GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{LP T.? ?; CL T.4 [147]; Lub T.2 [171]} CINQUIÈME PARTIE
Vie litt�raire et intime
1832-1850

{Presse 12/7/1855 1; CL T.4 [238]; Lub T.2 [250]} V a

Eug�ne Delacroix. — David Richard et Gaubert. — La phr�nologie et le magn�tisme. — Les saints et les anges. b



.Eug�ne Delacroix fut un de mes premiers amis dans le monde des artistes, et j'ai le bonheur de le compter toujours parmi mes vieux amis. Vieux, on le sent, est le mot relatif � l'anciennet� des relations, et non � la personne. Delacroix n'a pas et n'aura pas de vieillesse. C'est un g�nie et un homme jeune. Bien que, par une contradiction originale et piquante, son esprit critique sans cesse le pr�sent et raille l'avenir, bien qu'il se plaise � conna�tre, � sentir, � deviner, � ch�rir exclusivement les œuvres et souvent les id�es du pass�, il est, dans son art, l'innovateur et l'oseur par excellence. Pour moi, il est le premier ma�tre de ce temps-ci, et, relativement � ceux du pass�, il restera un des premiers dans l'histoire de la peinture. Cet art n'ayant pas g�n�ralement progress� depuis la Renaissance, et paraissant moins go�t� et moins compris relativement par les masses, il est naturel qu'un type d'artiste comme Delacroix, longtemps �touff� ou combattu par cette d�cadence de l'art et par cette perversion du go�t g�n�ral, ait r�agi de toute la force de ses instincts contre le monde moderne. Il a cherch� dans tous les obstacles qui l'entouraient des monstres � renverser, et il a cru les trouver souvent dans des id�es de progr�s dont il n'a senti ou {CL 239} voulu sentir que le c�t� incomplet ou excessif. C'est une volont� trop exclusive et trop ardente que la sienne pour s'accommoder des choses � l'�tat d'abstraction. En cela il est, dans l'appr�ciation des vues sociales, comme �tait Marie Dorval dans celle des id�es religieuses. Il faut {Lub 251} � ces fortes imaginations un terrain solide pour �difier le monde de leurs pens�es. Il ne faut pas leur parler d'attendre que la lumi�re soit faite. Elles ont horreur du vague, elles veulent le grand jour. C'est tout simple: elles sont jour et lumi�re elles-m�mes.

Il ne faut donc pas esp�rer de les calmer en leur disant que la certitude est et sera toujours en dehors des faits du monde o� l'on vit, et que la foi � l'avenir ne doit pas s'embarrasser du spectacle des choses pr�sentes. Ces yeux per�ants voient souvent les hommes d'avenir faire fatalement des mouvements r�trogrades, et d�s lors ils jugent que la philosophie du si�cle marche � reculons.

C'est ici le lieu de dire que notre philosophie, � nous autres qui nous piquons d'�tre progressistes, devrait bien faire le progr�s d'une certaine ol�rance. Dans l'art, dans la politique, et, en g�n�ral, dans tout ce qui n'est pas science exacte, on veut qu'il n'y ait qu'une v�rit�, et c'est l� une v�rit�, en effet; mais d�s qu'on se l'est formul�e � soi-m�me, on s'imagine avoir trouv� la vraie formule, on se persuade qu'il n'y en a qu'une, et on prend d�s lors cette formule pour la chose. L� commencent l'erreur, la lutte, l'injustice et le chaos des discussions vaines.

Il n'y a qu'une v�rit� dans l'art, le beau; qu'une v�rit� dans la morale, le bien; qu'une v�rit� dans la politique, le juste. Mais d�s que vous voulez faire chacun le cadre d'o� vous pr�tendez exclure tout ce qui, selon vous, n'est pas juste, bien et beau, vous arrivez � r�tr�cir ou � d�former tellement l'image de l'id�al, que vous vous trouvez fatalement et bien heureusement � peu pr�s seul de votre avis. {CL 240} Le cadre de la v�rit� est plus vaste, toujours plus vaste qu'aucun de nous ne peut se l'imaginer.

La notion c de l'infini peut seule agrandir un peu l'�tre fini que nous sommes, et c'est la notion qui entre le plus difficilement dans nos esprits. La discussion, la d�limitation, l'�pluchage et l'�pilogage sont devenus, surtout en ce temps-ci, de v�ritables maladies; � ce point que beaucoup de jeunes artistes sont morts pour l'art, ayant oubli�, � force de causer, qu'il s'agissait de prouver par des œuvres, et non par des discours. L'infini ne se d�montre pas, il se cherche, et le beau se sent plus {Lub 252} dans l'�me qu'il ne s'�tablit par des r�gles. Tous ces cat�chismes d'art et de politique que l'on se jette � la t�te sentent l'enfance de la politique et de l'art. Laissons donc discuter, puisque c'est l'enseignement p�nible, aga�ant et pu�ril qu'il faut sans doute encore � notre �poque: mais que ceux d'entre nous qui sentent au dedans d'eux-m�mes un �lan v�ritable ne s'embarrassent pas de ce bruit de l'�cole, et fassent leur t�che en se bouchant un peu les oreilles.

Et puis, quand notre t�che du jour est faite, regardons celle des autres, et ne nous h�tons pas de dire qu'elle n'est pas bonne, parce qu'elle est diff�rente. Profiter vaut mieux que contredire, et bien souvent on ne profite de rien, parce que l'on veut tout critiquer.

Nous exigeons trop de logique dans les autres, et par l� nous montrons que nous n'en avons pas assez pour nous-m�mes. Nous voulons qu'on voie par nos yeux en toutes choses, et plus un individu nous frappe et nous occupe par l'emploi de hautes facult�s, plus nous voulons l'assimiler � nos facult�s propres, qui, � supposer qu'elles ne soient pas tr�s-inf�rieures, sont du moins tr�s-diff�rentes. Philosophes, nous voudrions qu'un musicien f�t ses d�lices de Spinoza; musiciens, nous voudrions qu'un philosophe nous donn�t l'op�ra de Guillaume Tell; et quand l'artiste, hardi novateur {CL 241} dans sa partie, rejette l'innovation sur un autre point, de m�me que quand le penseur d, bouillant � s'�lancer dans l'inconnu de ses croyances, recule devant la nouveaut� d'une tentative d'art, nous crions � l'incons�quence et nous dirions volontiers: « Toi, artiste, je condamne tes œuvres d'art, parce que tu n'es pas de mon parti et de mon �cole; toi, philosophe, je nie ta science, parce que tu n'entends rien � la mienne. »

C'est ainsi qu'on juge trop souvent, et trop souvent la critique �crite arrive pour donner la derni�re main � ce syst�me d'intol�rance si parfaitement d�raisonnable. Cela �tait surtout sensible il y a quelques ann�es, lorsque beaucoup de journaux et de revues repr�sentaient beaucoup de nuances d'opinions. On e�t pu dire alors: « Dis-moi dans quel journal tu �cris, et je vais te dire quel artiste tu vas louer ou bl�mer. »

On m'a bien souvent dit � moi: « Comment pouvez-vous vivre et parler avec tel de vos amis qui pense tout {Lub 253} au rebours de vous? Quelles concessions vous fait-il, ou quelles concessions n'�tes-vous pas forc�e de lui faire? »

Je n'ai jamais fait ni demand� la moindre concession, et si j'ai quelquefois discut�, c'est pour m'instruire en faisant parler les autres; m'instruire, non pas en ce sens que j'acceptais toujours toutes leurs solutions, mais en ce sens qu'examinant le m�canisme de leur pens�e et recherchant en eux la source de leurs convictions, j'arrivais � comprendre ce que l'�tre humain le mieux organis� renferme de contradictions de fait dans sa logique apparente, et, par suite, de logique v�ritable dans ses apparentes contradictions.

