George Sand
L'HISTOIRE DU RÊVEUR

Présence de George Sand, n° 17, 1983; pp.4-39; éd. de Thierry Bodin

{MsBNF f° 25 r°, RDM 115} 2de Partie a

Chapitre 1er
LE GRILLON b

« Qu'as-tu, créature mortelle, me dit un soir le bon Tricket. Je c ne te reconnais plus. D'où vient cet air sombre et abattu? Quel malheur t'a donc frappée? quelque argent mal employé, dissipé, perdu? quelque mortification du sot amour-propre, car, vous autres, voilà vos affaires dans la vie. L'or et la vanité d, c'est de quoi vous arracher des larmes et déchirer vos cœurs.

{PGS17 p.19 col.2} — Injuste ami, lui dis-je, quel plaisir prends-tu à humilier le genre humain dans ma personne, quand tu sais si bien que je n'ai pas l'esprit d'occuper ma vie avec les passions qui remplissent celle de mes semblables? Un chagrin véritable flétrit mon cœur dans ce moment, et quand je t'en aurai fait le douloureux récit, tu pleureras avec moi.

{RDM 132} — Voyons donc, dit Tricket en s'appuyant e sur le lumignon de ma lampe, conte-moi cela.

— Je vais te le lire, lui dis-je.

— Pouah! dit Tricket! de la douleur écrite! ça ne vaudra pas le diable

— Il ne s'agit pas de ce que tu crois. Ce que f je vais te lire est tout simplement ma lettre, que j'écris à Jane.

— À Jane! dit Tricket. Ah! quand donc le Grand Pouvoir qui dispose de moi m'enverra-t-il g habiter le cerveau d'un être comme Jane? h

— C'est trop d'ambition pour toi, petit Tricket; tu n'y gagnerais au reste pas tant que tu crois. Car avec moi, quelque fou que i tu sois, tu conserves toujours une certaine supériorité de raison et de science qui me rend sensible à tes remontrances, au lieu qu'avec Jane tu serais j si peu de chose! Esprit fantasque, tu k règnes ici, contente-toi de ma société.

— C'est bon, c'est bon, dit Tricket, mais je ne puis sans soupirer me rappeler Jane aux cheveux noirs, au long regard, à la voix douce, au sourire caressant. Cette l créature n'est pas de la même argile que vous, ma chère.

— Aussi, Tricket, mon amitié pour elle est une sorte de culte. Mais écoute ma lettre et sache auparavant que Jane m'ordonna un jour de lui écrire un gros volume sur tel sujet qui me plaisait. Je commençai, je m n'achevai pas. 1

— C'est pour ne pas changer d'habitude, dit Tricket.

— Sans doute. Maintenant je tâche n d'éluder sa demande, en lui soumettant toutes les difficultés qu'entraîne son exécution.

À Jane* 2

* Mlle Jane Bazouin, amie du couvent d'Aurore Dupin. (Note d'Aurore Sand dans {RDM})

Nohant, le X... 183... 3

Qu'un o ange daigne tendre la main à une pauvre créature mortelle et l'invite à se dégager des faiblesses humaines, pour s'élever vers les choses célestes, cela se voit, à ce qu'assure ma mère Alice*. Mais que l'ange p s'amuse a s'entretenir familièrement avec le mortel et, lui demandant q {PGS17 p.20 col.1} compte de toutes ses sensations, prenne plaisir à lire dans ce cloaque des pauvretés {RDM 133} et des faiblesses de son âme, ainsi r que dans un livre intéressant, c'est ce qui peut être regardé comme une conduite légère et inconvenante de la part de l'ange. C'est chez lui s une familiarité déplacée et, quoiqu'il t n'y eût pas de danger pour la contagion, toujours est-il que c'est une occupation indigne de lui que cet examen.

* Mère Alicia, religieuse du couvent des Anglaises où fut Aurore Dupin de 1817 à 1820. (Note d'Aurore Sand dans RDM)

Comment donc viens-tu, Jane u, me demander un livre à moi? qu'y a-t-il dans ma nature qui puisse s'élever jusqu'à la tienne? où trouveras-tu un sourire ou une larme, pour v des plaisirs et des peines que tu ne saurais comprendre w? Ange, restez aux cieux x. Le commerce des hommes ne saurait vous plaire longtems y, et ce que vous trouverez dans l'analyse du cœur humain n'excitera z en vous que surprise et compassion.

« Ne pourriez-vous sauter quelques pages, dit Tricket, cela sent la préface à plein nez.

— J'y consens, dis-je aa, pour te prouver que je sais passer du grave au doux, du plaisant au sévère. Je reprends quelques années plus loin...

Et puis ab un livre: comment faire pour en commencer ac un lorsque comme moi on a ad l'habitude de les prendre tous par la fin? Tu me donnais pourtant bien mes aises, que ce soit ae un roman ou un poème, disais-tu, de la morale ou de la plaisanterie, du classique ou du romantique, je n'y tiens guères pourvu af que cela vienne de toi. Fort bien. Je puis m'élancer dans la prose ou dans la poésie. Pour la prose je m'en ag pique. J'ai composé dans ce genre deux excellents morceaux. Savoir une recette ah pour la confection du plum-pudding et ai un compliment à ma tante pour le jour de sa fête, dont l'un 4 par sa aj clarté, sa concision, son exactitude, l'autre par sa ak fraîcheur, sa sensibilité et ses grâces neuves et piquantes, ont fait l'admiration de tous mes parents lorsque je n'avais encore que douze ans al. Dans ce tems là, je am me suis bien aperçue que j'étais un prodige, car jusqu'a ma bonne tout an le monde me le disait. Quant aux vers j'en ao ai fait une fois trois de suite dans le dernier couplet d'une certaine chanson que ap les auteurs ont eu aq la générosité de m'attribuer tout entière quand ar ils ont reconnu qu'ils n'obtiendraient jamais qu'un salaire de coups de bâton, à toucher as à la porte de chaque maison de la ville. Il fut à cette époque fortement at question de me pendre, et une dame de distinction, qui se crut particulièrement attaquée dans cet opuscule au, offrit sa {RDM 134} jarretière pour faire av le nœud coulant qu'elle désirait me voir autour du cou. Le danger que je courus alors m'a glacée aw d'une telle épouvante que j'ai juré de ne jamais plus me livrer à cette verve prodigieuse {PGS17 p.20 col.2} qui m'avait inspiré, dans ax le court espace d'une soirée d'hiver, trois vers entiers de six pieds chaque.

« Je sais cette histoire par cœur, dit Tricket, passez, passez.

— Hem! dis-je en faisant une nouvelle enjambée, m'y voici. »

Ne crois pas pourtant que j'aie perdu mon tems à chercher ce que j'allais faire. Dès que j'ai reçu ta lettre ay je me mis à l'ouvrage, sauf à réfléchir après. Que me manquait-il en effet az? ce n'était ni le papier ni l'encre ni le tems ni ba la volonté. bb Que faut-il de plus pour écrire par le tems qui court? J'oubliais le besoin d'argent, si c'est un stimulant utile comme bc je n'en doute pas. La première fois que j'écrirai pour le public, je bd ferai des merveilles certainement, car je ne connais personne qui puisse s'aider comme moi de cette disposition à l'enthousiasme qui consiste à n'avoir pas le sou.

« Que de digressions! dit Tricket. Au fait, au fait.

— J'y suis, » repris-je, en sautant quelques lignes.

J'écrivis donc. J'écrivis tant be qu'il y eut sur mon bureau de quoi faire gémir la presse et les lecteurs. Mais quand je vis ma besogne si avancée, je voulus y mettre de l'ordre, l'écrire bf en caractères moins désespérans bg, rassembler ces feuilles éparses afin d'en former un tout. C'est là que commencèrent mes tribulations. Ce fut d'abord un travail à en perdre la vue que de déchiffrer ma propre écriture. Je priai quelques-uns de mes amis de m'aider, mais après d'infructeux essais tous bh me déclarèrent que la science de Mr Champollion et consorts ne suffirait bi pas pour débrouiller mes hiéroglyphes. Quel dommage que des idées si lumineuses ayent bj été tracées en caractères si étrangement crochus! que de trésors perdus pour la postérité, à moins que bk les siècles futurs n'engendrent une nouvelle race de savans bl plus versés dans la science des chiffres!

