GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{LP T.? ?; CL T.3 [189]; Lub T.1 [957]} QUATRIÈME PARTIE
Du mysticisme � l'ind�pendance
1819-1832 a

{Presse 6/5/1855 1; CL T.3 [348]; Lub T.1 [1090]} VI b

La maladie de ma grand'm�re s'aggrave encore. — Fatigues extr�mes. — Ren�, Byron, Hamlet. — État maladif de l'esprit. — Maladie du suicide. — La rivi�re. — Sermon de Deschartres. — Les classiques. — Correspondance. — Fragments de lettres d'une jeune fille. — Derniers jours de ma grand'm�re. — Sa mort. — La nuit de No�l. — Le cimeti�re. — La veill�e du lendemain.



On a vu comment une circonstance tr�s-minime m'avait amen�e � soulever des probl�mes. Il en est toujours ainsi pour tout le monde, et bien qu'on soit convenu de dire qu'il ne faut pas se placer � un point c de vue personnel, il n'en pourra jamais �tre autrement dans les choses pratiques. Tel qui ferait une mauvaise action, s'il se r�voltait contre l'opinion des gens vertueux et �clair�s qui le guident et l'entourent, est n�cessairement port�, s'il a le sentiment du juste, � regarder l'opinion comme une loi; mais celui qui n'est aux prises qu'avec des niais injustes doit s'interroger avant de leur c�der, et partir de l� pour reconna�tre qu'il n'y a nulle part, entre Dieu et lui, de contr�le l�gitimement absolu pour les faits de sa vie intime. La cons�quence �tendue � tous de cette v�rit� certaine, c'est que la libert� de conscience est inali�nable. En appr�ciant le fait par l'intention, les j�suites avaient proclam� ce principe, probablement sans en voir tous les r�sultats d en dehors de leur ordre.

La petite aventure de la f�te du village avait donc �t� le pr�lude des calomnies monstrueusement ridicules qui se forg�rent sur mon compte peu de temps apr�s, avec un {CL 349} crescendo des plus brillants. Il semblait que le m�pris que j'en faisais f�t un motif de fureur pour ces bonnes gens de La Ch�tre, et que mon ind�pendance d'esprit {Lub 1091} (pr�sum�e, puisqu'ils ne me connaissaient que de vue) f�t un outrage au code d'�tiquette de leur clocher.

J'ai dit d�j� que la bicoque de La Ch�tre �tait remarquable par un nombre de gens d'esprit consid�rable relativement � sa population. Cela est encore vrai, mais partout les bons esprits sont l'exception, m�me dans les grandes villes; et dans les petites, on sait que la masse fait loi. C'est comme un troupeau de moutons o� chacun, pouss� par tous, donne du nez l� o� la moutonnerie enti�re se jette. De l� une aversion instinctive contre celui qui e tient � part; l'ind�pendance du jugement est le loup d�vorant qui bouleverse les esprits dans cette bergerie.

Mes relations d'amiti� avec les familles amies de la mienne n'en souffrirent pas, et je les ai gard�es intactes et douces tout le reste de ma vie.

Mais on pense bien que ma volont� de ne point voir par les yeux du premier venu ne fit que cro�tre et embellir quand tout ce d�cha�nement vint � ma connaissance. Je trouvais un si grand calme dans ce parti pris, que j'�tais presque reconnaissante envers les sots qui me l'avaient sugg�r�.

Aux approches de l'automne, ma pauvre grand'm�re perdit le peu de forces qu'elle avait recouvr�es; elle n'eut plus ni m�moire des choses imm�diates, ni appr�ciation des heures, ni d�sir e d'aucune distraction s�rieuse. Elle sommeillait toujours et ne dormait jamais. Deux femmes ne la quittaient ni la nuit ni le jour. Deschartres, Julie et moi, � tour de r�le, nous passions ou le jour ou la nuit, pour surveiller ou compl�ter leurs soins f. Dans ces fonctions fatigantes, Julie, bien que tr�s-malade elle-m�me, fut extr�mement courageuse et patiente. Ma pauvre grand'm�re {CL 350} ne lui laissait gu�re de repos. Plus exigeante avec elle qu'avec les autres, elle avait besoin de la gronder et de la contredire, et Julie �tait forc�e de nous faire intervenir souvent pour que sa malade renon��t � des caprices impossibles � satisfaire sans danger pour elle g.

Voulant mener de front le soin de ma bonne maman, les promenades n�cessaires � ma sant� et mon �ducation, j'avais pris le parti, voyant que quatre heures de sommeil ne me suffisaient pas, de ne plus me coucher que de deux nuits l'une. Je ne sais si c'�tait un meilleur syst�me, mais {Lub 1092} je m'y habituai vite, et me sentis beaucoup moins fatigu�e ainsi que par le sommeil � petites doses. Parfois, il est vrai, la malade me demandait � deux heures du matin, quand j'�tais dans toute la jouissance de mon repos. Elle voulait savoir de moi s'il �tait r�ellement deux heures du matin, comme on le lui assurait. Elle ne se calmait qu'en me voyant, et certaine enfin de la v�rit�, elle avait encore des paroles tendres pour me renvoyer dormir; mais il ne fallait gu�re compter qu'elle ne recommencerait pas � s'agiter au bout d'un quart d'heure, et je prenais le parti de lire aupr�s d'elle et de renoncer � ma nuit de sommeil h.

Ce dur r�gime ne prenait plus sensiblement sur ma sant�: la jeunesse se plie vite au changement d'habitudes; mais mon esprit s'en ressentit profond�ment: mes id�es s'assombrirent, et je tombai peu � peu dans une m�lancolie int�rieure i que je n'avais m�me plus le d�sir de combattre.

Comme Deschartres s'en affligeait, je m'appliquai � lui cacher cette disposition maladive. Elle redoubla dans le silence. Je n'avais pas lu Ren�, ce hors-d'œuvre si brillant du G�nie du Christianisme, que, press�e de rendre le livre � mon confesseur, j'avais r�serv� pour le moment o� je poss�derais un exemplaire � moi. Je le lus enfin, et j'en fus singuli�rement affect�e. Il me sembla que Ren� c'�tait {CL 351} moi. Bien que je n'eusse aucun effroi semblable au sien dans ma vie r�elle, et que je n'inspirasse aucune passion qui p�t motiver l'�pouvante et l'abattement, je me sentis �cras�e par ce d�go�t de la vie qui me paraissait puiser bien assez de motifs dans le n�ant de toutes les choses humaines. J'�tais d�j� malade; il m'arriva ce qui arrive aux gens qui cherchent leur mal dans les livres de m�decine. Je pris, par l'imagination, tous les maux de l'�me d�crits dans ce po�me d�sol�.