Du moment que l'intelligence vous r�v�le ses forces, ses besoins, son but, et m�me ses infirmit�s � c�t� de ses grandeurs, je ne comprends gu�re qu'on ne l'accepte pas tout enti�re, m�me avec ses taches, lesquelles, comme {CL 242} celles du soleil, ne peuvent pas �tre regard�es � l'œil nu sans faire cligner beaucoup la paupi�re.

J'ai donc, outre l'amiti� tendre qui me lie � certaines cr�atures d'�lite, e un grand respect pour ce que je n'admettrais pas en moi-m�me � l'�tat de croyance arr�t�e, mais ce qui, chez elles, me para�t l'accident in�vitable, n�cessaire peut-�tre, le coup de fouet int�rieur de leur d�veloppement. Un grand artiste peut nier devant moi une partie de ce qui fait la vie de mon �me, peu m'importe; je sais bien que par les endroits de mon �me qui lui sont ouverts il fera rentrer ma vie avec sa flamme. De m�me un grand philosophe qui me bl�mera d'�tre artiste me rendra plus artiste en ranimant ma foi � des v�rit�s sup�rieures, lorsqu'il m'expliquera ces v�rit�s avec l'�loquence de la conviction.

Notre esprit est une bo�te � compartiments qui communiquent les uns avec les autres par un admirable m�canisme. Un grand esprit qui se livre � nous nous donne � respirer comme un bouquet de fleurs o� certains parfums, qui nous seraient nuisibles isol�s, nous charment et nous raniment par leur m�lange avec les autres parfums qui les modifient.

Ces r�flexions me viennent � propos d'Eug�ne Delacroix. Je pourrais les appliquer � beaucoup d'autres natures �minentes que j'ai eu le bonheur d'appr�cier sans qu'elles m'aient caus� aucun souci {Presse 12/7/1855 2} en me {Lub 254} contredisant et m�me en se moquant de moi � l'occasion. J'ai �t� tenace dans ma r�sistance � certains de leurs dires, mais tenace aussi dans mon affection pour elles et dans ma reconnaissance pour le bien qu'elles m'ont fait en excitant en moi le sentiment de moi-m�me. Elles me regardent comme une r�veuse incorrigible; mais elles savent que je suis une amie fid�le.

Le grand ma�tre dont je parle est donc m�lancolique et {CL 243} chagrin dans sa th�orie, enjou�, charmant, bon enfant au possible dans son commerce. Il d�molit sans fureur et raille sans fiel, heureusement pour ceux qu'il critique; car il a autant d'esprit que de g�nie, chose � quoi l'on ne s'attend pas en regardant sa peinture, o� l'agr�ment c�de la place � la grandeur, et o� la maestria n'admet pas la gentillesse et la coquetterie. Ses types sont aust�res; on aime � les regarder bien en face: ils vous appellent dans une r�gion plus haute que celle o� l'on vit. Dieux, guerriers, po�tes ou sages, ces grandes figures de l'all�gorie ou de l'histoire qu'il a trait�es vous saisissent par une allure formidable ou par un calme olympien. Il n'y a pas moyen de penser, en les contemplant, au pauvre mod�le d'atelier qu'on retrouve dans presque toutes les peintures modernes, sous le costume d'emprunt � l'aide duquel on a vainement tent� de le transformer. Il semble que, si Delacroix a fait poser des hommes et des femmes, il ait clign� les yeux pour ne pas les voir trop r�els.

Et cependant ces types f sont vrais, quoique id�alis�s dans le sens du mouvement dramatique ou de la majest� r�veuse. Ils sont vrais comme les images que nous portons en nous-m�mes quand nous nous repr�sentons les dieux de la po�sie ou les h�ros de l'antiquit�. Ce sont bien des hommes, mais non des hommes vulgaires comme il pla�t au vulgaire de les voir pour les comprendre. Ils sont bien vivants, mais de cette vie grandiose, sublime ou terrible dont le g�nie seul peut retrouver le souffle.

Je ne parle pas de la couleur de Delacroix. Lui seul aurait peut-�tre la science et le droit de faire la d�monstration de cette partie de son art, o� ses adversaires les plus obstin�s n'ont pas trouv� moyen de le discuter; mais parler de la couleur en peinture, c'est vouloir faire sentir et deviner la musique par la parole. D�crira-t-on {Lub 255} le Requiem de Mozart? On pourrait bien �crire un beau po�me en {CL 244} l'�coutant; mais ce ne serait qu'un po�me et non une traduction; les arts ne se traduisent pas les uns par les autres. Leur lien est serr� �troitement dans les profondeurs de l'�me; mais, ne parlant pas la m�me langue, ils ne s'expliquent mutuellement que par de myst�rieuses analogies. Ils se cherchent, s'�pousent et se f�condent dans des ravissements o� chacun d'eux n'exprime que lui-m�me.

« Ce qui fait le beau de cette industrie-l�, me disait gaiement Delacroix lui-m�me dans une de ses lettres, consiste dans des choses que la parole n'est pas habile � exprimer. — Vous me comprenez de reste, ajoute-t-il; et une phrase de votre lettre me dit assez combien vous sentez les limites n�cessaires � chacun des arts, limites que messieurs vos confr�res franchissent parfois avec une aisance admirable. »

Il n'y a gu�re moyen d'analyser la pens�e dans quelque art que ce soit, si ce n'est � travers une pens�e de m�me ordre. Du moment qu'on veut rapetisser � sa propre mesure, quand on est petit, les grandes pens�es des ma�tres, on erre et on divague sans entamer en rien le chef-d'œuvre: on a pris une peine inutile.

Quant � diss�quer leur proc�d�, soit pour le louer, soit pour le bl�mer, l'�talage des termes techniques que la critique introduit plus ou moins adroitement dans ses argumentations sur la peinture et la musique n'est qu'un tour de force r�ussi ou manqu�. Manqu�, ce qui arrive souvent � ceux qui parlent du m�tier sans en comprendre les termes et en les employant � tort et � travers, le tour fait rire les plus humbles praticiens. R�ussi, il n'initie en rien le public � ce qu'il lui importe de sentir, et n'apprend rien aux �l�ves attentifs � saisir les secrets de la ma�trise. Vous leur direz en vain les proc�d�s de l'artiste, et devant ces na�fs rapins qui s'extasient sur un petit coin de la toile en se demandant avec stupeur comment cela est fait, vous exposerez en vain la th�orie savante des moyens employ�s; vous fussent-ils {CL 245} r�v�l�s par la propre bouche du ma�tre, ils seront parfaitement inutiles � celui qui ne saura pas les mettre en œuvre. S'il n'a pas de g�nie, aucun moyen ne lui servira; s'il a du g�nie, il trouvera ses moyens tout seul, ou se servira � sa mani�re de ceux d'autrui, qu'il aura {Lub 256} compris ou devin�s sans vous. Les seuls ouvrages d'art sur l'art qui aient de l'importance et qui puissent �tre utiles sont ceux qui s'attachent � d�velopper les qualit�s de sentiment des grandes choses et qui par l� �l�vent et �largissent le sentiment des lecteurs. Sous ce point de vue, Diderot a �t� grand critique, et, de nos jours, plus d'un critique a encore �crit de belles et bonnes pages. Hors de l�, il n'y a qu'efforts perdus et p�dantisme pu�ril.

