GEORGE SAND
FANCHETTE.

CL: "Les L�gendes rustiques" / "Fanchette"; Paris; Calmann L�vy, Libr. Nouvelle; 1877; 1 vol.



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INTRODUCTION

Fanchette fut publi� dans la Revue ind�pendante du 25 octobre 1843 (t.X pp.489-501). Cette livraison se composait de la Lettre de Blaise Bonnin � Claude Germain et d'une Communication au R�dacteur en chef [...], l'une et l'autre de George Sand, la seconde sign�e par elle. Cette publication mena le procureur du roi de La Ch�tre � �crire � la revue pour exiger un droit de r�ponse.

George Sand d�cida alors de r�pondre au procureur et de publier des t�moignages contredisant les affirmations de celui-ci et appuyant ses propres dires.

Dans son num�ro suivant, du 25 novembre (t.XI pp.161-178), la Revue ind�pendante publia Fanchette (suite) — titre sugg�r� � l'�diteur par George Sand — qui se composait de quatre parties: la Lettre de M. le procureur du roi de La Ch�tre, au directeur de la Revue ind�pendante; de la R�ponse � M. le procureur du roi [...] par George Sand, accompagn�e de notes pr�cises; et de deux lettres adress�es � George Sand: l'une de M. Delaveau, maire de La Ch�tre et d�put� de l'Indre, l'autre de M. Boursault, m�decin de l'Hospice de La Ch�tre. L'affaire en resta l�.

Un tir� � part de la la Revue ind�pendante fut mis en vente en d�cembre 1843: Fanchette / lettre de Blaise Bonnin � Claude Germain (Paris; Impr. Schneider et Laugrand; [1843]; grand in-8�). N'ayant pu voir ce tir� � part, nous ignorons s'il reprend les deux livraisons; vu la date de mise en librairie, il semblerait qu'il reprend les deux.

L'�dition originale de Fanchette ne vint qu'en 1846 dans le troisi�me volume de l'�dition originale d'Isidora: Paris; Hippolyte Souverain; 3 vol. in-8°.

Notre texte de base est celui de l'�dition Calman L�vy de 1877 — rep�r�e {CL}. Nous donnons les variantes de La Revue Ind�pendante — rep�r�e {RInd} —, et de l'�dition Souverain de 1846 — rep�r�e {Souv}.

Nous donnons la pagination des �ditions collationn�es, sous la forme "{<rep�re> <page>}

La pagination ne coupe pas les mots; le cas �ch�ant elle est plac�e avant ou apr�s le mot coup� dans l'impression, suivant le rythme du mot.








{RInd t.X p.[489]; Souv [89]; CL [181]} LETTRE DE BLAISE BONNIN A CLAUDE GERMAIN* a



* Publi�e dans la Revue ind�pendante. b

{Souv [91]; CL [181]} La pr�sente, mon cher parrain, est pour vous remercier de la v�tre, et vous donner des nouvelles de notre sant�. Tant qu'� nous, nous sommes assez bien, Dieu merci; et {Souv 92} les fi�vres ont �pargn� toute notre couv�e, cette ann�e, malgr� la mauvaise qualit� du temps d'�t�, qui faisait trembler le pauvre monde et grouiller d'aise la poche des m�decins. Les petits enfants de chez nous ne vont pas pire que les grands c; et la grand'm�re, votre comm�re, {CL 182} comme vous l'appelez, sauf qu'elle entend un peu plus gros* que l'an pass�, a encore bonne envie de vivre, gr�ce au bon Dieu. La moisson n'a pas �t� si pire qu'on pouvait le craindre; mais, tant qu'� la vendange, il ne faut {Souv 93} pas parler de huit bœufs, ni de six, ni de quatre, ni tant seulement de deux, pour la rentrer; l'�ne � Jarvois am�nera le tout dans un panier. Sur l'article de la boisson, faudra se serrer le gosier, ce qui vaut mieux que de se serrer l'estomac sur l'article du pain. Mais le meilleur des deux ne vaut rien; et, d'une chose ou d'une autre, le pauvre monde peut bien {RInd 490} compter qu'il n'a pas fini de p�tir. Le plus sage serait de se priver: avec cela d qu'on a de quoi s'y accoutumer! e Ça nous est facile � dire quand nous ne sommes pas des plus g�n�s. Aucuns pr�chent f la temp�rance; et M. le cur�, {Souv 94} dont la cave n'est pas tarie, saura bien nous dire des paroles l�-dessus; mais le {CL 183} plus grand nombre r�pond que, quand le vin manque, le courage est bien malade et le nerf bien rel�ch�.

[{RInd 489}] * Sauf qu'elle est un peu plus sourde.

Et puis g ce n'est pas l� encore le pire de l'affaire. Ceux qui ont du courage s'en servent, et, s'ils h cr�vent � la peine, �a les regarde, comme dit l'autre. Ceux qui ne veulent pas abuser de leurs membres, et qui aiment � se r�jouir un peu le cœur le dimanche (m'est avis qu'il y en a beaucoup de cette opinion-l�, et qu'ils n'ont pas m�rit� la corde pour choyer un tant soit peu le vin gris de la c�te), ceux-l�, je dis, ne {Souv 95} comprendront gu�re les raisons de M. le cur�, et iront frapper, comme de coutume, � la branche de houx. Croyez-vous, mon parrain, que les cabarets seront vides cette ann�e, que les brocs seront cass�s, et que les araign�es fileront leur toile dans les futailles? Oh! que nenni! Il y aura du vin comme � l'ordinaire, et peut-�tre pas beaucoup plus cher qu'� l'ordinaire; car il faut {CL 184} bien que tout le monde y vienne, et le cabaret ne peut pas plus se passer i de la petite monnaie du gueux que le gueux ne peut se passer de la piquette du cabaret. Reste � savoir quelle piquette ce sera, et quel vin {Souv 96} coulera dans nos tasses de gr�s. Issoudun n'a pas gel�, et Issoudun nous enverra ses gros vins noirs, qui rendent lourd et triste le paysan de chez nous, habitu� � son clairet �grillard. Il est vrai que les cabaretiers y mettront bon ordre, et qu'avec une pi�ce de vin issoudunois ils en feront bien dix; le reste sortira de chez le droguiste; la couleur sera belle, et le montant n'y manquera pas. Personne n'y perdra, si ce n'est que la sant� pourra bien en souffrir, et que les grosses maladies pleuvront dru comme mouches, au retour du printemps.

Vous me direz que l'h�pital fera {CL 97} ses affaires, c'est-�-dire le salut des saintes �mes qui amassent en bonnes œuvres des rentes pour le paradis. Vous qui avez pris � fermage, {CL 185} pendant quinze ans, un lot des terres de l'hospice, vous savez, mon parrain, qu'il y a l�, pour le soulagement des n�cessiteux, dix-huit cents ou deux mille bonnes pistoles de revenu au soleil. Mettons seulement quinze mille livres par chacun an: c'est bien de quoi assister les plus malheureux du canton. Mais demandez�moi quelles gens de la campagne ont jamais �t� franchement assist�s � la ville avec cette fortune-l�, {RInd 491} je serai tr�s-emp�ch� de vous {Souv 98} le dire. L'hospice a toujours ses six lits, comme du temps o� vous l'avez vu, ni plus ni moins. Avec mille pistoles de revenu, est-ce qu'on ne pourrait pas entretenir au moins vingt lits? Ça commencerait � compter; il resterait encore assez du susdit revenu pour monter une salle d'asile, alimenter les trois nonnes qui sont cens�es sœurs de charit�, faire m�me quelques b�tisses, puisque l'administration tient � honneur de faire danser ses six couchettes dans un palais; enfin payer la messe � M. le cur�, {CL 186} qui ne veut pas la dire aux malades � moins d'un �cu. La chert� est partout; et {Souv 99} messieurs nos desservants j ne s'en tiennent pas � leur tarif.

Pour en revenir � notre hospice, nous avons eu grand'peine � y faire rester ce pauvre diable de Daudet, qui �tait revenu du service avec la poitrine d�fonc�e par les pieds des chevaux dans une manœuvre. On n'en voulait pas, on le renvoyait d'H�rode � Pilate; et il a fallu la croix et la banni�re pour qu'on ne le m�t pas sur le pav�. Mais �a n'est rien ou pas grand'chose. Un homme qui ne peut pas gagner sa vie, parce qu'il a les c�tes bris�es, �a ne vaut pas la peine d'en parler. Nous en avons vu de meilleures; et, puisque k {Souv 100} vous me demandez ce que c'est qu'une histoire d'enfant perdu que Lorrain l vous a embrouill�e; puisque aussi bien, mon parrain, vous �tes quasi de l'hospice, et que vous vous int�ressez toujours aux manigances de l� dedans, je vais vous en r�galer tout au long.

{CL 187} En mars dernier, � l'�poque des semences, une jeunesse d'une quinzaine d'ann�es, assez jolie, et dans une livr�e de mis�re, s'est trouv�e comme tomb�e d'en haut, au droit du pr� Burat, � deux pas de la ville. Il y avait trois jours qu'elle vaguait par l�, sans que personne p�t dire � qui elle �tait, et sans qu'elle p�t {Souv 101} le dire elle-m�me, la pauvre �me. Il parait que sa m�re, qui n'a pas pu lui donner du pain, n'a pas eu non plus le moyen de lui donner une langue pour en demander. Ça raisonne � peu pr�s comme ma serpe, �a n'a pas plus de connaissance qu'un cabri, et c'est muet comme une pierre; �a entend, mais �a m ne peut pas dire un mot; �a parait ne pas se rappeler de la veille, et ne pas s'inqui�ter du lendemain. Enfin, �a n'est n bon � rien; et, pour o celui qui ne pense qu'� la vie d'aujourd'hui, mieux vaudrait trouver une caille dans son pr� qu'une innocente comme celle-l� � sa porte.

Cependant p {Souv 102} �a n'est pas m�chant, un enfant {CL 188} comme �a; �a n'a pas fait de mal, �a n'en pourrait pas faire. Comment �a pourrait-il m�riter la mort? Qu'est-ce qui voudrait se charger de d�barrasser la terre {RInd 492} de tout ce qui s'y trouve d'inutile? Ça n'est pas moi, j'aurais trop d'ouvrage.

Si �a n'a pas m�rit� la mort, �a a donc droit � la vie? Suivez mon id�e, parrain. C'est-�dire, �a a droit � du pain, � des habits, � un couvert, � des soins, � la charit�, pour tout dire. Si l'État n'a pas le moyen de recueillir les idiots et les infirmes, il faut donc qu'ils nous retombent sur les bras, � nous autres {Souv 103} pauvres gens. Car nous ne voulons pas les laisser mourir � notre porte; et, s'il q y aurait grand'honte � cela, c'est que sans doute il y aurait grand mal. Mais nous avons bien de la peine � joindre les deux bouts quand nous sommes valides, et m�me le plus grand nombre d'entre nous ne les joignent pas du tout. Quand nous pouvons garder chez nous nos vieux, nos malades {CL 189} et nos infirmes, c'est que nous sommes d�j� un peu riches. Et quand nous ne le pouvons pas, voyons! r qu'est-ce qu'il faut faire? qu'est-ce qu'il faut devenir? Il y a un gouvernement ou il n'y en pas. Je veux qu'on me {Souv 104} r�ponde moi, s Blaise Bonnin; j'ai le droit de demander le fin mot de la loi; car t je suis adjoint de ma commune, et j'esp�re bien passer maire un jour ou l'autre. On me r�pond qu'il y a des fonds d�partementaux destin�s � ne pas laisser mourir ceux qui ne peuvent pas se faire vivre. C'est bien court, � ce qu'il para�t; mais enfin il y en a. Qu'on s'en serve donc! Et, si u on ne s'en sert pas, si on les fait administrer par des gens qui ne savent pas ou qui ne veulent pas s'en servir, � qui nous plaindrons�nous? � qui demanderons-nous justice? v

Ma femme, qui n'est point sotte, {Souv 105} comme vous savez, et qui a un cœur superbe*, me disait comme �a en voyant cette jeunesse dehors, {CL 190} sans feu ni lieu, que, si w le gouvernement ne s'en m�lait pas, elle voulait faire honte au gouvernement, elle, Jacquette, et prendre l'enfant � sa charge, d�t-elle tremper la soupe plus maigre � ses propres enfants.

[{RInd 492; Souv 105; CL 189}] * Excellent, g�n�reux.

— Attends x donc un peu, femme, que je lui disais; si y �a continue, il faudra le faire, mais �a ne peut pas continuer.

— Et, en attendant z, disait Jacquette, Dieu sait ce qui peut arriver d'une pauvre jeunesse comme {Souv 106} �a qui commence � avoir l'air de quelque chose, et qui ferait le mal sans conna�tre sa main droite de sa main gauche.

