GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{LP T.? ?; CL T.4 [147]; Lub T.2 [171]} CINQUIÈME PARTIE
Vie litt�raire et intime
1832-1850

{Presse 19/7/1855 1; CL T.4 [290]; Lub T.2 [293]} VII a

Je reprends mon r�cit. — J'arrive � dire des choses fort d�licates, et je les dis expr�s sans d�licatesse, les trouvant ainsi plus chastement dites. — Opinion de mon ami Dutheil sur le mariage. — Mon opinion sur l'amour. — Marion Delorme. — Deux femmes de Balzac. — L'orgueil de la femme. — L'orgueil humain en g�n�ral. — Les Lettres d'un voyageur: mon plan au d�but. — Comme quoi le voyageur �tait moi, et comme quoi il n'�tait pas moi. — Maladies physiques et morales agissant les unes sur les autres. — Personnalit� de la jeunesse. — D�tachement de l'�ge m�r. — L'orgueil religieux. — Mon ignorance me d�sole encore. — Si je pouvais me reposer et m'instruire! — J'aime, donc je crois. — L'orgueil catholique, l'humilit� chr�tienne. — Encore Leibnitz. — Pourquoi mes livres ont des endroits ennuyeux. — Horizon nouveau. — All�es et venues. — Solange et Maurice. — Planet. — Projets de d�part et dispositions testamentaires. — M. de Persigny. — Michel (de Bourges).



J'ai dit pr�c�demment qu'apr�s mon retour d'Italie, 1834, j'avais �prouv� un grand bonheur � retrouver mes enfants, mes amis, ma maison; mais ce bonheur fut court. Mes enfants ni ma maison ne m'appartenaient, moralement parlant. Nous n'�tions pas d'accord, mon mari et moi, sur la gouverne de ces humbles tr�sors. b Maurice ne recevait pas, au coll�ge, l'�ducation conforme � ses instincts, � ses facult�s, � sa sant�. Le foyer domestique subissait des influences tout � fait anormales et dangereuses. C'�tait ma faute, je l'ai dit, mais ma faute fatalement, et sans que je pusse trouver dans ma volont�, ennemie des luttes journali�res et des querelles de m�nage, la force de dominer la situation.

Un de mes amis, Dutheil, qui e�t voulu rendre possible la dur�e de cette situation, me disait que je pouvais m'en {CL 291} rendre ma�tresse en devenant la ma�tresse de mon {Lub 294} mari. Cela ne pouvait me convenir en aucune fa�on. Les rapprochements sans amour sont quelque chose d'ignoble � envisager. Une femme qui recherche son mari c dans le but de s'emparer de sa volont� fait quelque chose d'analogue � ce que font les prostitu�es pour avoir du pain et les courtisanes pour avoir du luxe. Ce sont de telles r�conciliations qui font d'un �poux un jouet m�prisable et une dupe ridicule.

Dutheil, en discutant contre moi, �levait la question autant que possible, et, bien qu'il f�t souvent cynique en paroles, il avait trop d'intelligence pour ne pas comprendre qu'avec moi il fallait id�aliser le but. Il invoquait donc mon amour pour mes enfants et l'int�r�t de leur avenir.

À cette consid�ration sacr�e, je ne pouvais opposer qu'un instinct de r�pugnance, mais un instinct si profond, si absolu, que je dus r�fl�chir, pour me rendre compte de la valeur que je devais lui accorder dans ma conscience.

Une r�pugnance physique serait commun�ment accept�e comme une excuse suffisante; je ne la trouverais pas suffisante, moi. Le devoir fait surmonter ces r�pugnances-l�. On touche � des plaies infectes pour soulager un malade, m�me un malade que l'on n'aime pas et que l'on ne conna�t pas.

D'ailleurs mon mari ne m'inspirait aucun d�go�t instinctif, il ne m'inspirait d pas non plus d'aversion morale. Je ne demandais qu'� l'aimer fraternellement comme je m'y �tais sentie dispos�e en recevant la premi�re offre de notre association.

Mais quand une fille chaste se d�cide au mariage, elle ne sait pas du tout en quoi consiste le mariage et peut prendre pour l'amour tout ce qui n'est pas l'amour. À trente ans, une femme ne peut plus se faire de vagues illusions, et, pour peu qu'elle ait de cœur et d'intelligence, {CL 292} elle sait le prix, je ne dis pas de sa personne, la personne pourrait se r�signer � �tre humble si elle pouvait se donner seule, comme une chose, mais de son �tre complet et indivisible.

Voil� ce que je n'aurais pu faire comprendre � mon mari, dont les id�es �taient autres, mais ce que je fis comprendre � Dutheil dont le cerveau e arrivait ais�ment � la compr�hension de ce qu'il traitait, dans la pratique, de raffinement et de subtilit�s romanesques f.

{Lub 295} « L'amour n'est pas un calcul de pure volont�, g lui disais-je. Les mariages de raison sont une erreur o� l'on tombe, ou un mensonge qu'on se fait � soi-m�me. Nous h ne sommes pas seulement corps, ou seulement esprit; nous sommes corps et esprit tout ensemble. L� o� l'un de ces agents de la vie ne participe pas, il n'y a pas d'amour vrai.

» Si le corps a des fonctions dont l'�me n'a point � se m�ler, comme de manger et de dig�rer*, l'union de deux �tres dans l'amour peut-il s'assimiler � ces fonctions-l�? La seule pens�e en est r�voltante. Dieu, qui a mis le plaisir et la volupt� dans les embrassements de toutes les cr�atures, m�me dans ceux des plantes, n'a-t-il pas donn� le discernement � ces cr�atures en proportion de leur degr� de perfectionnement dans l'�chelle des �tres? L'homme �tant le plus �lev�, le plus complet de tous, n'a-t-il pas le sentiment ou le r�ve de cette union n�cessaire du sens physique et du sens intellectuel et moral, dans la possession ou dans l'aspiration de ses jouissances? »

* Et encore les vrais gourmands jouissent par l'imagination plus que par le sens, disent-ils.

Je disais l�, j'esp�re, un lieu commun des mieux conditionn�s. Et pourtant cette v�rit� incontestable est si peu observ�e dans la pratique, que les cr�atures humaines s'approchent {CL 293} et que les enfants des hommes naissent par milliers sans que l'amour, le v�ritable amour, ait pr�sid� une fois sur mille � ces actes sacr�s de la reproduction.

Le genre humain se perp�tue quand m�me, et s'il n'y �tait jamais convi� que par l'amour vrai, il faudrait peut-�tre, pour arr�ter la d�population, revenir aux �tranges id�es du mar�chal de Saxe sur le mariage. Mais il n'en est pas moins vrai que le voeu de la providence, je dirai m�me la loi divine, sont transgress�s chaque fois qu'un homme et une femme unissent leurs l�vres sans unir leurs cœurs et leurs intelligences. Si l'esp�ce humaine est encore si loin du but o� la beaut� de ses facult�s peut aspirer, en voil� une des causes les plus g�n�rales et les plus funestes.

On dit en riant qu'il n'est pas si difficile de procr�er: il ne faut que se mettre deux. — Eh bien, non, il faut {Lub 296} �tre trois: un homme, une femme, et Dieu en eux. Si la pens�e de Dieu est �trang�re � leur extase, ils feront bien un enfant, mais ils ne feront pas un homme. L'homme complet ne sortira jamais que de l'amour complet. Deux corps peuvent s'associer pour produire un corps, mais la pens�e peut seule donner la vie � la pens�e. Aussi que sommes-nous? Des hommes qui aspirent � �tre hommes, et rien de plus jusqu'� pr�sent; des �tres passifs, incapables et indignes de la libert� et de l'�galit�, parce que, pour la plupart, nous sommes n�s d'un acte passif et aveugle de la volont�.