Un mod�le d'appr�ciation sup�rieure est sous mes yeux. J'en veux rappeler un fragment pour ceux qui ne l'auraient pas sous la main:

On ne peut nier l'impression sans cesse d�croissante des ouvrages qui s'adressent � la partie la plus enthousiaste de l'esprit; c'est une esp�ce de refroidissement mortel qui nous gagne par degr�s, avant de glacer tout � fait la source de toute v�n�ration et de toute po�sie.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Doit-on se dire que les beaux ouvrages ne sont pas faits pour le public et ne sont pas appr�ci�s par lui, et qu'il ne garde ses admirations privil�gi�es que pour de futiles objets? Serait-ce qu'il se sent pour toute production extraordinaire une sorte d'antipathie, et que son instinct le porte naturellement vers ce qui est vulgaire et de peu de dur�e? Y aurait-il, pour toute œuvre qui semble par sa grandeur �chapper au caprice de la mode, une condition secr�te de lui d�plaire, et n'y voit-il qu'une esp�ce de reproche de l'inconstance de ses go�ts et de la vanit� de ses opinions?

Apr�s ce cri de douleur et d'�tonnement, le critique que {CL 246} je cite nous parle du Jugement dernier, et, sans employer aucun terme de m�tier, sans nous initier � aucun des proc�d�s que nous n'avons pas besoin de conna�tre, occup� seulement de nous communiquer l'enthousiasme qui l'embrase, il nous jette dans la pens�e la propre pens�e de Michel-Ange.

Le style de Michel-Ange, dit-il, semble le seul qui soit parfaitement appropri� � un pareil sujet. L'esp�ce de convention qui est particuli�re � ce style, ce parti tranch� de fuir toute trivialit� au risque de tomber dans l'enflure et d'aller jusqu'� l'impossible, se trouvaient � leur place dans la peinture d'une sc�ne qui nous transporte dans une sph�re tout id�ale. Il est si {Lub 257} vrai que notre esprit va toujours au-del� de ce que l'art peut exprimer en ce genre, que la po�sie elle-m�me, qui semble si immat�rielle dans ses moyens d'expression, ne nous donne jamais qu'une id�e trop d�finie de semblables inventions. Quand l'Apocalypse de saint Jean nous peint les derni�res convulsions de la nature, les montagnes qui s'�croulent, les �toiles qui tombent de la vo�te c�leste, l'imagination la plus po�tique et la plus vaste ne peut s'emp�cher de circonscrire dans un champ born� le tableau qui lui est offert. Les comparaisons employ�es par les po�tes sont tir�es d'objets mat�riels qui arr�tent la pens�e dans son vol. Michel-Ange, au contraire, avec ses dix ou douze groupes de quelques figures dispos�es sym�triquement et sur une surface que l'œil embrasse sans peine, nous donne une id�e incomparablement plus terrible de la catastrophe supr�me qui am�ne aux pieds de son juge le genre humain �perdu; et cet empire immense qu'il prend � l'instant m�me sur l'imagination, il ne le doit � aucune des ressources que peuvent employer les peintres vulgaires; c'est son style seul qui le soutient dans les r�gions du sublime et nous y emporte avec lui.
{CL 247} . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le Christ de Michel-Ange n'est ni un philosophe ni un h�ros de roman. C'est Dieu lui-m�me dont le bras va r�duire en poudre l'univers. Il faut � Michel-Ange, il faut au peintre des formes, des contrastes, des ombres, des lumi�res sur des corps charnus et mouvans. Le jugement dernier, c'est la f�te de la chair; aussi comme on la voit courir d�j� sur les os de ces p�les ressuscit�s, au moment o� la trompette entr'ouvre leur tombe et les arrache au sommeil des si�cles! Dans quelle vari�t� de po�tiques attitudes ils entr'ouvrent leurs paupi�res � la lueur de ce sinistre et dernier jour qui secoue pour jamais la poussi�re g du s�pulcre et p�n�tre jusqu'aux entrailles de cette terre o� la mort a entass� ses victimes! Quelques-uns soul�vent avec effort la couche �paisse sous laquelle ils ont dormi si longtemps; d'autres, d�gag�s d�j� de leur fardeau, restent l� �tendus et comme �tonn�s d'eux-m�mes. Plus loin, la barque vengeresse emporte la foule des r�prouv�s. Caron se tient l�, battant de son aviron les �mes paresseuses: qualunque s'adagia!

{Presse 13/7/1855 1; Lub 258} Qui donc a �crit ces belles pages? Ne semble-t-il pas qu'on entend Michel-Ange lui-m�me parler de son œuvre et en expliquer la pens�e? Ce langage si grand et si ferme qu'il ne semble pas appartenir � notre si�cle n'est-il pas celui du ma�tre traduit par quelque litt�rateur contemporain du premier ordre?

Non! Ces pages sont �crites par un ma�tre moderne qui n'a ni le go�t ni le temps d'�crire. Elles ont �t� jet�es � la h�te sur le papier, dans un jour de br�lante indignation contre l'indiff�rence du public et de la critique en pr�sence d'une belle copie du Jugement dernier due � Sigalon, et que Paris �tait appel� � contempler au palais des Beaux-Arts, ce dont Paris ne se souciait pas le moins {CL 248} du monde. Ces pages, dont le ma�tre ne veut pas seulement qu'on lui parle et qu'il craint peut-�tre de relire, sont sign�es Eug�ne Delacroix.

Je ne dirai pas: Que n'en a-t-il �crit beaucoup d'autres*! Mais bien: Que n'a-t-il pu mettre douze heures de plus dans ses journ�es d�j� trop courtes pour la peinture! Lui seul, je le crois, e�t pu traduire son propre g�nie � la multitude en lui traduisant celui des ma�tres tant aim�s et si bien compris par lui!

* h Il en a �crit quelques autres que la post�rit� recueillera tr�s pr�cieusement, entre autres un opuscule intitul�: Questions sur le beau.

Citons la conclusion; on y verra le proc�d� par lequel Delacroix est devenu un peintre �gal � Michel-Ange.

On n'a pas craint d'affirmer que la vue du chef-d'œuvre de Michel-Ange corromprait le go�t des �l�ves et les induirait � la mani�re, comme si quelque chose pouvait �tre plus funeste que la mani�re m�me des �coles. Sans doute, des mod�les aussi frappans ne s'adressent pas � tous les esprits. Il en est de l'�tude d'une mani�re si agrandie, d'un art si abstrait, si l'on peut parler ainsi, comme de ces r�gimes aust�res auxquels ne se soumettent que les rudes temp�ramens. En pr�sence de tant de grandeur et de hardiesse, un �l�ve imb�cile se retourne vers son ma�tre et ne voit dans le d�dain du grand peintre pour l'imitation vulgaire que l'impuissance d'imiter. Le ma�tre se demande � son tour s'il fera c�der la tradition devant ce m�pris de toute tradition, et cependant le sublime artiste s'avance {Lub 259} � travers les si�cles, entour� de disciples plus dignes de lui. Tous les grands noms de la peinture marchent � ses c�t�s et le couronnent des rayons de leur propre gloire. . . . . . . . . .

Apr�s toutes les nouvelles d�viations dans lesquelles l'art pourra se trouver entra�n� par le caprice et le {CL 249} besoin du changement, le grand style du Florentin sera toujours comme un p�le vers lequel il faudra se tourner de nouveau pour retrouver la route de toute grandeur et de toute beaut�.