Si bien aa que j'allais chercher la petite, quand un jeune m�decin de l'hospice vient � passer, et la trouve au milieu d'une bande d'enfants du faubourg qui jouaient {RInd 493} avec elle comme avec une guenille, et la tiraillaient vilainement pour la faire parler. A quoi la pauvrette ne savait que pleurer et marmotter des quarts de mots que personne ne pouvait comprendre plus que {CL 191} paroles de brebis. Ce digne jeune homme s'informe et l'emm�ne � l'hospice. Vous croyez qu'on {Souv 107} l'accueille, qu'on la soulage et qu'on la console? Point. Un enfant perdu, c'est pourtant quelque chose, et m'est avis que, si je n'avais chose � faire en ce monde que de prier Dieu et de servir les pauvres, je recevrais en bonne part tout ce que Dieu m'enverrait. Pas moins, on refuse l'enfant. Il est trop b�te, il est trop abandonn�, il faudrait en avoir trop de soin, �a ne nous regarde pas: nous ne nous m�lons pas des idiots, nous ne recevons pas les vagabonds. Oui-da, prenez-vous l'h�pital pour une maison de fous, ou pour un d�p�t d� mendicit�? Vous nous la baillez belle! Le m�decin {Souv 108} insiste. Il donne un certificat de maladie � l'enfant, et voil� Fanchette (on lui a donn� ce nom-l�) re�ue � l'h�pital, un peu malgr� tout le monde.

Elle ab s'y plaisait fort, elle s'y occupait autant que son pauvre esprit le lui permettait; elle ac �tait douce, et se trouvait heureuse de jouer avec {CL 192} les autres petites filles que les religieuses instruisent. Ces enfants-l� l'aimaient et ne la tourmentaient pas. Quand on lui mettait un petit b�guin pliss�, elle se croyait aussi par�e qu'une reine; et, quand ad on la menait � la messe, elle ouvrait de grands yeux, et trouvait cela si beau, qu'elle n'e�t jamais voulu en voir {Souv 109} la fin. Je ne sais pas s'il y a un r�glement qui d�fendait � l'hospice de garder cette pauvre cr�ature du bon Dieu; mais, quand m�me �a aurait �t� un abus de la garder, m'est avis qu'il y a tant d'autres abus plus mauvais dans ce monde, et peut-�tre m�me dans l'h�pital!

Ce ae qu'il y a de s�r, c'est qu'on ne voulait pas l'y garder. On en �crit � M. le pr�fet, et M. le pr�fet alloue, sur les fonds d�partementaux destin�s aux ali�n�s, une petite somme pour l'entretien de Fanchette, sous la surveillance de l'hospice. On remet Fanchette � une de ces femmes qui prennent les enfants trouv�s en {Souv 110} pension. Mais Fanchette pouvait-elle comprendre {CL 193} que son devoir �tait de rester l�? Elle n'y comprit rien af. Elle d�campa au bout d'une heure et revint trouver les petites filles, les bonnes sœurs et la belle grand'messe. On la renvoie chez la vieille, et, le soir, Fanchette de d�guerpir et de rentrer � l'hospice. On essaye encore trois, quatre fois, peut-�tre plus: c'est peine perdue; Fanchette court � l'h�pital comme les autres s'en sauvent. Force sera de la garder tout � fait ag.

— Or �a ah, dit la sup�rieure, que ferons-nous de cette Fanchette qui nous g�ne et nous ennuie fort?

{Souv 111} — Oui-da! dit quelqu'un; c'est ai bien simple: c'est un enfant qu'on est venu perdre expr�s, on ne sait d'o�, aux portes de l'hospice; c'est un sot cadeau qu'on nous a fait l�.

— C'est une m�chante niche de quelque autre congr�gation, dit la sœur.

— Eh bien, reprend l'orateur du conseil (la plus forte t�te de l'endroit, bien s�r), il faut la remettre o� vous l'avez prise, sur la voie {CL 194} publique. On l'avait perdue, perdez-la. Elle est venue du bon Dieu, qu'elle retourne au bon Dieu.

Amen! firent aj les bonnes sœurs.

Aussit�t ak fait que dit.

{Souv 112} — Fanchette al, veux-tu aller � la messe?

Fanchette am saute de joie.

— Tiens an, mets ton bonnet des dimanches. La servante va te conduire.

Qui ao fut bien contente? ce fut Fanchette. Il faisait grand jour; on ne pouvait pas la perdre au vu et au su de tout le monde. On lui fait traverser la ville, et celle qui la conduisait, n'y entendant peut-�tre pas malice, lui disait en passant devant les portes des maisons o� elle connaissait du monde:

— Allons ap, Fanchette, dis donc adieu � Marguerite; dis donc adieu � Catherine.

Fanchette aq, qui de tout �tait contente, faisait signe de {Souv 113} la t�te et de la main, ne pouvant mieux dire, et s'en allait toujours � la messe, bien {CL 195} fi�re d'avoir un bonnet, et ne se tourmentant pas d'aller si loin chercher l'�glise des Capucins. Cependant, les ar petites filles se disaient, sur le pas des portes, car il y a toujours une providence pour avoir l'œil ouvert sur les mauvaises actions:

— Tiens! as Fanchette s'en va donc? Adieu, Fanchette; bon voyage!

A la sortie de la ville, Thomas Desroys, le conducteur de la patache d'Aubusson, re�ut Fanchette, qui monta sans d�fiance, toujours plus contente d'aller � la messe en {Souv 114} voiture.

— C'est at dr�le tout de m�me, se disait Thomas Desroys, de faire perdre comme �a un enfant. On m'a donn� hier cinquante sous pour perdre un chien; aujourd'hui, voil� au cent sous pour perdre une fille. Si la moiti� de la ville voulait s'arranger avec moi pour faire perdre l'autre, �a ferait assez mes affaires. av

La nuit venue, Thomas Desroys, fid�le � sa {CL196} consigne, arr�te sa patache � Chaussidon, un endroit tout d�sert, dans la Marche, � {RInd 495} deux lieues d'Aubusson.

— Fanchette aw, nous voil� � la messe; descends vite pour voir passer les pr�tres.

Fanchette ax descend en confiance. {Souv 115} Thomas Desroys remonte, fouette ses chevaux, et laisse Fanchette toute seule, au milieu de la nuit, sur un chemin, sans un sou vaillant, avec ses quinze ans, pas de langue pour parler, mais bien avec ses pauvres yeux pour pleurer.

Au bout de quelque temps, le jeune m�decin qui avait recueilli la pauvre innocente s'�tonne de ne point la voir, et demande ce qu'elle est devenue.

— Elle est par ici, elle est par l�; vous la verrez tant�t, un autre jour. ay

Il fallut pourtant bien s'expliquer. Les petites filles de la rue des Capucins {Souv 116} se souvenaient d'avoir dit adieu � Fanchette, et ce n'est pas bien ais� d'emp�cher les petites filles de causer. {CL 197} La servante n'avait peut-�tre pas, d'ailleurs, la conscience bien tranquille, ni Thomas Desroys non plus. Tout fut avou�, et les religieuses m�mes, pensant que Fanchette �tait bien perdue, ne se g�n�rent pas trop pour en convenir.

Sur ces entrefaites, notre maire, qui est aussi notre d�put�, comme vous savez, arrive de Paris. Instruit par la clameur publique, il veut interroger et conna�tre les coupables. Personne ne se soucie de r�pondre; car on commence � {Souv 117} comprendre que ce n'est pas si joli de perdre un enfant sur un chemin, et que, si un pauvre avait fait pareille dr�lerie, on pourrait bien parler des gal�res pour lui apprendre � vivre. Mais le maire insiste, et va aux preuves. Enqu�te est dress�e, d'o� il r�sulte que Thomas Desroys a re�u, de ses sup�rieurs, ordre de perdre une petite fille; que lesdits sup�rieurs, ma�tres de poste et entrepreneurs de diligence, ont donn� cet ordre, � la requ�te de la sup�rieure de l'hospice, laquelle en a re�u le conseil {CL 198} des membres les plus influents du conseil d'administration. Les gens {Souv 118} de la poste disent qu'ils ont trouv� la commission d�sagr�able, mais que la sup�rieur� a lev� leurs scrupules en leur disant que l'enfant ne serait pas inscrit sur la feuille de d�part des voyageurs. La sup�rieure dit qu'elle n'e�t pas pris l'affaire sur elle, si son administrateur ne le lui e�t grandement conseill�. Les autres membres du conseil disent que c'est une mis�re; qu'il est ridicule de relever une pareille affaire; que c'est vouloir faire du scandale, chercher � d�consid�rer des gens respectables, vu qu'ils sont riches et ont la main longue; qu'enfin ils sont r�solus � {Souv 119} s'en taire, dans l'int�r�t des mœurs, et pour la plus grande gloire de {RInd 496} Dieu. Le conseiller, le p�re de l'id�e, fait celui qu'on outrage et qu'on calomnie. Il menace de faire du train, de d�shonorer la mairie. Notre maire, qui n'en � cure, poursuit l'enqu�te. Il n'y a que Thomas Desroys qui n'y mette pas tant de fa�ons: — il a az re�u cinquante sous de plus que pour le chien.

D'une main, le maire pousse � la r�paration de la justice, et l'on pourrait bien dire, sans trop s'avancer, que c'est la justice de Dieu qui est en cause dans cette affaire-l�; de l'autre main, il fait {Souv 120} chercher Fanchette; mais ba Fanchette a �t� si bien perdue, que, depuis tant�t trois mois, on bb n'en a pas eu de nouvelles. Personne n'en a ou� parler � Aubusson. On �crit de tous les c�t�s, pas plus de Fanchette que de poursuites contre l'hospice. Le procureur du roi et le sous-pr�fet ont re�u la plainte, et ne disent mot. Tous les honn�tes gens de la ville (vous savez, parrain, que les riches et les gens en place portent ce nom-l� depuis la R�volution bc) disent qu'il faut cacher �a.

Oh! bd si vous ou moi, ou mon voisin Jarvois, ou Marcasse, en eussions fait tant seulement la moiti�, {Souv 121} il n'y aurait pas assez de gendarmes, assez de ge�liers, assez de t�moins, assez de jugements, assez de lois, assez de prisons pour {CL 200} nous prendre, nous condamner et nous ch�tier. Je ne dis pas que ce serait mal fait; mais peut-�tre que ce n'est pas bien fait non plus de m�nager tant les uns, quand on houssine si bien les autres. Je ne suis pas tracassier, je ne veux de mal � personne; je sais bien que, quand be on punirait tous les m�chants, on ne rendrait pas l'honneur et la vie � ceux qui les ont perdus par leur fait: mais, enfin bf, je me sens la t�te un peu �chauff�e {Souv 122} et le cœur plus gros qu'il ne faut pour l'avoir l�ger, quand j'entends dire qu'on doit cacher les fautes de ceux que rien n'arr�te. Puisqu'il n'y a pas de justice pour eux, � la bonne heure; mais on ne peut pas nous emp�cher de bl�mer, et, mordienne! je bl�merai jusqu'� mon dernier jour ceux qui font perdre un enfant comme un chien.

Tant qu'� Fanchette, Dieu en aura-t-il eu plus de piti� que l'hospice? Il est dit qu'� brebis tondue Dieu m�nage le vent. Mais, la nuit bg, dans les brandes, il y a bien des mar�cages o� {CL 201} un enfant qui n'a pas pour deux liards de connaissance {Souv 123} peut se noyer. Sans compter qu'il y a encore pire la nuit sur les chemins. Il y a de mauvaises gens qui, en trouvant l� une fille de quinze ans toute seule, ne lui demandent ni son extrait de naissance ni ses autres certificats pour la mettre � mal. Vous voyez bien le sort de Fanchette? Eh bien, bh faites-vous une id�e de Fanchette devenant {RInd 497} m�re, et figurez�vous un peu maintenant le sort de l'enfant que Fanchette mettrait au monde! Non, �a n'est pas bien d'avoir livr� Fanchette aux vagabonds du chemin, et aux loups de la brande. Ça n'est pas chr�tien, �a n'est pas {124} humain; c'est peut��tre administratif, je n'en sais rien; mais je ne voudrais pas l'avoir fait, quand m�me on me donnerait quinze mille livres de rente, et le titre de maire par-dessus le march�. Ma pauvre femme en pleure de honte, et elle m'en veut de n'avoir pas �t� chercher Fanchette au pr� Burat avant qu'on l'ait conduite � l'hospice. {CL 202} Votre comm�re en l�ve sa b�quille de col�re, et dit qu'il faut vous conter �a.

L'administrateur bi de l'hospice qui a donn� ce joli conseil avait ici bj une bonne place du gouvernement. Tout au milieu de cette belle affaire, que le gouvernement ait su {Souv 125} ou n'ait pas su bk son fait, on l'a retir� d'ici pour l'envoyer dans une autre ville, comme receveur particulier des finances, avec de l'avancement, s'il vous pla�t, deux ou trois mille livres de profits de plus sur sa charge, � ce qu'on dit.

Et pour nous bl, bonnes gens, la morale de la chose est que, si bm nous ne r�ussissons pas � �lever nos enfants, si nous mourons � la peine, si nous en laissons d'infirmes ou en bas �ge sur les bras de la charit� publique, � la porte des hospices, voil� les appuis qu'ils trouveront dans ce monde; voil� comme les administrations de la pr�voyance publique {Souv 126} veilleront � leurs besoins; voil� comme les congr�gations chr�tiennes veilleront sur leurs mœurs. Dieu {CL 203} du ciel et de la terre! cela ne fait-il pas dresser les cheveux sur la t�te?