Et encore fais-je ici trop d'honneur � cet acte en l'appelant acte de volont�. L� o� le cœur et l'esprit ne se manifestent pas, il n'y a pas de volont� v�ritable. L'amour est l� un acte de servage que subissent deux �tres esclaves de la mati�re. « Heureusement, me r�pondait Dutheil, le genre humain n'a pas besoin de ces sublimes aspirations pour trouver ses fonctions g�n�ratrices agr�ables et faciles; » — moi, je disais malheureusement.

{CL 294} Et quoi qu'il en soit, ajoutais-je, quand une cr�ature humaine, qu'elle soit homme ou femme, s'est �lev�e � la compr�hension de l'amour complet, il ne lui est plus possible, et disons mieux, il ne lui est plus permis de revenir sur ses pas et de faire acte de pure animalit�. Quelle que soit l'intention, quel que soit le but, sa conscience doit dire non, quand m�me son app�tit dirait oui. Et si l'un et l'autre se trouvent parfaitement d'accord en toute occasion pour dire ensemble oui ou non, comment douter de la force religieuse de cette protestation int�rieure?

Si vous faites intervenir les consid�rations de pure utilit�, ces int�r�ts de la famille o� l'�go�sme se pare quelquefois du nom de morale, vous tournerez autour du vrai sans l'entamer. Vous aurez beau dire que vous sacrifiez, non � une tentation de la chair, mais � un principe de vertu, vous ne ferez pas fl�chir la loi de Dieu � ce principe purement humain. L'homme commet � toute heure, sur la terre, un sacril�ge qu'il ne comprend pas, et dont la divine sagesse peut l'absoudre en vue de son ignorance: mais elle n'absoudra pas de m�me celui qui a compris l'id�al et qui le foule aux pieds. Il n'y a pas, au pouvoir de l'homme, de raison personnelle ou sociale assez forte pour l'autoriser � transgresser une {Lub 297} loi divine, quand cette loi a �t� clairement r�v�l�e � sa raison, � son sentiment, � ses sens m�me.

Quand Marion Delorme, dans le drame de Victor Hugo, se livre i � Laffemas, qu'elle abhorre, pour sauver la vie de son amant, la sublimit� de son d�vouement n'est qu'une sublimit� relative. Le po�te a fort bien compris qu'une courtisane seule, c'est-�-dire une femme habitu�e, dans le pass�, � faire bon march� d'elle-m�me, pouvait accepter par amour la derni�re des souillures. Mais quand Balzac, dans la Cousine Bette, nous montre une femme pure et respectable s'offir, en tremblant, � un ignoble s�ducteur pour {CL 295} sauver sa famille de la ruine, il trace avec un art infini une situation possible; mais ce n'en est pas moins une situation odieuse, o� l'h�ro�ne perd toutes nos sympathies. Pourquoi Marion Delorme les garde-t-elle, en d�pit de son abaissement? C'est parce qu'elle ne comprend pas ce qu'elle fait; c'est parce qu'elle n'a pas, comme l'�pouse l�gitime et la m�re de famille, la conscience du crime qu'elle commet.

Balzac, qui cherchait et osait tout, a �t� plus loin: il nous a montr�, dans un autre roman, une femme provoquant et s�duisant son mari qu'elle n'aime pas, pour le pr�server des pi�ges d'une autre femme. Il s'est efforc� de relever la honte de cette action, en donnant � cette h�ro�ne une fille dont elle veut conserver la fortune. Ainsi, c'est l'amour maternel surtout qui la pousse � tromper son mari par quelque chose de pire peut-�tre qu'une infid�lit�, par un mensonge de la bouche, du cœur et des sens.

Je n'ai pas cach� � Balzac que cette histoire, dont il disait le fond r�el, me r�voltait au point de me rendre insensible au talent qu'il avait d�ploy� en la racontant. Je la trouvais immorale sans me g�ner, moi � qui l'on reprochait d'avoir fait des livres immoraux.

Et, � mesure que j'ai interrog� mon cœur, ma conscience et ma religion, je suis devenue encore plus rigide dans ma mani�re de voir. Non-seulement je regarde comme un p�ch� mortel j (il me pla�t de me servir de ce mot, qui exprime bien ma pens�e, parce qu'il dit que certaines fautes tuent notre �me); je regarde comme un p�ch� mortel non-seulement le mensonge des sens dans l'amour, mais encore l'illusion que les sens chercheraient � se faire dans les amours incomplets. Je dis, je crois, qu'il faut aimer avec tout son �tre, ou vivre, quoi {Lub 298} qu'il arrive, dans une compl�te chastet�. Les hommes n'en feront rien, je le sais; mais les femmes, qui sont aid�es par la pudeur et par l'opinion k, peuvent fort bien, quelle que soit leur situation dans la vie, accepter {CL 296} cette doctrine quand elles sentent qu'elles valent la peine de l'observer.

Pour celles qui n'ont pas le moindre orgueil, je ne saurais rien trouver � leur dire.

Ce mot d'orgueil, dont je me suis servie beaucoup � cette �poque en �crivant, me revient maintenant avec sa v�ritable signification. J'oublie si parfaitement ce que j'�cris, et j'ai tant de r�pugnance � me relire, qu'il m'a fallu recevoir ces {Presse 19/7/1855 2} jours-ci une lettre o� quelqu'un se donnait la peine de me transcrire une foule d'aphorismes de ma fa�on, tir�s des Lettres d'un voyageur, en m'adressant, � ce sujet, une foule de questions, pour me d�cider � prendre connaissance de mon livre, que j'avais fort oubli� l, selon ma coutume.

Je viens donc de relire les Lettres d'un voyageur de septembre 1834 et de janvier 1835, et j'y retrouve le plan d'un ouvrage que je m'�tais promis de continuer toute ma vie. Je regrette beaucoup de ne l'avoir pas fait. Voici quel �tait ce plan, suivi au d�but de la s�rie, mais dont je me suis �cart�e en continuant, et que je semble avoir tout � fait perdu de vue � la fin. Cet abandon apparent vient surtout de ce que j'ai r�uni sous le m�me titre de Lettres d'un voyageur diverses lettres ou s�ries de lettres qui ne rentraient pas dans l'intention et la mani�re des premi�res.

Cette intention et cette mani�re consistaient, dans ma pens�e primitive, � rendre compte des dispositions successives de mon esprit d'une fa�on na�ve et arrang�e en m�me temps. Je m'explique, pour ceux qui ne se souviennent pas de ces lettres, ou qui ne les connaissent pas, car pour qui les conna�t l'explication est inutile.

Je sentais beaucoup de choses � dire, et je voulais les dire � moi et aux autres. Mon individualit� �tait en train de se faire; je la croyais finie, bien qu'elle e�t � peine commenc� � se dessiner � mes propres yeux, et, malgr� cette {CL 297} lassitude qu'elle m'inspirait d�j�, j'en �tais si vivement pr�occup�e, que j'avais besoin de l'examiner et de la tourmenter, pour ainsi dire, comme un m�tal en fusion jet� par moi dans un moule.