Le voil�, le proc�d�! C'est d'adorer le beau d'abord, ensuite de le comprendre, et puis enfin de le tirer de soi-m�me. Il n'y en a pas d'autre.

On peut bien croire que l'inintelligence du si�cle a fait mortellement souffrir cette �me enthousiaste des grandes choses. Heureusement, la gaiet� charmante de son esprit l'a pr�serv� de la souffrance qui aigrit. Quant � celle qui �nerve, le g�ant �tait trop fortement tremp� pour la conna�tre. Il a r�solu le probl�me de prendre son essor entier, un essor victorieux, immense, et qui laisse le partage et le paradoxe loin sous ses pieds, comme cette fulgurante figure d'Apollon qu'il a jet�e aux vo�tes du Louvre oublie, dans la splendeur des cieux, les chim�res qu'il vient de terrasser. Il a r�solu ce probl�me sans perdre la jeunesse de son �me, la g�n�rosit� et la droiture de ses instincts, le charme de son caract�re, la modestie et le bon go�t de son attitude.

Delacroix i a travers� plusieurs phases de son d�veloppement en imprimant � chaque s�rie de ses ouvrages le sentiment profond qui lui �tait propre. Il s'est inspir� du Dante, de Shakspeare et de Goethe, et les romantiques, ayant trouv� en lui leur plus haute expression, ont cru qu'il appartenait exclusivement � leur �cole. Mais une telle fougue de cr�ation ne pouvait s'enfermer dans un cercle ainsi d�fini. Elle a demand� au ciel et aux hommes de l'espace, de la lumi�re, des lambris assez vastes pour contenir ses compositions, et, s'�lan�ant alors dans le monde de son id�al j complet, elle a tir� de l'oubli, o� il �tait question de les rel�guer, les all�gories de l'antique Olympe, qu'elle a m�l�es, en grand historien de la po�sie, � l'illustration {CL 250} des g�nies de tous les si�cles. Delacroix a rajeuni ce monde �vanoui ou travesti par de froides traditions, au feu de son {Lub 260} interpr�tation br�lante. Autour de ces personnifications surhumaines, il a cr�� un monde de lumi�re et d'effets, que le mot couleur ne suffit peut-�tre pas � exprimer pour le public, mais qu'il est forc� de sentir dans l'effroi, le saisissement ou l'�blouissement qui s'emparent de lui � un tel spectacle. L� �clate l'individualit� du sentiment de ce ma�tre, enrichie du sentiment collectif des temps modernes, dont la source cach�e au fond des esprits sup�rieurs grossit toujours � travers les �ges.

Il y aura n�anmoins toujours un ordre d'esprits syst�matiques qui reprocheront � Delacroix de n'avoir pas pr�sent� � leurs sens le joli, le gracieux, la forme voluptueuse, l'expression carressante comme ils l'entendent. Reste � savoir s'ils l'entendent bien, et si, dans cette r�gion de la fantaisie, ils sont comp�tents � discerner le faux du vrai, le na�f du mani�r�. J'en doute. Ceux qui comprennent r�ellement le Corr�ge, Rapha�l, Watteau, Prudhon, comprennent tout aussi bien Delacroix. La gr�ce a son si�ge, et la puissance a le sien. D'ailleurs les gr�ces sont des divinit�s � mille faces. Elles sont lascives ou chastes selon l'œil qui les voit, selon l'�me qui les formule. Le g�nie de Delacroix est s�v�re, et quiconque n'a pas un sentiment d'�l�vation k ne le go�tera jamais enti�rement. Je crois qu'il y est tout r�sign�.

Mais quelle que soit la critique il laissera un grand nom et de grandes œuvres. Quand on le voit p�le, fr�le, nerveux et se plaignant de mille petits maux obstin�s � le tenir en haleine, on s'�tonne que cette d�licate organisation ait pu produire avec une rapidit� surprenante, � travers des contrari�t�s et des fatigues inou�es, des œuvres colossales. Et pourtant elles sont l�, et elles seront suivies, s'il pla�t � Dieu, de beaucoup d'autres, car le ma�tre est de {CL 251} ceux qui se d�veloppent jusqu'� la derni�re heure et dont on croit en vain saisir le dernier mot � chaque nouveau prodige.

Delacroix n'a pas �t� seulement grand dans son art, il a �t� grand dans sa vie d'artiste. Je ne parle pas de ses vertus priv�es, de son culte pour sa famille, de ses tendresses pour ses amis malheureux, des charmes solides de son caract�re, en un mot. Ce sont l� des m�rites individuels que l'amiti� ne publie pas � son de trompe. Les �panchements de son cœur dans ses admirables {Lub 261} lettres feraient ici un beau chapitre qui le peindrait mieux que je ne sais le faire. Mais les amis vivants doivent-ils �tre ainsi r�v�l�s, m�me quand cette r�v�lation ne peut �tre que la glorification de leur �tre intime? Non, je ne le pense pas. L'amiti� a sa pudeur, comme l'amour a la sienne. Mais ce qui en Delacroix appartient � l'appr�ciation publique pour le profit que portent les nobles exemples, c'est l'int�grit� de sa conduite; c'est le peu d'argent qu'il a voulu gagner, la vie modeste et longtemps g�n�e qu'il a accept�e plut�t que de faire aux go�ts et aux id�es du si�cle (qui sont bien souvent celles des gens en place) la moindre concession � ses principes d'art. C'est la pers�v�rance h�ro�que avec laquelle, souffrant, malingre, bris� en apparence, il a poursuivi sa carri�re, riant des sots d�dains, ne rendant jamais le mal pour le mal, malgr� les formes charmantes d'esprit et de savoir-vivre qui l'eussent rendu redoutable dans ces luttes sourdes et terribles de l'amour-propre; se respectant lui-m�me dans les moindres choses, ne boudant jamais le public, exposant chaque ann�e au milieu d'un feu crois� d'invectives qui e�t �tourdi ou �cœur� tout autre; ne se reposant jamais, sacrifiant ses plaisirs les plus purs, car il aime et comprend admirablement les autres arts, � la loi imp�rieuse d'un travail longtemps infructueux pour son bien-�tre et son succ�s: vivant, en un mot, au jour le jour, sans envier le faste {CL 252} ridicule dont s'entourent les artistes parvenus, lui dont la d�licatesse d'organes et de go�ts se f�t si bien accommod�e pourtant d'un peu de luxe et de repos!

Dans tous les temps, dans tous les pays, on cite les grands artistes qui n'ont rien donn� � la vanit� ou � l'avarice, rien sacrifi� � l'ambition, rien immol� � la vengeance. Nommer Delacroix, c'est nommer un de ces hommes purs dont le monde croit assez dire en les d�clarant honorables, faute de savoir combien la t�che est rude au travailleur qui succombe et au g�nie qui lutte.

Je n'ai point � faire l'historique de nos relations; elle est dans ce seul mot: amiti� sans nuages. Cela est bien rare et bien doux, et entre nous {Presse 13/7/1855 2} cela est d'une v�rit� absolue. Je ne sais pas si Delacroix a des imperfections de caract�re. J'ai v�cu pr�s de lui dans l'intimit� de la {Lub 262} campagne et dans la fr�quence des relations suivies, sans jamais apercevoir en lui une seule tache, si petite qu'elle f�t. Et pourtant nul n'est plus liant, plus na�fet plus abandonn� dans l'amiti�. Son commerce a tant de charmes qu'aupr�s de lui on se trouve soi-m�me �tre sans d�fauts, tant il est facile d'�tre d�vou� � qui le m�rite si bien. Je lui dois en outre, bien certainement, les meilleures heures de pures d�lices que j'aie go�t�es en tant qu'artiste. Si d'autres grandes intelligences m'ont initi�e � leurs d�couvertes et � leurs ravissements dans la sph�re d'un id�al commun, je peux dire qu'aucune individualit� d'artiste ne m'a �t� plus sympathique et, si je puis parler ainsi, plus intelligible dans son expansion vivifiante. Les chefs-d'œuvre qu'on lit, qu'on voit ou qu'on entend ne vous p�n�trent jamais mieux que doubl�s en quelque sorte dans leur puissance par l'appr�ciation d'un puissant g�nie. En musique et en po�sie comme en peinture, Delacroix est �gal � lui-m�me, et tout ce qu'il dit quand il se livre est charmant ou magnifique sans qu'il s'en aper�oive.