« Croyez-vous, dit Tricket en baillant, que toutes ces fades plaisanteries sur votre propre compte soient bien amusantes? Pour moi bm, je trouve qu'il n'y a rien d'insipide comme un écrivain qui meurt d'envie d'occuper de soi le lecteur. Quelques-uns ont la bonne foi et l'ingénuité de faire des volumes à leur propre {RDM 135} louange, d'autres plus habiles bn, mais non moins fâcheux, se tournent en ridicule, se prennent pour but de leurs railleries, feignent de se mépriser afin qu'on les estime et veulent bo bien faire rire à leurs dépens, pourvu qu'on s'occupe d'eux. Véritables paillasses littéraires qui bp souffriraient tous les affronts plutôt bq que de ne pas attirer les regards et les aumônes. »

{PGS17 p.21 ill., p.22 col.1} Je baissai la tête d'un air abattu. La remarque de Tricket était d'une vérité assommante. Mais, reprenant br courage:

« Et Sterne? et Montaigne? lui dis-je. bs

— Montaigne, dit-il, écrivait de bonne foi sa vie pour être utile à celle d'autrui. Sterne a tracé le portrait d'Yorrick, qu'en bt pensez-vous?

— Rien, lui dis-je. Toucher bu à la gloire de Sterne, c'est une profanation dont je n'ai pas l'audace.

— Continue donc la lecture, dit le génie, mais abrège s'il est bv possible. »

À cette difficulté s'en joignit une autre. Celle bw de lier ensemble les parties de mon ouvrage, car bx j'avais écrit ce qui m'était venu dans l'esprit sans m'inquiéter by des intervalles à remplir pour joindre ensemble les événements. J'avais commencé par faire descendre mes héros dans la tombe, au milieu des larmes de leurs proches. Ce tableau bz étant le plus touchant et le plus pathétique, je n'avais pu résister à la tentation de le tracer le premier. Puis bw, j'avais donné une famille à ces intéressants personnages mais cb sans songer à les conduire préalablement à l'autel. De sorte qu'un de mes amis, à qui je traçais la peinture aimable de leur ménage, me fit observer que le tableau était immoral et l'innovation hardie. Je me hâtai de réparer cet oubli et de conclure l'hymen de mes amans, et cela cc me faisant penser que je n'avais pas encore songé à les mettre au monde, je trouvai cd que plus j'avançais plus ce il me restait à faire.

À tout cela se joignit une attaque de goutte qui me força d'interrompre mes veilles durant plusieurs nuits, et cf l'absence où je fus obligée de laisser cg mon cabinet fut cause d'un événement déplorable qui ch me réduisit à un tel désespoir que ci je pris en haine le lieu qui me rappelait de si frais et de si déchirants souvenirs cj.

J'avais un ami ck, un excellent ami en vérité! doux, sage, discret, sobre, généreux, aimable! hélas! il n'est plus!

« Un ami! dit Tricket, vous vous êtes permis d'avoir un ami en mon absence, sans m'avertir, sans me consulter?

{RDM 136} — Écoute, Tricket, comment cl cela m'est arrivé. cm Il y avait près d'un mois que j'avais fait sa connaissance. C'était un soir, qu'en glissant cn mon pied dans ma pantoufle co, je l'avais senti me chatouiller le bout des doigts. Surprise cp, j'y portai la main, ramassai la pantoufle, mis mes lunettes sur mon nez, et m'approchant de la lampe, je trouvai un grillon de l'espèce de ceux qui se cachent dans les cheminées, et qui chantent dans l'âtre durant les {PGS17 p.22 col.2} longues nuits d'hiver. C'est un petit animal d'un blond clair, au corselet propre, aux pattes déliées, au visage spirituel, quoiqu'il cq l'ait un peu court et partant peu distingué. Sa physionomie me gagna le cœur dès le premier abord et cr bien qu'il fit de furieux ellorts pour s'échapper cs, je le pris le plus délicatement qu'il me fut possible et le rassurant de mon mieux. ct « Sois le bienvenu, lui dis-je, et ne crains pas que je te fasse du mal, ce serait cu de ma part une cruauté gratuite, une insigne lâcheté; tu es venu chercher ici un refuge. Il cv ne sera pas dit que tu sois plus mal reçu par des hôtes à qui tu ne fis jamais aucun mal, que cw Coriolan ne le fut jadis chez les Volsques. » En achevant ce discours qu'il me parut écouter avec intérêt cx, je le portai dans mon cabinet et le déposant cy dans mon armoire à rayons qui me sert à la fois de bureau, de bibliothèque et de secrétaire, je le laissai se glisser entre un volume de Shakespeare cz et une brochure de Benjamin Constant, puis lui souhaitant da une bonne nuit, j'allai de mon côté prendre mon repos.

Depuis cette époque, mon aimable ami ne passait pas une nuit sans me rendre sa visite. C'était db le compagnon de mes veilles et dc le sentiment affectueux dd que nous éprouvions l'un pour l'autre, n'eût pas de manqué de répandre une teinte de bienveillance et de sensibilité sur mon ouvrage, si j'eusse pu l'achever sous ses auspices df! Jusqu'à minuit il dg se tenait tranquille dans sa retraite, soit qu'il y dormît dh, soit qu'il eût coutume, ainsi que moi, de consacrer une heure chaque soir à examiner l'état de son cœur di et à y joindre quelque méditation philosophique et morale. À cet effet sans doute dj, il s'était choisi dans quelque fente de la boiserie, un asile dk écarté que je voulais ignorer, que j'aurais respecté toute ma vie, puisque dl sa fantaisie était de me cacher son domicile, à dm Dieu ne plaise que j'eusse violé dn les droits sacrés de l'hospitalité par une curiosité indiscrète do! Mais comme ses habitudes avaient une parfaite sympathie {RDM 137} avec les miennes, dès que minuit avait sonné, il commennçait à se réveiller et dp à jouir pleinement de toutes ses facultés intellectuelles; d'abord dq, je l'entendais frétiller sur le papier qui tapisse mon armoire et secouer timidement avec dr un faible bruit, ses petites ailes engourdies par le sommeil ds. Peu à peu il s'enhardissait, se rapprochait: son chant prenait de la mélodie, de la mesure, de l'éclat. Il le répétait longtems et avec des modulations singulièrement variées dt. Aussi, loin du de le trouver monotone, comme l'eussent pu faire des oreilles moins attentives et moins exercées, les miennes savaient en apprécier dv les beautés. D'ailleurs, lors même dw que l'habitude m'eût rendu son refrain un peu uniforme à la longue, comme je ne doute qu'il eût en dx le répétant, l'intention de m'être {PGS17 p.23 col.1} agréable, pour rien au monde je dy n'eusse voulu lui causer la mortification de l'interrompre... l'amitié comme l'amour vit dz de mutuels sacrifices.

Enfin, il descendait de rayon en rayon jusqu'à une pile de livres entassés ea sur le bureau à ma droite. Il s'y arrêtait, réjoui de contempler la vive clarté de ma lampe. Il me regardait aussi sans effroi ni méfiance eb. Il passait avec une grâce inimitable ec ses antennes longues et délicates, sous ed ses petites pattes de devant, et je devinais les diverses émotions de son âme au mouvement qu'il imprimait à ces légers ornemens ee. S'il les plaçait en avant et sur une même ligne, c'est qu'un objet nouveau avait éveillé son attention. S'il les plaçait inégalement avançant ef l'une et retirant l'autre, il était partagé entre le doute, l'étonnement eg, la curiosité, l'inquiétude. Enfin lorsque eh l'une et l'autre étaient rabattues sur son dos, dépassant encore de toute la moitié la longueur de son individu, il était dans un état parfait d'aménité, de calme et de bonheur.