{Lub 299} Mais comme je sentais d�s lors qu'une individualit� isol�e n'a pas le droit de se d�clarer sans avoir � son service quelque bonne conclusion utile pour les autres, et que je n'avais pas du tout cette conclusion, je voulais g�n�raliser mon propre personnage en le modifiant. Moi qui n'avais encore que trente ans et qui n'avais gu�re v�cu que d'une vie int�rieure; moi qui n'avais fait que jeter un regard effray� sur les ab�mes des passions et les probl�mes de la vie; moi enfin qui n'en �tais encore qu'au vertige des premi�res d�couvertes, je ne me sentais r�ellement pas le droit de parler de moi tout � fait r�ellement. Cela e�t donn� trop peu de port�e � mes r�flexions sur les id�es g�n�rales, trop d'affirmation � mes plaintes particuli�res. Il m'�tait bien permis de philosopher � ma mani�re sur les peines de la vie et d'en parler comme si j'en avais �puis� la coupe, mais non pas de me poser, moi femme, jeune encore, et m�me encore tr�s-enfant � beaucoup d'�gards, comme un penseur �prouv� ou comme une victime particuli�re de la destin�e. D�crire mon moi r�el e�t �t� d'ailleurs une occupation trop froide pour mon esprit exalt�. Je cr�ai donc, au hasard de la plume, et me laissant aller � toute fantaisie, un moi fantastique tr�s-vieux, tr�s-exp�riment� et partant tr�s-d�sesp�r�.

Ce troisi�me �tat de mon moi suppos�, le d�sespoir, �tait le seul vrai, et je pouvais, en me laissant aller � mes id�es noires, me placer dans la situation du vieil oncle, du vieux voyageur que je faisais parler. Quant au cadre o� je le faisais mouvoir, je n'en pouvais trouver de meilleur que le milieu o� j'existais, puisque c'�tait l'impression de ce milieu sur moi-m�me que je voulais raconter et d�crire.

{CL 298} En un mot, je voulais faire le propre roman de ma vie et n'en �tre pas le personnage r�el, mais le personnage pensant et analysant. Et encore, tout en �tant ce personnage, je voulais �tendre son point de vue � une exp�rience de malheur que je n'avais pas, que je ne pouvais pas avoir.

Je pr�vis bien que la fiction n'emp�cherait pas le public de vouloir chercher � d�finir mon moi r�el � travers le masque du vieillard. Il en fut ainsi pour quelques lecteurs; et un avocat trop intelligent voulut, dans mon proc�s en s�paration, me rendre responsable, en {Lub 300} tant que partie adverse, de tout ce que j'avais fait dire au voyageur. Du moment que je parlais � la premi�re personne, cela lui suffisait pour m'accuser de tout ce dont le pauvre voyageur s'accuse, � un point de vue po�tique et m�taphorique. J'avais des vices, j'avais commis des crimes, n'�tait-ce pas �vident? Le voyageur, le vieil oncle, ne pr�sentait-il point sa vie pass�e comme un ab�me d'enivrements, et sa vie pr�sente comme un ab�me de remords? En v�rit�, si j'avais pu, en moins de quatre ans, car il n'y avait pas quatre ans m que j'avais quitt� le bercail o� la rigidit� de ma vie avait �t� facile � constater; si j'avais pu en si peu d'ann�es acqu�rir toute l'exp�rience du bien et du mal que s'attribuait mon voyageur, je serais un �tre fort extraordinaire, et, en tout cas, je n'aurais pas v�cu au fond d'une mansarde comme je l'avais fait, entour�e de cinq ou six personnes d'humeur grave ou po�tique comme la mienne.

Mais peu importe ce qui me fut imput� comme personnel et r�el dans les Lettres d'un oncle, car c'est sous ce titre que parut d'abord le sixi�me num�ro des Lettres n d'un voyageur, et c'est sous ce titre que je m'�tais promis de continuer dans la m�me donn�e. C'e�t �t� o, je crois, un bon livre, je ne dis pas beau, mais int�ressant et vivant, plus utile par cons�quent que les romans o� notre personnalit�, � {CL 299} force de se diss�miner dans des types divers et de s'�garer dans des situations fictives, arrive � dispara�tre pour nous-m�mes.

Je reviendrai sur les autres lettres de ce recueil; je ne m'occupe ici que du num�ro p que je viens de citer, et je dois dire que sous cette fiction-l� il y avait une r�alit� bien profonde pour moi, le d�go�t de la vie. On a vu que c'�tait un vieux mal chronique, �prouv� et combattu d�s ma premi�re jeunesse, oubli� et repris comme un f�cheux compagnon de voyage qu'on croit avoir laiss� loin derri�re soi, et qui tout � coup revient se tra�ner sur vos talons. Je cherchais le secret de cette tristesse, qui ne m'avait pas quitt�e � Venise et qui me reprenait plus am�re au retour, dans des faits ext�rieurs, dans des causes imm�diates, et elle n'y �tait r�ellement pas. Je dramatisais de bonne foi ces causes, et j'en exag�rais non le sentiment, il �tait poignant dans mon cœur, mais l'importance absolue. Pour avoir �t� d��ue dans quelques illusions, je faisais le proc�s � toutes mes {Lub 301} croyances; pour avoir perdu le calme et la confiance de mes pens�es d'autrefois, je me persuadais ne pouvoir plus vivre.

La vraie cause, je la vois tr�s-clairement aujourd'hui. Elle �tait physique et morale, comme toutes les causes de la souffrance humaine, o� l'�me n'est pas longtemps malade sans que le corps s'en ressente et r�ciproquement. Le corps souffrait d'un commencement d'h�patite qui s'est manifest�e clairement plus tard et qui a pu �tre combattue � temps. Je la combats encore, car l'ennemi est en moi et se fait sentir au moment o� je le crois endormi. Je crois que ce mal est proprement le spleen des anglais, caus� par un engorgement du foie. J'en avais le germe ou la pr�disposition sans le savoir; ma m�re l'avait et en est morte. Je dois en mourir comme elle, et nous devons tous mourir de quelque mal que l'on porte en soi-m�me, � l'�tat latent, {CL 300} d�s l'heure de sa naissance. Toute organisation, si heureuse qu'elle soit, est pourvue de sa cause de destruction, soit physique et devant agir sur le syst�me moral et intellectuel, soit morale et devant agir sur les fonctions de l'organisme.

Que ce soit la bile qui m'ait rendue m�lancolique, ou la m�lancolie qui m'ait rendue bilieuse (ceci r�soudrait un grand probl�me m�taphysique et physiologique: je ne m'en charge pas), il est certain que les vives douleurs au foie ont pour sympt�mes, chez tous ceux qui y sont sujets, une tristesse profonde et l'envie de mourir. Depuis cette premi�re invasion de mon mal, j'ai eu des ann�es heureuses, et lorsqu'il revenait me saisir, bien que je fusse dans des conditions favorables � l'amour de la vie, je me sentais tout � coup prise du d�sir de l'�ternel repos.