{CL 253} Je ne compte pas entretenir le public de tous mes amis. Un chapitre consacr� � chacun d'eux, outre qu'il blesserait la timidit� modeste de certaines natures �prises de recueillement et d'obscurit�, n'aurait d'int�r�t que pour moi et pour un fort petit nombre de lecteurs. Si j'ai parl� beaucoup de Rollinat, c'est parce que cette amiti� type a �t� pour moi l'occasion de dresser mon humble autel � une religion de l'�me que chacun de nous porte plus ou moins pure en soi-m�me.

Quant aux personnes c�l�bres, je ne m'attribue pas le droit d'ouvrir le sanctuaire de leur vie intime, mais je regarde comme un devoir d'appr�cier l'ensemble excellent de leur vie par rapport � la mission qu'elles remplissent, quand je suis � m�me de remplir ce devoir en connaissance de cause.

Que ceux de mes anciens amis qui ne trouveront pas leurs noms � cette page de mon histoire ne pensent donc pas qu'ils soient effac�s de mon cœur. Plus d'un m�me, que les circonstances ont forc�ment �loign�s, � la longue, du milieu o� j'ai d� vivre, me sont rest�s chers et gardent l dans mes souvenirs la place honorable et douce qu'ils s'y sont faite. m

Parmi ceux-l�, je te nommerai pourtant David {Lub 263} Richard, type noble et doux, �me pure entre toutes! Tu appartiens � l'estime d'un groupe moins restreint que celui o� ton humilit�, vraiment chr�tienne, s'est toujours cach�e. La charit� t'a, pour ainsi dire, d�tach� de toi-m�me, et tes patientes �tudes, les �lans g�n�reux de ton cœur t'ont jet� dans une vie d'ap�tre o� le mien t'a suivi avec une constante v�n�ration.

C'est qu'il est rare que les �mes port�es � ce sentiment-l� ne deviennent pas dignes de l'inspirer � leur tour. Cet humble axiome r�sume toute la vie de David Richard. Dou� d'une tendresse suave et d'une foi fervente, il vit {CL 254} dans ses amis (et en t�te de ses premiers amis fut l'illustre Lamennais), non pas des soutiens et des appuis pour sa faiblesse, mais des aliments naturels pour les forces de son d�vouement. Je ne sais pas si on l'a jamais soutenu et consol�, lui! Je ne crois pas, du moins, qu'il ait jamais song� � se plaindre d'aucune peine personnelle. Ce que je sais, c'est qu'il �coutait, consolait et calmait toujours, attirant � lui toutes les peines des autres et les dissipant ou les calmant par je ne sais quelle influence myst�rieuse, sur laquelle n j'aurais quelque chose � dire, si j'osais, � propos d'un homme aussi s�rieux, parler de choses qui touchent � l'empire des r�ves.

Mais pourquoi ne l'oserais-je pas? J'y songe bien, et je ne sens en moi aucune d�viation du bon sens vers les illusions fantasques. Je n'ai rien trouv� de tel dans ce que David Richard m'a dit de la phr�nologie et du magn�tisme. Lui-m�me faisait la part des inductions hasard�es et des conclusions excessives. Il s'occupait s�rieusement de ce mode d'observations qui le conduisait � chercher la part de fatalit� qui pr�side aux destin�es humaines; mais ses tendances spiritualistes le tenaient dans le milieu rationnel et religieux qui doit nous faire rejeter l'id�e d'une fatalit� invincible.

Cette noble intelligence, apr�s s'�tre adonn�e avec ardeur � la poursuite de la fatalit� d'organisation, s'arr�ta donc au point o� l'ath�isme d�sesp�rant e�t �branl� une croyance moins r�fl�chie et un caract�re moins aimant. Il ne se plongea dans la connaissance du mal que pour en chercher le rem�de. Il ne vit l'homme incomplet que pour le plaindre, et infirme que pour vouloir le gu�rir. Il se souvint que l'esp�rance est une {Lub 264} des trois vertus c�lestes, et, au bord des ab�mes du doute, il regarda en haut et pria.

Ses amis s'effray�rent de son enthousiasme tranquille et profond. Ils me pri�rent souvent de le pr�server, s'il �tait {CL 255} possible o, de ses tendances au mysticisme. Parmi ceux-l� fut le docteur Gaubert, qui devint mon ami autant que le docteur David Richard: un homme de m�me trempe pour la vertu et la bont�, mais d'un enthousiasme plus expansif et d'un esprit plus absolu.

Je ne pense pas qu'il m'e�t �t� possible de changer les convictions de Richard; mais je ne l'essayai pas parce que je ne trouvai jamais son esprit en p�ril sur ces questions ardues. Je crois, si j'ai bien compris Gaubert (car Richard �tait r�serv� sur cette mati�re), que la discussion roulait sur ce point essentiel que j'ai indiqu�: � savoir si la fatalit� de l'organisation �tait absolue ou accidentelle; si la volont� divine avait trac� d'avance � chaque cr�ature le cercle de ses instincts et l'invincible loi de sa perte ou de son salut en ce monde; — ou si elle avait permis que la volont� humaine f�t �branl�e par des troubles int�rieurs d'une gravit� plus ou moins difficile, mais toujours possible � vaincre.

On a vu au commencement de cet ouvrage, que je penche vers cette derni�re opinion. J'ai dit que, selon moi, nous portions en nous le tentateur �ternel, mais que l'action divine, appel�e la gr�ce par les chr�tiens, �tait en nous aussi pour nous aider � combattre. J'�tais donc plus pr�s de l'opinion de Richard, qui croyait � la gr�ce, que de celle de Gaubert, qui croyait seulement � de certaines modifications phr�nologiques apport�es par le r�gime et l'�ducation.

Je n'�tais pas assez instruite, je ne le suis pas encore assez pour me prononcer bien haut dans un sens ou dans l'autre, vis-�-vis d'hommes qui ont fait de ces questions la sp�cialit� de leur vie. Mes croyances, � moi, partent du sentiment avant tout, et, pour ma gouverne, cela m'a toujours suffi. Je ne trouvai donc entre ces deux chers et pr�cieux amis rien qui g�n�t mon esprit dans la route qui lui �tait propre. Ils �taient d'accord pour signaler des causes {CL 256} fatales de bien et de mal dans l'essence m�me de chaque �tre. Ils diff�raient sur le plus ou moins d'efficacit� du rem�de. Richard, croyant trouver en Dieu le rem�de souverain, ne s'arr�tait peut-�tre pas {Lub 265} au seuil du dogme catholique autant que l'e�t souhait� Gaubert, ennemi comme moi, du dogme des peines �ternelles au-del� de la vie, et des peines absolues ici-bas, la fl�trissure et la mort, qui sont, dans nos l�gislations, l'�quivalent de la damnation sans retour dans les id�es religieuses.