De jour en jour il devenait plus familier et notre intimité acquérait de nouveaux charmes. Tantôt il se promenait gravement entre mes plumes, et ei tantôt se fourrait dans ma boite de pains à cacheter. Espiègle et pétulant, il en sortait d'un saut et les faisait voler autour de lui. Il arrivait jusque sur mon papier et semblait lire chaque mot à mesure qu'il s'échappait de ma plume ej, l'effaçait souvent en passant ek dessus et toujours à propos! Honnête et sincère ami! Qui el peut apprécier le nombre de bévues em que tu m'auras préservée d'écrire! car en j'avais pour toi un respect superstitieux. Je eo te prenais tantôt pour une âme et {RDM 138} tantôt pour un génie. Je ep me serais bien gardée de m'opposer à la sagesse éloquente de tes muets avis.

Le cœur humain est essentiellement sympathique de sa nature, et ceux qui veulent l'écouter et ne point étouffer ses mouvements par de vains sophismes eq, par des préjugés arbitraires, éprouvent que plus ils se livrent à cette délicieuse sympathie er, plus es leurs jouissances sont fines et variées. Elle établit des rapports entre l'homme et tous les objets et qui l'environnent, elle multiplie les objets de son affection. Ah! s'il eu savait reconnnaître ses inspirations! s'il ne s'arrogeait point l'injuste et absurde prérogative d'être impatient, querelleur, destructeur, cruel! Il ev verrait se ranger sous sa protection une ew grande partie des êtres que sa méchanceté stupide retient dans une juste défiance. On a été étonné du degré d'éducation que de chétifs insectes ont pu acquérir grâce à la patience et à la continuité de soins de quelques pauvres prisonniers. Latude avait à la Bastille une araignée favorite qui répondait à sa voix et charmait ses longs ennuis. Je suis convaincue que cette éducation dont ex bien des {PGS17 p.23 col.2} exemples sont restés ignorés ey, n'est ni si longue ni si difficile qu'on se l'imagine. Pour moi ez, j'aurai toujours bonne opinion d'un homme qui sera susceptible de l'entreprendre et fussé-je fa libre de le faire, j'ouvrirais fb d'une main assurée le cachot de celui que j'y trouverais livré à d'aussi paisibles amusemens fc. Il ne saurait être dangereux à la société, ennemi de ses semblables fd, l'homme qui a tellement besoin de société et d'amitié, qu'il recherche, à défaut d'autre fe, celle des moindres créatures. Il y avait ff dans une prison où fg je vais fh souvent, un vagabond que de fortes préventions faisaient regarder comme assassin. Je le trouvai un jour partageant son lit de paille et son pain bis avec une oie fi qui répondait à ses caresses, et bien que tout le reste fût à la charge de cet homme, cela seul m'a toujours porté à le croire innocent du crime dont on l'accusait.

Hélas! qui sait si ce n'est pas l'âme d'un de mes amis fj que j'ai perdus, qui habitait le corps menu de ce pauvre petit animal fk? Il y a mille systèmes plus fous et plus accrédités que celui de Pythagore et si l'on ne doit admettre aucun système dans son entier, on ne doit pas non plus les rejeter sans en garder quelque chose, car il y a toujours du vrai dans un système fl. Moi, je me plaisais dans cette idée: « Hôte aimable, disais-je, {RDM 139} ah si fm le souffle de quelqu'un des miens anime ton enveloppe fragile, que le jour fn où tu entras dans ma pantouffle soit à jamais béni! Reste, reste avec moi et ne crains pas que je me lasse fo de te protéger! Puissé-je un jour être traitée de même par ceux qui me survivront. Puissé-je fp n'être pas fq chassée honteusement de leurs demeures, ou écrasée sans pitié sous leurs pieds! Injuste et barbare est la loi qui place les animaux sous la dépendance de l'homme! Aveugle et funeste est l'orgueil qui les repousse si bas dans ses préjugés!

Une invisible fatalité s'est toujours attachée à tout ce fr que j'ai aimé sur la terre. Mon hôte fs avait l'habitude d'aller faire un tour de promenade au jardin dans la matinée. Il allait respirer le frais dans le jasmin qui tapisse le bord de ma fenêtre ft. J'avais observé son heure, et ce n'était qu'avec des précautions infinies que je me permettais d'ouvrir et de fermer mon cabinet jusqu'à ce que je me fusse assurée qu'il était rentré fu. Ô désespoir! Ô impitoyable fatalité! Ô funestes étoiles! Ô maudite fv attaque de goutte! fw À peine rétablie, je reprends mes livres, ma lampe, ma veillée. Je me faisais une fête de retrouver mon ami. Que fx cette entrevue m'eût été douce! J'eusse osé lui parler de mes maux fy. Je n'aurais pas craint comme avec mes semblables de fz montrer de la lâcheté et de rencontrer de l'indifférence. Hélas! il ne vient pas! J'écoutais ga. Le plus affreux {PGS17 p.24 col.1} silence régna durant cette éternelle nuit. Enfin à la gb pointe du jour, incapable de résister plus longtems gc à mon inquiétude, je gd cherche, j'appelle, j'implore le Ciel ge. Je redemande mon ami à tous les échos de mon cabinet. J'entr'ouvre ma fenêtre. Peut-être il n'a pu rentrer hier de sa promenade. Peut-être ge il attend sur le jasmin, transi de froid, desséché d'ennui. Spectacle déchirant! il est là, en effet, mais dans quel état! brisé, disloqué, mourant!

Infortuné! qui, sans défiance et sans empressement, attendait sur le bord de la fenêtre qu'une main amie vînt lui rendre le service accoutumé. Une pataude de servante l'a écrasé en poussant lourdement le châssis. Hélas! une corne et une patte de mon ami sont là pour attester le douloureux genre de mort qu'il a subi, mais il respire encore, il peut vivre peut-être, vivre encore par la force de son courage et les soins de l'amitié. Je le prends gg, je réchauffe ses membres glacés dans ma main remblante. Je l'arrose de mes pleurs. Reviens! reviens! ô mon {RDM 140} ami! si tu peux vivre encore nous ne nous quitterons plus! Je gh t'aiderai dans tes infirmités, je t'apporterai la rosée du matin dans le calice gi d'une fleur de jasmin gj. Je soutiendrai tes pas chancelans gk, et quant à la perte de ta gracieuse antenne, nous nous en consolerons. Elle n'était pas nécessaire à ton existence, ta beauté gl en sera légèrement altérée. D'ailleurs crois-tu gm que mon cœur te fût seulement attaché pour tes avantages extérieurs? crois-tu que je t'en aimerai moins, que j'apprécierai moins que par le passé les gn précieuses qualités de ton âme? Reviens! reviens! go Mais, hélas! il ne m'entend plus. Il expire, c'en est fait! ô mon ami gp, que vas-tu devenir? Où ton souffle va-t-il se réfugier? quelle place vas-tu occuper sur l'échelle de la création? Pourras-tu être repoussé plus bas? Non, le sort ne le voudra pas, frêle gq et chétif, tu vécus dans l'innocence et la résignation. Tu mérites une récompense, c'est gr dans le sein d'un brillant oiseau, libre habitant de l'air, que tu vas exister: peut-être gs dans celui d'un chien fidèle, peut-être dans celui même d'un homme! Mais non. Que la Nature t'en préserve. De toutes les conditions gt, la pire est d'être le roi détesté des autres créatures, et si tu as déjà gu appartenu à notre race fatale et impie, tu dois craindre d'y retourner. Fuis l'homme et sa dépendance; fuis ses caprices et son dédain gv. Réfugie-toi gw pour lui échapper dans l'air pur des champs ou dans le parfum léger des plantes. Tout vit, respire, aime, meurt, renaît. Cette fleur pâle qui semble inanimée porte en son sein gx les principes d'une vie nouvelle, qu'elle gy pourra te communiquer; vis gz de nouveau sous sa forme charmante, mes mains te cultiveront. Je ha te préserverai des rigueurs du froid et j'irai le matin respirer ton âme dans le parfum chéri que tu vas exhaler. hb

{PGS17 p.24 col.2} En parlant ainsi je hc déposai le corps de mon ami dans le large et profond calice d'un datura hd. Il y repose ainsi que dans un mausolée et son essence émanée de la puissance créatrice s'est réunie, j'espère, à celle he de la plante embaumée. hf

{MsBNF f° 31 r°; PGS17 p.25 col.1} Chapitre 2
LES CONFESSIONS hg

Tricket garda le silence. Je compris qu'il compatissait à ma peine, et pour cette fois hh, j'achevai la lecture d'un chapitre de mes œuvres sans exciter ses railleries ou hi provoquer des bâillements.

