George Sand
INDIANA

George Sand; "Indiana" / Nouvelle �dition; Paris; Michel L�vy fr.; 1861; nombreuses r��d. Michel L�vy puis Calmann L�vy

{Perr [7]; ML61 [10]} PRÉFACE DE L'ÉDITION DE 1842 a

Si j'ai laiss� r�imprimer les pages qu'on vient de lire, ce n'est pas qu'elles r�sument d'une mani�re claire et compl�te la croyance � laquelle je suis arriv� aujourd'hui relativement au droit de la soci�t� sur les individus. C'est seulement parce que je regarde les opinions librement �mises dans le pass� comme quelque chose de sacr�, que nous ne devons ni reprendre, ni att�nuer, ni essayer d'interpr�ter � notre guise. Mais, aujourd'hui qu'apr�s avoir march� dans la vie j'ai vu l'horizon s'�largir autour de moi, je crois devoir dire au lecteur ce que je pense de mon œuvre.

Lorsque j'�crivis le roman d'Indiana, j'�tais jeune, j'ob�issais � des sentiments pleins de force et de sinc�rit�, qui d�bord�rent de l� dans une s�rie de romans bas�s � peu pr�s tous sur la m�me donn�e : le rapport mal �tabli entre les sexes, par le fait de la soci�t�. Ces romans furent tous plus ou moins incrimin�s par la critique, comme portant d'imprudentes atteintes � l'institution du mariage. Indiana, malgr� le peu d'ampleur des aper�us et la na�vet� des incertitudes, n'�chappa point � cette {ML61 11} indignation de plusieurs esprits soi-disant s�rieux, que j'�tais fort dispos� alors � croire sur parole et � �couter docilement. Mais, quoique ma raison f�t � peine suffisamment d�velopp�e pour �crire {Perr 8} sur un sujet aussi s�rieux, je n'�tais pas assez enfant pour ne pas juger � mon tour la pens�e de ceux qui jugeaient la mienne. Quelque simple que soit un accus�, quelque habile que soit un magistrat, cet accus� a bien assez de sa conscience pour savoir si la sentence de ce magistrat est �quitable ou perverse, sage ou absurde.

Certains journalistes qui s'�rigent de nos jours en repr�sentans et en gardiens de la morale publique (je ne sais pas en vertu de quelle mission, puisque je ne sais pas au nom de quelle foi), se prononc�rent avec rigueur contre les tendances de mon pauvre conte, et lui donn�rent, en le pr�sentant comme un plaidoyer contre l'ordre social, une importance et une sorte de retentissement auxquels il ne serait point arriv� sans cela. C'�tait investir d'un r�le bien grave et bien lourd un jeune auteur � peine initi� aux premi�res id�es sociales, et qui n'avait pour tout bagage litt�raire et philosophique qu'un peu d'imagination, du courage et l'amour de la v�rit�. Sensible aux reproches, et presque reconnaissant des le�ons qu'on voulait bien lui donner, il examina les r�quisitoires qui traduisaient devant l'opinion publique la moralit� de ses pens�es, et, gr�ce � cet examen o� il ne porta aucun orgueil, il a peu � peu acquis des convictions qui n'�taient encore que des sentiments au d�but de sa carri�re, et qui sont aujourd'hui des principes.

Pendant dix ann�es de recherches, de scrupules et d'irr�solutions souvent douloureuses, mais toujours sinc�res, fuyant le r�le de p�dagogue que m'attribuaient les uns pour me rendre ridicule, d�testant l'imputation d'orgueil {ML61 12} et de col�re dont me poursuivaient les autres pour me rendre odieux, proc�dant, suivant mes facult�s d'artiste, par l'analyse de la vie pour en chercher la synth�se, j'ai donc racont� des faits qu'on a reconnus parfois vraisemblables, et peint des caract�res qu'on m'a souvent accord� d'avoir su �tudier avec soin. Je me suis born� � ce travail, cherchant � �tablir ma propre conviction bien plut�t qu'� {Perr 9} �branler celle des autres, et me disant que, si je me trompais, la soci�t� saurait bien faire entendre des voix puissantes pour renverser mes arguments, et r�parer par de sages r�ponses le mal qu'auraient pu faire mes imprudentes questions. Des voix nombreuses se sont �lev�es, en effet, pour mettre le public en garde contre l'�crivain dangereux; mais, quant � de sages r�ponses, le public et l'auteur attendent encore.