Byron, dont je ne connaissais rien, vint tout aussit�t porter un coup encore plus rude � ma pauvre cervelle. L'enthousiasme que m'avaient caus� les po�tes m�lancoliques d'un ordre moins �lev� ou moins sombre, Gilbert, Millevoie, Young, P�trarque, etc., se trouva d�pass�. Hamlet et Jacques de Shakespeare m'achev�rent. Tous ces grands cris de l'�ternelle douleur humaine venaient couronner l'œuvre de d�senchantement que les moralistes avaient commenc�e. Ne connaissant encore que quelques {Lub 1093} faces de la vie, je tremblais d'aborder les autres. Le souvenir de ce que j'avais d�j� souffert me donnait l'effroi et presque la haine de l'avenir. Trop croyante en Dieu pour maudire l'humanit�, je m'arrangeais du paradoxe de Rousseau qui proclame la bont� inn�e dans l'homme, en maudissant l'œuvre de la soci�t�, et en attribuant j � l'action collective ce dont l'action individuelle ne se f�t jamais avis�e.

Comme la conclusion de ce sophisme sp�cieux �tait que l'isolement, la vie recueillie et cach�e, sont les seuls moyens de conserver la paix de la conscience, ne voil�-t-il pas que, de par la libert�, je revenais au sto�cisme catholique de Gerson, et qu'�pouvant�e du n�ant de la vie, je pensais avoir tourn� dans un cercle vicieux?

Seulement Gerson promettait et donnait la b�atitude au c�nobite, et mes moralistes ainsi que mes po�tes ne me laissaient que le d�sespoir. Gerson, toujours logique � son {CL 352} point de vue �troit, m'avait conseill� de n'aimer mes semblables qu'en vue de mon propre salut, c'est-�-dire de ne les aimer point. J'avais appris des autres � mieux entendre J�sus et � aimer le prochain litt�ralement plus que moi-m�me: de l� une douleur infinie de voir chez mes semblables le mal dont il me semblait si facile de se pr�server, et un regret amer de ne pouvoir emporter dans la solitude l'esp�rance de leur conversion.

J'avais r�solu de m'abstenir de la vie; � mon r�ve de couvent avait succ�d� un r�ve de claustration libre, de solitude champ�tre. Il me semblait que j'avais, comme Ren�, le cœur mort avant d'avoir v�cu, et qu'ayant si bien d�couvert, par les yeux de Rousseau, de La Bruy�re, de Moli�re m�me, dont le Misanthrope �tait devenu mon code, par les yeux enfin de tous ceux qui ont v�cu, senti, pens� et �crit, la perversit� et la sottise des hommes, je ne pourrais jamais en aimer un seul avec enthousiasme k, � moins qu'il ne f�t, comme moi, une esp�ce de sauvage, en rupture de ban avec cette soci�t� fausse et ce monde fourvoy�.

Si Claudius, avec son esprit, son savoir et son scepticisme � l'endroit des choses humaines, e�t eu, comme moi, l'id�al religieux, j'eusse peut-�tre pens� � lui; j'y pensai l m�me, pour me questionner � ce sujet; mais, tout au contraire de moi, il arrivait rapidement � nier Dieu, disant qu'il aurait {Presse 6/5/1855 2} d� m commencer par l�. Cela creusait {Lub 1094} un ab�me entre nous, et notre amiti� �pistolaire en �tait glac�e. Je ne lui pardonnais que par la pens�e qu'il s'�clairerait mieux en s'instruisant davantage.

Cela n'arriva point. Et, bien que nous ayons �t� li�s plus tard assez intimement, cette souffrance int�rieure que me causait son ath�isme ne s'est jamais dissip�e, alors m�me que je n'avais plus l'esprit tendu habituellement sur des id�es aussi s�rieuses. Cet ath�isme produisit chez lui, dans {CL 353} son �ge m�r, des th�ories d'une perversit� surprenante, et l'on se demandait parfois s'il y croyait, ou s'il se moquait de vous. Il vint m�me un moment o� il fut saisi du vertige du mal et o� il m'effraya au point que je cessai de le voir et refusai de renouer notre ancienne amiti�; mais pourquoi raconterais-je cette phase de son existence? Il n'y a pas d'utilit� � remuer la cendre des morts quand leur trace dans la vie n'a pas �t� assez �clatante pour laisser derri�re eux des ab�mes entr'ouverts.

Je m'isolais donc, par la volont�, � dix-sept ans, de l'humanit� pr�sente. Les lois de propri�t�, d'h�ritage, de r�pression meurtri�re, de guerre litigieuse; les privil�ges de fortune et d'�ducation; les pr�jug�s du rang et ceux de l'intol�rance morale; la pu�rile oisivet� des gens du monde; l'abrutissement des int�r�ts mat�riels; tout ce qui est d'institution ou de coutume pa�enne dans une soci�t� soi-disant chr�tienne, me r�voltait si profond�ment, que j'�tais entra�n�e � protester, dans mon �me, contre l'œuvre des si�cles. Je n'avais pas la notion du progr�s, qui n'�tait pas populaire alors, et qui ne m'�tait pas arriv�e par mes lectures. Je ne voyais donc pas d'issue � mes angoisses, et l'id�e de travailler, m�me dans mon milieu obscur et born�, pour h�ter les promesses de l'avenir, ne pouvait se pr�senter � moi.

Ma m�lancolie devint donc de la tristesse, et ma tristesse de la douleur. De l� au d�go�t de la vie et au d�sir de la mort il n'y a qu'un pas. Mon existence domestique �tait si morne, si endolorie, mon corps si irrit� par une lutte continuelle contre l'accablement, mon cerveau si fatigu� de pens�es s�rieuses trop pr�coces, et de lectures trop absorbantes aussi pour mon �ge, que j'arrivai � une maladie morale tr�s-grave: l'attrait du suicide.