Mais si le mal physique est fallacieux dans ses effets sur l'�me, l'�me r�agit, je ne dirai pas par sa volont� imm�diate, qui est souvent paralys�e par ce mal m�me, mais par sa disposition g�n�rale et par ses croyances acquises. Depuis que je n'ai plus ces doutes amers o� la pens�e dangereuse du n�ant arrive � �tre une volupt� irr�sistible, depuis que cet �ternel repos dont je parlais tout � l'heure m'est d�montr� illusoire, depuis enfin que je crois � une �ternelle activit� au del� de cette vie, la pens�e du suicide n'est plus que passag�re et facilement vaincue par la r�flexion. Et, quant aux noires illusions {Lub 302} du malheur en ce monde, produites par l'h�patite, je ne saurais plus les prendre au s�rieux comme au temps o� j'ignorais que la cause �tait en moi-m�me. Je les subis encore, mais non pas d'une mani�re aussi compl�te que par le pass�. Je me d�bats pour �carter ces voiles qui tombent comme de lourds orages sur l'imagination. On est alors dans la disposition singuli�re o� nous jettent quelquefois les songes, quand on se dit, au milieu d'apparitions d�sagr�ables, qu'on sait fort {CL 301} bien �tre endormi, et que l'on s'agite dans son lit pour se r�veiller.

Quant � la cause morale ind�pendante de la cause physique, je l'ai dite, je la dirai encore, car j'�cris pour ceux qui souffrent comme j'ai souffert, et je ne saurais trop m'expliquer sur ce point.

Je q vivais trop en moi-m�me, par moi-m�me et pour moi-m�me. Je ne me savais pas �go�ste, je ne croyais pas l'�tre, et si je ne l'�tais pas dans le sens �troit, avare et poltron du mot, je l'�tais dans mes id�es, dans ma philosophie. Cela est bien visible dans les Lettres d'un voyageur r. On y sent la personnalit� ardente de la jeunesse, inqui�te, tenace, ombrageuse, orgueilleuse en un mot.

Oui, orgueilleuse, je l'�tais, et je le fus encore longtemps apr�s. J'eus raison de l'�tre en bien des occasions, car cette estime de moi-m�me n'�tait pas de la vanit�. J'ai quelque bon sens, et la vanit� est une folie qui me fait toujours peur � voir. Ce n'�tait pas moi-m�me, � l'�tat de personne, que je voulais aimer et respecter. C'�tait moi-m�me � l'�tat de cr�ature humaine, c'est-�-dire d'œuvre divine, pareille aux autres, mais ne voulant pas me laisser moralement d�t�riorer par ceux qui niaient et raillaient leur propre divinit�.

Cet orgueil-l�, je l'ai encore. Je ne veux pas qu'on me conseille et qu'on me persuade ce que je crois �tre mauvais et indigne de la dignit� humaine. Je r�siste avec une obstination qui n'est que dans ma croyance, car mon caract�re n'a aucune �nergie. Donc la croyance est bonne � quelque chose. Elle rem�die parfois � ce qui manque � l'organisation.

Mais il y a s un fol orgueil que l'on nourrit au dedans de soi-m�me et qui s'exhale de l'homme � Dieu. À mesure que nous nous sentons devenir plus intelligents, nous nous croyons plus pr�s de lui, ce qui est vrai, mais vrai d'une {CL 302} mani�re si relative � notre mis�re, que notre {Lub 303} ambition ne s'en contente pas. Nous voulons comprendre Dieu, et nous lui demandons ses secrets avec assurance. D�s que les croyances aveugles des religions enseign�es ne nous suffisent plus et que nous voulons arriver � la foi par les propres forces de notre entendement, ce qui est, je le soutiens, de droit et de devoir, nous allons trop vite. Nous autres fran�ais surtout, ardents et press�s � l'attaque du ciel comme � celle d'une redoute, nous ne savons pas planer lentement et monter peu � peu sur les ailes d'une philosophie patiente et d'une lente �tude. Nous demandons la gr�ce sans humilit�, c'est-�-dire la lumi�re, la s�r�nit�, une certitude que rien ne trouble; et quand notre faiblesse rencontre dans le moindre raisonnement des obstacles impr�vus, nous voil� irrit�s et comme d�sesp�r�s.

Ceci est l'histoire de ma vie, ma v�ritable histoire. Tout le reste n'en a �t� que l'accident et l'apparence. Une femme tr�s-sup�rieure dont je parlerai t plus tard* m'�crivait derni�rement en me parlant de Sainte-Beuve: « Il a toujours �t� tourment� des choses divines. » Le mot est beau et bon, et m'a r�sum� mon propre tourment. H�las! Oui, c'est un calvaire que cette recherche de la v�rit� abstraite; mais �a a �t� un moindre tourment pour Sainte-Beuve que pour moi, j'en r�ponds; car il �tait savant, et je n'ai jamais pu l'�tre, n'ayant ni temps, ni m�moire, ni facilit� � comprendre la mani�re des autres. Or cette science des œuvres humaines n'est pas la lumi�re divine, elle n'en re�oit que de fugitifs reflets; mais elle est un fil conducteur qui m'a manqu� et qui me manquera tant que, forc�e � vivre de mon travail de chaque jour, je ne pourrai consacrer au moins quelques ann�es � la r�flexion et � la lecture.

* Madame Hortense Allart.

Cela ne m'arrivera pas: je mourrai dans le nuage �pais {CL 303} qui m'enveloppe et m'oppresse. Je ne l'ai d�chir� que par moments; dans des heures d'inspiration plus que d'�tude, j'ai aper�u l'id�al divin comme les astronomes aper�oivent le corps du soleil � travers les fluides embras�s qui le voilent de leur action imp�tueuse et qui ne s'�cartent que pour se resserrer de nouveau. Mais c'est assez peut-�tre, non pour la v�rit� g�n�rale, mais pour la v�rit� � mon usage, pour le contentement de {Lub 304} mon pauvre cœur; c'est assez pour que j'aime ce Dieu que je sens l�, derri�re les �blouissements de l'inconnu, et pour que je jette au hasard dans son infini myst�rieux l'aspiration � l'infini qu'il a mise en moi et qui est une �manation de lui-m�me. Quelle que soit la route de ma pens�e, clairvoyance, raison, po�sie ou sentiment, elle arrivera bien � lui, et ma pens�e parlant � ma pens�e est encore avec quelque chose de lui.

Que vous dirai-je, cœurs amis qui m'interrogez? J'aime, donc je crois. Je sens que j'aime Dieu de cet amour d�sint�ress� u que Leibnitz nous dit �tre le seul vrai et qui ne se peut assouvir sur la terre, puisque nous aimons les �tres de notre choix par besoin d'�tre heureux, et nos semblables comme nous aimons nos enfants, par besoin de les rendre heureux, ce qui est au fond la m�me chose, leur bonheur �tant n�cessaire au n�tre. Je sens que mes douleurs et mes fatigues ne peuvent alt�rer l'ordre immuable, la s�r�nit� de l'auteur de toutes choses. Je sens qu'il n'agit pas pour m'en retirer en modifiant les �v�nements ext�rieurs autour de moi; mais je sens que quand j'an�antis en moi la personnalit� qui aspire aux joies terrestres, la joie c�leste me p�n�tre, et que la confiance absolue, d�licieuse, inonde mon cœur d'un bien-�tre impossible � d�crire. Comment ferais-je donc pour ne pas croire, puisque je sens?

Mais je n'ai v�ritablement senti ces joies secr�tes qu'� {CL 304} deux �poques de ma vie, dans l'adolescence, � travers le prisme de la foi catholique, et, dans l'�ge m�r, sous l'influence d'un d�tachement sinc�re de ma personnalit� devant Dieu. — Ce qui ne m'emp�che pas, je le d�clare, de chercher sans cesse � le comprendre, mais ce qui me pr�serve de le nier aux heures o� je ne le comprends pas.