Longtemps apr�s avoir �crit la pr�face d'Indiana sous l'empire d'un reste de respect pour la soci�t� constitu�e, je cherchais encore � r�soudre cet insoluble probl�me : le moyen de concilier le bonheur et la dignit� des individus opprim�s par cette m�me soci�t�, sans modifier la soci�t� elle-m�me. Pench� sur les victimes, et m�lant ses larmes aux leurs, se faisant leur interpr�te aupr�s de ses lecteurs, mais, comme un d�fenseur prudent, ne cherchant point trop � pallier la faute de ses clients, et s'adressant bien plus � la cl�mence des juges qu'� leur aust�rit�, le romancier est le v�ritable avocat des �tres abstraits qui repr�sentent nos passions et nos souffrances devant le tribunal de la force et le jury de l'opinion. C'est une t�che qui a sa gravit� sous une apparence frivole, et qu'il est assez difficile de maintenir dans sa v�ritable voie, troubl� qu'on est � chaque pas par ceux qui vous veulent trop s�rieux dans la forme, et par ceux qui vous veulent trop l�ger dans le fond.

{ML61 3} Je ne me flatte pas d'avoir rempli habilement cette t�che; mais je suis s�r de l'avoir tent�e b s�rieusement, au milieu des fluctuations int�rieures o� ma conscience, tant�t effray�e par l'ignorance de ses droits, tant�t stimul�e par un cœur �pris de justice et de v�rit�, marchait pourtant � son but sans trop s'en �carter et sans faire trop de pas en arri�re.

Initier le public � cette lutte int�rieure par une suite de pr�faces et de discussions e�t �t� un moyen pu�ril, o� la vanit� de parler de soi e�t pris trop de place, � mon {Perr 10} gr�. J'ai d� m'en abstenir, ainsi que de toucher trop vite aux points rest�s obscurs dans mon intelligence. Les conservateurs m'ont trouv� trop audacieux, les novateurs trop timides. J'avoue que j'avais du respect et de la sympathie pour le pass� et pour l'avenir, et, dans le combat, je n'ai trouv� de calme pour mon esprit que le jour o� j'ai bien compris que l'un ne devait pas �tre la violation et l'an�antissement, mais la continuation et le d�veloppement de l'autre.

Apr�s ces dix ann�es de noviciat, initi� enfin � des id�es plus larges, que j'ai puis�es non en moi, mais dans les progr�s philosophiques qui se sont op�r�s autour de moi (en particulier dans quelques vastes intelligences que j'ai religieusement interrog�es, et, en g�n�ral, dans le spectacle des souffrances de mes semblables), j'ai enfin compris que, si j'avais bien fait de douter de moi et d'h�siter � me prononcer � l'�poque d'ignorance et d'inexp�rience o� j'�crivais Indiana, mon devoir actuel est de me f�liciter des hardiesses auxquelles je me suis cependant laiss� emporter alors et depuis; hardiesses qu'on m'a tant reproch�es, et qui eussent �t� plus grandes encore si j'avais su combien elles �taient l�gitimes, honn�tes et sacr�es.