À dieu ne plaise que j'attribue cependant ce mauvais r�sultat aux �crits des ma�tres et au d�sir de la v�rit�. {CL 354} Dans une plus heureuse situation n de famille et dans une {Lub 1095} meilleure disposition de sant�, ou je n'aurais pas tant compris les livres, ou ils ne m'eussent pas tant impressionn�e. Comme presque tous ceux de mon �ge, peut-�tre n'aurais-je �t� �mue o que de la forme, et n'aurais-je pas tant cherch� le fond. Les philosophes, pas plus que les po�tes, ne sont coupables du mal qu'ils peuvent nous faire, quand nous buvons sans �-propos et sans mod�ration aux sources qu'ils ont creus�es. Je sentais bien que je devais me d�fendre, non pas d'eux, mais de moi-m�me, et j'appelais la foi � mon secours.

Je crois encore � ce que les chr�tiens appellent la gr�ce. Qu'on nomme comme on voudra les transformations qui s'op�rent en nous quand nous appelons �nergiquement le principe divin de l'infini au secours de notre faiblesse; que ce bienfait s'appelle secours ou assimilation; que notre aspiration s'appelle pri�re ou exaltation p d'esprit, il est certain que l'�me se retrempe dans les �lans religieux. Je l'ai toujours �prouv� d'une mani�re si �vidente pour moi, que j'aurais q mauvaise gr�ce � en mat�rialiser l'expression sous ma plume. Prier comme certains d�vots pour demander au ciel la pluie ou le soleil, c'est-�-dire des pommes de terre et des �cus, pour conjurer la gr�le ou la foudre, la maladie ou la mort, c'est de l'idol�trie pure; mais lui demander le courage, la sagesse, l'amour, ce n'est pas intervertir l'ordre de ses lois immuables, c'est puiser � un foyer qui ne nous attirerait pas sans cesse si, par sa nature, il n'�tait pas capable de nous r�chauffer.

Je priai donc et re�us la force de r�sister � la tentation du suicide. Elle fut quelquefois si vive, si subite, si bizarre, que je pus bien constater que c'�tait une esp�ce de folie dont j'�tais atteinte. Cela prenait la forme d'une id�e fixe et frisait par moments la monomanie. C'�tait l'eau surtout qui m'attirait comme un charme r myst�rieux. Je ne me {CL 355} promenais plus qu'au bord de la rivi�re, et, ne songeant plus � rechercher les sites agr�ables, je la suivais machinalement jusqu'� ce que j'eusse trouv� un endroit profond. Alors, arr�t�e sur le bord et comme encha�n�e par un aimant, je sentais dans ma t�te comme une gaiet� f�brile en me disant: « Comme c'est ais�! Je n'aurais qu'un pas � faire! »

D'abord cette manie eut son charme �trange, et je ne la combattis pas, me croyant bien s�re de moi-m�me; {Lub 1096} mais elle prit une intensit� qui m'effraya. Je ne pouvais plus m'arracher de la rive aussit�t que j'en formais le dessein, et je commen�ais � me dire: Oui ou Non? Assez souvent et assez longtemps pour risquer d'�tre lanc�e s par le oui au fond de cette eau transparente qui me magn�tisait t.

Ma religion me faisait pourtant regarder le suicide comme un crime. Aussi je vainquis cette menace de d�lire. Je m'abstins de m'approcher de l'eau, et le ph�nom�ne nerveux, car je ne puis d�finir autrement la chose, �tait si prononc�, que je ne touchais pas seulement � la margelle d'un puits sans un tressaillement fort p�nible � diriger en sens contraire.

Je m'en croyais pourtant gu�rie, lorsqu'allant voir un malade avec Deschartres, nous nous trouv�mes tous deux � cheval au bord de l'Indre. « Faites attention, me dit-il, ne se doutant pas de ma monomanie, marchez derri�re moi; le gu� est tr�s-dangereux. À deux pas de nous, sur la droite, il y a vingt pieds d'eau.

— J'aimerais mieux ne point y passer, lui r�pondis-je saisie tout � coup d'une grande m�fiance u de moi-m�me. Allez seul, je ferai un d�tour et vous rejoindrai par le pont du moulin. »

Deschartres se moqua de moi. « Depuis quand �tes-vous peureuse? me dit-il, c'est absurde. Nous avons pass� cent fois dans des endroits pires, et vous n'y songiez pas. Allons, {CL 356} allons! Le temps nous presse. Il nous faut �tre rentr�s � cinq heures pour faire d�ner votre bonne maman. »

Je me trouvai bien ridicule en effet, et je le suivis. Mais au beau milieu du gu�, le vertige de la mort s'empare de moi, mon cœur bondit v, ma vue se trouble, j'entends le oui fatal gronder dans mes oreilles, je pousse brusquement mon cheval � droite, et me voil� dans l'eau profonde, saisie d'un rire nerveux et d'une joie d�lirante.

Si Colette n'e�t �t� la meilleure b�te du monde, j'�tais d�barrass�e de la vie et fort innocemment, cette fois, car aucune r�flexion ne m'�tait venue; mais Colette, au lieu de se noyer, se mit � nager tranquillement et m'emporter vers la rive; Deschartres faisait des cris affreux qui me r�veill�rent. D�j� il s'�lan�ait � ma poursuite. Je vis que, mal mont� et maladroit, il allait se noyer. Je lui criai d'�tre tranquille et ne m'occupai plus que de me bien {Lub 1097} tenir. Il n'est pas ais� de ne pas quitter un cheval qui nage. L'eau vous soul�ve, et votre propre poids submerge l'animal � chaque instant; mais j'�tais bien l�g�re, et Colette avait un courage et une vigueur peu communs. La plus grande difficult� fut pour aborder. La rive �tait trop escarp�e. Il y eut un moment d'anxi�t� terrible pour mon pauvre Deschartres; mais il ne perdit pas la t�te et me cria de m'accrocher � un t�teau de saules qui se trouvait � ma port�e, et de laisser noyer la b�te. Je r�ussis � m'en s�parer et � me mettre en s�ret�; mais quand je vis les efforts d�sesp�r�s de ma pauvre Colette pour franchir le talus, j'oubliai tout � fait ma situation, et entra�n�e une minute auparavant � ma propre perte, je me d�solai de celle de mon cheval, que je n'avais pas pr�vue. J'allais me rejeter � l'eau pour essayer, bien inutilement sans doute, de la sauver, quand Deschartres vint m'arracher de l�, et Colette eut l'esprit w de revenir vers le gu� o� �tait rest�e x l'autre jument.