Par ainsi, mon parrain, je prie Dieu de vous avoir en sa sainte et digne garde, ainsi que toute votre famille, et qu'il vous re�oive au ciel droit comme une gaule. Quant � ceux de l'hospice, on peut bien leur promettre, comme dit l'autre, qu'ils iront droit comme une faucille.

BLAISE BONNIN,                
Laboureur, adjoint � Montgivret, pr�s La Ch�tre (Indre) bn.



{RInd 498; Souv [127, 128 blanche]; CL 204} COMMUNICATION AU RÉDACTEUR EN CHEF DE LA
REVUE INDÉPENDANTE.



{Souv [129]} Charg� par mon voisin Blaise de faire passer cette lettre � son parrain Claude, et pri� par lui d'en corriger les fautes d'orthographe, j'ai pens�, mon cher monsieur, que {Souv 130} l'histoire r�voltante et douloureuse dont elle contient le r�cit ing�nu ne devait pas rester enfouie dans la correspondance de ces deux campagnards illettr�s et, bo � coup s�r, fort mal plac�s pour lui donner la publicit� qu'elle r�clame. Frapp� de cette anecdote � peine croyable, j'ai voulu aller aux preuves, et j'ai acquis la certitude qu'elle �tait si exactement vraie, que je pouvais m'en faire l'�diteur responsable.

J'ai bp reproch� � mes amis, t�moins quasi oculaires de tous les faits, de n'avoir pas demand� � l'opinion publique la justice que {CL 200} les tribunaux semblaient refuser � ce crime de {Souv 131} l�se-charit� et de l�se-humanit�. Ils m'ont r�pondu que leur d�claration avait �t� r�dig�e et envoy�e au Si�cle et � deux autres journaux qui avaient d�daign� de l'ins�rer, et au National, qui l'avait ins�r�e, tronqu�e et affaiblie, en pr�sentant, sous la forme du doute, ce qui �tait affirmatif. Je con�ois la r�pugnance d'un journal � endosser la garantie d'un fait si �trange, si r�voltant et si invraisemblable, et je sa�s que la vie de Paris et les pr�occupations de la presse quotidienne ne laissent gu�re de place aux soins d'un plus ample inform�. Je con�ois �galement les r�pugnances de mes amis {Souv 132} de La Ch�tre � poursuivre d'une si terrible accusation les repr�sentants d'une opinion qui leur est hostile: non que l'�gide de la doctrine conservatrice f�t pour eux un �pouvantail; mais, en province, on bq est facilement soup�onn� de rancune particuli�re et de pr�vention personnelle, sur le terrain dangereux {CL 206} des opinions politiques. Je suis tellement en dehors des partis, les conservateurs et les fonctionnaires de ma province me sont tellement inconnus; je suis si �tranger, en un mot, � toute amertume, � toute discussion, � tout ressentiment, que, s'il br me fallait citer les noms des {Souv 133} coupables, je serais forc� de les prendre par �crit; je ne les connais pas, ou je les ai oubli�s. Dans cette position, j'ai assum�, sans scrupule, sur moi seul le devoir de r�v�ler de nouveau � l'opinion publique les faits inou�s dont t�moigne un proc�s-verbal d'enqu�te dress� par le {RInd 499} commissaire de police et d�pos� � la mairie de la ville. Trois mois se sont �coul�s sans bs que le procureur du roi ait encore voulu donner suite � cette enqu�te, et le sous-pr�fet est rest� jusqu'� pr�sent impassible devant des faits dont le contr�le cependant lui appartient aussi.

De tous nos magistrats, M. Delaveau bt, {Souv 134} maire et d�put� de La Ch�tre, a seul fait son devoir, {CL 207} mais non enti�rement encore; car lui seul est en position de demander r�paration pour la morale publique outrag�e; et nous comptons bien qu'il ne se contentera pas des explications des membres du bureau de l'hospice, dont l'avis g�n�ral a �t� d'�touffer l'affaire. Ce magistrat honorable et ces citoyens trop timor�s reconna�tront que leurs v�ritables devoirs ne sont pas le respect des personnes, mais celui des mœurs et de la foi publique. Les membres du bureau de l'hospice, recrut�s probablement parmi des personnes r�put�es int�gres {Souv 135} et recommandables, auraient de graves reproches � se faire s'ils acceptaient la responsabilit� du rapt de Fanchette. Plusieurs de ces citoyens, peut-�tre tous, sont p�res de famille. Quelle serait leur terreur si, frapp�s de ces d�sastres qui font tache dans les familles, ils trouvaient dans le public le m�me d�dain pour leurs plaintes, le m�me m�pris pour leurs douleurs, la m�me tol�rance pour les ravisseurs de leurs {CL 208} enfants! Qu'ils ne se fient point trop sur ce qu'une certaine position de consid�ration et de fortune les met � l'abri de malheurs analogues. Il y a des malheurs compar�s qui {Souv 136} n'en sont pas moins graves; il y a des rapprochements qu'on dirait �tre des ch�timents c�lestes.

D'autres bu personnes encore sont en cause dans cette aventure. Un soup�on p�nible, et peut-�tre un bl�me s�v�re, p�se sur les entrepreneurs des diligences. Mais on a peine � croire que, pour commettre un crime, on puisse r�unir si ais�ment et si gratuitement tant de complices. Il faut donc que ces entrepreneurs aient �t� tromp�s. On a d� leur faire croire que la malheureuse Fanchette avait l'intelligence n�cessaire pour se tirer des dangers auxquels on l'abandonnait; on a d� invoquer, pour {Souv 137} vaincre des r�pugnances dont l'aveu est consign� dans l'enqu�te, des ordres sup�rieurs. Il y a eu dans tout cela je ne sais quelle trame honteuse qu'il appartiendrait aux d�bats {CL 209} de d�voiler, et que les accus�s secondaires auraient int�r�t, sans doute, � r�v�ler � la justice.

Quant � moi, je suis assez du caract�re de Blaise Bonnin: bv comme lui, peu amateur de ch�timents mat�riels, je crois davantage � l'effet des sentences de l'opinion sur de telles mati�res; et, quoique je {RInd 500} ha�sse ce r�le d'ex�cuteur des hautes œuvres morales, quoique je ne le sente fait � ma taille en aucune fa�on, je {Souv 138} l'accepterais sans h�siter, si j'avais mandat pour le faire.

Certain de trouver dans votre Revue autant de courage et d'impartialit� qu'il m'en faut � moi-m�me pour remplir ma triste mission, je vous confie la publication de cette courte et trop v�ridique histoire, tout en vous demandant pardon d'entretenir vos lecteurs, aujourd'hui, d'un roman si peu po�tique et si peu agr�able.

Je vous en fournirai cependant le d�no�ment.

{CL 210} Avant-hier bw, une lettre de la mairie de Riom (Cantal) a donn� avis � la mairie de La Ch�tre de la r�apparition de la pauvre {Souv 139} Fanchette sur la sc�ne sociale. Elle a �t� reconnue sur son signalement, et arr�t�e au milieu d'une troupe de bateleurs ambulants, dont elle avait l'honheur de faire partie. On la renvoie � l'hospice de La Ch�tre, de briqade en briqade, c'est-�-dire de prison en prison, sur quelle liti�re et dans quelle compagnie, h�las! N'y a-t-il pas des destin�es qui serrent le cœur? et l'auteur ing�nieux et g�n�reux des Myst�res de Paris a-t il exag�r� l'horreur des mis�res et des humiliations du pauvre et du d�sh�rit�? Dans quel �tat de souillure et d'abjection l'infortun�e Fanchette va-t-elle �tre ramen�e chez les sœurs {Souv 140} de l'h�pital? Le venin de la prostitution n'est�il pas d�j� dans les veines de cette cr�ature innocente dans l'infamie, puisqu'elle est priv�e de la connaissance du bien et du mal?

Dira-t-on bx que chacun doit se garder soi-m�me by {CL 211} et que la soci�t� n'a point de devoirs � remplir envers ceux qui ne comprennent pas la notion du devoir? Non, personne ne le dira. Il n'est pas une m�re, dans ces heureuses classes o� l'honneur est si pr�cieusement gard� et bz la pudeur si tendrement prot�g�e, qui ne sente son cœur �mu de douleur et d'indignation � l'id�e des mis�res de Fanchette. N'y {Souv 141} a-t-il pas aussi quelque r�flexion � faire, apr�s toutes celles que le dix-huiti�me si�cle et le n�tre ont formul�es sur l'immoralit� du c�libat, � propos de la conduite inhumaine de la sup�rieure de l'hospice? Pour qu'un tel conseil puisse �tre accueilli dans le sein d'une femme vou�e par vocation, peut-�tre, et par habitude, sans doute, aux œuvres de charit�, il faut l'inspiration secr�te d'une perversit� maladive ou l'�cret� chagrine d'une de ces aversions de femme � enfant, comme il s'en rencontre surtout chez les vieilles filles.

Au milieu d'un tel abandon de toutes les {CL 212} protections naturelles, {Souv 142} l�gitimes et sacr�es, on est forc� de se r�fugier dans l'id�e {RInd 501} peut-�tre, h�las! beaucoup trop romanesque, que Fanchette a pu trouver, par hasard, chez les boh�miens, ces parias de la civilisation, l'hospitalit�, la charit�, le respect que notre soci�t� et notre religion officielle lui ont si �trangement d�ni�s. Qui sait si Dieu, qui voile sa face aux pharisiens, n'a pas �tendu sa main paternelle sur la paille o� elle a dormi pendant trois mois p�le-m�le avec l'immonde famille des tsingari ca? Funeste soci�t� que celle o� l'enfant abandonn� n'a pas de secours plus explicite, plus imm�diat que {Souv 143} l'aust�re et myst�rieuse protection du ciel! 0 Providence! daignez-vous faire des miracles pour ceux que vous frappez d'impuissance dans le berceau, et dont la destin�e se tra�ne sur la boue des chemins? D�tournez�vous des traces de la vierge et de l'orpheline l'inf�me vieille qui trafique de l'enfance, et qu'on voit errer le soir dans les carrefours � {CL 213} la faveur des t�n�bres, guettant l'innocence et la faiblesse pour les corrompre, les violenter, et les livrer tremblantes ou perverties au riche, au p�re de famille, au magistrat m�me des petites villes? les petites villes! ces antres de corruption, o� {Souv 144} l'intimidation assure l'impunit� au vice et au crime tout autant qu'� Paris le myst�re!

D�tournons les yeux de ces spectacles d'iniquit�, et prions Dieu pour les faibles, puisque les hommes sont sourds.

GEORGE SAND cb 1.    



{RInd t.XI p.[161]; Souv [145, 146 blanche], CL 214} LETTRE DE M. LE PROCUREUR DU ROI
DE LA CHATRE,
AU DIRECTEUR DE LA REVUE INDÉPENDANTE
. cc 2



{Souv [147]} La Ch�tre, le 9 novembre 1845.

        Monsieur le Directeur,


Vous avez, dans un des derniers num�ros de votre journal, ins�r� un article sign� George Sand, dans {Souv 148} lequel l'auteur s'empare d'un fait d�plorable, sans doute, mais qui est loin cependant d'avoir la gravit� qu'il lui attribue, pour en faire l'objet de reproches injustes contre plusieurs fonctionnaires de cette ville.

Voici, au surplus, l'�v�nement, si �trangement rapport� par cet �crivain. Il importe tout d'abord de lui restituer son v�ritable caract�re.

Dans le cours du mois de juillet dernier, une jeune fille presque idiote, qui avait �t� pr�c�demment re�ue � l'hospice de La Ch�tre, auquel {CL 215} elle avait alors cess� d'appartenir, et o� elle �tait cependant {Souv 149} revenue, disparut subitement. La sœur sup�rieure, non en vue de faire perdre cette malheureuse, comme on l'a dit, mais, au contraire dans l'espoir, en la renvoyant aux lieux d'o� elle paraissait �tre venue, de lui faire retrouver sa famille, l'avait fait transf�rer, par {RInd 162} la voiture publique, aux environs d'Aubusson; et, l�, elle avait �t� d�pos�e et recueillie dans une maison voisine.

Apr�s y avoir r�sid� pendant plusieurs jours, cette jeune fille s'enfuit, et parvint � se soustraire, pendant quelque temps, � toutes les recherches de l'autorit� locale.

Tels sont, dans toute leur {Souv 150} simplicit�, les faits; et les r�flexions qu'ils sugg�rent � l'auteur de l'article ne sont ni justes ni fond�es.

« Le procureur du roi de La Ch�tre, dit-il, en est demeur� t�moin impassible. � Une cd pareille assertion est en tous points inexacte.

Les d�marches les plus actives ont �t�, au {CL 216} contraire, faites par le parquet de La Ch�tre, et pour retrouver la jeune fille, et pour faire punir les coupables (si coupables il y avait).