{ML61 14} Aujourd'hui donc que je viens de relire le premier roman de ma jeunesse avec autant de s�v�rit� et de d�tachement que si c'�tait l'œuvre d'un autre, au moment de le livrer � une publicit� que l'�dition populaire ne lui a pas encore donn�e, r�solu d'avance, non pas � me r�tracter (on ne doit jamais r�tracter ce qui a �t� fait et dit de bonne foi), mais � me condamner si j'eusse reconnu mon ancienne tendance erron�e ou dangereuse, je me suis trouv� tellement d'accord avec moi-m�me dans le sentiment qui me dicta Indiana, et qui me le dicterait encore si j'avais � raconter cette histoire aujourd'hui pour la premi�re fois, que je n'ai voulu y rien changer, sauf quelques phrases incorrectes et quelques mots impropres. Sans doute, il en reste encore beaucoup, et le m�rite litt�raire de mes �crits, {Perr 11} je le soumets enti�rement aux le�ons de la critique; je lui reconnais � cet �gard toute la comp�tence qui me manque. Qu'il y ait aujourd'hui dans la presse quotidienne une incontestable masse de talent, je ne le nie pas, et j'aime � le reconna�tre. Mais qu'il y ait dans cet ordre d'�l�gans �crivains beaucoup de philosophes et de moralistes, je le nie positivement, n'en d�plaise � ceux qui m'ont condamn�, et qui me condamneront encore � la premi�re occasion, du haut de leur morale et de leur philosophie.

Ainsi, je le r�p�te, j'ai �crit Indiana, et j'ai d� l'�crire; j'ai c�d� � un instinct puissant de plainte et de reproche que Dieu avait mis en moi, Dieu qui ne fait rien d'inutile, pas m�me les plus ch�tifs �tres, et qui intervient dans les plus petites causes aussi bien que dans les grandes. Mais quoi! celle que je d�fendais est-elle donc si petite? C'est celle de la moiti� du genre humain, c'est celle du genre humain tout entier; car le malheur de la femme entra�ne celui de l'homme, comme celui de {ML61 15} l'esclave entra�ne celui du ma�tre, et j'ai cherch� � le montrer dans Indiana. On a dit que c'�tait une cause individuelle que je plaidais; comme si, � supposer qu'un sentiment personnel m'e�t anim�, j'eusse �t� le seul �tre infortun� dans cette humanit� paisible et radieuse! Assez de cris de douleur et de sympathie ont r�pondu au mien pour que je sache maintenant � quoi m'en tenir sur la supr�me f�licit� d'autrui.

Je ne crois pas avoir jamais rien �crit sous l'influence d'une passion �go�ste; je n'ai m�me jamais song� � m'en d�fendre. Ceux qui m'ont lu sans pr�vention comprennent que j'ai �crit Indiana avec le sentiment non raisonn�, il est vrai, mais profond et l�gitime, de l'injustice et de la barbarie des lois qui r�gissent encore l'existence de la femme dans le mariage, dans la famille et la soci�t�. Je n'avais point � faire un trait� de jurisprudence, mais � guerroyer contre l'opinion ; car c'est elle qui retarde ou pr�pare les am�liorations sociales. La guerre sera longue et rude; mais je ne suis ni le premier, ni le seul, ni le dernier champion {Perr 12} d'une si belle cause c, et je la d�fendrai tant qu'il me restera un souffle de vie.

Ce sentiment qui m'animait au commencement, je l'ai donc raisonn� et d�velopp� � mesure qu'on l'a combattu et bl�m� en moi. Des critiques injustes ou malveillantes m'en ont appris plus long que ne m'en e�t fait d�couvrir le calme de l'impunit�. Sous ce rapport, je rends donc gr�ce aux juges maladroits qui m'ont �clair�. Les motifs de leurs arr�ts ont jet� dans ma pens�e une vive lumi�re, et fait passer dans ma conscience une profonde s�curit�. Un esprit sinc�re fait son profit de tout, et ce qui d�couragerait la vanit� redouble l'ardeur du d�vouement.

