du bien et du mal?

Dira-t-on bx que chacun doit se garder soi-même by {CL 211} et que la société n'a point de devoirs à remplir envers ceux qui ne comprennent pas la notion du devoir? Non, personne ne le dira. Il n'est pas une mère, dans ces heureuses classes où l'honneur est si précieusement gardé et bz la pudeur si tendrement protégée, qui ne sente son cœur ému de douleur et d'indignation à l'idée des misères de Fanchette. N'y {Souv 141} a-t-il pas aussi quelque réflexion à faire, après toutes celles que le dix-huitième siècle et le nôtre ont formulées sur l'immoralité du célibat, à propos de la conduite inhumaine de la supérieure de l'hospice? Pour qu'un tel conseil puisse être accueilli dans le sein d'une femme vouée par vocation, peut-être, et par habitude, sans doute, aux œuvres de charité, il faut l'inspiration secrète d'une perversité maladive ou l'âcreté chagrine d'une de ces aversions de femme à enfant, comme il s'en rencontre surtout chez les vieilles filles.

Au milieu d'un tel abandon de toutes les {CL 212} protections naturelles, {Souv 142} légitimes et sacrées, on est forcé de se réfugier dans l'idée {RInd 501} peut-être, hélas! beaucoup trop romanesque, que Fanchette a pu trouver, par hasard, chez les bohémiens, ces parias de la civilisation, l'hospitalité, la charité, le respect que notre société et notre religion officielle lui ont si étrangement déniés. Qui sait si Dieu, qui voile sa face aux pharisiens, n'a pas étendu sa main paternelle sur la paille où elle a dormi pendant trois mois pèle-mêle avec l'immonde famille des tsingari ca? Funeste société que celle où l'enfant abandonné n'a pas de secours plus explicite, plus immédiat que {Souv 143} l'austère et mystérieuse protection du ciel! 0 Providence! daignez-vous faire des miracles pour ceux que vous frappez d'impuissance dans le berceau, et dont la destinée se traîne sur la boue des chemins? Détournez­vous des traces de la vierge et de l'orpheline l'infâme vieille qui trafique de l'enfance, et qu'on voit errer le soir dans les carrefours à {CL 213} la faveur des ténèbres, guettant l'innocence et la faiblesse pour les corrompre, les violenter, et les livrer tremblantes ou perverties au riche, au père de famille, au magistrat même des petites villes? les petites villes! ces antres de corruption, où {Souv 144} l'intimidation assure l'impunité au vice et au crime tout autant qu'à Paris le mystère!

Détournons les yeux de ces spectacles d'iniquité, et prions Dieu pour les faibles, puisque les hommes sont sourds.

GEORGE SAND cb 1.    



{RInd t.XI p.[161]; Souv [145, 146 blanche], CL 214} LETTRE DE M. LE PROCUREUR DU ROI
DE LA CHATRE,
AU DIRECTEUR DE LA REVUE INDÉPENDANTE
. cc 2



{Souv [147]} La Châtre, le 9 novembre 1845.

        Monsieur le Directeur,


Vous avez, dans un des derniers numéros de votre journal, inséré un article signé George Sand, dans {Souv 148} lequel l'auteur s'empare d'un fait déplorable, sans doute, mais qui est loin cependant d'avoir la gravité qu'il lui attribue, pour en faire l'objet de reproches injustes contre plusieurs fonctionnaires de cette ville.

Voici, au surplus, l'événement, si étrangement rapporté par cet écrivain. Il importe tout d'abord de lui restituer son véritable caractère.

Dans le cours du mois de juillet dernier, une jeune fille presque idiote, qui avait été précédemment reçue à l'hospice de La Châtre, auquel {CL 215} elle avait alors cessé d'appartenir, et où elle était cependant {Souv 149} revenue, disparut subitement. La sœur supérieure, non en vue de faire perdre cette malheureuse, comme on l'a dit, mais, au contraire dans l'espoir, en la renvoyant aux lieux d'où elle paraissait être venue, de lui faire retrouver sa famille, l'avait fait transférer, par {RInd 162} la voiture publique, aux environs d'Aubusson; et, là, elle avait été déposée et recueillie dans une maison voisine.

Après y avoir résidé pendant plusieurs jours, cette jeune fille s'enfuit, et parvint à se soustraire, pendant quelque temps, à toutes les recherches de l'autorité locale.

Tels sont, dans toute leur {Souv 150} simplicité, les faits; et les réflexions qu'ils suggèrent à l'auteur de l'article ne sont ni justes ni fondées.

« Le procureur du roi de La Châtre, dit-il, en est demeuré témoin impassible. » Une cd pareille assertion est en tous points inexacte.

Les démarches les plus actives ont été, au {CL 216} contraire, faites par le parquet de La Châtre, et pour retrouver la jeune fille, et pour faire punir les coupables (si coupables il y avait).

Une instruction a été provoquée, une enquête a eu lieu; toutes les investigations de la justice ont été appelées et sur la conduite de la {Souv 151} sœur supérieure et sur celle des agents qui auraient pu lui prêter leur concours; et le tribunal, après avoir donné à cette affaire tous ses soins, a rendu, le 13 septembre dernier, une ordonnance de non-lieu; preuve manifeste que les faits incriminés n'étaient pas entourés des circonstances odieuses dont on s'est plu à les revêtir. Ils avaient, d'ailleurs, été appréciés de la même manière par M. le procureur du roi d'Aubusson, dont l'attention avait été également appelée sur le même objet.

Ce n'est pas tout: aux recherches incessantes du parquet de La Châtre {Souv 152} on doit d'avoir cette jeune fille; et c'est par mon ministère qu'elle a été réclamée et réintégrée provisoirement à {CL 217} l'hospice de La Châtre, où elle est encore en ce moment. Elle avait été arrêtée, le 18 août dernier, dans l'arrondissement de Riom, comme se livrant à la mendicité, et placée, peu de temps après, à l'hospice de cette ville.

Telle est l'exacte vérité, appuyée sur pièces justificatives, dont je déclare publiquement me porter garant. Que l'auteur veuille bien maintenant mettre en regard de ce simple exposé l'histoire incroyable dont son article contient le récit, et qu'il dise, {Souv 153} j'en appelle à sa conscience, s'il ne s'est pas fait l'éditeur responsable d'un roman.

Je vous prie et vous requiers, au besoin, monsieur le directeur, de vouloir bien insérer cette lettre dans votre plus prochain numéro.

Recevez, monsieur, l'assurance de mes sentiments distingués.

Le Procureur du roi de La Châtre,

ROCHOUX.        



{RInd 163; Souv [154 blanche, 155, 156 blanche]; CL 218} RÉPONSE A M. LE PROCUREUR DU ROI
DE LA CHATRE
.



{Souv [157]} Vous avez tort, et grandement tort, monsieur ce, de vouloir assumer sur vous en particulier un reproche qui ne pesait sur vous que collectivement, et dont certes vous ne {souv 158} portiez pas la plus grosse part. Mion Dieu, que faites-vous là! cf Vous faites un appel à ma conscience, et vous mettez à nu le fond de la vôtre, et vous me forcez d'y plonger un regard sévère, moi qui eusse voulu n'y supposer que des torts, sinon pardonnables, du moins réparables; oubli, nonchalance, légèreté de jeunesse, préoccupation. Au lieu de cela, vous dirai-je ce que je pourrais y voir maintenant si je ne cherchais à vous excuser, et s'il ne me peinait pas profondément de condamner un jeune magistrat et un compatriote?

{CL 219} Mais il est donc écrit au ciel {Souv 159} que, dans le temps où nous vivons, toute indulgence est impossible ou coupable? Vous voilà descendu sur une arène où je ne vous vois pas sans chagrin faire vos premières armes pour une si trible cause. Vous provoquez de nouvelles explications devant le public; vous m'appelez en champ clos par un démenti que je ne puis pas accepter; non qu'il m'atteigne, non qu'il me blesse, mais parce que l'on ne peut pas reculer quand on s'est mis sur la trace de la vérité. Il y a eu, de la part des autorités de La Châtre, menace de poursuites contre l'auteur de Fanchette. L'auteur de {Souv 160} Fanchette n'a rien à redouter d'un tribunal qui serait juge et partie. Il sait bien que ces menaces sont d'amicales tentatives d'intimidation qu'on rougirait trop d'exécuter, et qu'en le faisant, on provoquerait des éclaircissements qui donneraient trop d'éclat et de force à la vérité de ses assertions, à la réalité scrupuleuse du roman de Fanchette cg. Ainsi donc, {CL 220} monsieur ch, je ne regarderai pas votre lettre à la Revue Indépendante ci comme un piégé tend à ma bonne foi; un procureur du roi est trop haut placé pour descendre au rôle d'agent provocateur. J'accepterai la discussion, et je vous {Souv 161} répondrai comme vous m'interpellez, en toute simplicité.