Quoique mon �tre ait subi des modifications et pass� par des phases d'action et de r�action, comme tous les �tres pensants, il est au fond toujours le m�me: besoin de croire, soif de conna�tre, plaisir d'aimer.

Les catholiques, et j'en ai connu de tr�s-sinc�res, m'ont cri� que, dans ces trois termes, il y en avait un qui tuerait les deux autres. La soif de conna�tre est suivant eux, l'ennemi et le destructeur impitoyable du besoin de croire et du plaisir d'aimer.

Ils ont quelquefois raison v, ces bons catholiques. {Lub 305} D�s qu'on ouvre la porte aux curiosit�s de l'esprit, les joies du cœur sont am�rement troubl�es et risquent d'�tre emport�es pour longtemps dans la tourmente. Mais je dirai encore l� que la soif de conna�tre est inh�rente � l'intelligence humaine, que c'est une facult� divine qui nous est donn�e, et que refuser � cette facult� son exercice, s'efforcer de la d�truire en nous, c'est transgresser une loi divine. Il en est de ces croyants na�fs qui ne sentent pas les tressaillements de leur intelligence et qui aiment Dieu avec leur cœur seulement, comme de ces amants qui n'aiment qu'avec leurs sens. Ils ne connaissent qu'un amour incomplet. Ils ne sont pas encore � l'�tat d'hommes, parfaits. Ignorant leur infirmit�, ils ne sont pas coupables; mais ils le deviennent d�s qu'ils la sentent ou la devinent, s'ils s'opini�trent dans leur impuissance.

Les catholiques appelleront encore ce que je dis l� les suggestions du d�mon de l'orgueil. Je leur r�pondrai: « Oui, il y a un d�mon de l'orgueil; je consens � parler {CL 305} votre langue po�tique. Il est en vous et en moi. En vous, pour vous persuader que votre sentiment est si grand et si beau que Dieu l'accepte sans se soucier du culte de votre raison. Vous �tes des paresseux qui ne voulez pas souffrir en risquant de rencontrer le doute dans une recherche approfondie, et vous avez la vanit� de croire que Dieu vous dispense de souffrir, pourvu que vous l'adoriez comme un f�tiche. C'est trop d'estime de vous-m�mes. Dieu voudrait davantage, et cependant vous �tes contents de vous.

» Le d�mon de l'orgueil! Il est en moi aussi chaque fois que je m'irrite contre les souffrances que j'ai accept�es en sortant du facile aveuglement des myst�res. Il a �t� en moi surtout au commencement de cette recherche, et il m'a rendue sceptique pendant quelques ann�es de ma vie. Il �tait n� chez vous, mon d�mon d'orgueil; il me venait de l'enseignement catholique; il m�prisait ma raison au moment o� je voulais en faire usage; il me disait: ton cœur seul vaut quelque chose, pourquoi l'as-tu laiss� languir? Et ainsi �moussant l'arme dont j'avais besoin, chaque fois que j'y portais la main, il me rejetait dans le vague et voulait me persuader de ne croire qu'� mon sentiment.

» Ainsi, ceux que vous appelez des esprits forts, {Lub 306} � catholiques, ne sont pas toujours assez fiers de leur raison, tandis que vous autres, vous �tes � toute heure excessivement orgueilleux de votre sentiment. »

Mais le sentiment sans raison fait le mal aussi ais�ment que le bien. Le sentiment sans raison est exigeant, imp�rieux, �go�ste. C'est par le sentiment sans raison qu'� quinze ans, je reprochais � Dieu, avec une sorte de col�re impie, les heures de fatigue et de langueur o� il semblait me retirer sa gr�ce. C'est encore par le sentiment sans raison {Presse 20/7/1855 2} qu'� trente ans je voulais mourir, disant: Dieu ne m'aime pas et ne se soucie pas de moi, puisqu'il me laisse faible, ignorante et malheureuse w sur la terre.

{CL 306} Je suis encore ignorante x et faible; mais je ne suis plus malheureuse, parce que je suis moins orgueilleuse, y qu'alors. J'ai reconnu que j'�tais peu de chose: raison, sentiment instinct r�unis, cela fait encore un �tre si fini et une action si born�e, qu'il faut en revenir � l'humilit� chr�tienne jusqu'� ce point de dire: « Je sens vivement, je comprends fort peu et j'aime beaucoup. » Mais il faut quitter l'orthodoxie catholique quand elle dit: je pr�tends sentir et aimer sans rien comprendre. Cela est possible, je n'en doute pas, mais cela ne suffit pas � accomplir la volont� de Dieu, qui veut que l'homme comprenne autant qu'il lui est donn� de comprendre.

En r�sum�, s'efforcer d'aimer Dieu en le comprenant, et s'efforcer de le comprendre en l'aimant; s'efforcer de croire ce que l'on ne comprend pas, mais s'efforcer de comprendre pour mieux croire, voil� tout Leibnitz, et Leibnitz est le plus grand th�ologien des si�cles de lumi�re. Je ne l'ai jamais ouvert, depuis dix ans, sans trouver, dans celles de ses pages o� il se met � la port�e de tous, la r�gle saine de l'esprit humain, celle que je me sens de plus en plus capable de suivre.

Je demande bien pardon de ce chapitre � ceux qui ne se sont jamais tourment�s des choses divines. C'est, je crois, le grand nombre; mon insistance sur les id�es religieuses ennuiera donc beaucoup de personnes; mais je crois les avoir d�j� assez ennuy�es, depuis le commencement de cet ouvrage, pour qu'elles en aient, depuis longtemps, abandonn� la lecture.

Ce qui, du reste, m'a mise � l'aise toute ma vie en �crivant des livres, c'est la conscience du peu de {Lub 307} popularit� qu'ils devaient avoir. Par popularit�, je n'entends pas qu'ils dussent, par leur nature, rester dans la r�gion aristocratique des intelligences. Ils ont �t� mieux lus et mieux compris par ceux des hommes du peuple qui portent le {CL 307} sentiment de l'id�al dans leur aspiration, que par beaucoup d'artistes qui ne se soucient que du monde positif. Mais, soit dans le peuple, soit dans l'aristocratie, je n'ai d� contenter, � coup s�r, que le tr�s-petit nombre. Mes �diteurs s'en sont plaints. « Pour Dieu, m'�crivait souvent Buloz, pas tant de mysticisme! » Ce bon Buloz me faisait l'honneur de voir du mysticisme dans mes pr�occupations! Au reste, tout son monde de lecteurs pensait comme lui que je devenais de plus en plus ennuyeuse et que je sortais du domaine de l'art, en communiquant � mes personnages la contention dominante de mon propre cerveau. C'est bien possible, mais je ne vois pas trop comment j'eusse pu faire pour ne pas �crire avec le propre sang de mon cœur et la propre flamme de ma pens�e.

On s'est souvent moqu� z de moi autour de moi. Je ne demandais pas mieux. Qu'importe? J'aime � rire aussi � mes heures, et il n'est rien qui repose l'�me tendue vers le spectacle des choses abstraites comme de se moquer de soi-m�me dans l'entr'acte. J'ai v�cu plus souvent avec les personnes gaies qu'avec les personnes graves, depuis mon �ge m�r surtout, et j'aime les caract�res artistes, les intelligences d'instinct. Leur commerce habituel est beaucoup plus doux que celui des penseurs obstin�s. Quand on est, comme moi, moiti� mystique (j'accepte le mot de Buloz), moiti� artiste, on n'est pas de force � vivre avec les ap�tres du raisonnement pur, sans risquer d'y devenir fou; mais aussi, apr�s des jours pass�s dans le d�licieux oubli des choses dogmatiques, on a besoin d'une heure pour les �couter ou pour les lire.