{RDM 141} « Eh bien, me hj dit-il après une pause, et le livre?

— Le livre en resta là, » lui dis-je.

J'avais eu la fantaisie d'écrire ma vie, ou pour hk me servir de l'expression consacrée, mes mémoires.

hm« Vive Dieu, que hn cela eùt été intéressant! dit Tricket.

— Pourquoi pas? repris-je. D'ailleurs c'est la mode. Souverains ho, généraux, apothicaires, actrices, duchesses hp, courtisanes, forçats, fonctionnaires publics, espions de tout rang, de tout sexe et de tout âge, veulent bien nous faire pénétrer dans les secrets de l'État et plus encore dans celui de leurs vies privées. Dupe des promesses hq d'un écrivain, le lecteur s'imagine toujours qu'il va assister aux scènes les plus importantes de l'histoire, il croit que {PGS17 p.25 col.2} d'illustres personnages peints d'après nature vont se présenter dans ce cadre et le remplir. Il espère, il aurait hr du moins le droit d'espérer que le narraleur aura la pudeur de ne s'y montrer que comme témoin chargé de prouver hs ce qu'il avance, et qu'il voudra bien lui faire grâce de son éloge ou de sa confession, en tout ce qui n'est pas étroitement lié à l'intelligence ou à l'authenticité de son récit. Mais quels sont sa surprise et son dégoût, lorsqu'il s'aperçoit qu'on l'a indignement trompé, et que ht ces belles promesses n'étaient qu'un leurre pour le forcer d'écouter les fanfaronnes vanteries de l'auteur! Impatient il continue pourtant, espérant hu que le rideau va se lever, et hv que les héros vont paraitre sur la scène. Il arrive à la fin et hw l'auteur s'est chargé tout seul d'occuper le théâtre et de s'y montrer pompeusement sous hx différents costumes, pour vous raconter de hy ceux dont il vous promettait l'apparition des lieux hz communs et des anecdotes usées que vous avez lues partout.

Moi, j'aurais été plus sincère. J'aurais dit en commençant: « Je vais ia vous parler de moi et rien que de moi. Je le ferai, non pour que vous preniez intérêt à moi ib, qui n'ai pas de nom, qui ne suis rien. Mais ic pour que vous entendiez une fois, l'histoire id sincère et vraie du cœur humain, pour qu'en lisant dans les moindres replis d'une âme quelconque (je prends la mienne pour le sujet de ma dissection, parce que c'est celle que je puis examiner le {PGS17 p.26 col.1} plus longtems et le plus sévèrement) vous fassiez quelque réflexion ou, si vous le voulez, quelque ie comparaison salutaire if, parce que je crois que toute histoire, quelque ig nue, quelque simple qu'elle soit, ne peut manquer d'intérêt et d'utilité, racontée ainsi. »

{RDM 142} « Cela ne commence pas mal, dit Tricket. Est-ce encore une préface? Seigneur Dieu! Délivrez-nous des préfaces!

— Non, lui dis-je, ce n'est pas une préface, parce que je ne veux plus écrire mes mémoires. Ce serait de tous ih les livres, le plus long que je pusse entreprendre et par conséquent le plus certain de n'être jamais fini. Je te disais cela, Tricket, comme je le disais l'autre soir ii à ce jeune bel esprit que tu connais. J'étais en train de lui déclamer une superbe philippique impromptu ij contre le siècle et les charlatans, lorsque je m'interrompis, en m'écriant avec angoisse: ô ik Jean-Jacques Rousseau!

Je ne sais comment le nom de feu mon meilleur ami vint se jeter il au milieu de ce débordement d'indignation et disperser les matériaux de ma colère. Ce n'est pas que le moderne apôtre de la charité n'eût aussi ses accès d'humeur, où sa bile s'exhalait en flots d'amère éloquence. Mais in je pensais à ses Confessions io, premier modèle qui ait inspiré nos modernes ip pénitens iq et qui les ait enhardis à se confesser comme les premiers Chrétiens ir à la face du Ciel et de la Terre, prenant, c'est-à-dire feignant is de prendre l'opinion publique pour tribunal de leur pénitence. Je pensais à cet aveu naïf, humble et touchant des erreurs d'une vie tantôt abjecte et tantôt sublime, toujours infortunée. Mon it cœur plein de ce souvenir s'attendrit sur les repentans iu soupirs du vieillard de Montmorency, j'oubliais iv un instant les hypocrites iw qui depuis ont ix feint de l'imiter pour trouver le tems et l'audace de se vanter aux dépens de la vérité.

Mais, bon Dieu! me dit mon ami le bel esprit en iy rajustant sa cravate empesée, d'où sortez-vous? Où avez-vous vécu? au village, on le voit bien. Quoi! vous iz êtes dupe de ces prétendus philosophes, plus charlatans cent fois que tous les charlatans philosophes qui l'ont suivi? Vous ne voyez pas dans ses confessions ja l'orgueil enfler le manteau déchiré de l'humilité!... Mon jeune ami jb en aurait dit davantage si, heureusement jc pour la mémoire de Jean-Jacques et pour mon cœur qui saignait de cette attaque, une épingle d'or qui tenait précisément le bout le plus important du nœud difficile de cette savante cravate, ne fût jd tombée sur le parquet. Mon ami se baissa pour la ramasser, mais la clarté d'une bougie n'étant pas je suffisante pour l'apercevoir et d'ailleurs les besicles jf de myope que mon aimable commensal avait la singulière {PGS17 p.26 col.2} fantaisie jg de porter en dépit de la bonté de sa vue lui rapetissaient les dimensions des objets au point de lui {RDM 143} rendre imperceptible jh celle d'une épingle, enfin soit que ji mon ami eût de la difficulté à se tenir courbé, en raison du corset qui faisait si élégamment ressortir les proportions de sa taille romantique, soit que l'épingle se fût glissée dans une des fentes que le tems avait creusées sur le parquet vermoulu de mon appartement, il me pria de sonner un domestique pour l'aider dans cette recherche importante. Le domestique n'obtenant pas plus de succès quoiqu'il jj eût allumé trois bougies et deux chandelles, la cuisinière fut appelée, puis la servante maladroite qui ferme si lourdement les fenêtres et qu'on pourrait mettre en regard avec celle qui causa le funeste accident dont le nez de Tristram Shandy fut victime; puis enfin ma vieille faiseuse de fromages, qui jk gagna une terrible sciatique dans cet exercice, renversa sur un meuble en soie toute l'huile noire et brûlante d'une lampe de fer presque aussi vieille que la main chancelante qui s'efforçait vainement de la maintenir en équilibre, cassa le verre des lunettes à gros verres arrondis qui pinçaient son nez éraillé, et marcha sur la patte de mon chien dont les cris donnnèrent une attaque de nerfs à ma femme de chambre.