Une instruction a �t� provoqu�e, une enqu�te a eu lieu; toutes les investigations de la justice ont �t� appel�es et sur la conduite de la {Souv 151} sœur sup�rieure et sur celle des agents qui auraient pu lui pr�ter leur concours; et le tribunal, apr�s avoir donn� � cette affaire tous ses soins, a rendu, le 13 septembre dernier, une ordonnance de non-lieu; preuve manifeste que les faits incrimin�s n'�taient pas entour�s des circonstances odieuses dont on s'est plu � les rev�tir. Ils avaient, d'ailleurs, �t� appr�ci�s de la m�me mani�re par M. le procureur du roi d'Aubusson, dont l'attention avait �t� �galement appel�e sur le m�me objet.

Ce n'est pas tout: aux recherches incessantes du parquet de La Ch�tre {Souv 152} on doit d'avoir cette jeune fille; et c'est par mon minist�re qu'elle a �t� r�clam�e et r�int�gr�e provisoirement � {CL 217} l'hospice de La Ch�tre, o� elle est encore en ce moment. Elle avait �t� arr�t�e, le 18 ao�t dernier, dans l'arrondissement de Riom, comme se livrant � la mendicit�, et plac�e, peu de temps apr�s, � l'hospice de cette ville.

Telle est l'exacte v�rit�, appuy�e sur pi�ces justificatives, dont je d�clare publiquement me porter garant. Que l'auteur veuille bien maintenant mettre en regard de ce simple expos� l'histoire incroyable dont son article contient le r�cit, et qu'il dise, {Souv 153} j'en appelle � sa conscience, s'il ne s'est pas fait l'�diteur responsable d'un roman.

Je vous prie et vous requiers, au besoin, monsieur le directeur, de vouloir bien ins�rer cette lettre dans votre plus prochain num�ro.

Recevez, monsieur, l'assurance de mes sentiments distingu�s.

Le Procureur du roi de La Ch�tre,

ROCHOUX.        



{RInd 163; Souv [154 blanche, 155, 156 blanche]; CL 218} RÉPONSE A M. LE PROCUREUR DU ROI
DE LA CHATRE
.



{Souv [157]} Vous avez tort, et grandement tort, monsieur ce, de vouloir assumer sur vous en particulier un reproche qui ne pesait sur vous que collectivement, et dont certes vous ne {souv 158} portiez pas la plus grosse part. Mion Dieu, que faites-vous l�! cf Vous faites un appel � ma conscience, et vous mettez � nu le fond de la v�tre, et vous me forcez d'y plonger un regard s�v�re, moi qui eusse voulu n'y supposer que des torts, sinon pardonnables, du moins r�parables; oubli, nonchalance, l�g�ret� de jeunesse, pr�occupation. Au lieu de cela, vous dirai-je ce que je pourrais y voir maintenant si je ne cherchais � vous excuser, et s'il ne me peinait pas profond�ment de condamner un jeune magistrat et un compatriote?

{CL 219} Mais il est donc �crit au ciel {Souv 159} que, dans le temps o� nous vivons, toute indulgence est impossible ou coupable? Vous voil� descendu sur une ar�ne o� je ne vous vois pas sans chagrin faire vos premi�res armes pour une si trible cause. Vous provoquez de nouvelles explications devant le public; vous m'appelez en champ clos par un d�menti que je ne puis pas accepter; non qu'il m'atteigne, non qu'il me blesse, mais parce que l'on ne peut pas reculer quand on s'est mis sur la trace de la v�rit�. Il y a eu, de la part des autorit�s de La Ch�tre, menace de poursuites contre l'auteur de Fanchette. L'auteur de {Souv 160} Fanchette n'a rien � redouter d'un tribunal qui serait juge et partie. Il sait bien que ces menaces sont d'amicales tentatives d'intimidation qu'on rougirait trop d'ex�cuter, et qu'en le faisant, on provoquerait des �claircissements qui donneraient trop d'�clat et de force � la v�rit� de ses assertions, � la r�alit� scrupuleuse du roman de Fanchette cg. Ainsi donc, {CL 220} monsieur ch, je ne regarderai pas votre lettre � la Revue Ind�pendante ci comme un pi�g� tend � ma bonne foi; un procureur du roi est trop haut plac� pour descendre au r�le d'agent provocateur. J'accepterai la discussion, et je vous {Souv 161} r�pondrai comme vous m'interpellez, en toute simplicit�.

Vous commencez par avouer que le fait dont je me suis empar� est d�plorable sans doute. Non, je ne me suis pas empar� du fait; c'est le fait qui s'est empar� de moi, et qui m'a boulevers� le cœur et l'esprit; comme le m�me fait s'empare de vous et vous force � le qualifier {RInd 164} tout d'abord de d�plorable. Je n'ai pas besoin, moi, de faire ici un appel � votre conscience. Je vois bien qu'elle est �mue, bourrel�e, et que le premier mot qui s'�chappe de votre plume proteste na�vement contre tout ce qui va suivre. Je ne doute {Souv 162} pas de vous en ceci: j'aime cj � vous rendre justice.

Vous pr�tendez pourtant que j'ai rapport� {CL 221} �trangement un �v�nement auquel vous vous faites fort de restituer son v�ritable caract�re. Eh hien, je vais reprendre mon r�cit et le r�sumer, pour le mettre en regard du v�tre, et vous verrez que votre apologie des coupables est la confirmation m�me de mon accusation. Il n'y a que la mani�re d'appr�cier le fait qui diff�re essentiellement entre vous et moi. Vous ne trouvez rien d'odieux dans cette aventure (d�plorable); moi, j'y vois un crime, un crime pour lequel il faut inventer {Souv 163} un nouveau nom, l'innocenticide.

J'ai dit qu'une jeune fille idiote... vous dites presque idiote; je dis tout � fait idiote, idiote au point de ne savoir pas parler, bien qu'elle ne soit ni sourde ni muette; idiote au point de ne pouvoir dire ni qui elle est, ni d'o� elle vient, ni ce qu'elle veut. Il ne faut pas �tre idiot � demi pour �tre priv� de la notion de son �tre, de l'appr�ciation de son individualit�. Mais passons. Si j'eusse voulu faire un roman, comme vous me le reprochez sans malice, je {CL 222} suppose (vous savez bien que c'est mon m�tier, et nul ne rougit du sien), j'eusse peint {Souv 164} Fanchette moins idiote qu'elle ne l'est en effet. Cela l'e�t faite plus int�ressante pour mes lecteurs. Voil� une belle h�ro�ne de roman que la pauvre Fanchette, avec sa bouche b�ante et ses yeux hagards! Ce serait d'une pauvre invention.

La tout � fait idiote ck Fanchette, trouv�e au pr� Burat, comme je l'ai dit, amen�e � l'hospice par le docteur Boursault, et accept�e sur un billet d'entr�e de ce m�decin, enfin plac�e chez la m�re Thomas, par la femme Landat, qui fait profession de caser les enfants trouv�s et abandonn�s (les champis, comme nous disons dans notre bon vieux {Souv 165} langage); Fanchette, revenant � l'h�pital par suite de son idiotisme, qui l'emp�chait de comprendre le d�go�t qu'elle y inspirait, disparut un beau matin sans �tre munie de l'exeat du m�decin attach� � l'hospice (M. Boursault), formalit� exigible et dont on sut fort bien se passer.

{CL 223} Voil� Ina version. Moins prolixe que moi, car vous avez l'honneur de n'�tre pas �crivain de profession, vous dites simplement que Fanchette, ayant cess� de faire partie de l'h�pital et y �tant revenue, DISPARUT SUBITEMENT. Dispara�tre subitement, ce n'est pas {RInd 165} s'en aller naturellement, ce n'est pas �tre {Souv 166} transf�r� r�guli�rement dans un nouvel asile, ce n'est pas se retirer en r�gle, muni de l'exeat du m�decin, de la sanction des administrateurs et de l'ordre de M. le pr�fet cl; enfin, dispara�tre subitement, c'est s'enfuir, se suicider, �tre enlev� ou assassin�. Si M. le Procureur du roi, M. le sous-pr�fet ou M. le cur� venaient � dispara�tre subitement, il y aurait un peu plus d'�moi dans la ville, et pour cause. Cependant personne ne doit dispara�tre subitement, sans que, subitement aussi, les autorit�s locales s'enqui�rent de l'individu supprim�. Enfin, nul d'entre nous, {Souv 167} quelque idiot qu'il puisse �tre, n'a le droit de dispara�tre subitement; M. le procureur du roi le sait bien.

{CL 224} L'enqu�te du commissaire de police dit, et je dis avec l'enqu�te, que Fanchette disparut dans les premiers jours de juillet; car l'enqu�te, dat�e du 31 juillet, porte par trois fois, pour date de l'�v�nement: Il y a environ un mois; vous dites que cela se passa dans le courant du mois: nous sommes � peu pr�s d'accord sur les dates. Le tribunal a rendu son ordonnance de non-lieu le 13 septembre. Fanchette a �t� retrouv�e le 18 ao�t; elle n'a �t� perdue que pendant six {Souv 168} semaines environ. Ce n'est pas assez apparemment pour exposer ses mœurs et ses jours. Le tribunal n'a recherch� et absous les d�linquants qu'au bout de deux mois et demi; il n'y a pas mis d'indiscr�te pr�cipitation. Nous sommes d'accord, vous dis-je, monsieur le procureur du roi.

Je reprends mon enqu�te, tir�e du roman de M. le commissaire de police, de la d�position �minemment romanesque de Thomas Desroys, le conducteur de diligence (Blaise Bonnin a {CL 225} �crit patache cm par vieille habitude), et des r�ponses de deux femmes, ma�tresses de poste, qui ont aussi l'entreprise des diligences de {Souv 169} notre endroit.

� L'une de ces dames fut appel�e � l'hospice par la sœur sup�rieure; et, s'y �tant co rendue, la sup�rieure lui dit que des �trangers, sans doute, avaient abandonn� en cette ville une jeune fille, �g�e d'environ quatorze ou quinze ans, qui �tait priv�e de ses sens intellectuels, et qu'on en avait dot� l'hospice; que, pour s'en d�charger elle-m�me, elle voulait user d'un semblable moyen; que, cons�quemment, il fallait la placer dans la voiture qui partait pour Aubusson, avec recommandation au conducteur de s'en d�barrasser avant d'arriver � Aubusson, en l'abandonnant sur la route; que, pour que {Souv 170} personne ne s'aper�ut de cela, elle la ferait conduire par une servante sur la route, hors ville, ce qui fut accept� par madame Gazonneau cn. Ces deux dames ajoutent que ce ne fut {CL 226} qu'avec une extr�me r�pugnance {RInd 166} qu'elles accept�rent une semblable mission; mais qu'en vertu du caract�re de la sup�rieure, elles se rendirent � sa demande empress�e*. �

* Copie de l'enqu�te faite � la diligence de M. le maire de La Ch�tre, par le comnlissaire de police de cette ville.

L'an mil huit cenl quarante-trois, le trente et un juillet.

Nous, commissaire de police de la ville de La Ch�tre (Indre), en vertu de la lettre de M. le maire, en date d'hier, qui nous ordonne de [{Souv 171}] proc�der � de nouvelles investigations sur les faits et circonstances qui ont pr�c�d�, accompagn� ou suivi l'exposition d'une jeune fille �trang�re et idiote, qui avait �t� arr�t�e par nos soins, il y a environ un mois, et qui, par suite, fut plac�e en l'hospice de cette ville; obtemp�rant � cet ordre, et ayant appris que cette enfant avait disparu et �tait partie par la voiture de M. Chauvet, ma�tre de poste, nous nous sommes transport� � son bureau, et y avons trouv� les dames Chauvet et Gazonneau, lesquelles, sur nos interpellations, nous ont d�clar� et affirm�, notamment la dame Gazonneau, qu'il y avait environ un mois, elle fut appel�e � l'hospice de cette ville par la sœur sup�rieure; qu'y �tant rendue, cette derni�re lui dit que des �trangers, sans doute, avaient abandonn� dans cette ville une jeune fille �g�e d'environ quatorze � quinze ans, qui �tait [{Souv 172}] priv�e de ses sens intellectuels, et qu'on en avait dot� l'hospice; que, pour s'en d�charger elle-m�me, elle voulait user d'un semblable moyen; que, cons�quemment, il fallait la placer dans la voiture qui partait pour Aubusson, avec recommandation au conducteur de s'en d�barrasser avant d'arriver � Aubusson en l'abandonnant swr la route; que, pour que personne ne s'aper��t de cela, elle la ferait conduire par une servante sur la route, hors ville; ce qui fut accept� par madame Gazonneau. Ces deux dames ajoutent que ce ne fut qu'avec une extr�me r�pugnance qu'elles accept�rent une semblable mission, mais qu'en vertu du caract�re de la sup�rieure, elles se rendirent � sa demande empress�e.

Nous avons aussi interrog� le nomm� Thomas Desroys, [{CL 227}] conducteur, attach� � l'administration de [{Souv 173}] M. Chauvet, maitre de poste. Il nous a d�clar� qu'au moment de partir pour Aubusson, il y avait environ un mois, madame Gazonneau lui dit: « Vous trouverez sur la route, au sortir de la ville, une petit� fille qui est idiote, conduite par une servante de l'hospice de La Ch�tre; elle ne figurera pas sur la feuille, c'est une enfant qu'on veut perdre. Ainsi, quand vous serez environ � une lieue d'Aubusson, vous la ferez descendre de voiture, et l'abandonnerez sur la route. � Qu'en effet, arriv� pr�s d'un village appel� Chaussidout, � uue lieue d'Aubusson, il la fit descendre de voiture, l'abandonna, et suivit ponctuellement les ordres qui lui avaient �t� donn�s.