{Presse 7/5/1855 1} Deschartres ne fit pas comme le ma�tre d'�cole de la {CL 357} fable, qui d�bite son sermon avant de songer � sauver l'enfant; mais le sermon, pour venir apr�s le secours, n'en fut pas moins rude. Le chagrin et l'inqui�tude le rendaient parfois litt�ralement furieux. Il me traita d'abord d'animal, de b�te brute, tout son vocabulaire y passa. Comme il �tait d'une p�leur livide et que de grosses larmes coulaient avec ses injures, je l'embrassai y sans le contredire; mais la sc�ne continuant pendant le retour, je pris le parti de lui dire la v�rit� comme � un m�decin, et de le consulter sur cette inexplicable fantaisie dont j'�tais poss�d�e.

Je pensais qu'il aurait peine � me comprendre, tant je comprenais peu moi-m�me ce que je lui avouais; mais il n'en parut pas surpris. « Ah! Mon dieu! S'�cria-t-il, cela aussi! Allons, c'est h�r�ditaire! » Il me raconta alors que mon p�re �tait sujet � ces sortes de vertiges, et m'engagea � les combattre par un bon r�gime et par la religion, mot inusit� z dans sa bouche, et que je lui entendais invoquer aa, je pense, pour la premi�re fois.

Il n'avait pas lieu d'argumenter contre mon mal, puisqu'il �tait involontaire et combattu en moi; mais ceci nous conduisit � raisonner sur le suicide en g�n�ral.

Je lui accordais d'abord que le suicide raisonn� et consenti �tait g�n�ralement une impi�t� et une l�chet�. C'e�t �t� le cas pour moi. Mais cela ne me paraissait pas {Lub 1098} plus absolu que bien d'autres lois morales. Au point de vue religieux, tous les martyres �taient des suicides; si Dieu voulait, d'une mani�re absolue ab et sans r�plique, que l'homme conserv�t, m�me parjure et souill�, la vie qu'il lui a impos�e, les h�ros et les saints du christianisme devaient plut�t feindre d'embrasser les idoles que de se laisser livrer aux supplices et d�vorer par les b�tes. Il y a eu des martyrs si avides de cette mort sacr�e, qu'on raconte de plusieurs qu'ils se pr�cipit�rent en chantant dans les flammes, {CL 358} sans attendre qu'on les y pouss�t. Donc l'id�al religieux admet le suicide et l'Église le canonise. Elle a fait plus que de canoniser les martyrs, elle a canonis� les saints volontairement suicid�s par exc�s de mac�rations. ac

Quant au point de vue social (en outre des faits d'h�ro�sme patriotique et militaire, qui sont des suicides glorieux comme le martyre chr�tien), ne pouvait-il pas se pr�senter des cas o� la mort est un devoir tacitement exig� par nos semblables? Sacrifier sa vie pour sauver celle d'un autre n'est pas un devoir douteux, lors m�me qu'il s'agirait du dernier des hommes; mais la sacrifier pour r�parer sa propre honte, si la soci�t� ne le commande pas, ne l'approuve-t-elle point? N'avons-nous pas tous dans le cœur et sur les l�vres ce cri instinctif de la conscience en pr�sence d'une infamie: « Comment peut-on, comment ose-t-on vivre apr�s cela ad? » L'homme qui commet un crime et qui se tue apr�s n'est-il pas � moiti� absous? Celui qui a fait un grand tort � quelqu'un et qui, ne pouvant le r�parer, se condamne � l'expier par le suicide, n'est-il pas plaint et en quelque sorte r�habilit�? Le banqueroutier qui survit � la ruine de ses commettants est souill� d'une tache ineffa�able; sa mort volontaire peut seule prouver la probit� ae de sa conduite ou la r�alit� de son d�sastre. Ce peut �tre parfois un point d'honneur exag�r�, mais c'est un point d'honneur. Quand c'est l'œuvre d'un remords bien fond�, est-ce un scandale de plus � donner au monde? Le monde, par cons�quent l'esprit des soci�t�s �tablies, n'en juge pas ainsi, puisque, par le pardon qu'il accorde, il consid�re ceci comme une r�paration du mauvais exemple et un hommage rendu � la morale publique.

Deschartres m'accorda tout cela, mais il fut plus embarrass� quand je poussai plus loin. « Maintenant, lui {Lub 1099} dis-je, il peut arriver, comme cons�quence de tout ce que nous avons admis, qu'une �me �prise du beau et du vrai {CL 359} sente cependant en elle la fatalit� de quelque mauvais instinct, et qu'�tant tomb�e dans le mal, elle ne puisse pas r�pondre, malgr� ses remords et ses r�solutions, de n'y pas retomber tout le reste de sa vie. Alors elle peut se prendre elle-m�me en d�go�t, en aversion, en m�pris, et non-seulement d�sirer la mort, mais la chercher comme le seul moyen de s'arr�ter dans la mauvaise voie.

— Oh! Doucement, dit Deschartres. Vous voil� fataliste � pr�sent, et que faites-vous du libre arbitre, vous qui �tes chr�tienne?

— Je vous confesse qu'aujourd'hui, r�pondis-je, j'�prouve de grands doutes l�-dessus. Ils sont p�nibles plus que je ne puis vous le dire, et je ne demande pas mieux que vous les combattiez; mais ce qui m'est arriv� tout � l'heure ne prouve-t-il pas qu'on peut �tre entra�n� vers la mort physique par un ph�nom�ne tout physique, auquel la conscience et la volont� n'ont point de part, et o� l'assistance de Dieu semble ne vouloir pas intervenir?