Il me semblait que tous deux tendaient vers une v�rit� utile, l'un en voulant l'indulgence des lois pour le mis�rable, priv� de la conscience de ses actions; l'autre en voulant faire agir la vertu et la foi sur l'�me �gar�e ou perverse.

Si la mort ne nous e�t enlev� Gaubert au milieu de sa carri�re, il e�t abouti � quelque noble cons�cration de ses principes. Richard a poursuivi et compl�t� la sienne en se vouant � la gu�rison de la d�mence. Il est m�decin en chef de l'�tablissement de Stephansfeld, occup� � toute heure de chercher � calmer, � distraire, � consoler, � relever ses malheureux ali�n�s p, et � ranimer en eux l'�tincelle de la raison ou de la moralit�.

Je ne sais pas ce que sont devenues ses opinions sur le magn�tisme. Durant les ann�es o� nous avons pu ne pas nous perdre de vue, il s'adonnait beaucoup � l'�tude de cette chose myst�rieuse � laquelle Gaubert croyait d'une mani�re absolue. Ce dernier me fit voir des exp�riences qui me convainquirent pendant quelque temps; mais lui-m�me d�couvrit que nous avions �t� jou�s, et j'avoue que depuis des tours si bien faits, je suis devenue d'une m�fiance fort difficile � gu�rir.

Il resta, lui, attach� � sa croyance jusqu'au dernier moment, avouant, comme son digne ami le docteur Frappart, qu'il n'avait jamais pu s'emparer d'un fait concluant, gr�ce {CL 257} aux charlatans et aux sycophantes qui s'�taient jet�s sur la profession lucrative des sujets magn�tiques; mais protestant, au nom de la logique de la science, contre la n�cessit� du fait. J'avoue que c'est l� pour moi une conclusion difficile � admettre. La science est, � cet �gard, une chose si nouvelle que longtemps encore elle ne pourra �tre que la recherche des causes et de la nature de certains faits insolites. Si ces faits sont insaisissables, quelle loi de la nature nous commandera, au nom de la logique, de nous passer de cette preuve? De ce que l'attraction gouverne un certain ordre de choses mat�rielles, r�sulte-t-il que la pens�e humaine {Lub 266} puisse s'isoler des fonctions de l'organisme et nous faire entrer dans le domaine des prestiges?

J'y ai beaucoup pens�, sans la moindre pr�vention contraire, et m�me avec le violent d�sir, si naturel � l'imagination po�tique, de sortir du monde positif et d'entrer dans une voie inconnue. J'ai trouv� beaucoup de charme � m'illusionner moi-m�me � un moment donn�. Je trouve les savants officiels tr�s-l�gers dans leur d�dain pour tout examen attentif des ph�nom�nes magn�tiques. J'ai trouv� souvent fort mauvaises les raisons qu'ils donnaient pour se dispenser de cet examen. Mais je n'ai pas trouv� autre chose, et, en somme, je n'ai pas de conviction motiv�e � faire valoir en faveur du magn�tisme, sous les diverses formes qu'il a prises pour devenir un objet de commerce ou d'amusement, et bien moins depuis que les tables s'efforcent de tourner que du temps o� on ne leur demandait rien de semblable.

Cependant il y a un magn�tisme dans l'�tre humain, comme il y a une fascination exerc�e par certains animaux sur d'autres esp�ces d'animaux pour les attirer et les soumettre. Les grands orateurs, les grands artistes, m�me des personnes vulgaires dou�es d'une volont� tenace et irr�fl�chie, l'exercent souvent sur certains de leurs semblables {CL 258} dont les tendances extatiques se pr�tent particuli�rement � la subir; mais cette fascination est loin d'�tre absolue et irr�sistible: elle �choue compl�tement sur un grand nombre de sujets, au moment m�me o� elle en domine exclusivement quelques-uns. Et si elle agit, de la part d'un homme sup�rieur, sur le grand nombre, elle s'arr�te toujours devant quelques individus r�calcitrants.

C'est donc une puissance limit�e, et qui pour se d�velopper a besoin du consentement d'autrui. Aucun homme ne vient au monde avec la facult� absolue de dominer son semblable. Dieu, qui ne lui en a pas donn� le droit, lui en refuse le pouvoir. Il y a seulement, dans le plus ou moins d'ascendant que nous pouvons prendre les uns sur les autres, une intention providentielle de r�server l'autorit� morale � ceux qui en sont dignes.

Il y a aussi, dans la surexcitation des passions comprim�es, ou dans la force soutenue des grandes affections, peut-�tre aussi dans la contention des fortes intelligences, des faits de divination magn�tique que le cœur et l'esprit {Lub 267} ne se refusent pas � admettre, tandis qu'ils repoussent avec d�go�t les r�v�lations des jongleurs et la prescience des sibylles de carrefour.

Enfin, je crois q s�rieusement � des influences. Je ne sais pas qualifier autrement certaines dispositions soudaines o� nous placent, � notre insu, peut-�tre � l'insu d'elles-m�mes, certaines personnes que nous aimons ou qui nous d�plaisent � premi�re vue. Que ce soit une impression re�ue dans une existence ant�rieure dont nous avons perdu le souvenir, ou r�ellement un fluide qui �mane d'elles, il est certain que la rencontre des ces personnes nous est bienfaisante ou nuisible. Je ne crois pas que ces pr�ventions soient imaginaires dans leurs causes, n'ayant jamais vu qu'elles le fussent dans leurs effets. Je ne parle pas des pr�ventions l�g�res, fantasques ou pr�con�ues. On fait fort bien de vaincre celles-l� {CL 259} d�s qu'on les sent mal fond�es; mais il en est de bien s�rieuses auxquelles on ne donne pas assez d'attention, et qu'on se repent toujours d'avoir repouss�es lorsqu'on avait la libert� d'agir.

Si c'est une superstition, j'ai celle-l�, je l'avoue, et j'ai fait l'exp�rience d'aimer toute ma vie les gens que j'ai aim�s en les voyant pour la premi�re fois. Il en fut ainsi de David Richard, que je n'ai pas vu depuis plus de dix ans, et de mon pauvre Gaubert, que je ne verrai plus que dans une autre vie. Les voir �tait pour moi un v�ritable bien-�tre moral, que je ressentais, m�me d'une fa�on mat�rielle, dans l'aisance de ma respiration, comme s'ils eussent apport� autour de moi une atmosph�re plus pure que celle dont j'�tais nourrie � l'habitude. Ne plus les voir n'a presque rien �t� au bien-�tre intellectuel que m'apporte leur souvenir et au rass�r�nement qui se fait dans ma pens�e quand je m'imagine converser avec eux.

C'est qu'il y a des �mes, je ne dirai pas faites les unes pour les autres, -trop de dissemblances dans leurs facult�s leur commandent de ne pas se jeter aveugl�ment dans le m�me chemin, — mais des �mes qui se conviennent par quelque point essentiel et dominant. Gaubert me disait, dans sa langue phr�nologique, que nous nous tenions par les protub�rances de l'affectionnivit� et de la v�n�ration. Soit! Quand ces �mes se rencontrent, elles se devinent et s'acceptent mutuellement sans h�siter, {Lub 268} elles se saluent comme de vieilles connaissances; elles n'ont rien � se r�v�ler de nouveau, et pourtant elles se d�lectent dans l'entretien l'une de l'autre, comme si elles se retrouvaient apr�s une longue s�paration.