Voil� pourquoi j'ai fait fatalement des romans dont une partie pla�t aux uns et d�pla�t aux autres; voil� surtout ce qui, en dehors de toute influence des chagrins positifs, explique la tristesse et la gaiet� des Lettres d'un voyageur.

J'approche du moment o� ma vue s'ouvrit sur une perspective {CL 308} nouvelle, la politique. J'y fus conduite comme je pouvais l'�tre, par une influence du sentiment. {Lub 308} C'est donc une histoire de sentiment, c'est trois ans de ma vie que j'ai � raconter.

Revenue � Nohant en septembre, retourn�e � Paris � la fin des vacances avec mes enfants, je revins encore, en janvier 1835, passer quelques jours sous mon toit. C'est l� que j'�crivis le sixi�me num�ro des Lettres aa d'un voyageur dans une disposition un peu moins sombre, mais encore tr�s-triste. Enfin, je passai f�vrier et mars � Paris, et en avril j'�tais de nouveau � Nohant.

Ces all�es et ces venues me fatiguaient le corps et l'�me. Je n'�tais bien nulle part. Il y avait pourtant du bon dans mon �me, ces lettres d�sol�es me le prouvent bien aujourd'hui; mais, tout en me d�battant pour retourner aux douceurs de ma vie de Nohant, j'y trouvais de tels ennuis, et, d'autre part, mon cœur �tait si troubl�, si d�chir� par des chagrins secrets, que j'�prouvai tout � coup le besoin de m'en aller. O�? Je n'en savais rien, je ne voulais pas le savoir. Il me fallait aller loin, le plus loin possible, me faire oublier en oubliant moi-m�me. Je me sentais malade, mortellement malade. Je n'avais plus du tout de sommeil, et, par moments, il me semblait que ma raison �tait pr�te � me quitter. Je m'�tais fait ab un riant espoir d'avoir ma fille avec moi; mais je dus renoncer, pour le moment, au plaisir de l'�lever moi-m�me. C'�tait une nature toute diff�rente de celle de son fr�re, s'ennuyant de ma vie s�dentaire autant que Maurice s'y complaisait, et sentant d�j� le besoin d'une suite de distractions appropri�es � son �ge et n�cessaires � l'�nergie alors tr�s-prononc�e de son organisation. Je la menais � Nohant pour la secouer et la d�velopper sans crise; mais quand il fallait revenir � la mansarde et ne plus avoir une demi-douzaine d'enfants villageois pour compagnons de ses jeux �chevel�s, sa vigueur physique comprim�e {CL 309} se tournait en r�volte ouverte. C'�tait une enfant terrible si dr�le, que mes amis la g�taient affreusement, et moi-m�me, incapable d'une s�v�rit� soutenue, vaincue par une tendresse aveugle pour le premier �ge, je ne savais pas, je ne pouvais pas la dominer.

J'esp�rai qu'elle serait plus calme et plus heureuse avec d'autres enfants, et dans des conditions o� la discipline subie en commun para�t moins dure aux natures ind�pendantes. J'essayai de la mettre en pension {Lub 309} dans une de ces charmantes petites maisons d'�ducation du quartier Beaujon, au milieu de ces tranquilles et riants jardins qui semblent destin�s � n'�tre peupl�s que de belles petites filles. Mesdemoiselles Martin �taient deux bonnes sœurs anglaises vraiment maternelles pour leurs jeunes �l�ves. Ces �l�ves n'�taient que huit, condition excellente pour qu'elles fussent choy�es et surveill�es avec soin.

Ma grosse fille se trouva fort bien de ce nouveau r�gime. Elle commen�a � s'effiler et � se civiliser avec ses compagnes. Mais elle resta longtemps sauvage avec les personnes du dehors, avec mes amis surtout, qui se plaisaient trop � se faire ses esclaves. Elle avait une mani�re d'�tre si originale et si comique avec eux, que la fine mouche, voyant bien qu'en les faisant rire elle les d�sarmait, s'en donnait � cœur joie. Emmanuel Arago surtout, ce bon fr�re a�n�, qu'elle traitait encore plus lestement que Maurice, et qui �tait encore assez enfant lui-m�me pour s'en divertir, fut sa victime de pr�dilection. Un jour qu'elle s'�tait montr�e fort aimable avec lui, jusqu'� le reconduire � la porte du jardin de la pension: « Solange, lui dit-il, qu'est-ce que tu veux que je t'apporte quand je reviendrai? — Rien, lui dit-elle, mais tu peux me faire un grand plaisir si tu m'aimes bien. — Lequel, dis? — Eh bien mon gar�on, c'est de ne jamais revenir me voir. »

Une autre fois qu'elle �tait chez moi, un peu malade, {CL 310} et que le m�decin avait recommand� de la faire promener, elle partit de bonne gr�ce, en fiacre, avec Emmanuel, pour le jardin du Luxembourg; mais, chemin faisant, il lui prit fantaisie de d�clarer qu'elle ne voulait pas se promener � pied. Emmanuel, � qui j'avais recommand� d'�tre inflexible, tint bon, lui d�clara, de son c�t�; que ce n'�tait pas la coutume de se promener en fiacre dans le jardin du Luxembourg, et qu'elle y marcherait sur ses pieds bon gr�, mal gr�. Elle parut se soumettre; mais arriv�e � la grille, quand il la prit dans ses bras pour la faire descendre, il s'aper�ut qu'elle �tait sans souliers. Elle les avait adroitement d�tach�s et jet�s dans la rue avant d'arriver. « À pr�sent, lui dit-elle, vois si tu veux me faire marcher pieds nus. »

Souvent, quand j'�tais dehors avec elle, il lui passait par l'esprit de s'arr�ter court et de ne vouloir ni marcher {Lub 310} ni monter en voiture, ce qui ameutait les passants autour de nous. Elle avait sept ou huit ans, qu'elle me faisait encore de ces tours-l�, et qu'il me fallait la porter malgr� elle du bas de l'escalier � la mansarde, ce qui n'�tait pas une petite affaire. Et le pire, c'est que ces humeurs bizarres n'avaient aucune cause que je pusse pr�voir d'avance et deviner ensuite. Elle-m�me ne s'en rend pas compte aujourd'hui; c'�tait comme une impossibilit� naturelle de se plier � l'impulsion d'autrui, et je ne pouvais pas m'habituer � briser par la rigueur cette incompr�hensible r�sistance.

{Presse 25/7/1855 1} Je me d�cidai donc � me s�parer d'elle pour quelque temps; mais quoiqu'il me f�t bient�t prouv� qu'elle acceptait plus volontiers la r�gle g�n�rale que la r�gle particuli�re, et qu'elle �tait heureuse en pension, ce fut pour moi un profond chagrin de voir que son bonheur d'enfant ne lui venait pas de moi. J'en fus d'autant plus dispos�e, malgr� mes belles r�solutions, � la g�ter par la suite.

{CL 311} De son c�t�, Maurice faisait tout le contraire. Il ne voulait et ne savait vivre qu'avec moi. Ma mansarde �tait le paradis de ses r�ves. Aussi ac, quand il fallait se s�parer le soir, c'�taient des larmes � recommencer, et je ne me sentais pas plus de courage que lui.