La Ch�tre, les jour, mois et an que dessus.

Le Commissaire de police,
Sign�:
BOUYER.    

{RInd 167; Souv 171; CL 227} On ne peut pas �tre plus explicite. Laissons parler Thomas Desroys et la plume romanesque de {Souv 172} M. le commissaire de police:

� Il cq nous a d�clar� qu'au moment de partir pour Aubusson, il y avait environ un mois, madame Gazonneau cr (la ma�tresse de poste) lui dit:

� — Vous cs trouverez sur la route, au {Souv 174} sortir de la ville, une petite fille qui est idiote, conduite par une servante de La Ch�tre. Elle ne figurera pas sur la feuille. C'est une enfant que l'on veut perdre. Ainsi, quand vous serez environ � uue lieue d'Aubusson, vous la ferez descendre de voiture et l'abandonnerez sur la route.

{CL 228} � Qu'en ct effet, arriv� pr�s d'un endroit appel� Chaussidout, � une lieue d'Aubusson, il la fit descendre de voiture, l'abandonna et suivit ponctuellement les ordres qui lui avaient �t� donn�s. �

Voil� la premi�re enqu�te. Chacun sait que les premi�res d�positions {Souv 175} sont les bonnes. On n'a pas eu le temps de se consulter, d'�tre influenc�, de comprendre et de redouter les cons�quences du fait. On est frapp� comme de la foudre, on dit la v�rit� sans d�tour. Et pourquoi Thomas Desroys aurait-il recul�? Il n'a peut-�tre pas, lui non plus, un grand d�veloppement de ses sens intellectuels. Il a ob�i consciencieusement, ponctuellement � l'ordre de ses sup�rieurs. Et pourquoi les dames de l'administration des voitures auraient-elles h�sit� � rejeter le bl�me sur qui de droit? Elles avaient extr�mement r�pugn� � ob�ir, et le caract�re de la {Souv 176} sup�rieure avait pu seul les rassurer.

{CL 229} Qu'on y fasse attention, ce n'est plus Blaise Bonnin, ce n'est plus George Sand, c'est le commissaire de police, dont le roman officiel marche c�te � c�te avec celui que M. le procureur du roi veut bien nous offrir. Ce dernier roman, plus concis et plus rapide, est certainement le mieux fait des deux. Celui de M. le commissaire de police est simple et rude comme le fait; celui de M. le procureur du roi est tissu avec plus d'art. Il glisse sur les faits, et d�veloppe les intentions. Il entre dans la pens�e des {177} personnages, et leur accorde un acquittement de tendance, comme autrefois on faisait des proc�s de tendance.

� La sœur cu sup�rieure, dit-il, non en vue de faire perdre cette malheureuse comme on l'a dit (comme les d�posants l'ont dit au commissaire de police, comme la sup�rieure l'a dit aux d�posants, comme le commissaire de police l'a consign� dans l'enqu�te, comme tout le monde le sait, et comme Blaise Bonnin et George Sand {CL 230} l'ont r�p�t�), mais au contraire dans l'espoir, en la renvoyant aux lieux d'o� elle paraisait �tre venue, de lui faire retrouver sa famille, {Souv 178} l'avait fait transf�rer par la voiture publique aux environs {Rind 168} d'Aubusson, et, l�, elle avait �t� d�pos�e et recueillie dans une maison voisine. �

J'aime cette r�daction, elle a certainement plus de go�t et de d�licatesse que les r�ponses brutales de Thomas Desroys. Mais le fait reste le m�me, la r�daction n'y fait rien. La narration de M. le procureur du roi r�sulte sans doute d'une nouvelle enqu�te provoqu�e par lui six semaines apr�s celle du commissaire de police, et des r�ponses de madame la sup�rieure (si tant est qu'on l'ait interrog�e). Ainsi madame la sup�rieure s'est pleinernent {Souv 179} justifi�e en d�clarant qu'elle avait eu l'espoir cv de rendre Fanchette � sa famille. Mais cette supposition d'une famille � la pauvre idiote �tait un peu gratuite, puisque Fanchette a disparu de Chaussidout comme elle avait disparu de La {CL 231} Ch�tre, enlev�e, soit par des boh�miens, soit par d'autres religieuses, toujours pour l'aider apparemment � retrouver sa famille.

Si cw l'enqu�te du tribunal a constat� que Fanchette avait �t� d�pos�e et recueillie dans une maison voisine, et qu'il y e�t eu effet une maison voisine du th��tre du crime, c'est un remords de conscience, un bon {souv 180} mouvement de Thomas Desroys ; je l'en remercie de tout mon cœur. On a d�j� vu cela dans bien des fables et dans bien des romans. Œdipe, Romulus, Cyrus, Genevi�ve de Brabant, beaucoup de h�ros de l'antiquit�, beaucoup d'h�ro�nes des contes de f�es, ont �t� confi�s � des �cuyers, � des soldats, � des bourreaux charg�s de les noyer, de les �gorger ou de les perdre, et presque toujours ces honn�tes sc�l�rats, ces meurtriers sensibles, �mus de compassion ou saisis de remords, ont abandonn� au hasard les victimes condamn�es � p�rir, ou donn� � des bergers celles qu'il leur �tait enjoint {Souv 181} de laisser {CL 232} � la merci des flots, des brigands et des b�tes sauvages. On a vu m�me, dans ces po�tiques histoires, les louves et les biches se mettre de la partie, et allaiter les enfants perdus: ce qui ne prouverait autre chose, sinon que les brutes sont moins cruelles que les hommes, et que, pour parler le langage de Blaise Bonnin, les valets ne sont pas si pires que leurs ma�tres.

Enfin, je voudrais, pour l'honneur d'un homme du peuple, et pour la satisfaction de nos cœurs, monsieur le procureur du roi, que Thomas Desroys e�t manqu� � sa consigne, qu'il e�t cherch� une maison, {Souv 182} qu'il en e�t trouv� une dans l'endroit d�sign� (vous vous �tes sans doute rendu sur les lieux pour voir si, par hasard, ce ne serait pas un bois, ou une lande d�serte?); enfin qu'on e�t consenti � y recueillir la pauvre Fanchette: mais les premi�res d�positions de Thomas Desroys ne font mention ni de cette maison, ni de ces gens hospitaliers. Il faut que le doux Thomas ait {CL 233} eu bien peur d'�tre grond� pour sa d�sob�issance, ou {RInd 169} qu'il soit modeste et chr�tien au point de ne pas vouloir laisser soup�onner ses bonnes actions. Vous lui avez peut-�tre arrach� enfin cet aveu; vous avez {Souv 183} bien fait. Vous y avez cru; vous le reconnaissez donc pour un homme sinc�re et craignant Dieu; donc, il cx n'avait pas menti dans la premi�re enqu�te, en d�clarant qu'il lui avait �t� ordonn� d'abandonner, de faire perdre une enfant? cy Et, sans doute cz, il ne s'est pas r�tract� sur ce point dans la seconde enqu�te que vous avez provoqu�e, et que nous ne connaissons pas, mais que vous promettez de nous mettre sous les yeux.

Eh bien, monsieur le procureur du roi, c'est l� ce que nous vous demandons, pas autre chose; des explications, une justification de l'impunit� {Souv 184} garantie jusqu'ici par le tribunal � un fait qui nous a paru � tous si �norme. Pensez-vous que nous ayons � nous r�jouir et � triompher si, malheureusement, l'enqu�te du {CL 234} commissaire est v�ridique, si les t�moins n'ont pas menti dans leur premi�re d�position, si la clameur publique est fond�e, si le maire a �t� sage de provoquer cette enqu�te, si notre indignation est juste et si nos plaintes sont raisonnables? H�las! non, nous serons tous tristes, vous, moi, les magistrats, les fonctionnaires, les coupables, les t�moins et le public. Tout le monde sera constern�, humili� de voir l'humanit� si perverse, la religion si {Souv 185} avilie, la faiblesse si d�laiss�e, la mis�re si m�pris�e; aucun de nous ne chantera victoire, croyez-le bien.

Eh! da vous le savez! vous savez bien que nous ne sommes pas des hypocrites; vous savez bien que nous n'aimons pas plus que vous le scandale inutile; vous savez bien que l'�crivain qui vous r�pond n'a jamais fait de d�clamation contre les personnes, ni d'opposition, ni de politique en un mot. Pourquoi voulez-vous en faire � propos d'un fait si �tranger � la politique? Pourquoi essayez-vous d'att�nuer {CL 235} l'horreur d'un crime, vous dont la mission est de poursuivre et de punir le crime, tandis que la n�tre, {Souv 186} � nous, serait de g�mir quelquefois sur la rigueur des lois et le sort des coupables? Ce r�le, que vous prenez aujourd'hui, n'est pas dans les devoirs de votre position. Aucune influence sup�rieure ne peut vous l'avoir dict�, et vous vous r�volteriez contre une pareille influence, si elle existait.

N'h�sitez donc pas � apaiser l'indignation douloureuse qui s'est empar�e de vos concitoyens, et donnez-leur des explications satisfaisantes de l'indulgence du tribunal; ils les accepteront avec reconnaissance, ils seront heureux de n'avoir plus personne � accuser, et moi tout le premier, je {Souv 187} dirai avec joie � mes lecteurs: « Oui, c'�tait un roman; j'avais �t� tromp�. Ne prenez pas Fanchette pour une histoire {RInd 170} v�ritable; gr�ce � Dieu, il n'en est rien. C'est un mauvais r�ve que nous avions fait. �

Mais, si telle est votre intention, monsieur {CL 236} le procureur du roi, elle n'est pas r�alis�e. Les explications que vous avez la bont� de nous apporter ne sont pas satisfaisantes; bien au contraire, nous y voyons l'aveu, la confirmation de ces tristes choses qui nous faisaient fr�mir. Une sup�rieure qui, arguant, selon vous, de ce que l'enfant n'appartient plus � l'hospice, s'en empare, la fait enlever... {Souv 188} transf�rer, si vous voulez, mais bien secr�tement, le fait est acquis et vous ne le niez pas; transf�rer o�? aux lieux d'o� elle paraissait �tre venue. Vous ne le saviez pas: db l'enfant ne l'a jamais dit. Elle ne pouvait pas le dire, elle ne peut pas parler; personne ne la connaissait; personne ne la conna�t encore; dc vous n'avez jamais pu d�couvrir qui elle est. La sup�rieure a dit textuellement qu'� son costume, elle avait pr�sum� quelle �tait Marchoise. Sur cette belle certitude, on l'a donc fait transf�rer sur la grande route, dans un endroit vague, aux environs d'Aubusson: non pas dans une maison {Souv 189} d�sign�e. Votre {CL 237} r�daction porte: � ET LA dd (sur la grande route, dans l'endroit quelconque), elle avait �t� d�pos�e et recueillie dans une maison VOISINE. �

Tout de cela est-il logique, r�gulier, �vident, concevable? Non, tout cela n'est ni concevable, ni �vident, ni satisfaisant, ni sinc�re. C'est l'apologie maladroite que vous a pr�sent�e une conscience coupable. Je ne comprendrai jamais et personne ne comprendra plus que moi que le tribunal s'en soit content�, que vous vous en contentiez vous-m�me, et personne ne dira avec vous que l'ordonnance de non-lieu, rendue le 13 septembre, est une preuve manifeste {Souv 190} de l'innocence des coupables. Non, toutes les investigations de la justice n'ont pas �t� appel�es, et sur la conduite de la sup�rieure, et sur celle des agents qui AURAIENT PU lui pr�ter leur concours. Non, cent fois non; car ces agents ne sont pas dignes de foi si leur seconde d�position a d�truit la premi�re, et cette premi�re d�position est accablante, elle est sans r�plique. Un jury n'y {CL 238} trouverait pas de circonstances att�nuantes. M. le procureur du roi d'Aubusson, dont vous invoquez l'opinion, et


Qu'on ne s'attendait gu�re
A voir para�tre en cette affaire,

n'a rien � nous dire sur un fait qui {Souv 191} n'est pas du ressort de sa juridiction, et dont il n'a pas eu � conna�tre. Personne ne s'est plu � rev�tir de circonstances odieuses les faits incrimin�s; un tel office ne {RInd 171} peut plaire � personne. Il m'a rendu df malade de chagrin. Je ne suis pas habitu� comme vous autres magistrats � peser dans le creux d'une main froide les iniquit�s de mes semblables. Je n'ai rien invent�; qui le sait mieux que vous? Vous faites appel � ma conscience! et moi, j'appelle par trois fois la v�tre! � Conscience, conscience, conscience de M. le procureur du roi de La Ch�tre, r�veillez-vous, et soyez ce que Dieu vous a faite! �

{Souv 192} Mais rapportons-nous-en � votre propre t�moignage; c'est de vos paroles m�mes que {CL 239} nous voulons tirer la preuve du d�lit, du crime que la loi qualifie du nom d'exposition. Vous dites d'abord: � Fanchette dg a �t� transf�r�e aux environs d'Aubusson, ET, LA, elle a �t� d�pos�e et recueillie dans une maison voisine... � Voisine de quoi? des environs d'Aubusson? c'est un peu vague. Et puis d�poser et recueillir sont deux termes fort contradictoires; ON REÇOIT UN DÉPÔT, on ne RECUEILLE que ce qui est abandonn�, d�laiss�. D'ailleurs, si c'�tait un d�p�t, un placement r�gulier, et non pas une exposition {Souv 193} clandestine, on n'en e�t pas charg� le conducteur d'une voiture publique, mais bien une des personnes qui, comme la m�re Landat, sont pr�pos�es � cet emploi par l'autorit�: ou, du moins, choisissant un homme �tranger � cette fonction, on lui e�t remis une somme destin�e � la pension alimentaire de l'enfant, et non pas seulement le salaire de son aveugle complicit�; on lui e�t d�sign� une de ces maisons sp�ciales qui servent ordinairement de refuge aux enfants {CL 240} trouv�s, et, au besoin, � leurs fr�res en infortune, les idiots, et non pas la premi�re maison venue, VOISINE DES ENVIRONS {Souv 194} d'Aubusson. Enfin, l'on ne pouvait, en aucun cas, se passer pour tout cela de l'autorisation du pr�fet; car, si la pr�tendue famille de Fanchette se f�t pr�sent�e � l'hospice pour la r�clamer, on n'e�t pas pu rendre Fanchette � ses parents sans cette formalit�. Or donc, monsieur le procureur du roi, vous vous �tes pris au pi�ge de vos propres aveux, et, si dh vous permettez que je vous parle latin, moi qui ne le sais pas, � vous qui le savez certainement, je vous dirai: Habemus confitentem reum.