« Je voudrais bien savoir, interrompit Tricket avec un air profond, pourquoi toutes les femmes de chambre ont des attaques de nerfs.

— C'est, lui dis-je, que la mode en est passée pour les belles dames. Les femmes de chambre s'en sont emparées, comme elles font des bonnets et des robes dont leurs maitresses ne veulent plus.

— Et l'épingle?

jl L'épingle ne fut jamais retrouvée et toi jm qui me questionnes, malin follet, peut-être étais-tu là te moquant de nous et nous jn laissant chercher ce que tu savais bien que nous ne trouverions pas.

— Ce n'est pas mon affaire, répondit Tricket. Ne sais-tu jo pas qu'il y a une classe de follets d'un moyen ordre, spécialement chargée de recueillir les objets perdus et de changer leur desstination? Grâce à eux rien ne se perd réellement mais aussi jp il est rare que le propriétaire rentre dans son bien. Ce sont des esprits malicieux qui prennent leur plaisir à voir l'anxiété des recherches des hommes. J'en ai vu qui leur mettaient sous le nez la bourse pleine d'or, les diamants précieux ou la lettre d'amour qu'ils avaient perdue, en même tems qu'ils fascinaient {RDM 144} leurs yeux, de manière à les empêcher de s'en apercevoir. Et tandis que ces pauvres gens dépouillés se tordaient les mains d'impatience et de désespoir, le Diable à côté d'eux riait jq à leurs dépens en volant leur trésor.

{PGS17 p.27 col.1} — En vérité, j'avais toujours eu cette idée-là, en voyant la bizarrerie qui préside à la destinée des plus petites choses, et les hasards inconcevables qui font dépendre notre sort, de jr la perte ou de la possession de certaines babioles. Je me suis dit, il y a longtems, qu'une puissance invisible se mêlait de ces sortes d'affaires.

— Et que dit encore votre bel esprit à propos de Jean-Jacques?

— La perte de son épingle et le dérangement de sa cravate l'avaient tellement troublé qu'il ne fut plus question d'autre chose entre nous le reste de la soirée. Et j'en rends grâces au Ciel js. De la chute jt de cette épingle a dépendu peut-être tout le reste de ma vie, et c'est ainsi que les plus petites causes produisent les plus grands effets. Tu sais que mon caractère est irrésolu et ma conscience timorée. L'opinion des autres a tant d'influence sur la mienne, qu'il est bien possible que je n'en aie ju jamais une en propre. Dans la discussion, je me fais un cas de conscience d'écouter le pour et le contre avec une égale immpartialité. Est-ce ma faute si, dans jv toutes les questions possibles, je m'aperçois avec effroi qu'il y a autant de raisons pour adopter que pour rejeter ces mêmes questions? J'en suis venue au point de fuir toute espèce de discussion et même de réflexion sérieuse, m'en rapportant à la seule impulsion de mon cœur qui, Dieu merci, n'est jw pas méchant et jx ne m'a jamais fourvoyée. C'est je crois le jy seul parti raisonnable qui me restât. Dans le tems où je voulais trancher les difficultés par le raisonnement, je ne faisais que des sottises. Étais-je assez stupide de vouloir lutter contre ma nature et forcer mon talent jz! Je me rappelle que je changeais d'opinions ka autant de fois que j'entendais deux adversaires se combattre alternativement. La kb balance penchait d'abord kc pour celui qui parlait, mais aussitôt que l'autre prenait la parole, il l'emportait à son tour. Et comme je prenais un singulier et dangereux plaisir à écouter la controverse, j'assistais aux débats comme à un spectacle et dans ma joie j'étais kd également portée à la bienveillance pour tous les acteurs qui voulaient bien lutter pour me divertir. Je sortais {RDM 145} de là, charmée d'avoir si bien employé mon temps ke et disant: l'avocat Tant Mieux kf a parlé comme un livre, mais l'avocat Tant Pis kg ne lui cède en rien et kh tous les deux ont parfaitement raison dans leur sens. Je restais là, dans un parfait équilibre entre le bien et le mal, possédant une dose égale de confiance et de doute; je ki vivais comme voyagerait un homme qui s'arrêterait à chaque pas pour regarder chaque fleur, chaque pierre, chaque arbre dans kj le plus grand détail et qui le soir sortirait kk de sa rêverie sans avoir quitté la place d'où il est parti le matin.

{PGS17 p.27 col.2} Ennuyée de cette léthargie, sentant battre dans ma poitrine un cœur trop chaud pour cet état de quiétisme, je kl tombai en me débattant dans l'état contraire. Ce fut la seconde période de ma vie. Je me persuadai que rien ne dégradait l'homme, que rien ne corrompait son âme et ne le rendait improfitable aux autres, comme km de n'avoir ni opinions arrêtées, ni idées positives, ni passions pour les soutenir et les faire prévaloir. Je demandai avec avidité ces opinions et ces passions à tous ceux que je rencontrais. Je les demandais à Jean-Jacques, à Montaigne, à Duclos, à Byron, à Montesquieu, à Chateaubriand, à Platon, à Shakespeare, à tous enfin, qui kn ont écrit avec réflexion et sentiment. Chacun me donnait du sien ko et je remplis mon cœur et ma tête jusqu'à ce que le vase débordât. Alors kp je tombai dans l'ivresse et dans un état voisin de la folie. Je me sentis prête à devenir injuste, vindicative, féroce même, car le fanatisme des opinions nous conduit là... Je sentis les tourments de la haine, de l'indignation, du mépris, de la vengeance tout prêts à envahir mon cœur jusque là kq si pur et si paisible. J'eus horreur de ce qui se passait en moi; je kr me demandai si le torrent qui m'entraînait faisait les héros ou les monstres, et ks je crus apercevoir qu'il faisait les uns et les autres. Et puis mes yeux s'ouvrirent à une terrible apparition kt. Je vis passer dans ma vision les ombres des plus grands hommes mêlées confusément avec celles des derniers scélérats, et ku toutes formaient une chaine dont les anneaux semblaient se toucher. Je frissonnai d'épouvante et j'eus plus peur encore quand kv je vis qu'ils s'entretenaient kw ensemble familièrement, qu'ils s'entendaient sur beaucoup de points, qu'ils avaient en commun des souvenirs et des sentiments, qu'ils étaient tous partis d'un même but et que les gradations par lesquelles ils avaient atteint ou dépassé le {RDM 146} terme, les dissidences qui avaient fait varier chacun d'eux dans sa carrière étaient autant de fils déliés et presque imperceptibles que je ne pouvais saisir, qui m'échappaient dès que j'y voulais porter la main et qui ne causaient à ma vue qu'éblouissement et douleur.

Dans ce cauchemar, j'osai interroger les apparitions. Leurs kx discours, leurs apologies, leurs systèmes achevèrent de me bouleverser. Robespierre me fit admirer ses vertus, Voltaire lui souriait et Brutus lui tendait les bras. Ces fantômes semblaient prêts à m'enlacer, je ky m'éveillai glacée d'horreur et je chassai de mon cerveau les pensées qui l'avaient ainsi égaré.