— Vous en concluez que si l'instinct physique peut nous faire chercher la mort physique, l'instinct moral peut nous pousser de m�me � la mort morale? La cons�quence est fausse. L'instinct moral est plus important que l'instinct physique qui ne raisonne pas. La raison est toute-puissante, non pas toujours sur le mal physique, qui l'engourdit et la paralyse, mais sur le mal moral af, qui n'est pas de force contre elle. Ceux qui font le mal sont des �tres priv�s de raison. Compl�tez la raison en vous-m�me, vous serez � l'abri de tous les dangers qui conspiraient ag contre elle, et m�me vous surmonterez en vous les d�sordres du sang et des nerfs; vous les pr�viendrez, tout au moins, par le r�gime moral et physique. »

Je donnai pleinement raison, cette fois, � Deschartres: pourtant il me revint plus tard bien des doutes et des angoisses de l'�me � ce sujet. Je pensai que le libre {CL 360} arbitre existe dans la pens�e saine, mais que son exercice peut �tre entrav�e par des circonstances tout � fait ind�pendantes de nous et vainement combattues par notre volont�. Ce n'�tait pas ma faute si j'avais la tentation de mourir. Il se peut que j'eusse aid� � ce mal par un r�gime {Lub 1100} trop excitant au moral et au physique; mais, en somme, j'avais manqu� de direction et de repos; ma maladie �tait la cons�quence in�vitable de celle de ma grand'm�re.

Depuis mon immersion dans la rivi�re, je me sentis d�barrass�e de l'obsession de la noyade; mais, malgr� les soins m�dicaux et intellectuels de Deschartres, l'attrait du suicide persista sous d'autres formes. Tant�t j'avais une �trange �motion en maniant des armes et en chargeant des pistolets; tant�t les fioles de laudanum que je touchais sans cesse pour pr�parer des lotions � ma grand'm�re me donnaient de nouveaux vertiges.

Je ne me souviens pas trop comment je me d�barrassai de cette manie. Cela vint de soi-m�me, avec un peu plus de repos que je donnai � mon esprit, et que Deschartres vint � bout d'assurer � mon sommeil, en se d�vouant plus d'une fois � ma place. Je parvins donc � oublier mon id�e fixe, et peut-�tre la lecture que Deschartres me fit faire d'une partie des classiques grecs et latins ah y contribua-t-elle beaucoup. L'histoire nous transporte loin de nous-m�mes, surtout celle des temps recul�s et des civilisations �vanouies. Je me rass�r�nai souvent avec Plutarque, Tite-Live, H�rodote, etc. J'aimai aussi Virgile passionn�ment en fran�ais et Tacite en latin ai. Horace et Cic�ron �taient les dieux de Deschartres. Il m'expliquait le mot � mot, car je m'obstinais � ne vouloir pas rapprendre le latin. Il me traduisait donc en lisant ses passages de pr�dilection, et il �tait l� d'une d�cision, d'une clart�, d'une couleur que je n'ai jamais retrouv�es chez personne.

{CL 361} Je trouvais aussi aj une distraction douce � �crire beaucoup de lettres, � mon fr�re, � madame Alicia, � Élisa, � madame de Pontcarr� et � plusieurs de mes compagnes rest�es au couvent, ou sorties comme moi d�finitivement. Dans les commencements, je ne pouvais suffire aux nombreuses correspondances qui me provoquaient et me r�clamaient; mais il avait fallu bien peu de temps pour que je fusse oubli�e du plus grand nombre. Il ne me restait donc que des amies de choix. J'ai conserv� presque toutes ces lettres, qui me sont de doux souvenirs, m�me des personnes que j'ai enti�rement perdues de vue ak. Celles de madame Alicia sont simples et toujours tendres. Elles vont de 1820 � 1830. Tout empreintes de la douce monotonie de la vie religieuse, elles ont pour la {Lub 1101} plupart un ton d'enjouement qui atteste la constante s�r�nit� de cette belle �me. Elle m'appelle toujours mon enfant ch�ri, ou mon cher tourment, comme dans le temps o� j'allais me faire gronder dans sa cellule*.

* Dans une de ces lettres, elle me raconte comme quoi Clary de Faudoas a manqu� mettre le feu � sa cellule, pour f�ter, par des illuminations, la naissance du petit duc (Henri V). Je cite ce petit fait comme une date dans mon r�cit. al

{Presse 7/5/1855 2} Il y a beaucoup d'esprit, de gaiet� ou de gr�ce dans les lettres de jeunes filles que j'ai conserv�es. Pour d�tacher un point un peu plus brillant sur la trame lourde et triste de mon r�cit, je citerai quelques extraits de la mani�re espi�gle et charmante d'une de ces aimables compagnes am.

Angers an, 5 avril 1821.

« Je t'envie bien, ch�re Aurore, le plaisir de courir les champs � cheval. Je tourmente mon papa mignon pour qu'il me le procure, car je r�ve de me voir une casquette sur l'oreille. J'ai arrach� sa promesse. En attendant, {CL 362} j'arpente � pied notre immense jardin de la pr�fecture. Figure-toi, ma ch�re, comme nous disions � la classe, qu'il s'y trouve des plaines, des all�es droites, des terrasses d'une longueur inou�e, et des tours qui dominent une esp�ce de promenade o� il passe beaucoup de monde, et o� je vas souvent regarder. Comme la pr�fecture �tait autrefois une abbaye, il y a encore, dans une partie du jardin entour�e de murs, et qui est comme un grand jardin s�par� du reste, de vieilles ruines d'�glise couvertes de lierre, des ifs taill�s en pointe, et de longues all�es sombres, bord�es de grands tilleuls. Tout rappelle les moines dans cet endroit o� rien n'a �t� chang�, et je me les repr�sente lisant leurs offices sous ces ombrages o� j'aime � r�vasser ou � r�p�ter les vers du Tasse.

» Ceux du Dante, que tu m'as envoy�s, m'ont sembl� magnifiques, et je ne peux me lasser de les relire. — Non vraiment, je ne chante plus:


Gi� riede la primavera,
Col suo fiorito aspetto.

Mais j'aime toujours monsieur l'abb� M�tastase.

» Bonsoir, ma petite Aurore. Je vais me coucher, {Lub 1102} bien qu'il ne soit que neuf heures et demie, car je ne me sens pas dispos�e du tout � passer, comme toi, les nuits � travailler. Je n'ai pas d'ardeur et n'en prends que pour mon plaisir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . »



... 17 juin...

« J'ai �t�, il y a quelques jours, � ce qu'on appelle ici un tantarare. C'est une soci�t� compos�e de personnes �g�es qui jouent au boston dans un salon fort peu �clair�. Quelques jeunes personnes, qui ont suivi leurs m�res, {CL 363} baillent ou en meurent d'envie. Pour moi, mon sort a �t� supportable. Je me suis trouv�e, par hasard, aupr�s d'une jeune dame aimable et de mon �ge. Nous avons beaucoup bavard�. Tu aurais �t� �tonn�e de nous entendre raisonner sur rhistoire de France! Comme je n'y suis pas des plus ferr�es, j'ai jet� la conversation sur ce qui m'en pla�t le mieux, sur le temps de la chevalerie. Nous avons cherch� alors des hommes dignes du beau titre de chevaliers dans ceux que nous connaissons, et nous n'avons pas pu en trouver plus de deux ou trois, il fallait leur donner des dames: la chose nous parut trop difficile, quoique, au fond, chacune de nous pens�t que c'�tait elle.