Mes amis bl�maient ma faiblesse pour mes pauvres enfants, et je sentais bien qu'elle �tait extr�me. Je ne l'entretenais pas � plaisir, car elle me d�chirait l'�me. Mais que faire pour la vaincre? J'�tais opprim�e et tortur�e par mes entrailles comme je l'�tais d'ailleurs par mon cœur et mon cerveau.

Planet me conseilla ad de prendre une grande r�solution et de quitter la France au moins pour un an. « Votre s�jour � Venise a �t� bon pour vos enfants, me disait-il: Maurice n'a travaill� et ne travaillera au coll�ge qu'en vous sentant loin de lui. Il est encore faible. Solange, trop forte, subit une crise de d�veloppement physique dont vous vous tourmentez trop. En vous faisant sa victime, elle s'habitue � vous voir souffrir, et cela ne vaut rien pour elle. Vous n'avez pas de bonheur, cela est certain; votre int�rieur � Nohant n'est possible qu'� la condition d'y �tre comme en visite. Votre mari est aigri maintenant par votre pr�sence, et le temps approche o� il en sera irrit�. Vous vous affectez de vos chagrins {Lub 311} ext�rieurs jusqu'� vous en cr�er d'imaginaires. Vos �crits prouvent que vous vous tournez contre vous-m�me et que vous vous en prenez � votre propre organisation, � votre propre destin�e, d'une rencontre de circonstances, f�cheuses il est vrai, mais non pas tellement exceptionnelles que votre volont� ne puisse les surmonter ou les faire fl�chir. Un moment viendra o� vous le pourrez; mais auparavant il vous faut recouvrer la sant� morale et physique que vous �tes en train de perdre. Il faut vous �loigner du spectacle et des causes de vos souffrances. Il faut sortir de ce cercle d'ennuis et de {CL 312} d�boires. Allez-vous-en faire de la po�sie dans quelque beau pays o� vous ne conna�trez personne. Vous aimez la solitude, vous en serez toujours priv�e ici: ne vous flattez pas de vivre en ermite dans votre mansarde. On vous y assi�gera toujours. La solitude est mauvaise � la longue; mais, par moments, elle est n�cessaire. Vous �tes dans un de ces moments-l�. Ob�issez � l'instinct qui vous y pousse; fuyez! Je vous connais, vous n'aurez pas plut�t r�v� seule quelques jours que vous reviendrez croyante, ae et quand vous en serez l�, je r�ponds de vous. »

Planet a toujours af �t� pour ses amis un excellent m�decin moral, persuasif par l'attention avec laquelle il pesait ses conseils et celle qu'il portait � comprendre votre v�ritable situation. Beaucoup d'amis ont le tort de vous juger d'apr�s eux-m�mes, de vous apporter une opinion toute faite que ne modifie aucune objection de votre part, et qui vous fait sentir que vous n'�tes pas compris. Planet, ing�nieux dans l'art de consoler, interrogeait minutieusement, n'avait pas de parti pris, tant qu'il n'avait pas r�ussi � se figurer qu'il �tait vous-m�me, et alors il se pronon�ait avec une grande d�cision et une grande nettet�. Pour les gens qui ne le connaissaient que superficiellement, Planet �tait un type de simplicit� et m�me de niaiserie; mais il avait, pour nous autres, le g�nie du cœur et de la volont�. Il n'est aucun de nous, je parle de ce groupe berrichon qui ne s'est jamais divis� et dont je faisais partie, qui n'ait subi plusieurs fois dans sa vie l'influence extraordinaire de Planet, celui d'entre nous qui, au premier abord, e�t sembl� devoir �tre men� par tous les autres.

Je fus donc persuad�e, et, un beau matin, apr�s avoir arrang� {Lub 312} tant bien que mal mes affaires de fa�on � m'assurer quelques ressources, je quittai Paris sans faire d'adieux � personne et sans dire mon projet � Maurice. Je vins � Nohant pour prendre cong� de mes amis et les entretenir {CL 313} de mes enfants, dans le cas o� quelque accident me ferait trouver la mort en voyage, car je voulais aller loin devant moi en prenant la route de l'Orient.

Je savais bien que mes amis n'auraient aucune autorit� sur mes enfants tant qu'ils seraient enfants. Mais ils pouvaient ag, au sortir de ce premier �ge, exercer sur eux de douces influences. J'esp�rais m�me que madame Decerfz pourrait �tre une v�ritable m�re pour ma fille, et je voulais vendre ma propri�t� litt�raire pour lui cr�er une petite rente qui la m�t � m�me de faire son �ducation, dans le cas o� mon mari viendrait � y consentir ah. À l'�poque du mariage de ma fille, cette rente lui e�t �t� restitu�e: c'�tait alors peu de chose, mais cela repr�sentait ce que co�te, dans la meilleure pension possible, l'�ducation d'une jeune fille. Je partis donc pour Nohant avec le projet de tenter cet arrangement, qui ne devait avoir lieu que dans l'�ventualit� de ma mort, et pour entretenir, dans tous les cas, mes amis du devoir que je leur l�guais d'entourer Maurice et Solange d'un r�seau de sollicitudes paternelles et de relations assidues.

Mais avant de raconter ce qui suivit, je ne veux pas oublier une circonstance singuli�re qui eut lieu dans l'hiver de 1835 ai.

J'avais en Berry une amie charmante, une nouvelle amie, il est vrai, madame Rozane Bourgoing aj, femme d'un fonctionnaire �tabli � La Ch�tre depuis quelques ann�es seulement. C'�tait une personne distingu�e � tous �gards, d'une beaut� exquise et d'un caract�re si parfaitement aimable, qu'elle fut bient�t parmi nous comme si elle �tait n�e parmi nous. ak

Étant appel�e � Paris pour ses affaires au moment o� j'y retournais (au mois de janvier, je crois), elle accepta une des deux chambrettes de ma mansarde et y passa une quinzaine.

Elle me dit un jour, en recevant des lettres de sa famille, {CL 314} qui habitait Lyon: « On me charge vraiment d'une commission singuli�re. Une famille {Lub 313} tr�s-honorable prie la mienne de s'informer par moi de ce que fait � Paris et dans le monde un jeune homme que je ne connais pas et dont l'existence est myst�rieuse, m�me pour les siens. Si je sais comment m'y prendre, je veux �tre pendue. J'ai son adresse, et voil� tout. »

Elle se r�solut � le prier de venir la voir, afin de parler avec lui de sa famille et de le sonder sur ses projets et sur ses occupations. Je l'autorisai � le recevoir chez moi.

Apr�s qu'elle eut re�u sa visite, elle me dit qu'elle n'�tait gu�re plus avanc�e et qu'elle l'avait engag� � revenir, afin de pouvoir me le pr�senter. Elle comptait sur moi pour le faire causer d'une mani�re plus explicite. Cette id�e me fit beaucoup rire. S'il y a jamais eu sous le ciel une personne inhabile � en confesser une autre, c'est moi � coup s�r; mais je ne pus refuser � Rozane ce qu'elle exigeait de moi: je re�us avec elle la visite du jeune homme myst�rieux, et m�me elle nous laissa seuls ensemble quelques instants, esp�rant qu'il se m�fierait moins de moi que d'elle-m�me.