Je me repliai sur moi-même et me demandai de quoi j'étais capable. Mon kz cœur me dit que c'était de faire le bien et mon cerveau la me dit que le mal était tout aussi facile. Je compris qu'il y a des êtres assez forts pour devenir grands sans succomber aux épreuves qui y {PGS17 p.28 col.1} conduisent, je lb compris qu'il y en a de trop faibles pour résister à ces épreuves et d'autres qui ne sont ni assez faibles ni assez forts pour être lc quelque chose. Je restai parmi ces derniers, et ld j'employai tous mes efforts à ne pas me pervertir. J'adoptai comme des principes tout ce qui pouvait me rendre à la fois heureuse et bonne, et je vis le que pour être ainsi, je n'avais qu'à suivre un penchant inné et fermer l'oreille aux tristes exhortations d'une philosophie chagrine et froide pour juger de la bonté d'une résolution. J'interrogeai mon cœur. J'y trouvai de la répugnance pour les mauvaises actions, de l'entraînement vers les bonnes. Et mon cœur me donnait ses avis en dépit des considérations personnelles et des précauLions égoïstes de la prudence humaine. Je me sacrifiai au bonheur d'autrui et je fus heureuse. Les uns dirent que j'étais folle et ils se trompèrent. D'autres lf dirent que j'étais généreuse et ils se trompèrent encore. Je n'étais que sensée. Je travaillais pour moi. J'achetais la paix de l'âme, le plus grand lg des biens, au prix de quelques contrariétés sociales si petites, si misérables en comparaison, qu'il eût fallu être stupide pour balancer dans le choix. C'est lh la troisième li période de ma vie et j'espère qu'elle s'étendra jusqu'à la fin des jours que je dois passer sur cette terre.

— Et quand l'épingle se détacha de la cravate du bel esprit lj, où en étiez-vous? dit Tricket.

— À la seconde période, à celle de l'enthousiasme, des doutes {RDM 147} et des erreurs. Tu sens, Tricket, qu'avec des phrases aussi fleuries que celles qu'il avait sans doute en réserve et des agrémens lk extérieurs comme ceux qu'il possédait, mon jeune bel esprit ll eût bien pu, sinon lm étouffer cette affection que je ressens au fond de l'âme ponr le Genevois ln, du moins ébranler un peu cette foi vive que j'ai en sa véracité. Comme rien n'est si cruel que de douter de ce qui flatte le cœur, et que les aveux de Jean-Jacques sont peut-être le seul monument qui puisse me réconcilier avec l'humanité quand lo je considère le tableau de ses vices, je te laisse à penser quelle source de consolation m'eût été fermée si lp je me fusse rangée au sentiment de mon hôte. Sans la chute de l'épingle j'en lq serais peut-être venue à croire que le repentir est lâcheté, l'humilité, fourberie.

Comme lr j'avais beaucoup parlé ce soir-là, je me sentis pressée de dormir. Je priai Tricket de charmer mon sommeil par la continuation de son lt conte et il reprit en ces termes l'histoire du rêveur lu.