» Tu me demandes si je versifie encore. Vraiment non. J'ai laiss� ce go�t au couvent, o� je ne pouvais avoir � chanter d'autres romances que celles que je composais moi-m�me. Maintenant ce n'est pas un petit plaisir pour moi de pouvoir chanter toutes celles que je veux. . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» Comment! tu tires le pistolet dans une cible, avec ton ami Hippolyte? Et moi qui me vantais � toi de br�ler de la poudre! D�cid�ment tu es bien plus g�t�e que moi, et je vas m'en plaindre � mon papa, qui me refuse des balles. U croit que le bruit et le feu me suffiront longtemps! . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» Par exemple ao, je d�teste toujours le travail d'aiguille. Je le reconnais pourtant bien n�cessaire � une femme; mais j'ai trouv� un ouvrage qui me pla�t: c'est de filer. J'ai un petit rouet charmant, avec une belle quenouille {Lub 1103} d'�b�ne, qui vaut bien la quenouille de bois de rose d'Am�lie dans Gaston de Foix. . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» Mais ap que tu es donc heureuse d'avoir un cheval � toi! Je n'ai, en fait de b�tes, qu'une tourterelle qui se charge de me r�veiller le matin en volant sur mon lit. — Je ne partage gu�re ton d�sir singulier de retourner au couvent. En fait de religieuses, je n'aimais que Poulette ; mais la nouvelle sup�rieure, point. Je {CL 364} m'�tonne toujours que tu puisses supporter son souvenir, et ne pourrais m'attacher � elle que pour l'amour de Dieu. . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» J'ai aq eu des nouvelles de Mary Gillibrand ar. Elle est au Sacr�-Cœur, et toujours m�chante comme elle l'�tait chez nous. C'est encore quelqu'un que tu aimais et que je ne peux pas souffrir. Il para�t qu'elle se pla�t beaucoup, dans cette nouvelle pension, � raconter tous les affreux tours qu'elle jouait � nos vieilles locataires de la rue des Boulangers. »



27 d�cembre ...

« . . . . . . Je n'ai plus de nouvelles de notre couvent que par toi, et tu es la seule avec qui je puisse me livrer un peu � mon babil, car l'inspection des lettres par madame Eug�nie m'emp�che d'�crire davantage aux amies que nous y avons laiss�es. Cela mettrait trop de contrainte dans mes lettres. Par exemple, je ne me risquerais pour rien au monde � leur parler de M. de La Morandaye as, qui est maintenant le seul beau danseur du r�giment du Calvados, M. de Lauzun �tant absent.

» Tu le repr�senteras facilement le premier, quand je te dirai qu'il me ressemble comme deux gouttes d'eau, surtout au bal, o� nous avons tous deux de tr�s-vives couleurs. Nous sommes de la m�me taille. Il jouit, comme moi, d'un honn�te embonpoint. Il a des cheveux blondasses, et des petits yeux bleus mal ouverts. Enfin, quand nous dansons ensemble, on le prendrait pour mon fr�re. Maman dit que si elle s'�tait mari�e deux ou trois ans plus t�t, elle aurait pu avoir un fils aussi charmant.

» Au dernier bal o� j'ai �t�, il y avait trois officiers, {Lub 1104} dont M. Gilbert des Voisins at. Celui-l� avait de grands pantalons rouges et des petits brodequins verts, qui me donnaient grande envie qu'il me f�t danser; mais c'est un d�sir qu'il n'a pas partag�. . . . On ne danse pas pendant l'Avent, {CL 365} Maman a donn� des concerts o� nous avons brill�, comme tu penses. J'avais tr�s-peur, mais le public d'ici ne s'y conna�t gu�re. Ma harpe est tr�s-bonne, quoique pas plus grande que la tienne, au couvent. Elle a des sons charmants. Elle est en bois satin� gris et toute dor�e. Je chante toujours un peu, et on met mon peu de voix sur le compte de ma timidit�. »



18 janvier 1821.

« Il est plus de trois heures. Je sors du bal, et pendant que la femme de chambre d�shabille maman, j'ai le temps de commencer une lettre pour ma petite Aurore. Puisque les extr�mes se cherchent, j'aime � babiller avec toi, et je veux te conter tout chaud, tout bouillant, mes plaisirs de ce soir. H�las! malgr� tout ce que je t'en dis pour te monter la t�te, ils n'ont pas �t� sans m�lange. J'ai encore dans� avec tout le monde, except� avec ces petites bottes vertes qui m'avaient d�j� tent�e. Et, comme les difficult�s augmentent les fantaisies, j'en ai plus envie que jamais. J'ai grand besoin de me reposer apr�s trois bals de suite. C'est une vie d�sordonn�e, et tu as peut-�tre bien raison de n'en pas d�sirer une pareille. Mais passer l'hiver seule � la campagne! pour cela, c'est effrayant, et je ne m'en sentirais pas le courage. La vie est toute couleur de rose autour de moi, et je me figure que la r�flexion me rendrait triste. »

La personne qui m'�crivait ainsi �tait extr�mement jolie, malgr� les moqueries qu'elle fait d'elle-m�me. Elle �tait un peu grasse et un peu louche, il est vrai; mais cela ne l'emp�chait pas d'�tre l�g�re dans sa d�marche et d'avoir le plus doux regard et les plus jolis yeux. Elle avait peu de voix, en effet, mais chantait d'une mani�re ravissante. C'�tait une nature narquoise, remplie de bienveillance, et voyant en toutes choses le c�t� comique. Elle avait de {CL 366} grandes originalit�s, aimant le plaisir sans coquetterie, et laissant prendre � son esprit un tour assez {Lub 1105} hardi quelquefois, sans manquer dans ses mani�res et dans ses actions � une r�serve exquise.