Autre preuve accablante contre la sinc�rit� et l'innocence de votre pr�tendu d�p�t: c'est que Fanchette {Souv 195} a �t� si peu recueillie, qu'en r�ponse aux renseignements demand�s par l'autorit� de La Ch�tre, le maire de Saint-Maixent, dont d�pend le hameau de Chaussidout, a d�clar� dans une lettre officielle que, malgr� {CL 241} les recherches les plus empress�es, il n'avait pu rien d�couvrir au sujet de cette jeune fille. On ne l'avait pas vue, on n'avait pas entendu parler d'elle � Chaussidout, commune de Saint-Maixent, malgr� les recherches {RInd 172} empress�es du maire!... Donc, elle di n'avait �t� recueillie nulle part, mais bien abandonn�e sur le chemin, quoi qu'on en dise. Si on nous mettait en cause {Souv 196} comme calomniateur ou romancier (il para�t que c'est tout un), nous demanderions � M. le procureur du roi de nous conduire dans cette maison introuvable et invisible dont l'administration charitable de La Ch�tre fait la succursale de son hospitalit�, et nous sommerions M. le procureur du roi de recevoir l'attestation des habitants de cette demeure fantastique, entre les mains desquels, selon lui, on aurait d�pos� Fanchette.

Nous n'avons pas fini.

Apr�s dj avoir r�sid� plusieurs jours dans cette maison suppos�e, o�, quand m�me nous accepterions l'affirmation de {Souv 197} M. le procureur du roi, {CL 242} Fanchette n'aurait certes pas eu le droit de r�clamer un asile, puisque M. le pr�fet lui en avait assign� un autre; dans cette maison, qui n'e�t �t� nullement engag�e � se charger d'un enfant perdu, dk pour qui elle eut d� �tre une charge impossible � accepter, o� certainement personne n'aurait eu ni le temps, ni le moyen, ni le devoir de la garder et de la surveiller; vous dites que cette jeune fille PARVINT A SE SOUSTRAIRE pendant quelque temps � toutes les recherches de l'autorit� locale. C'est faux; on vous a tromp�. Fanchette, qui {Souv 198} n'a jamais pu parvenir � dire deux mots de suite, n'est certainement pas parvenue � se soustraire � quoi que ce soit. Fanchette sait bien, en v�rit�, ce que c'est que les autorit�s locales! Elle a bien affaire de s'y soustraire, elle qui cherche un asile, comme un chien sans ma�tre, contre le froid et la faim! Il est bien ais� de comprendre ce que cherchait la pauvre vagabonde en quittant son nouveau g�te: dl elle essayait de retourner � l'hospice. {CL 243} C'�tait son id�e fixe. On ne peut pas lui en supposer d'autre, puisqu'elle ne faisait autre chose tandis qu'elle r�sidait chez la femme Thomas. {Souv 199} Malheureuse qui croyait trouver l� secours et protection! Oh! que sa stupide confiance doit enfoncer de poignards dans le cœur de la sup�rieure, si tant est que cette femme ait un cœur! Mais la honte de la r�probation publique et la crainte du ch�timent r�veillent parfois une esp�ce de conscience chez ceux qui n'en avaient point. Puisse-t-elle g�mir et pleurer aux pieds du Christ, cette sœur de la charit�! je le lui souhaite; je ne lui souhaite pas d'autre mal.

Ainsi Fanchette ne pouvait pas, comme un bandit, comme un for�at �vad�, se soustraire aux recherches de l'autorit�. Elle ne {Souv 200} conna�t point d'autorit�, elle ne conna�t que la grande route; elle a pu la suivre au hasard, esp�rant revenir � La Ch�tre. Elle a rencontr� des boh�miens; ils l'ont emmen�e, de gr� ou de force, qui peut {CL 244} le savoir? On l'a retrouv�e, six semaines apr�s, parmi des {RInd 173} bateleurs, � Riom. Vous dites qu'elle se livrait � la mendicit�: c'est possible; dm mais avec qui? Vous ne le dites pas, et pourtant vous devez le savoir. Vous le savez. Cela a paru, � quelques personnes d'ici, une invention romanesque, une opposition ing�nieuse. Elle n'a rien que de naturel. Il n'y a en France que des {Souv 201} bateleurs � qui un enfant puisse servir � quelque chose; ce sont eux qui se chargent de recueillir ceux que les hospices repoussent.

C'est par vos soins, par votre minist�re, qu'elle a �t� r�int�gr�e provisoirement � l'hospice de La Ch�tre. Je n'en doute pas; mais, dites donc, par l'ordre et les soins de qui a-t-elle �t� ramen�e, cette enfant, de brigade en brigade, comme un malfaiteur et avec les malfaiteurs, couchant parmi eux peut-�tre, sur la paille ou sur le pav� des prisons? On sait bien ce que c'est qu'un pareil voyage, en pareille compagnie; et si, de stupide, Fanchette n'est pas devenue {CL 245} folle, si elle n'est {Souv 202} pas enceinte comme on le dit (je crois bien que c'est faux), enfin, si elle est infect�e des honteuses plaies de la d�bauche et de la prostitution, � qui la faute? Et il n'y a pas de coupables? et votre ordonnance de non-lieu sur ce fait d�plorable en est une preuve manifeste? et dn vous nous dites cela, � nous autres m�res de famille? et vous avez une sœur, une femme, une m�re? et je suis un romancier? Ah! vous en �tes un autre! si c'est une honte, buvez-la.

Pardonnez-moi! mon cœur saigne de vous dire de pareilles choses; mais qu'�tes-vous venu faire dans tout ceci? Mon accusation sur votre incurie de {Souv 203} magistrat �tait-elle aussi grave que celle dont vous vous chargez si gratuitement, si follement? Les faits que vous avancez confirment les miens. La diff�rence, je le r�p�te, est dans la mani�re dont vous les appr�ciez, puisque vous ne leur reconnaissez pas la gravit� que nous leur attribuons. Je ne disais pas que vous eussiez un cœur de pierre, je ne le pensais {CL 246} pas. Je n'aurais jamais os� vous taxer d'insensibilit�, de m�pris pour l'esp�ce humaine, de partialit� pour les �mes criminelles, d'aversion pour celles qui ha�ssent le crime. Et, � vous entendre, � lire votre lettre, on croirait que vous avez toutes ces glaces dans l'�me, {Souv 204} toute cette perversit� dans l'esprit. Vous avez eu trop de confiance; vous saviez que nous vous connaissions pour un bon et faible jeune homme, et votre z�le � justifier cet �v�nement d�plorable vous a fait oublier que le public auquel vous vous adressez, ce public, rude et sauvage qui juge un homme sur ses paroles, et ne s'inqui�te ni de ses secrets instincts ni de sa vie priv�e, allait vous condamner sans appel et crier anath�mc sur votre apologie. Nous serons forc� {RInd 173} de vous d�fendre, et nous le ferons, tandis que vous nous accuserez de provoquer le scandale et d'incriminer vos intentions.

{Souv 205} Vous vous trouvez compromis par nos reproches de lenteur et de patience. Eh bien, il {CL 247} fallait vous en tenir � cette justification: � Nous avons agi, nous avons t�ch� de retrouver Fanchette. � Il fallait dire que vous aviez, vous personnellement, provoqu� une enqu�te, et que le reste ne vous regardait pas, puisque l'ordonnance de non-lieu n'�manait pas de vous; et il ne fallait pas vous faire le r�dacteur, l'�diteur responsable du roman invraisemblable intitul� l'Espoir de madame la sup�rieure do. Voil� o� est l'aventure incroyable! C'est la sollicitude de cette femme qui arrache une enfant dp � la surveillance des {Souv 206} autorit�s, aux soins du m�decin, � une retraite assign�e par le pr�fet, � un asile assur�, � un secours du gouvernement, le tout par bont� d'�me, et qui la fait perdre du c�t� o� elle pr�sume, o� elle esp�re qu'elle doit avoir une famille, et qu'elle pourra la retrouver. Comme c'est ing�nieux! quelle charit� �clair�e! quelles candides intentions! Gr�ce � Dieu, je suis femme et ne comprends rien aux lois que les hommes ont invent�es; mais j'ai ou� dire {CL 248} qu'il y avait des ch�timents pour ceux qui causaient la mort par imprudence. Il n'y en a donc pas pour ceux qui risquent la vie, l'honneur et la sant� d'autrui par {Souv 207} imprudence? Mettons que ce ne soit pas autre chose; en tout cas, l'imprudence est grande, et, si la sup�rieure ne doit pas �tre punie (ce qu'� Dieu ne plaise! je n'aime pas le syst�me des ch�timents), au moins dq aurait-elle m�rit� quelque s�v�re r�primande; au moins ne m�rite-elle pas qu'un magistrat prenne son parti, et nous la d�clare innocente et pers�cut�e, bien intentionn�e et pure de tout reproche; au moins avons-nous le droit de nous �tonner, de bl�mer, et de nous remontrer les uns aux autres l'horreur et le scandale d'une imprudence de ce genre. Eh quoi! vous cachez, vous �touffez l'affaire; libre {Souv 208} � vous! mais encore vous vous f�chez quand nous la d�couvrons, et vous voulez nous interdire d'en parler? Sommes-nous en France ou en Russie?

Vous m'en voulez pour avoir dit, monsieur {CL 249} le procureur du roi, que vous �tiez demeur� t�moin impassible. Eh bien, si vous ne l'avez pas �t�, tant mieux. Je vous crois de toute mon �me. Pourquoi voulez-vous donc maintenant vous poser en apologiste passionn� des intentions les plus coupables ? C'est bien pis.

Vous avez fait tous vos efforts pour retrouver Fanchette: je le crois bien ! Les autres fonctionnaires ont agi {Souv 209} aussi avec activit�, avec effroi du scandale qui allait retomber sur l'administration de l'hospice et sur {RInd 175} le clerg�? Je le crois encore! Mais l'enfant retrouv�e telle quelle, on s'est calm� bien vite. Le sous-pr�fet a �t� vivement affect�, m'a-t-on dit, du sort de Fanchette; je ne doute pas de la bont� de son cœur. Mais les hommes les plus probes et les meilleurs sont-ils donc oblig�s par �tat, d�s qu'ils sont rev�tus de fonctions publiques, � une prudence ombrageuse? Est-ce l'esprit du gouvernement qui leur impose ces m�nagements pour certaines personnes, cette irritation contre {CL 250} d'autres? On le dit; moi, je {Souv 210} ne veux pas le croire.

Cependant dr, une modeste souscription s'est ouverte � La Ch�tre pour faire imprimer et vendre au profit de Fanchette le roman qui porte son nom. C'�tait une bonne œuvre. Le pr�tendu roman avait eu du succ�s dans la localit�. L'imprimeur n'y courait aucun risque: ds c'�tait la reproduction d'un ouvrage d�j� publi�, et non incrimin� par le gouvernement. Le prix �tait convenu, le nombre d'exemplaires fix�. Mais, apr�s dt avoir �t� faire sa d�claration � la sous-pr�fecture, l'imprimeur est revenu tout effray�, et bien d�cid� � ne pas nous pr�ter le secours de son industrie. {Souv 211} Monsieur du le procureur du roi, demandez donc de ma part � M. le sous-pr�fet pourquoi il a fait intimider de la sorte ce brave homme d'imprimeur? Que lui importait un peu plus ou un peu moins de publicit� au roman de Fanchette? S'il e�t r�clam� contre la petite part de bl�me que je lui faisais, j'eusse eu {CL 251} grand plaisir � me d�mentir et � r�parer mon injustice. Mais comment croirons-nous � sa sinc�rit�, comment jugerai-je ses intentions, � pr�sent que je le vois arm� des foudres de l'intimidation, on dit m�me d'une menace de poursuite contre moi? Au moins on {Souv 212} devrait bien me donner le temps de me retourner et de vendre mon roman au profit de l'idiote, puisqu'on a bien donn� � ceux qui l'ont expos�e et perdue neuf ou dix semaines de r�pit avant d'instruire, sur leur conduite*.