Variantes

  1. 2de Partie {MsBNF}, {PGS}Deuxième partie {RDM}
  2. I. - LE GRILLON {RDM}
  3. le bon Tricket, je {RDM}
  4. la vanité, [la vanité de l'or rayé] {MsBNF}
  5. dit Tricket, en s'appuyant {RDM}
  6. ce que tu crois: ce que {RDM}
  7. de moi, m'enverra-t-il {PGS}
  8. d'un être comme Jane? {PGS}
  9. que tu crois. Car avec moi quelque fou que {PGS} ♦ que tu crois, car, avec moi, quelque fou que {RDM}
  10. qu'avec Jane, tu serais {RDM}
  11. Esprit fantasque tu {PGS}
  12. sourire caressant; cette {RDM}
  13. Je commençai. Je {RDM}
  14. Sans doute; maintenant, je tâche {RDM}
  15. Q'un {PGS} (serait-ce une coquille?)
  16. [cet rayé] l'ange {MsBNF}
  17. mortel et lui demandant {PGS}
  18. faiblesses de son âme? ainsi {PGS} (étrange point d'interrogation)
  19. C'est [de sa part rayé] chez lui {MsBNF}
  20. déplacée et quoiqu'il {PGS} ♦ déplacée, et, quoiqu'il {RDM}
  21. viens-tu Jane {PGS}
  22. un sourire ou une larme pour {RDM}
  23. [partager rayé] comprendre {MsBNF}
  24. Ange restez aux cieux {PGS} ♦ Anges, restez aux cieux {RDM} (le pluriel Anges est une faute, l'ange est Jane)
  25. longtemps {RDM}
  26. cœur humain, n'excitera {RDM}
  27. dit-je {PGS} (coquille?)
  28. du plaisant au sévère. / Je reprends quelques années plus loin... / « Et puis {RDM}
  29. en [écrire rayé] commencer {MsBNF}
  30. lorsque, comme moi, on a {RDM}
  31. mes aises; que ce soit {RDM}
  32. guère, pourvu {RDM}
  33. prose, je m'en {RDM}
  34. morceaux: savoir, une recette {RDM}
  35. plumpudding et {PGS} ♦ plum-pudding, et {RDM}
  36. fête: dont l'un, par sa {RDM}
  37. exactitude; l'autre, par sa {RDM}
  38. 12 ans {PGS}
  39. [Depuis rayé] Dans ce tems là je {MsBNF} ♦ Dans ce tems là je {PGS} ♦ Dans ce temps-là, je {RDM}
  40. un prodige. Car, jusqu'a ma bonne, tout {RDM}
  41. aux vers, j'en {RDM}
  42. chanson, que {RDM}
  43. ont [bien rayé] eu {MsBNF}
  44. tout entière, quand {RDM}
  45. coups de bâton à toucher {RDM}
  46. Il fut, à cette époque, fortement {RDM}
  47. cet opuscule {RDM}
  48. [serrer rayé) faire {MsBNF}
  49. courus alors, m'a glacée {PGS}
  50. m'avait inspiré dans {PGS}
  51. ta lettre, je {RDM}
  52. manquait-il, en effet {RDM}
  53. ni le papier, ni l'encre ni le tems, ni {RDM}
  54. la volonté? {RDM} le point d'interrogation ne se justifie en rien.
  55. utile, comme {RDM}
  56. pour le public, je {PGS}
  57. J'écrivis donc, j'écrivis, tant {RDM}
  58. de l'ordre l'écrire {PGS}
  59. désespérants {RDM}
  60. infructeux essais, tous {RDM}
  61. Mr Champollion et consorts, ne suffirait {PGS} ♦ MM. Champollion et consorts ne suffirait {RDM}
  62. aient {RDM}
  63. postérité à moins que {PGS}
  64. savants {RDM}
  65. amusantes? Pour moi {PGS}
  66. louange; d'autres, plus habiles {RDM}
  67. mépriser, afin qu'on les estime, et veulent {RDM}
  68. paillasses littéraires, qui {RDM}
  69. les affronts, plutôt {RDM}
  70. Mais, reprenant {RDM}
  71. lui dis-je! {RDM}
  72. portrait d'Yorrick: qu'en {RDM}
  73. lui dis-je. Toucher {RDM}
  74. abrège, s'il est {RDM}
  75. une autre, celle {RDM}
  76. mon ouvrage car {PGS}
  77. dans l'esprit, sans m'inquiéter {RDM}
  78. leurs proches; ce tableau {RDM}
  79. le premier; puis {RDM}
  80. personnages, mais {RDM}
  81. amans et cela {PGS} ♦ amants, et cela {RDM}
  82. je trouvais {RDM}
  83. j'avançais, plus {RDM}
  84. plusieurs nuits et {PGS}
  85. l'absence [que rayé] où je fus obligée de [faire rayé] laisser {MsBNF}
  86. événement déplorable, qui {RDM}
  87. un tel désespoir, que {RDM}
  88. Ici s'arrête la partie publiée du début de La Marraine (lettre 256 de l'édition de George Lubin de la correspondance; voir plus haut). Nous signalerons désormais les principales variantes de l'histoire du grillon entre notre texte et La Marraine {Marr} (note adaptée de celle de Thierry Bodin).
  89. de si déchirants souvenirs. J'avais un ami {RDM}
  90. Écoute, Tricket, comment {PGS}
  91. — Un ami! dit Tricket [...] sans me consulter? / — Écoute, [...] arrivé. Cette disgression ne figure pas dans {Marr}.
    Le texte qui suit constitue très vraisemblablement la continuation de la lecture de la lettre à Jane.
  92. un soir qu'en glissant {PGS}
  93. dans une de mes pantouffles {Marr} ♦ dans ma pantouffle {PGS} nous corrigeons pantoufle ici comme plus loin.
  94. le bout des doigts; surprise {RDM}
  95. spirituel, quoiqu'il {RDM}
  96. premier abord, et {RDM}
  97. m'échapper {Marr}
  98. possible. Et le rassurant de mon mieux: {RDM}
  99. fasse aucun mal {Marr} ♦ fasse du mal, ce serait {PGS} ♦ fasse du mal. Ce serait {RDM}
  100. un refuge: il {RDM}
  101. Il ne sera pas dit que tu ayes été plus mal reçu chez des hôtes à qui tu ne causas jamais, ni dommage ni déplaisir, que {Marr}
  102. qu'il me parut écouter avec intérêt add. {MsBNF}
  103. cabinet et, le déposant {RDM}
  104. Shakespear {PGS} ♦ Shakspeare {RDM} (il en sera de même plus loin.)
  105. puis, lui souhaitant {RDM}
  106. sa visite: c'était {RDM}
  107. mes veilles, et {RDM}
  108. sentiment d'affection {Marr}
  109. pour l'autre, n'aurait pas {Marr} ♦ pour l'autre n'eût pas {RDM}
  110. si j'eusse [...] auspices add. {MsBNF}
  111. minuit, il {RDM}
  112. dormit {RDM}
  113. l'état de sa conscience {Marr}
  114. À cet effet, sans doute {RDM}
  115. boiserie un asile {RDM}
  116. un asile que je voulais que j'aurais toujours voulu ignorer, puisque {Marr}
  117. domicile: à {RDM}
  118. j'eusse jamais violé {Marr}
  119. indiscrette {PGS}
  120. s'éveiller, et {Marr} ♦ se réveiller, et {PGS} ♦ se réveiller et {RDM}
  121. jouir pleinement de l'exercice de ses facultés [morales rayé] {Marr} ♦ à jouir pleinement de toutes ses facultés intellectuelles; d'abord {PGS} ♦ à jouir [...] intellectuelles. D'abord {RDM}
  122. secouer timidement, avec {RDM}
  123. le repos {Marr}
  124. habiles et variées {Marr}
  125. variées. Aussi loin {PGS} ♦ variées; aussi, loin {RDM}
  126. loin de le trouver monotone, j'en savais apprécier {Marr}
  127. D'ailleurs lors même {PGS}
  128. il eût, en {RDM}
  129. rien au monde je {RDM}
  130. l'amitié, comme l'amour, vit {RDM}
  131. livres posés {Marr}
  132. sans défiance ni effroi {Marr}
  133. inexprimable {Marr}
  134. délicates sous {RDM}
  135. ornements {RDM}
  136. inégalement, avançant {RDM}
  137. le doute, la surprise {Marr}
  138. Enfin, lorsque {RDM}
  139. mes plumes et {RDM}
  140. au hazard de la plume {Marr}
  141. en marchant {Marr}
  142. sincère ami. Qui {RDM}
  143. le nombre de billevesées {Marr}
  144. m'aurais préservée d'écrire car {RDM}
  145. superstitieux; je {RDM}
  146. génie: je {RDM}
  147. de vains raisonnemens {Marr}
  148. éprouvent que plus il est doué de cette délicate sympathie {Marr}
  149. sympathie plus {PGS}
  150. entre lui et les êtres {Marr}
  151. Ah! si l'homme {Marr}
  152. cruel! il {RDM}
  153. sous sa protection, [toute rayé] une {MsBNF} ♦ sous sa protection, une {PGS}
  154. éducation, dont {RDM}
  155. ont été ignorés {Marr}
  156. qu'elle le parait. Pour moi {Marr} ♦ qu'on se l'imagine. / Pour moi {RDM}
  157. et, fussé-je {RDM}
  158. j'ouvrirai {RDM}
  159. amusements {RDM}
  160. à la société, [et nuisible rayé] ennemi de ses semblables {MsBNF} ♦ à la société, cruel envers ses semblables {Marr}
  161. à défaut d'autre add. {MsBNF}
  162. moindres créatures. / Il y avait {RDM}
  163. prison, où {RDM}
  164. où j'allais {Marr}
  165. une grosse oie {Marr}
  166. si ce n'était pas l'âme de l'un des amis {Marr}
  167. petit grillon {Marr}
  168. si l'on ne doit admettre aveuglement aucun système on ne doit peutetre pas non plus les rejetter tous sans distinction {Marr}
  169. ainsi {RDM}
  170. enveloppe fragile que le jour {PGS} ♦ enveloppe fragile; que le jour {RDM} nous adoptons plutôt la virgule.
  171. que je me lasse jamais {Marr}
  172. me survivront; puissé-je {RDM}
  173. Ici s'achève le f° 30 v° de {MsBNF} le f° 31 est déchiré et il manque la moitié supérieure de la page, à l'exception de quelques lettres marquant le début des lignes. Sur la copie Lov. E 805, Lina Sand a soigneusement relevé ces traces et laissé des blancs que Spoelberch de Lovenjoul a comblés en se servant du texte de La Marraine, légèremenr modifié pour se raccorder aux débuts de lignes du carnet (voir un exemple dans variante suivante). (Note adaptée de Thierry Bodin.)
  174. attachée à ce {RDM}