Vous commencez par avouer que le fait dont je me suis emparé est déplorable sans doute. Non, je ne me suis pas emparé du fait; c'est le fait qui s'est emparé de moi, et qui m'a bouleversé le cœur et l'esprit; comme le même fait s'empare de vous et vous force à le qualifier {RInd 164} tout d'abord de déplorable. Je n'ai pas besoin, moi, de faire ici un appel à votre conscience. Je vois bien qu'elle est émue, bourrelée, et que le premier mot qui s'échappe de votre plume proteste naïvement contre tout ce qui va suivre. Je ne doute {Souv 162} pas de vous en ceci: j'aime cj à vous rendre justice.

Vous prétendez pourtant que j'ai rapporté {CL 221} étrangement un événement auquel vous vous faites fort de restituer son véritable caractère. Eh hien, je vais reprendre mon récit et le résumer, pour le mettre en regard du vôtre, et vous verrez que votre apologie des coupables est la confirmation même de mon accusation. Il n'y a que la manière d'apprécier le fait qui diffère essentiellement entre vous et moi. Vous ne trouvez rien d'odieux dans cette aventure (déplorable); moi, j'y vois un crime, un crime pour lequel il faut inventer {Souv 163} un nouveau nom, l'innocenticide.

J'ai dit qu'une jeune fille idiote... vous dites presque idiote; je dis tout à fait idiote, idiote au point de ne savoir pas parler, bien qu'elle ne soit ni sourde ni muette; idiote au point de ne pouvoir dire ni qui elle est, ni d'où elle vient, ni ce qu'elle veut. Il ne faut pas être idiot à demi pour être privé de la notion de son être, de l'appréciation de son individualité. Mais passons. Si j'eusse voulu faire un roman, comme vous me le reprochez sans malice, je {CL 222} suppose (vous savez bien que c'est mon métier, et nul ne rougit du sien), j'eusse peint {Souv 164} Fanchette moins idiote qu'elle ne l'est en effet. Cela l'eût faite plus intéressante pour mes lecteurs. Voilà une belle héroïne de roman que la pauvre Fanchette, avec sa bouche béante et ses yeux hagards! Ce serait d'une pauvre invention.

La tout à fait idiote ck Fanchette, trouvée au pré Burat, comme je l'ai dit, amenée à l'hospice par le docteur Boursault, et acceptée sur un billet d'entrée de ce médecin, enfin placée chez la mère Thomas, par la femme Landat, qui fait profession de caser les enfants trouvés et abandonnés (les champis, comme nous disons dans notre bon vieux {Souv 165} langage); Fanchette, revenant à l'hôpital par suite de son idiotisme, qui l'empêchait de comprendre le dégoût qu'elle y inspirait, disparut un beau matin sans être munie de l'exeat du médecin attaché à l'hospice (M. Boursault), formalité exigible et dont on sut fort bien se passer.

{CL 223} Voilà Ina version. Moins prolixe que moi, car vous avez l'honneur de n'être pas écrivain de profession, vous dites simplement que Fanchette, ayant cessé de faire partie de l'hôpital et y étant revenue, DISPARUT SUBITEMENT. Disparaître subitement, ce n'est pas {RInd 165} s'en aller naturellement, ce n'est pas être {Souv 166} transféré régulièrement dans un nouvel asile, ce n'est pas se retirer en règle, muni de l'exeat du médecin, de la sanction des administrateurs et de l'ordre de M. le préfet cl; enfin, disparaître subitement, c'est s'enfuir, se suicider, être enlevé ou assassiné. Si M. le Procureur du roi, M. le sous-préfet ou M. le curé venaient à disparaître subitement, il y aurait un peu plus d'émoi dans la ville, et pour cause. Cependant personne ne doit disparaître subitement, sans que, subitement aussi, les autorités locales s'enquièrent de l'individu supprimé. Enfin, nul d'entre nous, {Souv 167} quelque idiot qu'il puisse être, n'a le droit de disparaître subitement; M. le procureur du roi le sait bien.

{CL 224} L'enquête du commissaire de police dit, et je dis avec l'enquête, que Fanchette disparut dans les premiers jours de juillet; car l'enquête, datée du 31 juillet, porte par trois fois, pour date de l'événement: Il y a environ un mois; vous dites que cela se passa dans le courant du mois: nous sommes à peu près d'accord sur les dates. Le tribunal a rendu son ordonnance de non-lieu le 13 septembre. Fanchette a été retrouvée le 18 août; elle n'a été perdue que pendant six {Souv 168} semaines environ. Ce n'est pas assez apparemment pour exposer ses mœurs et ses jours. Le tribunal n'a recherché et absous les délinquants qu'au bout de deux mois et demi; il n'y a pas mis d'indiscrète précipitation. Nous sommes d'accord, vous dis-je, monsieur le procureur du roi.

Je reprends mon enquête, tirée du roman de M. le commissaire de police, de la déposition éminemment romanesque de Thomas Desroys, le conducteur de diligence (Blaise Bonnin a {CL 225} écrit patache cm par vieille habitude), et des réponses de deux femmes, maîtresses de poste, qui ont aussi l'entreprise des diligences de {Souv 169} notre endroit.

« L'une de ces dames fut appelée à l'hospice par la sœur supérieure; et, s'y étant co rendue, la supérieure lui dit que des étrangers, sans doute, avaient abandonné en cette ville une jeune fille, âgée d'environ quatorze ou quinze ans, qui était privée de ses sens intellectuels, et qu'on en avait doté l'hospice; que, pour s'en décharger elle-même, elle voulait user d'un semblable moyen; que, conséquemment, il fallait la placer dans la voiture qui partait pour Aubusson, avec recommandation au conducteur de s'en débarrasser avant d'arriver à Aubusson, en l'abandonnant sur la route; que, pour que {Souv 170} personne ne s'aperçut de cela, elle la ferait conduire par une servante sur la route, hors ville, ce qui fut accepté par madame Gazonneau cn. Ces deux dames ajoutent que ce ne fut {CL 226} qu'avec une extrême répugnance {RInd 166} qu'elles acceptèrent une semblable mission; mais qu'en vertu du caractère de la supérieure, elles se rendirent à sa demande empressée*. »

* Copie de l'enquête faite à la diligence de M. le maire de La Châtre, par le comnlissaire de police de cette ville.

L'an mil huit cenl quarante-trois, le trente et un juillet.

Nous, commissaire de police de la ville de La Châtre (Indre), en vertu de la lettre de M. le maire, en date d'hier, qui nous ordonne de [{Souv 171}] procéder à de nouvelles investigations sur les faits et circonstances qui ont précédé, accompagné ou suivi l'exposition d'une jeune fille étrangère et idiote, qui avait été arrètée par nos soins, il y a environ un mois, et qui, par suite, fut placée en l'hospice de cette ville; obtempérant à cet ordre, et ayant appris que cette enfant avait disparu et était partie par la voiture de M. Chauvet, maître de poste, nous nous sommes transporté à son bureau, et y avons trouvé les dames Chauvet et Gazonneau, lesquelles, sur nos interpellations, nous ont déclaré et affirmé, notamment la dame Gazonneau, qu'il y avait environ un mois, elle fut appelée à l'hospice de cette ville par la sœur supérieure; qu'y étant rendue, cette dernière lui dit que des étrangers, sans doute, avaient abandonné dans cette ville une jeune fille âgée d'environ quatorze à quinze ans, qui était [{Souv 172}] privée de ses sens intellectuels, et qu'on en avait doté l'hospice; que, pour s'en décharger elle-même, elle voulait user d'un semblable moyen; que, conséquemment, il fallait la placer dans la voiture qui partait pour Aubusson, avec recommandation au conducteur de s'en débarrasser avant d'arriver à Aubusson en l'abandonnant swr la route; que, pour que personne ne s'aperçût de cela, elle la ferait conduire par une servante sur la route, hors ville; ce qui fut accepté par madame Gazonneau. Ces deux dames ajoutent que ce ne fut qu'avec une extrême répugnance qu'elles acceptèrent une semblable mission, mais qu'en vertu du caractère de la supérieure, elles se rendirent à sa demande empressée.