Qu'on ne voie pas dans les reproches que, du fond d'un cœur aujourd'hui s�rieux et calme, je viens d'adresser � {ML61 16} la plupart des journalistes de mon temps, une protestation quelconque contre le droit de contr�le dont la moralit� publique investit la presse fran�aise. Que la critique remplisse souvent mal et comprenne mal encore sa mission dans la soci�t� actuelle, ceci est �vident pour tout le monde; mais que la mission en elle-m�me soit providentielle et sacr�e, nul ne peut le nier, � moins d'�tre ath�e en fait de progr�s, � moins d'�tre l'ennemi de la v�rit�, le blasph�mateur de l'avenir, et l'indigne enfant de la France. Libert� de la pens�e, libert� d'�crire et de parler, sainte conqu�te de l'esprit humain! que sont les petites souffrances et les soucis �ph�m�res engendr�s par tes erreurs ou tes abus, au prix des bienfaits infinis que tu pr�pares au monde?


Variantes

  1. PRÉFACE / DE [...] {ML61}Pierre Salomon a publi� dans l'�dition des Classiques Garnier le texte du manuscrit conserv� dans la collection Spoelbrech de Lovenjoul sous la cote E830, folios 42 � 45. Nous donnons ce texte en entier tel que Pierre Salomon l'a publi�. Les passages ratur�s sont mis entre crochets avec la mention "1�re [2�me ...] r�daction, ray�", �ventuellement s�par�es par le signe "♦[?]/".