* L'impression de Fanchette a �t� tent�e � Bourges et y a �chou� pour les m�mes causes. De trois imprimeurs, l'un a le monopole des imprim�s de la pr�fecture, l'autre celui des annonces judiciaires, le troisi�me est imprimeur du clerg�. A Ch�teauroux, certitude des m�mes obstacles: partout, en province, m�me position des imprimeurs, m�me d�pendance du pouvoir, m�me �pret� du pouvoir � paralyser la presse.

Vous allez voir qu'on n'a pas {Souv 213} proc�d� envers eux avec autant de h�te et de m�fiance. C'est un autre petit r�cit dont je me fais encore l'�diteur responsable.

M. Delaveau, maire de la Ch�tre et d�put� {CL 252} de l'Indre, � son retour de la derni�re session, trouva dans les bureaux de la mairie une lettre de M. le sous-pr�fet, qui �tait arriv�e en son absence un mois ou six {RInd 176} semaines auparavant, laquelle lettre �tait relative au fait de la disparition de Fanchette et en demandait l'explication. Comme pr�sident du bureau d'administration de l'hospice, M. Delaveau rassembla le conseil de cette administration, {Souv 213} et exhorta ses coll�gues � s'occuper de la lettre de M. le sous-pr�fet. Il lui fut r�pondu que l'on n'avait pas r�pondu, mais que, comme ladite lettre n'avait pas �t� suivie de ce qu'on appelle une lettre de rappel, c'est-�-dire d'une preuve de l'insistance de ce fonctionnaire pour avoir raison du fait, il n'y avait plus lieu de s'en occuper. Apparemment, disait-on, le sous-pr�fet est aujourd'hui fix� sur le sort de Fanchette. M. Delaveau s'�tonna, s'indigna de cette inaction. Il ne devait pas s'en �tonner. Un membre de ce bureau, z�l� pour le gouvernement, et influent {CL 253} dans {Souv 215} les affaires de l'hospice, avait lui-m�me donn� � la sup�rieure le conseil, on dit m�me l'ordre, de faire perdre l'enfant, et la plupart des autres membres n'�taient pas apparemment tr�s-r�volt�s de cet acte, puisqu'ils se joignaient � lui pour en �touffer la publicit�. M. Delaveau ne se laissa point convaincre par l'opinion du conseil, ni d�courager par la cynique indiff�rence de certaines personnes.

Il d�clara que, puisqu'on paralysait son action comme pr�sident du bureau d'administration de l'hospice, il se r�servait d'agir comme maire, et de diriger des poursuites {Souv 216} contre les coupables. C'est alors que M. Delaveau provoqua l'enqu�te suivie par le commissaire de police, et que j'ai cit�e plus haut. Elle est courte, elle est incompl�te, puisque la sup�rieure et son conseiller n'y figurent point en personne. Cependant, elle dv suffit pour �tablir le fait nettement, et copie en fut envoy�e par le maire de La Ch�tre {CL 254} au procureur du roi et au sous-pr�fet. Le m�me jour, 31 juillet, arriva enfin la lettre de rappel du sous-pr�fet.

De tout cela, il r�sulte que le premier mouvement, en l'absence de M. Delaveau, est venu de {Souv 217} M. le sous-pr�fet, et que, apr�s dw les d�marches de M. Delaveau, les autres d�marches de M. le sous-pr�fet ne se sont pas fait attendre. Cependant on peut douter que la lettre de rappel e�t �t� envoy�e si l'enqu�te n'e�t pas �t� d�j� faite. Il n'y a pas certainement dans tout cela de quoi couronner ni pendre M. le sous-pr�fet; mais tout l'honneur de l'activit�, du courage et de la pers�v�rance revient � M. Delaveau, comme maire, � M. Boursault, comme m�decin de l'hospice, et l'action du tribunal, qui a �t� la plus tardive, est venue tout remettre � n�ant. Vous dites, {Souv 218} monsieur le procureur du roi, que c'est pr�cis�ment une preuve manifeste du n�ant de l'affaire; pour nous, jusqu'� pr�sent, c'est une preuve manifeste de l'int�r�t {CL 255} qu'on avait effectivement � l'�touffer. Il est possible que nous nous trompions; �clairez-nous, {RInd 177} daignez fournir vos preuves, nous ne demandons pas mieux que de nous y rendre, si elles sont bonnes. Moi, je vous r�p�te que je suis pr�te � vous demander pardon de mon irr�v�rence, et � la r�tracter publiquement, mais que votre lettre me force � pers�v�rer plus que jamais dans mes accusations; que votre enqu�te {Souv 219} elle-m�me est frapp�e � mes yeux d'une compl�te nullit� morale, et n'att�nue en rien la gravit� de celle du commissaire de police. Et si vous voulez que je vous dise pourquoi, c'est que les personnes qui pouvaient le mieux �clairer votre religion n'y ont pas figur�.

Ainsi dx, vous n'avez entendu ni M. Delaveau, maire de la ville; dy ni ses adjoints, qui pr�sidaient le conseil en son absence; ni M. Boursault, m�decin de l'hospice, qui, par ses fonctions, �tait charg� de donn� l'exeat, pi�ce indispensable {CL 256} pour autoriser le d�placement de {Souv 220} Fanchette. Si M. le maire de la Ch�tre avait �t� appel�, il e�t pu produire la lettre du maire de Saint-Maixent, qui dz d�truit sans r�plique votre illusion de cette fameuse maison de refuge, voisine des environs d'Aubusson, sur laquelle repose toute la justification de l'�v�nement d�plorable. Si M. Boursault avait �t� entendu, il e�t �galement d�truit votre illusion charitable sur le presque idiotisme de la victime. Enfin vous eussiez d� appeler la femme Cruchon ea, qui demeure sur la route de Gu�ret, et chez laquelle P�lagie, la servante de l'hospice, a stationn� avec Fanchette en attendant le {Souv 221} passage de Desroys, au moment choisi pour l'enl�vement. Quant � Desroys, nous ne pouvons pas savoir ce qu'il a pu vous dire dans votre instruction � huis clos, pour d�truire et att�nuer ses premi�res r�v�lations; mais nous savons bien ce qu'il disait hier encore, et cela a bien le caract�re d'une v�rit� na�ve. Il avait abandonn� {CL 257} l'enfant sur la grande route, au milieu de la nuit; et il en avait eu tout d'un coup le cœur gros sans trop savoir comment. Il avait lanc� ses chevaux � toute bride � la descente, pour fuir Fanchette et le remords; mais soudain il les avait arr�t�s, {Souv 222} arr�t� lui-m�me comme par la main de Dieu, pour regarder si, en courant apr�s lui, elle ne s'exposait pas � prendre du mal. Il ne l'avait pas vue, et, ne pouvant se d�barrasser de son souvenir, pendant cinq � six jours il allait demandant sur son passage � toutes les laiti�res qu'il rencontrait:

— N'avez-vous eb pas trouv� par l� un enfant?

Je n'ai qu'une erreur � rectifier dans la lettre de Blaise Bonnin, c'est que la ville de Riom soit situ�e dans le d�partement du Cantal; il para�t qu'elle est situ�e dans celui du Puy-de-D�me. C'est une faute de g�ographie dont je ne {Souv 223} me suis point aper�ue en transcrivant la lettre de mon ami Blaise, par la raison que je ne poss�de pas cette science {RInd 178} mieux que lui. {CL 258} Mais les paysans et les femmes, assez doctes peut-�tre dans les questions de sentiment, ne sont tenus � rien de mieux.

Agr�ez, monsieur le procureur du roi, l'expression de mes sentiments distingu�s.

GEORGE SAND ec.    

Nohant, pr�s La Ch�tre (Indre).



{Souv [224 blanche, 225]; CL 259} COPIE DE LA LETTRE ADRESSÉE A GEORGE SAND
PAR M. DELAVEAU, MAIRE DE LA CHATRE ET
DÉPUTÉ DE L'INDRE. ed



{Souv [226 blanche, 227]} La Ch�tre, i6 novembre 1843.    

        Madame, ee

Je re�ois � l'instant communication de votre r�ponse � M. le procureur du roi pr�s le tribunal de cette ville, et l'invitation que vous m'adressez d'attester {Souv 228} l'exactitude des faits consign�s dans votre r�cit sur Fanchette.

Comme magistrat, je devais compte de ces faits tant au sous-pr�fet qu'au procureur du roi de cet arrondissement, et, ce devoir ef rempli, j'aurais d�sir� demeurer �tranger � ces d�bats mais, puisque vous invoquez mon t�moignage, je crois de mon devoir de rendre hommage � la v�rit�. Ainsi, je d�clare que les faits que vous pr�cisez dans votre r�ponse � M. le {CL 260} procureur du roi sont, en ce qui me concerne, d'une exactitude compl�te. Quant aux passages de l'enqu�te faite, sur ma r�quisition, par {Souv 229} M. le commissaire de police, ils sont identiques avec les termes de son proc�s-verbal.

Veuillez agr�er, madame, l'assurance de mes sentiments les plus respectueux.

DELAVEAU. eg    



{Souv [230 blanche, 231]; CL 261} COPIE DE LA LETTRE ADRESSÉE A GEORGE SAND
PAR M. BOURSAULT, MÉDECIN DE L'HOSPICE DE
LA CHÂTRE. eh



        Madame,

Vous m'envoyez votre r�ponse � la lettre de M. le procureur du roi; apr�s en avoir pris lecture, je certifie qu'en ce qui me {Souv 232} concerne, tout est d'une parfaite exactitude.

Recevez, madame, mes salutations empress�es.

BOURSAULT, D. M. P.    