Nous avons aussi interrogé le nommé Thomas Desroys, [{CL 227}] conducteur, attaché à l'administration de [{Souv 173}] M. Chauvet, maitre de poste. Il nous a déclaré qu'au moment de partir pour Aubusson, il y avait environ un mois, madame Gazonneau lui dit: « Vous trouverez sur la route, au sortir de la ville, une petitè fille qui est idiote, conduite par une servante de l'hospice de La Châtre; elle ne figurera pas sur la feuille, c'est une enfant qu'on veut perdre. Ainsi, quand vous serez environ à une lieue d'Aubusson, vous la ferez descendre de voiture, et l'abandonnerez sur la route. » Qu'en effet, arrivé près d'un village appelé Chaussidout, à uue lieue d'Aubusson, il la fit descendre de voiture, l'abandonna, et suivit ponctuellement les ordres qui lui avaient été donnés.

La Châtre, les jour, mois et an que dessus.

Le Commissaire de police,
Signé:
BOUYER.    

{RInd 167; Souv 171; CL 227} On ne peut pas être plus explicite. Laissons parler Thomas Desroys et la plume romanesque de {Souv 172} M. le commissaire de police:

« Il cq nous a déclaré qu'au moment de partir pour Aubusson, il y avait environ un mois, madame Gazonneau cr (la maîtresse de poste) lui dit:

» — Vous cs trouverez sur la route, au {Souv 174} sortir de la ville, une petite fille qui est idiote, conduite par une servante de La Châtre. Elle ne figurera pas sur la feuille. C'est une enfant que l'on veut perdre. Ainsi, quand vous serez environ à uue lieue d'Aubusson, vous la ferez descendre de voiture et l'abandonnerez sur la route.

{CL 228} » Qu'en ct effet, arrivé près d'un endroit appelé Chaussidout, à une lieue d'Aubusson, il la fit descendre de voiture, l'abandonna et suivit ponctuellement les ordres qui lui avaient été donnés. »

Voilà la première enquête. Chacun sait que les premières dépositions {Souv 175} sont les bonnes. On n'a pas eu le temps de se consulter, d'être influencé, de comprendre et de redouter les conséquences du fait. On est frappé comme de la foudre, on dit la vérité sans détour. Et pourquoi Thomas Desroys aurait-il reculé? Il n'a peut-être pas, lui non plus, un grand développement de ses sens intellectuels. Il a obéi consciencieusement, ponctuellement à l'ordre de ses supérieurs. Et pourquoi les dames de l'administration des voitures auraient-elles hésité à rejeter le blâme sur qui de droit? Elles avaient extrêmement répugné à obéir, et le caractère de la {Souv 176} supérieure avait pu seul les rassurer.

{CL 229} Qu'on y fasse attention, ce n'est plus Blaise Bonnin, ce n'est plus George Sand, c'est le commissaire de police, dont le roman officiel marche côte à côte avec celui que M. le procureur du roi veut bien nous offrir. Ce dernier roman, plus concis et plus rapide, est certainement le mieux fait des deux. Celui de M. le commissaire de police est simple et rude comme le fait; celui de M. le procureur du roi est tissu avec plus d'art. Il glisse sur les faits, et développe les intentions. Il entre dans la pensée des {177} personnages, et leur accorde un acquittement de tendance, comme autrefois on faisait des procès de tendance.

« La sœur cu supérieure, dit-il, non en vue de faire perdre cette malheureuse comme on l'a dit (comme les déposants l'ont dit au commissaire de police, comme la supérieure l'a dit aux déposants, comme le commissaire de police l'a consigné dans l'enquête, comme tout le monde le sait, et comme Blaise Bonnin et George Sand {CL 230} l'ont répété), mais au contraire dans l'espoir, en la renvoyant aux lieux d'où elle paraisait être venue, de lui faire retrouver sa famille, {Souv 178} l'avait fait transférer par la voiture publique aux environs {Rind 168} d'Aubusson, et, là, elle avait été déposée et recueillie dans une maison voisine. »

J'aime cette rédaction, elle a certainement plus de goût et de délicatesse que les réponses brutales de Thomas Desroys. Mais le fait reste le même, la rédaction n'y fait rien. La narration de M. le procureur du roi résulte sans doute d'une nouvelle enquête provoquée par lui six semaines après celle du commissaire de police, et des réponses de madame la supérieure (si tant est qu'on l'ait interrogée). Ainsi madame la supérieure s'est pleinernent {Souv 179} justifiée en déclarant qu'elle avait eu l'espoir cv de rendre Fanchette à sa famille. Mais cette supposition d'une famille à la pauvre idiote était un peu gratuite, puisque Fanchette a disparu de Chaussidout comme elle avait disparu de La {CL 231} Châtre, enlevée, soit par des bohémiens, soit par d'autres religieuses, toujours pour l'aider apparemment à retrouver sa famille.

Si cw l'enquête du tribunal a constaté que Fanchette avait été déposée et recueillie dans une maison voisine, et qu'il y eût eu effet une maison voisine du théâtre du crime, c'est un remords de conscience, un bon {souv 180} mouvement de Thomas Desroys ; je l'en remercie de tout mon cœur. On a déjà vu cela dans bien des fables et dans bien des romans. Œdipe, Romulus, Cyrus, Geneviève de Brabant, beaucoup de héros de l'antiquité, beaucoup d'héroïnes des contes de fées, ont été confiés à des écuyers, à des soldats, à des bourreaux chargés de les noyer, de les égorger ou de les perdre, et presque toujours ces honnêtes scélérats, ces meurtriers sensibles, émus de compassion ou saisis de remords, ont abandonné au hasard les victimes condamnées à périr, ou donné à des bergers celles qu'il leur était enjoint {Souv 181} de laisser {CL 232} à la merci des flots, des brigands et des bêtes sauvages. On a vu même, dans ces poétiques histoires, les louves et les biches se mettre de la partie, et allaiter les enfants perdus: ce qui ne prouverait autre chose, sinon que les brutes sont moins cruelles que les hommes, et que, pour parler le langage de Blaise Bonnin, les valets ne sont pas si pires que leurs maîtres.

Enfin, je voudrais, pour l'honneur d'un homme du peuple, et pour la satisfaction de nos cœurs, monsieur le procureur du roi, que Thomas Desroys eût manqué à sa consigne, qu'il eût cherché une maison, {Souv 182} qu'il en eût trouvé une dans l'endroit désigné (vous vous êtes sans doute rendu sur les lieux pour voir si, par hasard, ce ne serait pas un bois, ou une lande déserte?); enfin qu'on eût consenti à y recueillir la pauvre Fanchette: mais les premières dépositions de Thomas Desroys ne font mention ni de cette maison, ni de ces gens hospitaliers. Il faut que le doux Thomas ait {CL 233} eu bien peur d'être grondé pour sa désobéissance, ou {RInd 169} qu'il soit modeste et chrétien au point de ne pas vouloir laisser soupçonner ses bonnes actions. Vous lui avez peut-être arraché enfin cet aveu; vous avez {Souv 183} bien fait. Vous y avez cru; vous le reconnaissez donc pour un homme sincère et craignant Dieu; donc, il cx n'avait pas menti dans la première enquête, en déclarant qu'il lui avait été ordonné d'abandonner, de faire perdre une enfant? cy Et, sans doute cz, il ne s'est pas rétracté sur ce point dans la seconde enquête que vous avez provoquée, et que nous ne connaissons pas, mais que vous promettez de nous mettre sous les yeux.

Eh bien, monsieur le procureur du roi, c'est là ce que nous vous demandons, pas autre chose; des explications, une justification de l'impunité {Souv 184} garantie jusqu'ici par le tribunal à un fait qui nous a paru à tous si énorme. Pensez-vous que nous ayons à nous réjouir et à triompher si, malheureusement, l'enquête du {CL 234} commissaire est véridique, si les témoins n'ont pas menti dans leur première déposition, si la clameur publique est fondée, si le maire a été sage de provoquer cette enquête, si notre indignation est juste et si nos plaintes sont raisonnables? Hélas! non, nous serons tous tristes, vous, moi, les magistrats, les fonctionnaires, les coupables, les témoins et le public. Tout le monde sera consterné, humilié de voir l'humanité si perverse, la religion si {Souv 185} avilie, la faiblesse si délaissée, la misère si méprisée; aucun de nous ne chantera victoire, croyez-le bien.