Ces charmantes pu�rilit�s de jeune fille m'arrivaient quelquefois en m�me temps qu'une argumentation de philosophie mat�rialiste de Claudius et une exhortation pleine d'onction et de suavit� de l'abb� de Pr�mord. Ma vie intellectuelle �tait donc bien vari�e, et si j'�tais triste souvent, je ne m'ennuyais du moins jamais. Au contraire, m�me au milieu de mes plus grands d�go�ts de l'existence, je me plaignais de la rapidit� du temps qui ne suffisait � rien de ce dont j'aurais voulu le remplir.

J'aimais toujours la musique. J'avais dans ma chambre un piano, une harpe et une guitare. Je n'avais plus le temps de rien �tudier, mais je d�chiffrais au beaucoup de partitions. Cette impossibilit� av o� j'�tais d'acqu�rir un talent quelconque m'assurait du moins une source de jouissances en m'habituant � lire et � comprendre.

Je voulais aussi apprendre la g�ologie et la min�ralogie. Deschartres remplissait ma chambre de moellons. Je n'apprenais rien qu'� voir et � observer les d�tails de la cr�ation sur lesquels il attirait mes regards; mais le temps manquait toujours. Il e�t fallu que notre ch�re malade p�t gu�rir.

Vers la fin de l'automne elle devint tr�s-calme, et je me flattais encore; mais Deschartres regardait cette am�lioration comme un nouveau pas vers la dissolution de l'�tre. Ma grand'm�re n'�tait pourtant pas d'un �ge aw � ne pouvoir se relever. Elle avait soixante-quinze ans, et n'avait �t� malade qu'une fois d�j� dans toute sa vie. L'�puisement de ses forces et de ses facult�s �tait donc assez myst�rieux. Deschartres attribuait cette absence de puissance r�active � la mauvaise circulation de son sang dans un syst�me {CL 367} de vaisseaux trop �troits. Il fallait l'attribuer plut�t � l'absence de volont� et d'�panouissement moral, depuis l'affreux chagrin de la perte de son fils.

{Presse 9/5/1855 1} Tout le mois de d�cembre fut lugubre. Elle ne se leva plus et parla rarement. Cependant, habitu�s � �tre tristes, nous n'�tions pas terrifi�s. Deschartres pensait qu'elle pouvait vivre longtemps ainsi dans un engourdissement entre la mort et la vie. Le 22 d�cembre, elle me fit lever pour me donner un couteau de nacre, sans pouvoir expliquer pourquoi elle songeait � ce petit objet et voulait le voir dans mes mains. Elle n'avait plus d'id�es {Lub 1106} nettes. Cependant elle s'�veilla encore une fois pour me dire: « Tu perds ta meilleure amie. »

Ce furent ses derni�res paroles. Un sommeil de plomb tomba sur sa figure calme, toujours fra�che et belle. Elle ne se r�veilla plus et s'�teignit sans aucune souffrance, au lever du jour et au son de la cloche de No�l ax.

Nous n'e�mes de larmes ni Deschartres ni moi. Quand le cœur eut cess� de battre et le souffle de ternir l�g�rement la glace, il y avait trois jours que nous la pleurions d�finitivement, et, en ce moment supr�me, nous n'�prouvions plus que la satisfaction de penser qu'elle avait franchi sans souffrance du corps et sans angoisses de l'�me le seuil d'une meilleure existence. J'avais redout� les horreurs de l'agonie: la Providence les lui �pargnait. Il n'y eut point de lutte entre le corps et l'esprit pour se s�parer. Peut-�tre que d�j� l'�me �tait envol�e vers Dieu, sur les ailes d'un songe qui la r�unissait � celle de son fils, tandis que nous avions veill� ce corps inerte et insensible.

Julie lui fit une derni�re toilette, avec le m�me soin que dans les meilleurs jours. Elle lui mit son bonnet de dentelle, ses rubans, ses bagues. L'usage chez nous est d'enterrer les morts avec un crucifix et un livre de religion. {CL 368} J'apportai ceux que j'avais pr�f�r�s au couvent. Quand elle fut par�e pour la tombe, elle �tait encore belle. Aucune contraction n'avait alt�r� ses traits nobles et purs. L'expression en �tait sublime de tranquillit�.

Dans la nuit, Deschartres vint m'appeler; il �tait fort exalt� et me dit d'une voix br�ve: « Avez-vous du courage? Ne pensez-vous pas qu'il faut rendre aux morts un culte plus tendre encore que celui des pri�res et des larmes? Ne croyez-vous pas que de l�-haut ils nous voient et sont touch�s de la fid�lit� de nos regrets? Si vous pensez toujours ainsi, venez avec moi. »

Il �tait environ une heure du matin. Il faisait une nuit claire et froide. Le verglas, venu par-dessus la neige, rendait la marche si difficile que, pour traverser la cour et entrer dans le cimeti�re qui y touche, nous tomb�mes plusieurs fois.

« Soyez calme, me dit Deschartres toujours exalt� sous une apparence de sang-froid �trange. Vous allez voir celui qui fut votre p�re. » Nous approch�mes de la fosse ouverte pour recevoir ma grand'm�re. Sous un {Lub 1107} petit caveau, form� de pierres brutes, �tait un cercueil que l'autre devait rejoindre dans quelques heures ay.

« J'ai voulu voir cela, dit Deschartres, et surveiller les ouvriers qui ont ouvert cette fosse dans la journ�e. Le cercueil de votre p�re est encore intact; seulement les clous �taient tomb�s. Quand j'ai �t� seul, j'ai voulu soulever le couvercle. J'ai vu le squelette. La t�te s'�tait d�tach�e d'elle-m�me. Je l'ai soulev�e, je l'ai bais�e. J'en ai �prouv� un si grand soulagement, moi qui n'ai pu recevoir son dernier baiser, que je me suis dit que vous ne l'aviez pas re�u non plus. Demain cette fosse sera ferm�e. On ne la rouvrira sans doute plus que pour vous. Il faut y descendre, il faut baiser cette relique. Ce sera un souvenir pour toute votre vie. Quelque jour, il faudra �crire l'histoire de votre {CL 369} p�re, ne f�t-ce que pour le faire aimer � vos enfants, qui ne l'auront pas connu. Donnez maintenant � celui que vous avez connu � peine vous-m�me, et qui vous aimait tant, une marque d'amour et de respect. Je vous dis que l� o� il est maintenant, il vous verra et vous b�nira. »

J'�tais assez �mue et exalt�e moi-m�me pour trouver tout simple ce que me disait mon pauvre pr�cepteur az. Je n'y �prouvai aucune r�pugnance, je n'y trouvai aucune bizarrerie, j'aurais bl�m� et regrett� qu'ayant con�u cette pens�e ba il ne l'e�t pas ex�cut�e. Nous descend�mes dans la fosse et je fis religieusement l'acte de d�votion dont il me donna l'exemple.