Je ne me rappelle pas un mot de la conversation, qui ne roula que sur des id�es g�n�rales, et m�me, sans le secours de Rozane, qui a retenu le fait avec pr�cision, je ne me souviendrais pas beaucoup de la conclusion que j'en tirai; mais, gr�ce � elle, la voici textuellement, telle que je la lui donnai quand il fut parti: « Ce jeune homme est charmant. C'est un esprit tr�s-remarquable al, et sa conscience me para�t fort tranquille. S'il voyage, s'il court le monde, ce n'est pas comme aventurier subalterne, mais comme aventurier politique, comme conspirateur. Il s'est d�vou� � la fortune de la famille Bonaparte. Il croit encore � cette �toile. Il croit � quelque chose en ce monde: il est bien heureux! »

{CL 315} Or, je n'avais pas trop mal devin�. Ce jeune homme �tait M. Fialin de Persigny.

Je reprends le r�cit de mon voyage en Orient, lequel n'eut lieu que dans mes r�ves.

J'�tais � Nohant depuis quelques jours, quand Fleury, partant pour Bourges, o� Planet �tait �tabli (il y r�digeait un journal d'opposition), me proposa d'aller causer s�rieusement de ma situation et de mes projets, non-seulement avec ce fid�le ami, mais avec le c�l�bre avocat Michel, notre ami � tous.

Il est donc temps que je parle de cet homme si diversement {Lub 314} appr�ci� et que je crois avoir bien connu, quoique ce ne f�t pas chose ais�e. C'est � cette �poque que je commen�ai � subir une influence d'un genre tout � fait exceptionnel dans la vie ordinaire des femmes, influence qui me fut longtemps pr�cieuse et qui pourtant cessa tout d'un coup et d'une mani�re compl�te, sans briser mon amiti�.


Variantes

  1. Chapitre 6. Sommaire. {Ms}Chapitre trente-cinqui�me {Presse} ♦ Chapitre septi�me {Lecou}, {LP} ♦ VII {CL}
  2. Interruption de {Presse}
  3. qui s'abandonne � son mari {Ms} ♦ qui recherche son mari {Lecou} et sq.
  4. instinctif, [et quand il avait soin de sa personne, c'�tait un homme propre et sain ray�] il ne m'inspirait {Ms}
  5. mais ce que je fis comprendre � Dutheil dont le cerveau {Ms}Je lui fis comprendre qu'il se trompait, car son cerveau {Presse} qui reprend ici ♦ mais ce que je fis comprendre � Dutheil, dont le cerveau {Lecou} et sq.
  6. et de sublimit�s [de po�te ray�] romanesques {Ms}et de subtilit�s romanesques {Presse} et sq.
  7. pure volont�. Interruption de {Presse}
  8. Reprise de {Presse}
  9. Delorme se livre {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ Delorme, dans le drame de Victor Hugo, se livre {CL}
  10. comme un [crime de feindre l'amour dans ray�] p�ch� mortel {Ms}
  11. par la pudeur [ou la prudence ray�] et par l'opinion {Ms}
  12. de mon livre [Je me rappelle toujours fore bien les situations d'esprit et de cœur o� j'�tais en �crivant: ces souvenirs sont les seuls jalons positifs que me fournisse ma m�moire. Mais ce que j'ai pu dire ou �crire dans ces situations, m'est inconnu � moi�m�me au bout de tr�s peu de tems ainsi que le d�tail des faits ext�rieurs qui ont d� m ... emporter mes tristesses ou mes joies du moment ray�] que j'avais fort oubli� {Ms}
  13. il n'y avait [que trois ans et demi ray�] pas quatre ans {Ms}
  14. que parurent d'abord le 4e et 5e n° des Lettres {Ms}.que parurent d'abord les quatri�me et cinqui�me num�ros des Lettres {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ que parut d'abord le sixi�me num�ro des Lettres {CL}
  15. donn�e. [Ce qui m'importait surtout, c'est que cela ne f�t pas, c'est qu'un �clair de douleur sombre, c'est ray�]. C'e�t �t� {Ms}
  16. que des [nos, que j'�crivis en 7bre 1834 ray�] 2 num�ros {Ms}que des deux num�ros {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ que du num�ro {CL}
  17. {Presse 20/7/1855 1} Quatri�me partie (suite) Chapitre Premier / Je {Presse} ♦ Cinqui�me partie (suite) Chapitre septi�me (suite) / Je {Lecou}, {LP}(Le texte se suit dans {Ms} et dans {CL}, o� la subdivision en demi-chapitres n'existe pas.)
  18. lettres du voyageur {Ms}Lettres d'un voyageur {Presse} et sq.
  19. organisation. [Dans les combats, l'homme en tant qu'animal �prouve le sentiment de la peur. Mais il le surmonte et arrive � l'audace, pouss� non par..., mais par le juste orgueil de la dignit� humaine ray�] Mais il y a {Ms}
  20. Une femme qui a plus de g�nie que de talent [Mme Hortense ray�] et dont je parlerai {Ms}Une femme tr�s sup�rieure dont je parlerai {Presse} et sq.
  21. cet amour d�sint�ress� {CL} ♦ cet amour d�sint�ress� {Lub}
  22. Ils ont grandement raison {Ms}Ils ont quelquefois raison {Presse}
  23. ignorant et malheureux {Ms}, {Presse} ♦ ignorante et malheureuse {Lecou} et sq.
  24. encore ignorant {Ms}, {Presse} ♦ encore ignorante {Lecou} et sq.
  25. malheureux, parce que je suis moins orgueilleux {Ms}, {Presse} ♦ malheureuse, parce que je suis moins orgueilleuse {Lecou} et sq.
  26. On s'est beaucoup moqu� {Ms}On s'est souvent moqu� {Presse}
  27. le second n° des Lettres {Ms}le second num�ro des Lettres {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ le sixi�me num�ro des Lettres {CL}
  28. quitter. [J'avais mis ma fille en pension et je vivais tr�s retir�e. Elle y �tait bien et cela lui �tait aussi salutaire que le coll�ge etait nuisible... � mon fils ray�] Je m'�tais {Ms}
  29. r�ves. [Son id�al �tait d'avoir du papier et de l'encre � discr�tion pour dessiner des batailles et il e�t pass� ses jours de sortie sans prendre l'air si j'y eusse consenti. Mais il n'�tait pas maussade pour sortir avec moi, et tout lui plaisait et le divcrtissair pourvu qu'il f�t pendu � mon bras ray�] Aussi {Ms}
  30. [Papet ray�] Planet me conseilla {Ms}
  31. vous redeviendrez croyante {Ms}vous reviendrez croyante {Presse} {CL} ♦ vous redeviendrez croyante {Lub} r�tablissant la le�on originale; nous le suivons
  32. [Papet ray�] Planet a toujours {Ms}
  33. enfans. [Mais je savais aussi que leur p�re ne pourrait pas s'occuper de leur d�veloppement moral et intellectuel dans tous les cas ray�] Mais ils pouvaient {Ms}
  34. consentir [car Mme Decerfz avait peu de fortune ray�] {Ms}
  35. de 1835 [et qui eut peut-�tre sur moi une secr�te influence ray�] {Ms}
  36. Rozane B. {CL} ♦ Rozane Bourgoing {Lub} que nous suivons
  37. comme si elle y �tait n�e. {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ comme si elle �tait n�e parmi nous. {CL} ♦ comme si elle y �tait n�e {Lub} rejetant la le�on de {CL}, lui paraissait malbeureuse. Bien qu'h�sitant, nous ne le suivons pas)
  38. un esprit [de premier ordre ray�] tr�s-remarquable {Ms}

Notes