Eh! da vous le savez! vous savez bien que nous ne sommes pas des hypocrites; vous savez bien que nous n'aimons pas plus que vous le scandale inutile; vous savez bien que l'écrivain qui vous répond n'a jamais fait de déclamation contre les personnes, ni d'opposition, ni de politique en un mot. Pourquoi voulez-vous en faire à propos d'un fait si étranger à la politique? Pourquoi essayez-vous d'atténuer {CL 235} l'horreur d'un crime, vous dont la mission est de poursuivre et de punir le crime, tandis que la nôtre, {Souv 186} à nous, serait de gémir quelquefois sur la rigueur des lois et le sort des coupables? Ce rôle, que vous prenez aujourd'hui, n'est pas dans les devoirs de votre position. Aucune influence supérieure ne peut vous l'avoir dicté, et vous vous révolteriez contre une pareille influence, si elle existait.

N'hésitez donc pas à apaiser l'indignation douloureuse qui s'est emparée de vos concitoyens, et donnez-leur des explications satisfaisantes de l'indulgence du tribunal; ils les accepteront avec reconnaissance, ils seront heureux de n'avoir plus personne à accuser, et moi tout le premier, je {Souv 187} dirai avec joie à mes lecteurs: « Oui, c'était un roman; j'avais été trompé. Ne prenez pas Fanchette pour une histoire {RInd 170} véritable; grâce à Dieu, il n'en est rien. C'est un mauvais rêve que nous avions fait. »

Mais, si telle est votre intention, monsieur {CL 236} le procureur du roi, elle n'est pas réalisée. Les explications que vous avez la bonté de nous apporter ne sont pas satisfaisantes; bien au contraire, nous y voyons l'aveu, la confirmation de ces tristes choses qui nous faisaient frémir. Une supérieure qui, arguant, selon vous, de ce que l'enfant n'appartient plus à l'hospice, s'en empare, la fait enlever... {Souv 188} transférer, si vous voulez, mais bien secrètement, le fait est acquis et vous ne le niez pas; transférer où? aux lieux d'où elle paraissait être venue. Vous ne le saviez pas: db l'enfant ne l'a jamais dit. Elle ne pouvait pas le dire, elle ne peut pas parler; personne ne la connaissait; personne ne la connaît encore; dc vous n'avez jamais pu découvrir qui elle est. La supérieure a dit textuellement qu'à son costume, elle avait présumé quelle était Marchoise. Sur cette belle certitude, on l'a donc fait transférer sur la grande route, dans un endroit vague, aux environs d'Aubusson: non pas dans une maison {Souv 189} désignée. Votre {CL 237} rédaction porte: « ET LA dd (sur la grande route, dans l'endroit quelconque), elle avait été déposée et recueillie dans une maison VOISINE. »

Tout de cela est-il logique, régulier, évident, concevable? Non, tout cela n'est ni concevable, ni évident, ni satisfaisant, ni sincère. C'est l'apologie maladroite que vous a présentée une conscience coupable. Je ne comprendrai jamais et personne ne comprendra plus que moi que le tribunal s'en soit contenté, que vous vous en contentiez vous-même, et personne ne dira avec vous que l'ordonnance de non-lieu, rendue le 13 septembre, est une preuve manifeste {Souv 190} de l'innocence des coupables. Non, toutes les investigations de la justice n'ont pas été appelées, et sur la conduite de la supérieure, et sur celle des agents qui AURAIENT PU lui prêter leur concours. Non, cent fois non; car ces agents ne sont pas dignes de foi si leur seconde déposition a détruit la première, et cette première déposition est accablante, elle est sans réplique. Un jury n'y {CL 238} trouverait pas de circonstances atténuantes. M. le procureur du roi d'Aubusson, dont vous invoquez l'opinion, et


Qu'on ne s'attendait guère
A voir paraître en cette affaire,

n'a rien à nous dire sur un fait qui {Souv 191} n'est pas du ressort de sa juridiction, et dont il n'a pas eu à connaître. Personne ne s'est plu à revêtir de circonstances odieuses les faits incriminés; un tel office ne {RInd 171} peut plaire à personne. Il m'a rendu df malade de chagrin. Je ne suis pas habitué comme vous autres magistrats à peser dans le creux d'une main froide les iniquités de mes semblables. Je n'ai rien inventé; qui le sait mieux que vous? Vous faites appel à ma conscience! et moi, j'appelle par trois fois la vôtre! « Conscience, conscience, conscience de M. le procureur du roi de La Châtre, réveillez-vous, et soyez ce que Dieu vous a faite! »

{Souv 192} Mais rapportons-nous-en à votre propre témoignage; c'est de vos paroles mêmes que {CL 239} nous voulons tirer la preuve du délit, du crime que la loi qualifie du nom d'exposition. Vous dites d'abord: « Fanchette dg a été transférée aux environs d'Aubusson, ET, LA, elle a été déposée et recueillie dans une maison voisine... » Voisine de quoi? des environs d'Aubusson? c'est un peu vague. Et puis déposer et recueillir sont deux termes fort contradictoires; ON REÇOIT UN DÉPÔT, on ne RECUEILLE que ce qui est abandonné, délaissé. D'ailleurs, si c'était un dépôt, un placement régulier, et non pas une exposition {Souv 193} clandestine, on n'en eût pas chargé le conducteur d'une voiture publique, mais bien une des personnes qui, comme la mère Landat, sont préposées à cet emploi par l'autorité: ou, du moins, choisissant un homme étranger à cette fonction, on lui eût remis une somme destinée à la pension alimentaire de l'enfant, et non pas seulement le salaire de son aveugle complicité; on lui eût désigné une de ces maisons spéciales qui servent ordinairement de refuge aux enfants {CL 240} trouvés, et, au besoin, à leurs frères en infortune, les idiots, et non pas la première maison venue, VOISINE DES ENVIRONS {Souv 194} d'Aubusson. Enfin, l'on ne pouvait, en aucun cas, se passer pour tout cela de l'autorisation du préfet; car, si la prétendue famille de Fanchette se fût présentée à l'hospice pour la réclamer, on n'eût pas pu rendre Fanchette à ses parents sans cette formalité. Or donc, monsieur le procureur du roi, vous vous êtes pris au piège de vos propres aveux, et, si dh vous permettez que je vous parle latin, moi qui ne le sais pas, à vous qui le savez certainement, je vous dirai: Habemus confitentem reum.

Autre preuve accablante contre la sincérité et l'innocence de votre prétendu dépôt: c'est que Fanchette {Souv 195} a été si peu recueillie, qu'en réponse aux renseignements demandés par l'autorité de La Châtre, le maire de Saint-Maixent, dont dépend le hameau de Chaussidout, a déclaré dans une lettre officielle que, malgré {CL 241} les recherches les plus empressées, il n'avait pu rien découvrir au sujet de cette jeune fille. On ne l'avait pas vue, on n'avait pas entendu parler d'elle à Chaussidout, commune de Saint-Maixent, malgré les recherches {RInd 172} empressées du maire!... Donc, elle di n'avait été recueillie nulle part, mais bien abandonnée sur le chemin, quoi qu'on en dise. Si on nous mettait en cause {Souv 196} comme calomniateur ou romancier (il paraît que c'est tout un), nous demanderions à M. le procureur du roi de nous conduire dans cette maison introuvable et invisible dont l'administration charitable de La Châtre fait la succursale de son hospitalité, et nous sommerions M. le procureur du roi de recevoir l'attestation des habitants de cette demeure fantastique, entre les mains desquels, selon lui, on aurait déposé Fanchette.

Nous n'avons pas fini.

Après dj avoir résidé plusieurs jours dans cette maison supposée, où, quand même nous accepterions l'affirmation de {Souv 197} M. le procureur du roi, {CL 242} Fanchette n'aurait certes pas eu le droit de réclamer un asile, puisque M. le préfet lui en avait assigné un autre; dans cette maison, qui n'eût été nullement engagée à se charger d'un enfant perdu, dk pour qui elle eut dû être une charge impossible à accepter, où certainement personne n'aurait eu ni le temps, ni le moyen, ni le devoir de la garder et de la surveiller; vous dites que cette jeune fille PARVINT A SE SOUSTRAIRE pendant quelque temps à toutes les recherches de l'autorité locale. C'est faux; on vous a trompé. Fanchette, qui {Souv 198} n'a jamais pu parvenir à dire deux mots de suite, n'est certainement pas parvenue à se soustraire à quoi que ce soit. Fanchette sait bien, en vérité, ce que c'est que les autorités locales! Elle a bien affaire de s'y soustraire, elle qui cherche un asile, comme un chien sans maître, contre le froid et la faim! Il est bien aisé de comprendre ce que cherchait la pauvre vagabonde en quittant son nouveau gîte: dl elle essayait de retourner à l'hospice. {CL 243} C'était son idée fixe. On ne peut pas lui en supposer d'autre, puisqu'elle ne faisait autre chose tandis qu'elle résidait chez la femme Thomas. {Souv 199} Malheureuse qui croyait trouver là secours et protection! Oh! que sa stupide confiance doit enfoncer de poignards dans le cœur de la supérieure, si tant est que cette femme ait un cœur! Mais la honte de la réprobation publique et la crainte du châtiment réveillent parfois une espèce de conscience chez ceux qui n'en avaient point. Puisse-t-elle gémir et pleurer aux pieds du Christ, cette sœur de la charité! je le lui souhaite; je ne lui souhaite pas d'autre mal.