FIN ei




Variantes

  1. FANCHETTE / [filet] / LETTRE DE BLAISE BONNIN / A / CLAUDE GERMAIN {RInd}
  2. Cette note n'appara�t pas dans {RInd} ni {Souv}.
  3. ne vont pas pire que les grands {RInd} ♦ ne vont pas pire, que les grands {Souv}{CL} comme {RInd}
  4. de se priver, avec cela {RInd}, {Souv} ♦ de se priver: avec cela {CL}
  5. de quoi s'y accoutumer. {RInd}, {Souv} ♦ de quoi s'y accoutumer! {CL}
  6. Aucuns pr�chent {RInd} ♦ Aucun pr�che {Souv}{CL} comme {RInd}
  7. bien rel�ch�. Et puis {RInd}, {Souv} ♦ bien rel�ch�. / Et puis {CL}
  8. et, s'ils {RInd} ♦ et s'ils {Souv}, {CL}
  9. ne peut pas plus se passer {RInd} ♦ ne peut plus se passer {Souv}{CL} comme {RInd}
  10. MM. nos desservants {RInd} ♦ messieurs nos desservants {Souv}, {CL}
  11. et puisque {RInd} ♦ et, puisque {Souv}, {CL}
  12. une histoire d'enfant perdu, que Lorrain {RInd}, {Souv} ♦ une histoire d'enfant perdu que Lorrain {CL}
  13. comme une pierre, �a entend; mais �a {RInd} (cette le�on est fautive) ♦ comme une pierre; �a entend, mais �a {Souv}, {CL}
  14. Enfin �a n'est {RInd}, {Souv} ♦ Enfin, �a n'est {CL}
  15. et, pour {RInd} ♦ et pour {Souv}, {CL}
  16. � sa porte. Cependant {RInd}, {Souv} ♦ � sa porte. / Cependant {CL}
  17. et s'il {RInd} ♦ et, s'il {Souv}, {CL}
  18. quand nous ne le pouvons pas! Voyons, {RInd} ♦ quand nous ne le pouvons pas! voyons, {Souv} ♦ quand nous ne le pouvons pas, voyons! {CL}
  19. qu'on me r�ponde, moi, {RInd} ♦ qu'on me r�ponde moi, {Souv}, {CL}
  20. de la loi; car {RInd} ♦ de la loi, car {Souv}{CL} comme {RInd}
  21. Et si {RInd} ♦ Et, si {Souv}, {CL}
  22. � qui demanderons-nous justice? {Souv} ♦ � qui demanderons-nous justice {CL} (nous r�tablissons la ponctuation d�faillante dans {CL})
  23. que si {RInd}, {Souv} ♦ que, si {CL}
  24. enfants. « Attends {RInd}, {Souv} ♦ enfants. / — Attends {CL}
  25. disais, si {RInd}, {Souv} ♦ disais; si {CL}
  26. continuer. — Et en attendant {RInd}, {Souv} ♦ continuer. / — Et, en attendant {CL}
  27. sa main gauche. » Si bien {RInd}, {Souv} ♦ sa main gauche. / Si bien
  28. tout le monde. Elle {RInd}, {Souv} ♦ tout le monde. / Elle {CL}
  29. permettait. Elle {RInd}, {Souv} ♦ permettait; elle {CL}
  30. qu'une reine; et quand {RInd}, {Souv} ♦ qu'une reine; et, quand {CL}
  31. l'h�pital! Ce {RInd}, {Souv} ♦ l'h�pital! / Ce {CL}
  32. Elle n'y compris rien {Souv} (faute �vidente)
  33. tout � fait {RInd} ♦ tout-�-fait {Souv}{CL} comme {RInd}
  34. « Or �� « {RInd} ♦ Or �a {Souv} ♦ — Or �a {CL}
  35. Oui-da! dit quelqu'un; c'est {RInd} ♦ Oui-da, dit quelqu'un; c'est {Souv} ♦ Oui-da! dit quelqu'un, c'est {CL}
  36. — Amen! » firent {RInd}, {Souv} ♦ — Amen! firent {CL}
  37. bonnes sœurs. Aussit�t {RInd}, {Souv} (sœur est au singulier dans {Souv}, nous ignorons cette faute) ♦ bonnes sœurs. / Aussit�t {CL}
  38. « Fanchette {RInd} ♦ — Fanchette {Souv}, {CL}
  39. � la messe? Fanchette {RInd}, {Souv} ♦ � la messe? / Fanchette {CL}
  40. « Tiens {RInd} ♦ — Tiens {Souv}, {CL}
  41. te conduire. » Qui {RInd}, {Souv} ♦ te conduire. / Qui {CL}
  42. « Allons {RInd} ♦ — Allons {Souv}, {CL}
  43. � Catherine. » Fanchette {RInd} ♦ � Catherine. / Fanchette {Souv}, {CL}
  44. Cependant les {RInd}♦ Cependant, les {Souv}, {CL}
  45. « Tiens, {RInd} ♦ — Tiens! {Souv}, {CL}
  46. voiture. « C'est {RInd}, {Souv} ♦ voiture. / — C'est {CL}
  47. aujourd'hui voil� {RInd}, {Souv} ♦ aujourd'hui, voil� {CL}
  48. mes affaires. » {RInd}, {Souv} ♦ mes affaires. {CL}
  49. d'Aubusson. « Fanchette {RInd}, {Souv} ♦ d'Aubusson. / — Fanchette {CL}
  50. les pr�tres. » Fanchette {RInd}, {Souv} ♦ les pr�tres. / Fanchette {CL}
  51. « Elle [...] jour. » {RInd}, {Souv} ♦ — Elle [...] jour. {CL}
  52. fa�ons: il a {RInd}, {Souv} ♦ fa�ons: — il a {CL}
  53. chercher Fanchette: mais {RInd}, {Souv} ♦ chercher Fanchette; mais {CL}
  54. que depuis tant�t trois mois on {RInd} ♦ que, depuis tant�t trois mois, on {Souv}, {CL}
  55. r�volution {RInd}, {Souv} ♦ R�volution {CL}
  56. cacher �a. Oh! {RInd}, {Souv} ♦ cacher �a. / Oh! {CL}
  57. je sais bien que quand {RInd} ♦ je sais bien que, quand {Souv}, {CL}
  58. mais enfin {RInd}, {Souv} ♦ mais, enfin {CL}
  59. Mais la nuit {RInd}, {Souv} ♦ Mais, la nuit {CL}
  60. Eh bien! {RInd}, {Souv} ♦ Eh bien, {CL}
  61. conter �a. L'administrateur {RInd}, {Souv} ♦ conter �a. / L'administrateur {CL}
  62. conseil avait ici {RInd} ♦ conseil, avait ici {Souv}{CL} comme {RInd}
  63. ait su ou n'ai pas su {Souv} (faute manifeste)
  64. Et nous {RInd}, {Souv} ♦ Et pour nous {CL} (le�on qui semble pr�f�rable)
  65. est que, si {RInd} ♦ est que si {Souv}, {CL}
  66. La Ch�tre (Indre) {RInd} ♦ La Ch�tre, Indre {Souv}{CL} comme {RInd}
  67. illettr�s et, {RInd} ♦ illettr�s, et, {Souv}{CL} comme {RInd}
  68. responsable. J'ai {RInd} ♦ responsable. / J'ai {CL}
  69. mais en province on {RInd}, {Souv} ♦ mais, en province, on {CL}
  70. que s'il {RInd}, {Souv} ♦ que, s'il {CL}
  71. se sont �coul�s, sans {RInd}, {Souv} ♦ se sont �coul�s sans {CL}
  72. M. Delavault {RInd}, {Souv} ♦ M. Delaveau {CL}
  73. c�lestes. D'autres {RInd}, {Souv} ♦ c�lestes. / D'autres {CL}
  74. de Blaise Bonnin; {RInd}, {Souv} ♦ de Blaise Bonnin: {CL}:
  75. le d�no�ment. Avant-hier {RInd}, {Souv} ♦ le d�no�ment. / Avant-hier {CL}
  76. et du mal? Dira-t-on {RInd}, {Souv} ♦ et du mal? / Dira-t-on {CL}
  77. soi-m�me, {RInd}, {Souv} ♦ soi-m�me {CL} (la virgule pourrait avoir �t� oubli�e au saut de page)
  78. gard�, et {RInd}, {Souv} ♦ gard� et {CL}
  79. famille des Zingari {RInd}, {Souv} ♦ famille des tsingari {CL}
  80. La signature n'appara�t pas dans {Souv}
  81. Dans {RInd}, ce titre est pr�c�d� de: "FANCHETTE. / — SUITE (1). — / [filet orn�] /"
    Le (1) est un renvoi � une note en bas de page: "(1) Voir la livraison du 25 octobre".
  82. Le procureur [...] t�moin impassible. Une {RInd}, {Souv} ♦ « Le procureur [...] t�moin impassible. » Une {CL}
  83. monsieur {RInd} ♦ Monsieur {Souv}{CL} comme {Souv}
  84. que faites-vous l�? {RInd}, {Souv} ♦ que faites-vous l�! {CL}
  85. du roman de Fanchette {RInd}, {Souv} ♦ du roman de Fanchette {CL} (cette le�on change la valeur du mot: "Fanchette" d�signant ici l'œuvre, l� la jeune fille; le poids de la phrase est �galement modifi�: la le�on initiale r�cusant l'appelation deroman par laquelle Rochoux terminait sa lettre; toutefois, George Sand elle-m�me, adressait au directeur de la revue « un roman si peu po�tique et si peu agr�able ».
    On peut penser que cette le�on est une initiative de l'�diteur)
  86. monsieur {RInd} ♦ Monsieur {Souv}{CL} comme {RInd}
  87. la Revue Ind�pendante {RInd}, {Souv} ♦ � la Revue Ind�pendante {CL}
  88. en ceci; j'aime {RInd}, {Souv} ♦ en ceci: j'aime {CL}
  89. La tout � fait idiote {RInd} ♦ La tout-�-fait idiote {Souv}{CL} comme {RInd}
  90. monsieur le pr�fet {RInd}, {Souv} ♦ M. le pr�fet {CL}
    Il en va de m�me pour les autres M. ou monsieur de ce paragraphe et des suivants, � l'exception de la "Copie de l'enqu�te [...]"; nous ne reviendrons pas l�-dessus.
  91. �crit patache {RInd}, {Souv} ♦ �crit patache {CL}
  92. notre endroit. « L'une {RInd}, {Souv} (Tout le passage entre guillemets est en italiques, sauf ce qui est en petites capitales, � savoir ce qui est en italiques dans {CL}) ♦ notre endroit. / « L'une {CL}
  93. et s'y �tant {RInd}, {Souv} ♦ et, s'y �tant {CL}
  94. par madame *** {RInd}, {Souv} ♦ par madame Gazonneau {CL}
    Cette variante est la premi�re qui d�montre que George Sand avait r�vis� le texte pour une nouvelle �dition.
  95. de police. Il {RInd}, {Souv} ♦ de police: / « Il {CL}
    Il en va de m�me dans ce passage entre guillemets que plus haut: pas de guillemets mais italiques et petites capitales pour {RInd} et {Souv}; guillemets, romains et italiques pour {CL}
  96. madame *** {RInd}, {Souv} ♦ madame Gazonneau {CL}
  97. lui dit: Vous {RInd}, {Souv} ♦ lui dit: / � — Vous {CL}
  98. sur la route; Qu'en {RInd}sur la route: Qu'en {Souv} ♦ sur la route. / » Qu'en {CL}
  99. de tendance. � La sœur {RInd}, {Souv} ♦ de tendance. / � La sœur {CL}
    À l'instar de l'enqu�te et de la d�position de Desroys, l'usage des italiques etc. dans {RInd} et {Souv} diff�re dans {CL}.
  100. l'ESPOIR {RInd}, {Souv} ♦ l'espoir {CL}
  101. sa famille. Si {RInd}, {Souv} ♦ sa famille. / Si {CL}
  102. donc il {RInd}, {Souv} ♦ donc, il {CL}
  103. d'ABANDONNER, [...] ENFANT? {RInd}, {Souv} ♦ d'abandonner, [...] enfant? {CL}
  104. Et sans doute {RInd} ♦ Et, sans doute {Souv}, {CL}
  105. croyez-le bien. {RInd}, {Souv} ♦ croyez-le bien. {CL}
  106. saviez pas; {RInd} ♦ saviez pas: {Souv}, {CL}
  107. ne la conna�t encore: {RInd}, {Souv} ♦ ne la conna�t encore; {CL}
  108. ET LA {RInd}, {Souv} ♦ ET LA {CL}
  109. VOISINE. � Tout {RInd}, {Souv}VOISINE. � / Tout {CL}
  110. Il m'a rendue {RInd}, {Souv} ♦ Il m'a rendu {CL}
  111. Ce passage n'est pas entre guillemets dans {RInd} ni {Souv}.
  112. et si {RInd}, {Souv} ♦ et, si {CL}
  113. du maire!!! Donc elle {RInd}, {Souv}du maire!... Donc, elle {CL}
  114. pas fini. Apr�s {RInd}, {Souv} ♦ pas fini. / Apr�s {CL}
  115. enfant perdu; {RInd}, {Souv} ♦ enfant perdu, {CL}
  116. nouveau g�te; {RInd}, {Souv} ♦ nouveau g�te: {CL}
  117. � la mendicit�; c'est possible: {RInd}, {Souv} ♦ � la mendicit�: c'est possible; {CL}
  118. manifeste? Et {RInd}, {Souv}manifeste? et {CL} (de m�me par trois fois apr�s les autres points d'interrogation)
  119. intitul� l'Espoir de madame la sup�rieure {RInd}, {Souv} ♦ intitul� l'Espoir de madame la sup�rieure {CL}
  120. un enfant {RInd}, {Souv} ♦ une enfant {CL}
  121. pas �tre punie, ce qu'� Dieu [...] des ch�timents, au moins {RInd}, {Souv} ♦ pas �tre punie, (ce qu'� Dieu [...] des ch�timents), au moins {CL}
  122. pas le croire. Cependant {RInd}, {Souv} ♦ pas le croire. / Cependant {CL}
  123. aucun risque; {RInd}, {Souv}♦ aucun risque: {CL}
  124. Mais apr�s {RInd}, {Souv} ♦ Mais, apr�s {CL}
  125. son industrie. Monsieur {RInd} ♦ son industrie. / Monsieur {RInd}{CL} comme {RInd}
  126. Cependant elle {RInd}, {Souv} ♦ Cependant, elle {CL}
  127. et qu'apr�s {RInd}, {Souv} ♦ et que, apr�s {CL}
  128. pas figur�. Ainsi {RInd} ♦ pas figur�. / Ainsi {Souv}, {CL}
  129. de la ville, {RInd}, {Souv} ♦ de la ville; {CL} (de m�me apr�s absence)
  130. de Saint-Maixent qui {RInd}, {Souv} ♦ de Saint-Maixent, qui {CL}
  131. la femme Cruchon {RInd}, {Souv} ♦ la femme Cruchon {CL}
  132. qu'il rencontrait: N'avez-vous {RInd}, {Souv} ♦ qu'il rencontrait: / — N'avez-vous {CL}
  133. GEORGE SAND {RInd}, {Souv}GEORGE SAND {CL}
  134. La typographie diff�re entre les trois �ditions.
  135. {RInd} et {Souv}, utilisent des guillements � chaque paragraphe
  136. et ce devoir {RInd}, {Souv} ♦ et, ce devoir {CL}
  137. « Sign� DELAVEAU. » {RInd}, {Souv}DELAVEAU. {CL} (il en va de m�me avec la signature de la lettre de Boursault)
  138. Suit un filet orn�, dans {Souv}.
  139. FIN seulement dans {CL}

Notes

  1. Ici se termine Fanchette dans la livraison du 25 octobre 1843 de la Revue ind�pendante.
  2. Cette lettre ainsi que tout ce qui la suit fait partie de Fanchette (suite) et parut dans la livraison du 25 novembre 1843 de la Revue ind�pendante.