  175. la terre! Mon hôte {RDM}
  176. tapisse ma fenêtre {Marr}Le début de la ligne dans {MsBNF} était de ma fe et Lovenjoul a adapté le texte en conséquence. (Note adaptée de Thierry Bodin.)
  177. rentré dans son ermitage {Marr}À partir d'ici, le carnet {MsBNF} donne des débuts de lignes plus longs. (Note adaptée de Thierry Bodin.)
  178. ô impitoyable fatalité! ô funestes étoiles! ô maudite {RDM}
  179. Reprise du texte continu de {MsBNF}. (Note adaptée de Thierry Bodin.)
  180. mon ami: que {RDM}
  181. lui parler de mes maux, à lui! Il m'eut écouté, il m'eut plaint {Marr}
  182. craint, comme avec mes semblables, de {RDM}
  183. J'écoutai vainement {Marr}
  184. Enfin, à la {RDM}
  185. plus longtems add. {MsBNF}
  186. inquiétude je {PGS}
  187. le ciel {RDM}
  188. Peut être qu'une indiscrette main lui a fermé le passage, peut être il n'a pu {Marr}Sur Peut-être s'achève le f° 31 r° du carnet {MsBNF} le début du verso est complété d'après la copie Lovenjoul.
  189. Ici reprend de façon continue {MsBNF} ♦ l'amitié: je le prends l'amitié: je le prends {RDM}
  190. vivre encore je ne te quitterai plus. Je {Marr} ♦ vivre encore, nous ne nous quitterons plus! Je {RDM}
  191. calyce {PGS}
  192. de jasmin add. {MsBNF}
  193. chancelants {RDM}
  194. ton existence ta beauté {PGS}
  195. altérée; d'ailleurs, crois-tu {RDM}
  196. par le passé, les {PGS}
  197. {RDM} ferme ici les guillemets qui cependant n'avaient pas été ouverts au début de l'adresse au grillon. Un peu plus loin, des guillemets entourent Ô mon ami, que vas-tu devenir? [...] le parfum chéri que tu vas exhaler.
  198. « Ô mon ami {RDM}
  199. le voudra pas; frêle {RDM}
  200. résignation, tu mérites une récompense: c'est {RDM}
  201. exister, peut-être {RDM}
  202. d'un homme... , mais non, que la Nature t'en préserve: de toutes les conditions {RDM}
  203. déjà add. {MsBNF}
  204. et son dédain. add. {MsBNF}
  205. d'y retourner: foin l'homme et sa dépendance; foin ses caprices et son dédain; réfugie-toi {RDM}
  206. inanimée a dans son sein {Marr}
  207. vie nouvelle qu'elle {RDM}
  208. communiquer peut être; vis {Marr} ♦ communiquer; vis {PGS} ♦ communiquer. Vis {RDM}
  209. cultiveront; je {RDM}
  210. dans son parfum chéri. {Marr}{RDM} ferme ici les guillements; voir plus haut.
  211. parlant ainsi, je {RDM}
  212. calice d'une fleur de datura {Marr}
  213. s'est peut être confondue avec celle {Marr}
  214. Dans {PGS} ce paragraphe ainsi que le précédent se terminent en guillemets fermés, lesquels guillemets n'avaient pas été ouverts.
  215. II. - LES CONFESSIONS {RDM}
  216. et, pour cette fois {RDM}
  217. railleries, [et sans qu'un trait rayé] ou {MsBNF} ♦ railleries, ou {RDM}
  218. Eh bien! me {RDM}
  219. ma vie, ou, pour {RDM}
  220. Mémoires {RDM}
  221. Pas d'alinéa dans {RDM} ici ni avant — Pourquoi pas
  222. Vive Dieu! que {RDM}
  223. Pourquoi pas, repris-je; d'ailleurs, c'est la mode: souverains {RDM}
  224. danseuses {RDM}
  225. leurs vies privées. / Dupe des promesses {RDM}
  226. Il espère il aurait {PGS}
  227. chargé [d'apprécier (?) rayé] de prouver {MsBNF}
  228. trompé et que {RDM}
  229. Impatient il continue pourtant espérant {PGS} ♦ Impatient, il continue pourtant, espérant {RDM}
  230. va se lever et {RDM}
  231. sur la scène: il arrive à la fin, et {RDM}
  232. pompeusement en {RDM}
  233. raconter, de {RDM}
  234. l'apparition, des lieux {RDM}
  235. commençant. Je vais {PGS}
  236. à moi {RDM}
  237. qui ne suis rien, mais {RDM}
  238. une fois l'histoire {RDM}
  239. vous le voulez quelque {PGS}
  240. comparaison [attentive rayé] salutaire {MsBNF}
  241. histoire quelque {PGS}
  242. mes mémoires; ce serait, de tous {RDM}
  243. [hier rayé] l'autre soir {MsBNF}
  244. impro[visée rayé]mptu {MsBNF}
  245. avec angoisse, ô {PGS}
  246. jetter {PGS}
  247. colère; ce {RDM}
  248. amère éloquence, mais {RDM}
  249. confessions {RDM}
  250. inspiré de modernes {RDM}
  251. pénitents {RDM}
  252. premiers chrétiens {RDM}
  253. prenant c'est-à-dire feignant {RDM}
  254. infortunée; mon {RDM}
  255. repentants {RDM}
  256. Montmorency. J'oubliais {RDM}
  257. {RDM} a ici une coquille: hypo-/pocrite par répétition d'une syllabe après saut à la ligne
  258. qui, depuis, ont {RDM}
  259. le Bel Esprit, en {RDM}
  260. on le voit bien! Quoi vous {PGS}
  261. Confessions {RDM} (cette typographie est abusive, il ne s'agit plus ici seulement des Confessions de Rousseau)
  262. l'humilité!... / Mon jeune ami {RDM}
  263. davantage si heureusement {PGS}
  264. savante cravate ne fût {RDM}
  265. n'était pas {RDM} (cette transformation du participe présent à l'imparfait oblige à modifier la structure de la phrase, comme on va le voir dans une variante suivante. Cela dit, la structure originelle de la phrase était quelque peu compliquée.)
  266. bezicles {PGS}
  267. avait la fantaisie {RDM}
  268. impossible {RDM}
  269. épingle. Enfin, soit que {RDM} (rupture induite par le changement de temps qu'on a vu plus haut: étant pour était)
  270. de succès, quoiqu'il {RDM}
  271. faiseuse de fromages qui {PGS}
  272. omission du tiret dans {RDM}
  273. retrouvée; et toi {RDM}
  274. étais-tu là, te moquant de nous, et nous {RDM}
  275. Tricket; ne sais-tu {RDM}
  276. Grâce à eux, rien ne se perd réellement, mais aussi {RDM}
  277. le diable, à côté d'eux, riait {RDM}
  278. dépendre notre sort, de {PGS}
  279. au ciel {RDM}
  280. chûte {PGS}
  281. aye {PGS}
  282. si dans {PGS}
  283. qui Dieu merci n'est {PGS}
  284. pas méchant, et {RDM}
  285. C'est, je crois, le {RDM}
  286. ma nature et forcer mon talent {RDM}
  287. changeais d'opinion {RDM}
  288. alternativement; la {RDM}
  289. [tanto rayé] d'abord {MsBNF}
  290. spectacle, et dans ma joie, j'étais {RDM}
  291. temps {PGS} (on attendrait tems ainsi que partout ailleurs.)
  292. disant, l'avocat Tant mieux {PGS}
  293. l'avocat Tant pis {PGS}
  294. en rien, et {RDM}
  295. de doute. Je {RDM}
  296. chaque arbre, dans {RDM}
  297. [se réveillerait rayé] sortirait {MsBNF}
  298. de quiétisme je {PGS}
  299. moins profitable aux autres comme {RDM}
  300. à tous ceux enfin qui {RDM}
  301. [la sienne rayé] du sien {MsBNF}
  302. débordât; alors {RDM}
  303. jusque-là {RDM}
  304. en moi. Je {RDM}
  305. les monstres et {RDM}
  306. apparition [de découvertes nouvelles rayé] {MsBNF}
  307. derniers scélérats et {RDM}
  308. plus peur encore, quand {RDM}
  309. [conversaient rayé] s'entretenaient {MsBNF}
  310. apparitions: leurs {RDM}
  311. à m'enlacer. Je {RDM}
  312. capable: mon {RDM}
  313. faire [beaucoup de rayé] le bien et [ma conscience (?) rayé] mon cerveau {MsBNF}
  314. conduisent; je {RDM}
  315. pour [réussir rayé] être {MsBNF}
  316. ces derniers et {RDM}
  317. et bonne et je vis {PGS}
  318. trompèrent, d'autres {RDM}
  319. la paix de l'âme le plus grand {PGS}
  320. le choix: c'est {RDM}
  321. 3ème {PGS}
  322. bel Esprit {RDM}
  323. agréments {RDM}
  324. bel Esprit {RDM}
  325. eût bien pu sinon {PGS}
  326. genevois {PGS} (la majuscule est préférable, il s'agit de Jean-Jacques.)
  327. avec l'humanité, quand {RDM}
  328. m'eût été fermée, si {RDM}
  329. chute de l'épingle, j'en {RDM}
  330. Simple alinéa dans {RDM}
  331. soir-là je {PGS}
  332. [ses RAYE] son {MsBNF} Cette variante peut laisser à penser qu'il s'agit d'histoires un peu décousues. (note de Thierry Bodin)
  333. du Rêveur {RDM} Ici se termine l'Histoire du rêveur dans {RDM} qui cloture par une ligne de points et la signature: GEORGE SAND. Cette signature est évidemment postérieure à la conception de l'histoire qui est de 1829.

Notes

  1. Ce gros volume est La Marraine qui ne fut en effet pas achevé; son manuscrit est conservé.
  2. Une autre version de cette tettre à Jane Bazouin constitue le début du roman La Marraine elle a été publiée par Georges Lubin, comme une lettre, dans la Correspondance de G. Sand sous le n° 256 (t. I, pp. 561-564); nous y renvoyons le lecteur, qui verra comment Aurore Dudevant réutilise un de ses textes. (note de Thierry Bodin dans PGS).
  3. Nous utilisons la présentation de l'en-tête dans {RDM}. Dans {PGS} cette ligne est cadrée à gauche est de même police que "À Jane". Par ailleurs nous mettons le texte de la lettre en italiques pour la clarté, la lettre étant interrompue par des dialogues.
  4. dont l'un: ce masculin s'accorde avec morceaux