Ainsi Fanchette ne pouvait pas, comme un bandit, comme un forçat évadé, se soustraire aux recherches de l'autorité. Elle ne {Souv 200} connaît point d'autorité, elle ne connaît que la grande route; elle a pu la suivre au hasard, espérant revenir à La Châtre. Elle a rencontré des bohémiens; ils l'ont emmenée, de gré ou de force, qui peut {CL 244} le savoir? On l'a retrouvée, six semaines après, parmi des {RInd 173} bateleurs, à Riom. Vous dites qu'elle se livrait à la mendicité: c'est possible; dm mais avec qui? Vous ne le dites pas, et pourtant vous devez le savoir. Vous le savez. Cela a paru, à quelques personnes d'ici, une invention romanesque, une opposition ingénieuse. Elle n'a rien que de naturel. Il n'y a en France que des {Souv 201} bateleurs à qui un enfant puisse servir à quelque chose; ce sont eux qui se chargent de recueillir ceux que les hospices repoussent.

C'est par vos soins, par votre ministère, qu'elle a été réintégrée provisoirement à l'hospice de La Châtre. Je n'en doute pas; mais, dites donc, par l'ordre et les soins de qui a-t-elle été ramenée, cette enfant, de brigade en brigade, comme un malfaiteur et avec les malfaiteurs, couchant parmi eux peut-être, sur la paille ou sur le pavé des prisons? On sait bien ce que c'est qu'un pareil voyage, en pareille compagnie; et si, de stupide, Fanchette n'est pas devenue {CL 245} folle, si elle n'est {Souv 202} pas enceinte comme on le dit (je crois bien que c'est faux), enfin, si elle est infectée des honteuses plaies de la débauche et de la prostitution, à qui la faute? Et il n'y a pas de coupables? et votre ordonnance de non-lieu sur ce fait déplorable en est une preuve manifeste? et dn vous nous dites cela, à nous autres mères de famille? et vous avez une sœur, une femme, une mère? et je suis un romancier? Ah! vous en êtes un autre! si c'est une honte, buvez-la.

Pardonnez-moi! mon cœur saigne de vous dire de pareilles choses; mais qu'ètes-vous venu faire dans tout ceci? Mon accusation sur votre incurie de {Souv 203} magistrat était-elle aussi grave que celle dont vous vous chargez si gratuitement, si follement? Les faits que vous avancez confirment les miens. La différence, je le répète, est dans la manière dont vous les appréciez, puisque vous ne leur reconnaissez pas la gravité que nous leur attribuons. Je ne disais pas que vous eussiez un cœur de pierre, je ne le pensais {CL 246} pas. Je n'aurais jamais osé vous taxer d'insensibilité, de mépris pour l'espèce humaine, de partialité pour les âmes criminelles, d'aversion pour celles qui haïssent le crime. Et, à vous entendre, à lire votre lettre, on croirait que vous avez toutes ces glaces dans l'âme, {Souv 204} toute cette perversité dans l'esprit. Vous avez eu trop de confiance; vous saviez que nous vous connaissions pour un bon et faible jeune homme, et votre zèle à justifier cet événement déplorable vous a fait oublier que le public auquel vous vous adressez, ce public, rude et sauvage qui juge un homme sur ses paroles, et ne s'inquiète ni de ses secrets instincts ni de sa vie privée, allait vous condamner sans appel et crier anathèmc sur votre apologie. Nous serons forcé {RInd 173} de vous défendre, et nous le ferons, tandis que vous nous accuserez de provoquer le scandale et d'incriminer vos intentions.

{Souv 205} Vous vous trouvez compromis par nos reproches de lenteur et de patience. Eh bien, il {CL 247} fallait vous en tenir à cette justification: « Nous avons agi, nous avons tâché de retrouver Fanchette. » Il fallait dire que vous aviez, vous personnellement, provoqué une enquête, et que le reste ne vous regardait pas, puisque l'ordonnance de non-lieu n'émanait pas de vous; et il ne fallait pas vous faire le rédacteur, l'éditeur responsable du roman invraisemblable intitulé l'Espoir de madame la supérieure do. Voilà où est l'aventure incroyable! C'est la sollicitude de cette femme qui arrache une enfant dp à la surveillance des {Souv 206} autorités, aux soins du médecin, à une retraite assignée par le préfet, à un asile assuré, à un secours du gouvernement, le tout par bonté d'âme, et qui la fait perdre du côté où elle présume, où elle espère qu'elle doit avoir une famille, et qu'elle pourra la retrouver. Comme c'est ingénieux! quelle charité éclairée! quelles candides intentions! Grâce à Dieu, je suis femme et ne comprends rien aux lois que les hommes ont inventées; mais j'ai ouï dire {CL 248} qu'il y avait des châtiments pour ceux qui causaient la mort par imprudence. Il n'y en a donc pas pour ceux qui risquent la vie, l'honneur et la santé d'autrui par {Souv 207} imprudence? Mettons que ce ne soit pas autre chose; en tout cas, l'imprudence est grande, et, si la supérieure ne doit pas être punie (ce qu'à Dieu ne plaise! je n'aime pas le système des châtiments), au moins dq aurait-elle mérité quelque sévère réprimande; au moins ne mérite-elle pas qu'un magistrat prenne son parti, et nous la déclare innocente et persécutée, bien intentionnée et pure de tout reproche; au moins avons-nous le droit de nous étonner, de blâmer, et de nous remontrer les uns aux autres l'horreur et le scandale d'une imprudence de ce genre. Eh quoi! vous cachez, vous étouffez l'affaire; libre {Souv 208} à vous! mais encore vous vous fâchez quand nous la découvrons, et vous voulez nous interdire d'en parler? Sommes-nous en France ou en Russie?

Vous m'en voulez pour avoir dit, monsieur {CL 249} le procureur du roi, que vous étiez demeuré témoin impassible. Eh bien, si vous ne l'avez pas été, tant mieux. Je vous crois de toute mon âme. Pourquoi voulez-vous donc maintenant vous poser en apologiste passionné des intentions les plus coupables ? C'est bien pis.

Vous avez fait tous vos efforts pour retrouver Fanchette: je le crois bien ! Les autres fonctionnaires ont agi {Souv 209} aussi avec activité, avec effroi du scandale qui allait retomber sur l'administration de l'hospice et sur {RInd 175} le clergé? Je le crois encore! Mais l'enfant retrouvée telle quelle, on s'est calmé bien vite. Le sous-préfet a été vivement affecté, m'a-t-on dit, du sort de Fanchette; je ne doute pas de la bonté de son cœur. Mais les hommes les plus probes et les meilleurs sont-ils donc obligés par état, dès qu'ils sont revêtus de fonctions publiques, à une prudence ombrageuse? Est-ce l'esprit du gouvernement qui leur impose ces ménagements pour certaines personnes, cette irritation contre {CL 250} d'autres? On le dit; moi, je {Souv 210} ne veux pas le croire.

Cependant dr, une modeste souscription s'est ouverte à La Châtre pour faire imprimer et vendre au profit de Fanchette le roman qui porte son nom. C'était une bonne œuvre. Le prétendu roman avait eu du succès dans la localité. L'imprimeur n'y courait aucun risque: ds c'était la reproduction d'un ouvrage déjà publié, et non incriminé par le gouvernement. Le prix était convenu, le nombre d'exemplaires fixé. Mais, après dt avoir été faire sa déclaration à la sous-préfecture, l'imprimeur est revenu tout effrayé, et bien décidé à ne pas nous prêter le secours de son industrie. {Souv 211} Monsieur du le procureur du roi, demandez donc de ma part à M. le sous-préfet pourquoi il a fait intimider de la sorte ce brave homme d'imprimeur? Que lui importait un peu plus ou un peu moins de publicité au roman de Fanchette? S'il eût réclamé contre la petite part de blâme que je lui faisais, j'eusse eu {CL 251} grand plaisir à me démentir et à réparer mon injustice. Mais comment croirons-nous à sa sincérité, comment jugerai-je ses intentions, à présent que je le vois armé des foudres de l'intimidation, on dit même d'une menace de poursuite contre moi? Au moins on {Souv 212} devrait bien me donner le temps de me retourner et de vendre mon roman au profit de l'idiote, puisqu'on a bien donné à ceux qui l'ont exposée et perdue neuf ou dix semaines de répit avant d'instruire, sur leur conduite*.