    Si j'ai laiss� subsister [la pr�face 1�re r�daction, ray�] les pages qu'on vient de lire, ce n'est pas [qu'elle exprime 1�re r�daction, ray�] qu'elles soient l'expression compl�te et lucide de [mes opinions et de mes principes d'aujourdh'hui 1�re r�daction, ray�] de la croyance � laquelle je suis arriv� aujourd'hui relativement au droit de la soci�t� sur les individus : c'est seulement parce que je regarde les opinions �mises librement dans le pass� comme quelque chose de sacr� [qu'on ne doit 1�re r�daction, ray�] que nous ne devons ni reprendre, ni pallier, ni interpr�ter � notre guise. [Je l'ai dit dans la pr�face d'une seconde �dition de L�lia : 1�re r�daction, ray�] Mais aujourd'hui qu'en marchant dans la vie, je vois [des horizons nouveaux 1�re r�daction, ray�] les horizons s'�largir autour de moi, je crois devoir dire au lecteur le jugement actuel de l'auteur sur son œuvre. /
    Lorsque j'�crivis le roman d'Indiana, j'�tais encore jeune, j'ob�issais � des sentiments pleins de force et de sinc�rit� qui d�bord�rent dans une s�rie de romans qu'on a tous incrimin�s de pplus en plus comme portant d'isolentes atteintes au lien sacr� du mariage. Indiana, malgr� [la tristesse 1�re r�daction, ray�] le peu d'ampleur des aper�us et la na�vet� des [r�flexions 1�re r�daction, ray�] incertitudes, n'�chappa point � cette indignation de plusieurs esprits soi-disant s�rieux, que j'�tais fort dispos� � croire sur parole et � �couter docilement. Mais quoique ma raison f�t � peine suffisamment d�velopp�e � cette �poque pour �crire sur une donn�e aussi s�rieuse, quoique j'y portasse l'ardeur d'une franchise courageuse [plus que 1�re r�daction, ray�] et non la science d'un esprit m�r, je n'�tais pas assez enfant pour ne pas comprendre, raisonner et juger � mon tour la r�primande et l'arr�t de mes juges. Quelque simple que soit un accus�, quelque habile que soit un magistrat, cet accus� a bien assez de sa conscience pour savoir si la sentence de ce magistrat est �quitable ou perverse, sage ou absurde. Les journalistes qui s'�rigent de nos jours en arbitres de la morale publique, Dieu sait en vertu de quelle mission et au nom de quelle foi, se prononc�rent avec s�v�rit� contre les tendances de mon pauvre conte et lui donn�rent, en le pr�sentant comme un plaidoyer contre l'ordre social, plus d'importance que je ne m'y �tais attendu. C'�tait investir d'un r�le bien grave et bien lourd un enfant � peine initi� aux premi�res id�es sociales et qui n'avait pour tout bagage litt�raire et philosophique qu'un peu d'imagination, du courage et l'amour de la justice. Le p�dantisme farouche de quelques critiques et l'indulgente sympathie de quelques autres firent impression sur cet auteur d'un jour, qui s'�tait flatt� de passer inapper�u. Sensible au reproche et presque reconnaissant des le�ons qu'on se donnait la peine de lui donner, il examina les r�quisitoires qui traduisaient devant l'opinion publique la moralit� de ses pens�es et gr�ce � cet examen o� il a port� plus de conscience que d'orgueil, il a [vieilli plus vite que 1�re r�daction, ray�] peu � peu acquis des convictions qui n'�taient encore que des [�motions 1�re r�daction, ray� ♦ �lans 2�me r�daction, ray�] sentimens au d�but de sa carri�re et qui sont aujourd'hui sont des principes. /
    Pendant dix ann�es de recherches, de scrupules et d'irr�solutions souvent douloureuses, mais toujours sinc�res, fuyant le r�le de p�dagogue que lui attribuaient les uns pour le rendre ridicule, d�testant l'imputation de l�g�ret� et de col�re dont l'affublaient les autres pour le rendre odieux, proc�dant [comme font les RAYE1] suivant ses facult�s par l'analyse de la vie pour remonter � [une 1�re r�daction, ray�] la synth�se comme font les [esprits 1�re r�daction, ray� ♦ organisations 2�me r�daction, ray�] plus artistes que philosophes, il a racont� des faits qu'on a reconnus vraisemblables et peint des caract�res qu'on lui a accord� d'avoir �tudi� avec soin. Il s'est born� � ce travail, cherchant � �tablir sa conviction avant de chercher � �branler celle des autres et longtems apr�s avoir �crit en toute sinc�rit� la pr�face d'Indiana sous l'empire d'une sorte de respect envers la soci�t�, il cherchait encore ing�nuement � r�soudre cet insoluble probl�me de concilier le bonheur et la dignit� des individus avec l'organisation de la soci�t� pr�sente. De l� des contradictions apparentes et des fluctuations o� sa conscience ob�issait tour � tour � une raison timide et born�e et � un cœur ardemment �pris de la recherche du vrai et de la soif du juste. /