La femme admirable et infortun�e dont j'ai parl� dans les pages pr�c�dentes demandait au ciel des saints et des anges sur la terre. Je me souviens de lui avoir dit souvent qu'il y en avait, mais que nous n'avions pas toujours le {CL 260} sens divin qui les fait reconna�tre sous l'humble forme et parfois sous le pauvre habit qui les d�guisent. Nous avons de l'imagination, nous cherchons le prestige. La beaut�, le charme, l'esprit, la gr�ce nous enivrent et nous courons apr�s de trompeurs m�t�ores sans nous douter que les vrais saints sont plus souvent cach�s dans la foule que plac�s sur le pi�destal. Et puis, quand nous avons suivi ces belles lumi�res qui attirent comme les feux follets, elles s'�teignent tout � coup, et avec elles l'enthousiasme qu'elles nous inspiraient. Ces erreurs-l� s'appellent quelquefois passions. Les vrais saints ne fanatisent pas ainsi. Ils n'inspirent que des sentiments doux et ang�liques comme eux-m�mes. Ils sont trop modestes pour vouloir entra�ner ou �blouir. Ils ne troublent pas le cerveau, ils ne tourmentent pas le cœur. Ils sourient et b�nissent. Heureux l'instinct qui les d�couvre et le jugement qui les appr�cie!

Des saints et des anges! Et pourquoi ne voulons-nous pas comprendre que ces beaux �tres fantastiques sont d�j� de ce monde � l'�tat latent, comme le papillon splendide dans sa propre larve? r Ils n'ont ni rayons de feu ni ailes d'or pour se distinguer des autres hommes. Ils n'ont pas m�me toujours les beaux yeux profonds et lumineux qui �clairaient la figure p�le de mon bon Gaubert. Ils ne sont ni remarqu�s ni admir�s dans le monde. Ils ne brillent nulle part, ni sur des chevaux rapides, ni aux avant-sc�nes des th��tres, ni dans les salons, ni dans les acad�mies, ni dans le forum, ni dans les c�nacles. S'ils eussent v�cu sous Tib�re, ils n'eussent brill� qu'aux ar�nes, en qualit� de martyrs, comme tant d'autres fid�les serviteurs de Dieu, dont on n'e�t jamais entendu parler si l'occasion d'un grand acte de foi ne se f�t rencontr�e pour envoyer aux archives du ciel les noms sacr�s de ces victimes obscures, la splendeur de ces vertus ignor�es.

{Lub 269} Des saints et des anges! oui, � mes yeux, Gaubert {CL 261} �tait un saint et Richard un ange: celui-ci paisible et nageant sans trouble et sans effroi dans son rayonnement int�rieur; celui-l�, plus agit�, plus impatient, exhalant de br�lantes indignations contre la folie ou la perversit�, qu'il comprenait d'autant moins qu'il les �tudiait davantage.

Gaubert m'inspirait une tendresse v�ritable, parce qu'il l'�prouvait pour moi. Quoiqu'il n'e�t qu'une dizaine d'ann�es de plus que moi, sa t�te chauve, ses joues creuses, sa d�bile sant� et, plus que tout cela, l'aust�rit� na�ve de sa vie et de ses id�es, le vieillissaient de vingt ans � mes yeux et � ceux de ses autres amis. C'�tait le type du vertueux et tendre p�re, s�v�re et absolu dans ses th�ories, indulgent jusqu'� la g�terie dans la pratique des affections. J'ai pleur� sa mort, non pas seulement par respect et par attendrissement, mais par �go�sme de cœur. Il nous avait pourtant dit cent fois � tous qu'il ne fallait pas pleurer les morts ch�ris, mais bien plut�t remercier Dieu de les avoir appel�s � lui, et pousser le d�vouement au del� de la tombe jusqu'� se r�jouir de les savoir en possession de leur r�compense. Il avait raison, mais les entrailles ne raisonnent pas, et si je l'ai am�rement regrett�, c'est sa faute. Il s'�tait rendu trop n�cessaire � moi. Je voyais en lui un refuge contre tous les d�couragements et toutes les langueurs de la volont�, une loi vivante du devoir avec les suavit�s de la pr�dication enthousiaste, et ces douceurs de la sollicitude paternelle qui p�n�trent et consolent. Les saints farouches et asc�tiques frappent l'imagination ou �veillent l'orgueil qu'on appelle �mulation. Ils n'agissent donc que sur de nobles orgueilleux de leur trempe. Les saints doux et tendres attirent davantage, et, pour mon compte, je n'aime que ceux-ci.

J'aurai � reparler de Gaubert et du bon fr�re qui lui a surv�cu, dans la suite de mon histoire. s Il me reste � dire, {CL 262} � propos de Richard et du magn�tisme, une particularit� que je ne pr�tends pas expliquer.

Je suis un sujet tr�s-rebelle, je crois, � l'influence magn�tique directe. Je ne sais si l'on pourrait m'endormir. On ne me ferait pas r�ver pour cela, je pense. Et quand je r�verais tout haut, cela ne prouverait pas plus que de la part de ceux qui proph�tisent au hasard {Lub 270} et dont le hasard justifie les pr�dictions. Les passes magn�tiques m'irritent les nerfs et m'impatientent. Bref, je ne crois pas plus au fluide qui du creux de la main de l'un se communique au cerveau d'un autre qu'� celui qui du bout des doigts va chercher l'�me d'une table ou d'un chapeau.

Mais l'influence extraordinaire que la seule pr�sence d'une personne sympathique ou antipathique peut exercer sur le syst�me nerveux, je l'ai �prouv�e et suis forc�e d'y croire. L'antipathie peut m�me n'�tre que physique et rester inexplicable. Je l'ai ressentie dans les violentes migraines dont j'ai �t� si longtemps affect�e. La seule rencontre de certaines personnes que je ne ha�ssais pas pour cela, et qui ne me causaient m�me nul ennui, m'amenait instantan�ment une crise ou un redoublement insupportable, et quand ces affreuses douleurs m'ont reprise tout � coup en les revoyant, � l'insu de ma m�moire, et de mon imagination par cons�quent, j'ai �t� forc�e de croire que le fluide y �tait pour quelque chose.

Le seul fluide curatif que j'aie rencontr� est celui de Richard. Trois ou quatre fois la migraine ou les douleurs du foie m'ont quitt�e au bout de quelques instants de sa pr�sence, et m�me � sa seule apparition dans la chambre o� je me trouvais. Ce ne fut point du tout l'affaire de sa volont� ni celle de mon imagination. L'imagination, quoi qu'on en dise, n'agit pas � l'insu d'elle-m�me dans les t�tes lucides t.

Je laisse ce fait pour ce qu'il est; mais je reste persuad�e {CL 263} que certains individus peuvent agir sur certains autres par autre chose que le sentiment, l'imagination ou les sens. Je dis donc que c'est par le fluide, puisque c'est un mot consacr�. Je crois qu'on peut toujours combattre l'exc�s de cette influence si elle est mauvaise, mais qu'on ne doit pas la nier l�g�rement et sans examen. Elle ne para�t myst�rieuse que parce qu'elle n'a pas trouv� une explication nette et claire.

Je m'excuserai d'avoir insist� sur un fait pu�ril qui m'est tout personnel, en concluant ainsi: — Il est facile de passer � travers les pr�occupations du monde et du temps o� l'on existe, en rejetant brusquement ce qui choque les instincts, ou en acceptant, avec une pr�cipitation aveugle, ce qui les flatte. Moi, qui crois devoir {Lub 271} rendre compte, le plus impartialement possible, non pas de tout ce qui a �t� discut� autour de moi (je n'ai pas la connaissance suffisante), mais de l'impression que j'en ai re�ue, je n'ai pas voulu parler du myst�re �lectro-magn�tique avec une compl�te irr�v�rence, et sans apporter mon petit fait d'exp�rience personnelle � l'appui de ce qu'il peut ou de ce qu'il doit y avoir de s�rieux dans l'objet de cette recherche.

