le Cte Th�obald Walsh
George Sand

A PARIS, / CHEZ HIVERT, LIBRAIRE EDITEUR, / QUAI DES AUGUSTINS, 55 / ET CHEZ LES PRINCIPAUX LIBRAIRES DE LA CAPITALE, / DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER. / 1837.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.



{Hi 227} N.° I.



DANS le cours de ce travail, j'ai eu l'occasion de citer deux passages, extraits d'une lettre que Sylvio Pellico m'a fait l'honneur de m'adresser dans le temps. Quelques amis m'ont conseill� de la traduire ici dans son entier. Comme je n'ai, avec le public, que des communications rares et �loign�es, j'ai profit� de l'occasion avec d'autant plus d'empressement, qu'aux yeux des gens prompts � saisir les rapports, cette addition, si int�ressante d'ailleurs, ne para�tra point un hors-d'œuvre. {Hi 228} En effet, la lettre en question me semble se rattacher naturellement � mon sujet, et compl�ter la pens�e, dont la seconde partie de cet ouvrage n'est que le d�veloppement; la corr�lation est, selon moi, de nature � frapper tout lecteur attentif.

« . . . . . . . . . . J'ai lu avec int�r�t votre avant-propos (*); je ne saurais y trouver � reprendre que trop de g�n�rosit� dans l'�loge: je suis loin d'en m�riter autant. La philosophie, que je professe, et qui m'a si divinement soutenu dans l'adversit�, ne m'appartient pas; c'est celle de l'�vangile, celle que nous trouvons, quand nous �levons avec foi nos yeux vers la croix, quand nous cherchons Dieu, bien r�solus � l'aimer. — Il est vrai que je n'ai pu �chapper aux inculpations d'hypocrisie; ceux qui sont assez malheureux pour ha�r le christianisme, ne peuvent ais�ment croire � la sinc�rit� de quiconque d�clare le tenir pour vrai, pour conforme en tout � la raison: laissons-les dire, et prions pour eux. Qu'importe ce que nous semblons �tre, L'essentiel, c'est d'�tre. Il est encore une autre classe de gens qui ont dout� de ma franchise: ce sont des catholiques sinc�res, mais que leurs pr�ventions aveuglent. Leur intention est sans malice; que Dieu r�pande ses b�n�dictions sur eux! Mais tout cela est indiff�rent. Les suffrages accord�s � mon livre, par quelques �mes {Hi 229} �lev�es, me d�dommagent suffisamment du bl�me qui me vient d'un autre c�t�. J'y �tais d'avance pr�par�; avant que je misse mes m�moires sous presse, bien des gens vinrent me prier de n'en pas hasarder la publication; ils avaient, ou montraient un grand z�le pour ma r�putation et mon repos, et s'en allaient criant, quoiqu'ils n'eussent pas vu mon manuscrit, que je faisais un acte de l�chet� et d'hypocrisie; que c'�tait, de ma part, une apostasie des principes philosophiques. Toutes ces belles choses me revenaient; j'en souriais, et n'en accomplissais pas moins mon devoir. Une fois l'ouvrage publi�, je ne fus point surpris de ces clameurs que j'avais d�j� entendues, et qui s'�lev�rent de nouveau; je m'abstins d'y r�pondre (**). — Ah oui! c'est un devoir, pour quiconque a re�u de Dieu des bienfaits signal�s, que de le d�clarer hautement! c'est un devoir que d'indiquer, � d'autres infortun�s, quelles sont, dans le malheur, les consolations les plus efficaces et les plus �lev�es. Quand, parmi des milliers qui s'en riront, il ne s'en trouverait qu'un seul qui, lisant cet hommage � la divinit�, se sentit �mu et port� � l'aimer, ce serait d�j� un grand bien! – Nous vivons dans une �poque de passions et d'opinions discordantes qui se combattent; tout est calomni�, tout est charg�, exag�r�, par les uns comme par les autres. Les ames fortes sont celles qui ne se laissent point entra�ner par le courant, mais {Hi 230} qui jugent avec les lumi�res de leur propre raison, parlant et agissant sans fureur, comme si elles n'entendaient pas retentir autour d'elles les d�risions et les menaces. Le grand mal de cette �poque agit�e, c'est la haine; les cœurs se dess�chent tous cherchent � l'envi � se surpasser en prudente m�fiance, en conjectures avilissantes, en ironies cruelles. Ah, ces gens-l� n'aiment pas! c'est qu'ils ne sont pas chr�tiens.

» Mais peut-�tre en a-t-il �t� toujours ainsi; peut-�tre, en d�pit des divers aspects sous lesquels se pr�sente la soci�t�, la foi et l'amour s'�teignent, ou languissent tout au moins, dans le cœur de la multitude. A qui en est la faute? � chaque individu, sans nul doute. Consolons-nous par la certitude que le nombre des hommes de bien est, en tout temps, chez toutes les nations, plus grand qu'on ne le croit. Ce sont ceux-l� qui nous font sentir la noblesse de notre nature; sa bassesse nous est attest�e par les autres. Effor�ons-nous de faire partie des premiers. . . . »
. . . . . . . . . .
. . . . . . . . . .Turin, F�vrier 1833.

{Hi 228} (*) Morceau destin� � figurer en t�te d'une traduction des Prigioni qui n'a pas paru.
{Hi 229} (**) Voyez, dans mon Voyage en Suisse, vol. I, pag. 91-95 « quelques d�tails curieux sur l'effet produit, dans le pays, par ce livre admirable.



{Hi 231} N.° II.



JE ne me donnerai pas le ridicule de r�futer un prospectus; mais il est bon je crois de signaler ict l'habilet� perfide, avec laquelle on exploite aujourd'hui la cr�dulit� du public. Les passages suivans, extraits de l'annonce raisonn�e des œuvres compl�tes de George Sand, prouveront jusqu'� quel point on compte sur sa bonhomie.

Dans ce curieux morceau, qui semble sortir d'une plume exerc�e, on commence par nous donner � entendre que l'auteur de L�lia et de Jacques n'a jamais �crit que sous l'inspiration d'une id�e sociale (?) puis on ajoute:

« Les v�ritables intentions de l'artiste ont �t� souvent m�connues, calomni�es. On a dit, par exemple, que le but de tous ses romans �tait la destruction radicale du mariage; or, cela n'est pas (!) Jamais il n'a combattu l'institution en elle-m�me, mais seulement les vices que le cours des temps, l'insuffisance des lois et la corruption des mœurs y ont introduits (voyez ci-dessus, page 22). Dans L�lia, le mariage n'est pas mis en cause (voyez page 140); c'est un livre tout d'exception, et d'une tout autre port�e. Les critiques violentes et grossi�res dont il a �t� l'objet, ne prouvent {Hi 232} qu'une chose, c'est qu'il est des imaginations d�prav�es, qui portent dans tout leur propre d�lire (!!) L'auteur n'en saurait �tre responsable (voyez la lettre � Rollinat, page 146 et 150) ».

Il est impossible de se jouer avec plus d'audace de la bonne foi publique.

Quant aux modifications importantes que promet ce prospectus, je serais fort curieux d'apprendre quelles seraient celles qui parviendraient � faire, du roman de Jacques, un livre inoffensif et moral.


Variantes


Notes