* L'impression de Fanchette a été tentée à Bourges et y a échoué pour les mêmes causes. De trois imprimeurs, l'un a le monopole des imprimés de la préfecture, l'autre celui des annonces judiciaires, le troisième est imprimeur du clergé. A Chàteauroux, certitude des mêmes obstacles: partout, en province, même position des imprimeurs, même dépendance du pouvoir, même âpreté du pouvoir à paralyser la presse.

Vous allez voir qu'on n'a pas {Souv 213} procédé envers eux avec autant de hâte et de méfiance. C'est un autre petit récit dont je me fais encore l'éditeur responsable.

M. Delaveau, maire de la Châtre et député {CL 252} de l'Indre, à son retour de la dernière session, trouva dans les bureaux de la mairie une lettre de M. le sous-préfet, qui était arrivée en son absence un mois ou six {RInd 176} semaines auparavant, laquelle lettre était relative au fait de la disparition de Fanchette et en demandait l'explication. Comme président du bureau d'administration de l'hospice, M. Delaveau rassembla le conseil de cette administration, {Souv 213} et exhorta ses collègues à s'occuper de la lettre de M. le sous-préfet. Il lui fut répondu que l'on n'avait pas répondu, mais que, comme ladite lettre n'avait pas été suivie de ce qu'on appelle une lettre de rappel, c'est-à-dire d'une preuve de l'insistance de ce fonctionnaire pour avoir raison du fait, il n'y avait plus lieu de s'en occuper. Apparemment, disait-on, le sous-préfet est aujourd'hui fixé sur le sort de Fanchette. M. Delaveau s'étonna, s'indigna de cette inaction. Il ne devait pas s'en étonner. Un membre de ce bureau, zélé pour le gouvernement, et influent {CL 253} dans {Souv 215} les affaires de l'hospice, avait lui-même donné à la supérieure le conseil, on dit même l'ordre, de faire perdre l'enfant, et la plupart des autres membres n'étaient pas apparemment très-révoltés de cet acte, puisqu'ils se joignaient à lui pour en étouffer la publicité. M. Delaveau ne se laissa point convaincre par l'opinion du conseil, ni décourager par la cynique indifférence de certaines personnes.

Il déclara que, puisqu'on paralysait son action comme président du bureau d'administration de l'hospice, il se réservait d'agir comme maire, et de diriger des poursuites {Souv 216} contre les coupables. C'est alors que M. Delaveau provoqua l'enquête suivie par le commissaire de police, et que j'ai citée plus haut. Elle est courte, elle est incomplète, puisque la supérieure et son conseiller n'y figurent point en personne. Cependant, elle dv suffit pour établir le fait nettement, et copie en fut envoyée par le maire de La Châtre {CL 254} au procureur du roi et au sous-préfet. Le même jour, 31 juillet, arriva enfin la lettre de rappel du sous-préfet.

De tout cela, il résulte que le premier mouvement, en l'absence de M. Delaveau, est venu de {Souv 217} M. le sous-préfet, et que, après dw les démarches de M. Delaveau, les autres démarches de M. le sous-préfet ne se sont pas fait attendre. Cependant on peut douter que la lettre de rappel eût été envoyée si l'enquête n'eût pas été déjà faite. Il n'y a pas certainement dans tout cela de quoi couronner ni pendre M. le sous-préfet; mais tout l'honneur de l'activité, du courage et de la persévérance revient à M. Delaveau, comme maire, à M. Boursault, comme médecin de l'hospice, et l'action du tribunal, qui a été la plus tardive, est venue tout remettre à néant. Vous dites, {Souv 218} monsieur le procureur du roi, que c'est précisément une preuve manifeste du néant de l'affaire; pour nous, jusqu'à présent, c'est une preuve manifeste de l'intérêt {CL 255} qu'on avait effectivement à l'étouffer. Il est possible que nous nous trompions; éclairez-nous, {RInd 177} daignez fournir vos preuves, nous ne demandons pas mieux que de nous y rendre, si elles sont bonnes. Moi, je vous répète que je suis prête à vous demander pardon de mon irrévérence, et à la rétracter publiquement, mais que votre lettre me force à persévérer plus que jamais dans mes accusations; que votre enquête {Souv 219} elle-même est frappée à mes yeux d'une complète nullité morale, et n'atténue en rien la gravité de celle du commissaire de police. Et si vous voulez que je vous dise pourquoi, c'est que les personnes qui pouvaient le mieux éclairer votre religion n'y ont pas figuré.

Ainsi dx, vous n'avez entendu ni M. Delaveau, maire de la ville; dy ni ses adjoints, qui présidaient le conseil en son absence; ni M. Boursault, médecin de l'hospice, qui, par ses fonctions, était chargé de donné l'exeat, pièce indispensable {CL 256} pour autoriser le déplacement de {Souv 220} Fanchette. Si M. le maire de la Châtre avait été appelé, il eût pu produire la lettre du maire de Saint-Maixent, qui dz détruit sans réplique votre illusion de cette fameuse maison de refuge, voisine des environs d'Aubusson, sur laquelle repose toute la justification de l'événement déplorable. Si M. Boursault avait été entendu, il eût également détruit votre illusion charitable sur le presque idiotisme de la victime. Enfin vous eussiez dû appeler la femme Cruchon ea, qui demeure sur la route de Guéret, et chez laquelle Pélagie, la servante de l'hospice, a stationné avec Fanchette en attendant le {Souv 221} passage de Desroys, au moment choisi pour l'enlèvement. Quant à Desroys, nous ne pouvons pas savoir ce qu'il a pu vous dire dans votre instruction à huis clos, pour détruire et atténuer ses premières révélations; mais nous savons bien ce qu'il disait hier encore, et cela a bien le caractère d'une vérité naïve. Il avait abandonné {CL 257} l'enfant sur la grande route, au milieu de la nuit; et il en avait eu tout d'un coup le cœur gros sans trop savoir comment. Il avait lancé ses chevaux à toute bride à la descente, pour fuir Fanchette et le remords; mais soudain il les avait arrêtés, {Souv 222} arrêté lui-même comme par la main de Dieu, pour regarder si, en courant après lui, elle ne s'exposait pas à prendre du mal. Il ne l'avait pas vue, et, ne pouvant se débarrasser de son souvenir, pendant cinq à six jours il allait demandant sur son passage à toutes les laitières qu'il rencontrait:

— N'avez-vous eb pas trouvé par là un enfant?

Je n'ai qu'une erreur à rectifier dans la lettre de Blaise Bonnin, c'est que la ville de Riom soit située dans le département du Cantal; il paraît qu'elle est située dans celui du Puy-de-Dôme. C'est une faute de géographie dont je ne {Souv 223} me suis point aperçue en transcrivant la lettre de mon ami Blaise, par la raison que je ne possède pas cette science {RInd 178} mieux que lui. {CL 258} Mais les paysans et les femmes, assez doctes peut-être dans les questions de sentiment, ne sont tenus à rien de mieux.

Agréez, monsieur le procureur du roi, l'expression de mes sentiments distingués.

GEORGE SAND ec.    

Nohant, près La Châtre (Indre).



{Souv [224 blanche, 225]; CL 259} COPIE DE LA LETTRE ADRESSÉE A GEORGE SAND
PAR M. DELAVEAU, MAIRE DE LA CHATRE ET
DÉPUTÉ DE L'INDRE. ed



{Souv [226 blanche, 227]} La Châtre, i6 novembre 1843.    

        Madame, ee

Je reçois à l'instant communication de votre réponse à M. le procureur du roi près le tribunal de cette ville, et l'invitation que vous m'adressez d'attester {Souv 228} l'exactitude des faits consignés dans votre récit sur Fanchette.