Au reste, je n'attache pas � mon opinion plus d'importance qu'elle n'en m�rite. Si j'en dois compte au public, c'est surtout parce que dans divers ouvrages j'ai permis � ma fantaisie de s'�garer dans un monde qui �tait de son domaine et dont la peinture ne tire pas � cons�quence dans les romans. Je dois faire bon march� du merveilleux que je me suis assimil� dans l'occasion sans scrupule. Les romans ont ce bon c�t� d'�tre une sorte d'histoire libre de ce qui se passe, � un moment donn�, de dramatique ou de riant, de po�tique ou de s�rieux dans les cervelles humaines. L'historien est forc� de tout juger. Le conteur est plus libre et peut subir, sans remords, les influences passag�res de son imagination; il sait qu'elles ne peuvent {CL 264} �garer personne dans une fiction, et que si on les examine plus tard � un point de vue historique, on y trouve toujours cette sorte d'enseignement qui consiste � appr�cier le plus ou moins d'intensit� des �motions que son �poque lui a communiqu�es en les ressentant elle-m�me. Le second volume de Wilhem Meister, qui semble ne plus se passer dans le monde de la r�alit�, est tr�s-int�ressant � �tudier, comme r�v�lation du monde d'aper�us nouveaux que Go�the, personnifiant alors l'Allemagne pensante ou r�veuse, portait en lui-m�me; ceci soit dit sans impertinente comparaison entre Go�the et l'�crivain de ces humbles pages.

Quant � des conclusions concluantes sur le go�t du merveilleux que le magn�tisme a introduit dans le monde, nous n'y sommes pas encore, et il faudra du temps � la science pour les prononcer avec fruit. Ne d�t-il rester de ces d�bats que certains ouvrages, ou la place qu'ils ont prise dans certains ouvrages u, ils auront servi � soulever une foule de questions d'un int�r�t r�el et � exercer l'esprit humain aux luttes du progr�s.

Pour mon compte, apr�s m'�tre tourment�e quelque {Lub 272} temps de ces probl�mes, je suis arriv�e � comprendre qu'il n'y avait pas grande honte � ne pouvoir pas les trancher. Chaque si�cle a les siens, et ce n'est pas en philosophie et en politique que l'on rencontre les moindres. Chaque si�cle est donc arr�t� en sa route par des questions ardues dans tous les genres, et ceux qui se h�tent de les r�soudre regrettent souvent, sur leurs vieux jours, de s'�tre prononc�s pr�matur�ment, en se voyant d�mentis par des certitudes acquises, ou tout au moins par des probabilit�s tr�s-graves. On a le travers de ne jamais oser dire: Je ne sais pas. on craint de passer pour ignorant ou paresseux. On peut bien n'�tre ni l'un ni l'autre, et sentir que l'on n'est pas plus fort que son �poque.

{CL 265} Il est vrai que, si l'on avouait na�vement tout ce que l'on ne sait pas, on ne parlerait gu�re et on �crirait encore moins.

Ce qui m'est rest�, quant � moi, de tout ce que j'ai entendu dire sur certains sujets tr�s-sp�cieux, c'est que les gens de cœur et d'intelligence qui cherchaient sinc�rement la lumi�re la faisaient luire autour d'eux sur d'autres sujets plus importants. Ainsi, Richard, en �tudiant la bo�te osseuse du cr�ne humain, arrivait � �clairer l'esprit humain des lueurs de sa douce raison et de sa charit� fervente. Gaubert en me promenant � travers les catacombes pendant des journ�es enti�res, me parlait de la vie et de la mort en m�taphysicien convaincu et en vrai philosophe.


Variantes

  1. Chapitre 4. {Ms}Chapitre trente-troisi�me. {Presse} ♦ Chapitre cinqui�me. {Lecou}, {LP} ♦ V. {CL}
  2. Sommaire. Eug�ne Delacroix. — [Luigi Calamatta ray�]. — David Richard et Gaubert. — [R�flex ray�] La phr�nologie {Ms}Eug�ne Delacroix ♦ David Richard et Gaubert. — La phr�nologie {Presse} ♦ Eug�ne Delacroix. — David Richard et Gaubert — La phr�nologie {Lecou}, {LP} ♦ Eug�ne Delacroix. — David Richard et Gaubert. — La phr�nologie {CL}
  3. qu'aucun de nous ne se l'imagine. [Le mal est quelque chosc de si laid, le laid de quelque chose de si repoussant que tous les hommes, � peu d'exceptions pr�s, le rejettent d'instinct, de m�me qu'ils tombent ais�ment d'accord sur l'adoption et la cons�cration du bien en principe et en fait dans les choses. toutes leurs discussions roulent..... sur le plus ou moins de rayons qu'ils accordent � lastre de leur v�rit� relative sans vouloir admettre qu'il y aura toujours plus de rayons � la v�rit� �ternelle que la vue d'un homme n'en peut supporter ray�]. La notion {Ms}qu'aucun de nous ne peut se l'imaginer. La notion {Presse} et sq.
  4. de m�me que quand le [socialiste ray�] penseur {Ms}
  5. certaines natures d'�lite, {Ms}, {Presse}, {Lecou} ♦ certaines creatures d'�lite, {LP} et sq.
  6. ces types {Ms}ses types {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ ces types {CL}
  7. pour jamais la poussi�re {Ms}pour jamais la lumi�re {Presse} (ce contresens manifeste a �chapp� � tous les correcteurs: le texte de Delacroix parle bien poussi�re — note de Georges Lubin) ♦ pour jamais la poussi�re {Lub} r�tablissant la le�on originale; nous le suivons
  8. Cette note n'est pas dans {Ms}
  9. attitude. [Ah! non, je n'ai rien dit et ne saurai rien dire des merveilles de la couleur ray�] Delacroix {Ms}
  10. le monde de l'id�al {Ms}le monde de son id�al {Presse} et sq.
  11. sentiment capable d'�l�vation {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ sentiment d'�l�vation {CL}
  12. m'est rest� cher, et garde {Ms}, {Presse} ♦ me sont restes chers et gardent {Lecou} et sq.
  13. qu'il s'y est faite. {Ms}, {Presse} ♦ qu'ils s'y sont faite. {Lecou} et sq.
  14. myst�rieuse [qui lui venait de la puissance magn�tique ray�] sur laquelle {Ms} [Interruption de {Presse} apr�s myst�rieuse.]
  15. de le [tenir en garde ray�] pr�server s'il m'�tait possible {Ms}, {Lecou}, {LP}♦ de le pr�server s'il �tait possible {CL}
  16. relever ces malheureux ali�n�s {Ms}, {Lecou} ♦ relever ses malheureux ai�n�s {LP}
  17. Enfin, je crois {Ms}Je crois {Presse} qui reprend ici ♦ Enfin, je crois {Lecou} et sq.
  18. dans sa pauvre larve? {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ dans sa propre larve? {CL}
  19. Interruption de {Presse}
  20. dans les t�tes [saines, et je crois qu'on n'est jamais plus lucide qudans la migraine aigu� ray�] lucides {Ms}
  21. ouvrages, dans les remarquables articles de M. Victor Meunier particuli�rement, ils auront {Ms} ♦ ouvrages, ils auront {Lecou} et sq.

Notes