    Initier le public � ces luttes int�rieures par une suite de pr�faces et de discussions e�t �t� une t�che pu�rile, o� la vanit� de parler de soi e�t pris plus de place peut-�tre que l'int�r�t de la v�rit�. J'ai d� m'en abstenir et continuer tranquilement ma t�che de romancier au milieu d'attaques et de louanges �galement exag�r�es et partiales, m'abstenant de toucher aux points rest�s obscurs dans mon intelligence, [et consultant mon cœur 1�re r�daction, ray�] donnant des formes au d�veloppement des [principes 1�re r�daction, ray�] pasles [?] certitudes que je m'�tais conquises [et laissant dire ces interpr�tes oisifs et curieux de ma pens�e secrette 1�re r�daction, ray�] me laissant interpr�ter � la guise de tous ces jeunes [�cri 1�re r�daction, ray�] critiques oisifs et curieux qui feraient bien mieux de [nous dire ce 1�re r�daction, ray�] nous instruire en nous disant [leur croyance 1�re r�daction, ray� ♦ ce qu'ils croyent 2�me r�daction, ray�] ce qu'ils pensent que de nous bl�ser [?] sur leur [?] action en nous faisant dire ce que nous ne pensons pas. /
    Apr�s ces dix ann�es de noviciat, initi� enfin � des id�es plus larges que j'ai puis�es non en moi, mais dans les progr�s de justice et de raison qui se sont [faits 1�re r�daction, ray� ♦ accomplis 2�me r�daction, ray�] continu�s autour de moi, en particulier dans quelques vastes intelligences que j'ai interrog�es religieusement et en g�n�ral dans le g�n�reux foyer populaire o� j'ai trouv� plus de droiture et de jeunesse que dans les autres classes, j'ai enfin compris que si j'avais bien fait de douter de moi et d'h�siter � me prononcer � l'�poque d'ignorance et d'inexp�rience o� j'�crivais Indiana, mon devoir actuel [�tait 1�re r�daction, ray�] est de me f�liciter des hardiesses auxquelles je me suis livr� alors et depuis, hardiesses qu'on m'a tant reproch�es et qui eussent �t� plus grandes encore, si j'avais su combien elles �taient l�gitimes, honn�tes et sacr�es. /
    Aujourd'hui [enfin 1�re r�daction, ray�] donc que je viens de relire ce premier roman [con�u ray�] de ma jeunesse avec autant de s�v�rit� et de d�tachement que si c'�tait l'œuvre d'un autre, au moment de le livrer � une publicit� que l'�dition populaire ne lui a pas encore donn�e, r�solu d'avance non pas � me r�tracter (on ne peut r�tracter ce qui a �t� fait et dit de bonne foi), mais � me condamner si j'eusse [trouv� 1�re r�daction, ray�] reconnu ma pens�e d'alors erron�e ou dangereuse, je me suis trouv� tellement d'accord avec moi-m�me dans [l'expressi 1�re r�daction, ray�] le sentiment qui dicta Indiana et qui me le dicterait encore si j'avais � raconter cette histoire pour la premi�re fois, que je n'ai voulu y rien changer, sauf quelques phrases peu correctes et quelques expressions impropres. Sans doute il en reste encore beaucoup, mais la partie litt�raire de mes �crits, je l'abandonne � la critique. Je lui reconnais � cet �gard toute la comp�tence possible. Qu'il y ait aujourd'hui dans la presse quotidienne une foule de talens incontestables (et les plus jeunes, les plus obscurs ne sont pas toujours les plus faibles), j'aime � le reconna�tre. C'est une gloire pour mon si�cle et pour mon pays. Mais qu'il y ait dans la presse quotidienne beaucoup de philosophes et de moralistes, je le nie positivement, n'en d�plaise � ceux qui m'ont condamn�, et qui me condamneront encore � la premi�re occasion. /
    Ainsi, je le r�p�te, j'ai �crit Indiana et j'ai d� l'�crire. Je ne l'ai pas fait, comme on l'a dit, sous l'empire d'un ressentiment personnel. Je n'ai jamais rien �crit sous l'empire d'une mauvaise passion. Ceux qui me connaissent le savent, ceux qui me lisent de bonne foi le sentent. Je l'ai �crit avec le sentiment non raisonn�, il est vrai, mais profond et l�gitime de l'injustice des lois qui pr�sident au sort de la femme dans la famille, dans la soci�t�, dans le mariage. Ce sentiment, je l'ai raisonn� et d�velopp� � mesure qu'on l'a bl�m� et condamn� en moi. Des critiques l�g�res, absurdes ou hypocrites m�me, m'en ont appris plus long que ne je n'en aurais d�couvert dans le calme de l'impunit�. Sous ce rapport, j'ai une grande reconnaissance [envers ces petits ennuis 1�re r�daction, ray� ♦ envers mes d�tracteurs 2�me r�daction, ray� ♦ pers�cuteur 3�me r�daction, ray�] pour ces juges maladroits. Les motifs de leurs arr�ts ont jet� dans ma pens�e une vive lumi�re [et m'on initi� aux myst�rieuses intentions de cette conservation du pass� 1�re r�daction, ray�] et dans ma conscience une bienfaisante s�curit�. Un esprit sinc�re fait son profit de tout et ce qui d�couragerait la vanit� redouble l'ardeur du d�vouement.
  2. tent�e {RoDu}, {Goss} ♦ tent� {Perr} ♦ tent�e {Hetz} et sq.
  3. une si belle cause {RoDu}, {Goss} ♦ une aussi belle cause {Perr}, {Hetz}♦ une si belle cause {MLevy} et sq.