Comme magistrat, je devais compte de ces faits tant au sous-préfet qu'au procureur du roi de cet arrondissement, et, ce devoir ef rempli, j'aurais désiré demeurer étranger à ces débats mais, puisque vous invoquez mon témoignage, je crois de mon devoir de rendre hommage à la vérité. Ainsi, je déclare que les faits que vous précisez dans votre réponse à M. le {CL 260} procureur du roi sont, en ce qui me concerne, d'une exactitude complète. Quant aux passages de l'enquête faite, sur ma réquisition, par {Souv 229} M. le commissaire de police, ils sont identiques avec les termes de son procès-verbal.

Veuillez agréer, madame, l'assurance de mes sentiments les plus respectueux.

DELAVEAU. eg    



{Souv [230 blanche, 231]; CL 261} COPIE DE LA LETTRE ADRESSÉE A GEORGE SAND
PAR M. BOURSAULT, MÉDECIN DE L'HOSPICE DE
LA CHÂTRE. eh



        Madame,

Vous m'envoyez votre réponse à la lettre de M. le procureur du roi; après en avoir pris lecture, je certifie qu'en ce qui me {Souv 232} concerne, tout est d'une parfaite exactitude.

Recevez, madame, mes salutations empressées.

BOURSAULT, D. M. P.    



FIN ei




Variantes

  1. FANCHETTE / [filet] / LETTRE DE BLAISE BONNIN / A / CLAUDE GERMAIN {RInd}
  2. Cette note n'apparaît pas dans {RInd} ni {Souv}.
  3. ne vont pas pire que les grands {RInd} ♦ ne vont pas pire, que les grands {Souv}{CL} comme {RInd}
  4. de se priver, avec cela {RInd}, {Souv} ♦ de se priver: avec cela {CL}
  5. de quoi s'y accoutumer. {RInd}, {Souv} ♦ de quoi s'y accoutumer! {CL}
  6. Aucuns prêchent {RInd} ♦ Aucun prêche {Souv}{CL} comme {RInd}
  7. bien relâché. Et puis {RInd}, {Souv} ♦ bien relâché. / Et puis {CL}
  8. et, s'ils {RInd} ♦ et s'ils {Souv}, {CL}
  9. ne peut pas plus se passer {RInd} ♦ ne peut plus se passer {Souv}{CL} comme {RInd}
  10. MM. nos desservants {RInd} ♦ messieurs nos desservants {Souv}, {CL}
  11. et puisque {RInd} ♦ et, puisque {Souv}, {CL}
  12. une histoire d'enfant perdu, que Lorrain {RInd}, {Souv} ♦ une histoire d'enfant perdu que Lorrain {CL}
  13. comme une pierre, ça entend; mais ça {RInd} (cette leçon est fautive) ♦ comme une pierre; ça entend, mais ça {Souv}, {CL}
  14. Enfin ça n'est {RInd}, {Souv} ♦ Enfin, ça n'est {CL}
  15. et, pour {RInd} ♦ et pour {Souv}, {CL}
  16. à sa porte. Cependant {RInd}, {Souv} ♦ à sa porte. / Cependant {CL}
  17. et s'il {RInd} ♦ et, s'il {Souv}, {CL}
  18. quand nous ne le pouvons pas! Voyons, {RInd} ♦ quand nous ne le pouvons pas! voyons, {Souv} ♦ quand nous ne le pouvons pas, voyons! {CL}
  19. qu'on me réponde, moi, {RInd} ♦ qu'on me réponde moi, {Souv}, {CL}
  20. de la loi; car {RInd} ♦ de la loi, car {Souv}{CL} comme {RInd}
  21. Et si {RInd} ♦ Et, si {Souv}, {CL}
  22. à qui demanderons-nous justice? {Souv} ♦ à qui demanderons-nous justice {CL} (nous rétablissons la ponctuation défaillante dans {CL})
  23. que si {RInd}, {Souv} ♦ que, si {CL}
  24. enfants. « Attends {RInd}, {Souv} ♦ enfants. / — Attends {CL}
  25. disais, si {RInd}, {Souv} ♦ disais; si {CL}
  26. continuer. — Et en attendant {RInd}, {Souv} ♦ continuer. / — Et, en attendant {CL}
  27. sa main gauche. » Si bien {RInd}, {Souv} ♦ sa main gauche. / Si bien
  28. tout le monde. Elle {RInd}, {Souv} ♦ tout le monde. / Elle {CL}
  29. permettait. Elle {RInd}, {Souv} ♦ permettait; elle {CL}
  30. qu'une reine; et quand {RInd}, {Souv} ♦ qu'une reine; et, quand {CL}
  31. l'hôpital! Ce {RInd}, {Souv} ♦ l'hôpital! / Ce {CL}
  32. Elle n'y compris rien {Souv} (faute évidente)
  33. tout à fait {RInd} ♦ tout-à-fait {Souv}{CL} comme {RInd}
  34. « Or çà « {RInd} ♦ Or ça {Souv} ♦ — Or ça {CL}
  35. Oui-da! dit quelqu'un; c'est {RInd} ♦ Oui-da, dit quelqu'un; c'est {Souv} ♦ Oui-da! dit quelqu'un, c'est {CL}
  36. — Amen! » firent {RInd}, {Souv} ♦ — Amen! firent {CL}
  37. bonnes sœurs. Aussitôt {RInd}, {Souv} (sœur est au singulier dans {Souv}, nous ignorons cette faute) ♦ bonnes sœurs. / Aussitôt {CL}
  38. « Fanchette {RInd} ♦ — Fanchette {Souv}, {CL}
  39. à la messe? Fanchette {RInd}, {Souv} ♦ à la messe? / Fanchette {CL}
  40. « Tiens {RInd} ♦ — Tiens {Souv}, {CL}
  41. te conduire. » Qui {RInd}, {Souv} ♦ te conduire. / Qui {CL}
  42. « Allons {RInd} ♦ — Allons {Souv}, {CL}
  43. à Catherine. » Fanchette {RInd} ♦ à Catherine. / Fanchette {Souv}, {CL}
  44. Cependant les {RInd}♦ Cependant, les {Souv}, {CL}
  45. « Tiens, {RInd} ♦ — Tiens! {Souv}, {CL}
  46. voiture. « C'est {RInd}, {Souv} ♦ voiture. / — C'est {CL}
  47. aujourd'hui voilà {RInd}, {Souv} ♦ aujourd'hui, voilà {CL}
  48. mes affaires. » {RInd}, {Souv} ♦ mes affaires. {CL}
  49. d'Aubusson. « Fanchette {RInd}, {Souv} ♦ d'Aubusson. / — Fanchette {CL}
  50. les prêtres. » Fanchette {RInd}, {Souv} ♦ les prêtres. / Fanchette {CL}
  51. « Elle [...] jour. » {RInd}, {Souv} ♦ — Elle [...] jour. {CL}
  52. façons: il a {RInd}, {Souv} ♦ façons: — il a {CL}
  53. chercher Fanchette: mais {RInd}, {Souv} ♦ chercher Fanchette; mais {CL}
  54. que depuis tantôt trois mois on {RInd} ♦ que, depuis tantôt trois mois, on {Souv}, {CL}
  55. révolution {RInd}, {Souv} ♦ Révolution {CL}
  56. cacher ça. Oh! {RInd}, {Souv} ♦ cacher ça. / Oh! {CL}
  57. je sais bien que quand {RInd} ♦ je sais bien que, quand {Souv}, {CL}
  58. mais enfin {RInd}, {Souv} ♦ mais, enfin {CL}
  59. Mais la nuit {RInd}, {Souv} ♦ Mais, la nuit {CL}
  60. Eh bien! {RInd}, {Souv} ♦ Eh bien, {CL}
  61. conter ça. L'administrateur {RInd}, {Souv} ♦ conter ça. / L'administrateur {CL}
  62. conseil avait ici {RInd} ♦ conseil, avait ici {Souv}{CL} comme {RInd}
  63. ait su ou n'ai pas su {Souv} (faute manifeste)
  64. Et nous {RInd}, {Souv} ♦ Et pour nous {CL} (leçon qui semble préférable)
  65. est que, si {RInd} ♦ est que si {Souv}, {CL}
  66. La Châtre (Indre) {RInd} ♦ La Châtre, Indre {Souv}{CL} comme {RInd}
  67. illettrés et, {RInd} ♦ illettrés, et, {Souv}{CL} comme {RInd}
  68. responsable. J'ai {RInd} ♦ responsable. / J'ai {CL}
  69. mais en province on {RInd}, {Souv} ♦ mais, en province, on {CL}
  70. que s'il {RInd}, {Souv} ♦ que, s'il {CL}
  71. se sont écoulés, sans {RInd}, {Souv} ♦ se sont écoulés sans {CL}
  72. M. Delavault {RInd}, {Souv} ♦ M. Delaveau {CL}
  73. célestes. D'autres {RInd}, {Souv} ♦ célestes. / D'autres {CL}
  74. de Blaise Bonnin; {RInd}, {Souv} ♦ de Blaise Bonnin: {CL}:
  75. le dénoûment. Avant-hier {RInd}, {Souv} ♦ le dénoûment. / Avant-hier {CL}
  76. et du mal? Dira-t-on {RInd}, {Souv} ♦ et du mal? / Dira-t-on {CL}
  77. soi-même, {RInd}, {Souv} ♦ soi-même {CL} (la virgule pourrait avoir été oubliée au saut de page)
  78. gardé, et {RInd}, {Souv} ♦ gardé et {CL}
  79. famille des Zingari {RInd}, {Souv} ♦ famille des tsingari {CL}
  80. La signature n'apparaît pas dans {Souv}
  81. Dans {RInd}, ce titre est précédé de: "FANCHETTE. / — SUITE (1). — / [filet orné] /"
    Le (1) est un renvoi à une note en bas de page: "(1) Voir la livraison du 25 octobre".
  82. Le procureur [...] témoin impassible. Une {RInd}, {Souv} ♦ « Le procureur [...] témoin impassible. » Une {CL}
  83. monsieur {RInd} ♦ Monsieur {Souv}{CL} comme {Souv}
  84. que faites-vous là? {RInd}, {Souv} ♦ que faites-vous là! {CL}
  85. du roman de Fanchette {RInd}, {Souv} ♦ du roman de Fanchette {CL} (cette leçon change la valeur du mot: "Fanchette" désignant ici l'œuvre, là la jeune fille; le poids de la phrase est également modifié: la leçon initiale récusant l'appelation deroman par laquelle Rochoux terminait sa lettre; toutefois, George Sand elle-même, adressait au directeur de la revue « un roman si peu poétique et si peu agréable ».
    On peut penser que cette leçon est une initiative de l'éditeur)
  86. monsieur {RInd} ♦ Monsieur {Souv}{CL} comme {RInd}
  87. à la Revue Indépendante {RInd}, {Souv} ♦ à la Revue Indépendante {CL}
  88. en ceci; j'aime {RInd}, {Souv} ♦ en ceci: j'aime {CL}
  89. La tout à fait idiote {RInd} ♦ La tout-à-fait idiote {Souv}{CL} comme {RInd}
  90. monsieur le préfet {RInd}, {Souv} ♦ M. le préfet {CL}
    Il en va de même pour les autres M. ou monsieur de ce paragraphe et des suivants, à l'exception de la "Copie de l'enquête [...]"; nous ne reviendrons pas là-dessus.
  91. écrit patache {RInd}, {Souv} ♦ écrit patache {CL}
  92. notre endroit. « L'une {RInd}, {Souv} (Tout le passage entre guillemets est en italiques, sauf ce qui est en petites capitales, à savoir ce qui est en italiques dans {CL}) ♦ notre endroit. / « L'une {CL}
  93. et s'y étant {RInd}, {Souv} ♦ et, s'y étant {CL}
  94. par madame *** {RInd}, {Souv} ♦ par madame Gazonneau {CL}
    Cette variante est la première qui démontre que George Sand avait révisé le texte pour une nouvelle édition.
  95. de police. Il {RInd}, {Souv} ♦ de police: / « Il {CL}
    Il en va de même dans ce passage entre guillemets que plus haut: pas de guillemets mais italiques et petites capitales pour {RInd} et {Souv}; guillemets, romains et italiques pour {CL}
  96. madame *** {RInd}, {Souv} ♦ madame Gazonneau {CL}
  97. lui dit: Vous {RInd}, {Souv} ♦ lui dit: / » — Vous {CL}
  98. sur la route; Qu'en {RInd}sur la route: Qu'en {Souv} ♦ sur la route. / » Qu'en {CL}
  99. de tendance. « La sœur {RInd}, {Souv} ♦ de tendance. / « La sœur {CL}
    À l'instar de l'enquête et de la déposition de Desroys, l'usage des italiques etc. dans {RInd} et {Souv} diffère dans {CL}.
  100. l'ESPOIR {RInd}, {Souv} ♦ l'espoir {CL}
  101. sa famille. Si {RInd}, {Souv} ♦ sa famille. / Si {CL}
  102. donc il {RInd}, {Souv} ♦ donc, il {CL}
  103. d'ABANDONNER, [...] ENFANT? {RInd}, {Souv} ♦ d'abandonner, [...] enfant? {CL}
  104. Et sans doute {RInd} ♦ Et, sans doute {Souv}, {CL}
  105. croyez-le bien. {RInd}, {Souv} ♦ croyez-le bien. {CL}
  106. saviez pas; {RInd} ♦ saviez pas: {Souv}, {CL}
  107. ne la connaît encore: {RInd}, {Souv} ♦ ne la connaît encore; {CL}
  108. ET LA {RInd}, {Souv} ♦ ET LA {CL}
  109. VOISINE. » Tout {RInd}, {Souv}VOISINE. » / Tout {CL}
  110. Il m'a rendue {RInd}, {Souv} ♦ Il m'a rendu {CL}
  111. Ce passage n'est pas entre guillemets dans {RInd} ni {Souv}.
  112. et si {RInd}, {Souv} ♦ et, si {CL}
  113. du maire!!! Donc elle {RInd}, {Souv}du maire!... Donc, elle {CL}
  114. pas fini. Après {RInd}, {Souv} ♦ pas fini. / Après {CL}
  115. enfant perdu; {RInd}, {Souv} ♦ enfant perdu, {CL}
  116. nouveau gîte; {RInd}, {Souv} ♦ nouveau gîte: {CL}
  117. à la mendicité; c'est possible: {RInd}, {Souv} ♦ à la mendicité: c'est possible; {CL}
  118. manifeste? Et {RInd}, {Souv}manifeste? et {CL} (de même par trois fois après les autres points d'interrogation)
  119. intitulé l'Espoir de madame la supérieure {RInd}, {Souv} ♦ intitulé l'Espoir de madame la supérieure {CL}
  120. un enfant {RInd}, {Souv} ♦ une enfant {CL}
  121. pas être punie, ce qu'à Dieu [...] des châtiments, au moins {RInd}, {Souv} ♦ pas être punie, (ce qu'à Dieu [...] des châtiments), au moins {CL}
  122. pas le croire. Cependant {RInd}, {Souv} ♦ pas le croire. / Cependant {CL}
  123. aucun risque; {RInd}, {Souv}♦ aucun risque: {CL}
  124. Mais après {RInd}, {Souv} ♦ Mais, après {CL}
  125. son industrie. Monsieur {RInd} ♦ son industrie. / Monsieur {RInd}{CL} comme {RInd}
  126. Cependant elle {RInd}, {Souv} ♦ Cependant, elle {CL}
  127. et qu'après {RInd}, {Souv} ♦ et que, après {CL}
  128. pas figuré. Ainsi {RInd} ♦ pas figuré. / Ainsi {Souv}, {CL}
  129. de la ville, {RInd}, {Souv} ♦ de la ville; {CL} (de même après absence)
  130. de Saint-Maixent qui {RInd}, {Souv} ♦ de Saint-Maixent, qui {CL}
  131. la femme Cruchon {RInd}, {Souv} ♦ la femme Cruchon {CL}
  132. qu'il rencontrait: N'avez-vous {RInd}, {Souv} ♦ qu'il rencontrait: / — N'avez-vous {CL}
  133. GEORGE SAND {RInd}, {Souv}GEORGE SAND {CL}
  134. La typographie diffère entre les trois éditions.
  135. {RInd} et {Souv}, utilisent des guillements à chaque paragraphe
  136. et ce devoir {RInd}, {Souv} ♦ et, ce devoir {CL}
  137. « Signé DELAVEAU. » {RInd}, {Souv}DELAVEAU. {CL} (il en va de même avec la signature de la lettre de Boursault)
  138. Suit un filet orné, dans {Souv}.
  139. FIN seulement dans {CL}

Notes

  1. Ici se termine Fanchette dans la livraison du 25 octobre 1843 de la Revue indépendante.
  2. Cette lettre ainsi que tout ce qui la suit fait partie de Fanchette (suite) et parut dans la livraison du 25 novembre 1843 de la Revue indépendante.