« Ne parlons de cela � personne, me dit-il, toujours calme en apparence, apr�s avoir bb referm� le cercueil et sortant avec moi du cimeti�re: on croirait que nous sommes fous, et pourtant nous ne le sommes pas, n'est-il pas vrai?

— Non certes, » r�pondis-je avec conviction.

Depuis ce moment, j'ai observ� que les croyances de Deschartres avaient compl�tement chang�. Il avait toujours �t� mat�rialiste et n'avait pas r�ussi � me le cacher, bien qu'il e�t eu soin de chercher dans ses paroles des termes moyens pour ne pas s'expliquer sur la divinit� et l'immat�rialit� de l'�me humaine. Ma grand'm�re �tait d�iste, comme on disait de son temps, et lui avait d�fendu de me rendre ath�e. Il avait eu bien de la peine � s'en d�fendre, et, pour peu que j'eusse �t� port�e � la n�gation, il m'y aurait confirm�e malgr� lui.

{Lub 1108} Mais il se fit en lui une r�volution soudaine et m�me extr�me comme son caract�re, car peu de temps apr�s je l'entendis soutenir avec feu l'autorit� de l'Église. Sa conversion avait �t� un mouvement du cœur, comme la mienne. En pr�sence de ces froids ossements d'un �tre ch�ri, il n'avait pu accepter l'horreur du n�ant. La mort de {CL 370} ma grand'm�re ravivant le souvenir de celle de mon p�re, il s'�tait trouv� devant cette double tombe �cras� sous les deux plus grandes douleurs de sa vie, et son �me ardente bc avait protest�, en d�pit de sa raison froide, contre l'arr�t d'une �ternelle s�paration.

Dans la journ�e qui suivit cette nuit d'une �trange solennit�, nous conduis�mes ensemble la d�pouille de la m�re aupr�s de celle du fils. Tous nos amis y vinrent et tous les habitants du village y assist�rent. Mais le bruit, les figures h�b�t�es, les batailles des mendiants qui, press�s de recevoir la distribution d'usage, nous poussaient jusque dans la fosse pour se trouver les premiers � la port�e de l'aum�ne, les compliments de condol�ance, les airs de compassion fausse ou vraie, les pleurs bruyants et les banales exclamations de quelques serviteurs bd bien intentionn�s, enfin tout ce qui est de forme et de regret ext�rieur me fut p�nible et me parut irr�ligieux. J'�tais impatiente que tout ce monde f�t parti. Je savais un gr� infini � Deschartres de m'avoir amen�e l�, dans la nuit, pour rendre � cette tombe un hommage grave et profond.

Le soir, toute la maison, vaincue par la fatigue, s'endormit de bonne heure, Deschartres lui-m�me, bris� d'une �motion qui avait pris une forme toute nouvelle dans sa vie.

Je ne me sentis pas accabl�e. J'avais �t� profond�ment p�n�tr�e de la majest� de la mort; mes �motions, conformes � mes croyances, avaient �t� d'une tristesse paisible. Je voulus revoir la chambre de ma grand'm�re et donner cette derni�re nuit de veille � son souvenir, comme j'en avais donn� tant d'autres � sa pr�sence.

Aussit�t que tout le bruit eut cess� dans la maison, et que je me fus assur�e d'y �tre bien seule debout, je descendis et m'enfermai dans cette chambre. On n'avait pas encore song� � la remettre en ordre. Le lit �tait ouvert, et le premier {CL 371} d�tail qui me saisit fut l'empreinte exacte du corps, que la mort avait frapp� d'une pesanteur inerte et qui se dessinait sur le matelas et sur le {Lub 1109} drap. Je voyais l� toute sa forme grav�e en creux. Il me sembla, en y appuyant mes l�vres, que j'en sentais encore le froid.

Des fioles � demi vides �taient encore � c�t� de son chevet. Les parfums qu'on avait br�l�s autour du cadavre remplissaient l'atmosph�re. C'�tait du benjoin, qu'elle avait toujours pr�f�r� pendant sa vie, et qui lui avait �t� rapport� de l'Inde, dans une noix de coco, par M. Dupleix. Il y en avait encore, j'en br�lai encore. J'arrangeai ses fioles comme la derni�re fois elle les avait demand�es; je tirai le rideau � demi, comme il avait coutume d'�tre quand elle le faisait disposer. J'allumai la veilleuse, qui avait encore de l'huile. Je ranimai le feu, qui n'�tait pas encore �teint. Je m'�tendis dans le grand fauteuil, et je m'imaginai qu'elle �tait encore l�, et qu'en t�chant de m'assoupir j'entendrais peut-�tre encore une fois sa faible voix m'appeler.

Je ne dormis pas, et cependant il me sembla entendre deux ou trois fois sa respiration, et l'esp�ce de g�missement, de r�veil be, que mes oreilles connaissaient si bien. Mais rien de net ne se produisit � mon imagination, trop d�sireuse de quelque douce vision pour arriver � l'exaltation qui e�t pu la produire.

J'avais eu dans mon enfance des acc�s de terreur � propos des spectres, et au couvent il m'en �tait revenu quelques appr�hensions. Depuis mon retour � Nohant, cela s'�tait si compl�tement dissip�, que je le regrettais, craignant, quand je lisais les po�tes, d'avoir l'imagination morte. L'acte religieux et romanesque que Deschartres m'avait fait accomplir la veille �tait de nature � me ramener les troubles de l'enfance; mais loin de l�: il m'avait p�n�tr�e d'une d�sesp�rance absolue de pouvoir {CL 372} communiquer directement avec les morts aim�s. Je ne pensais donc pas que ma pauvre grand'm�re p�t m'appara�tre r�ellement, mais je me flattais que ma t�te fatigu�e pourrait �prouver quelque vertige qui me ferait revoir sa figure �clair�e du rayon de la vie �ternelle.

Il n'en fut rien. La bise siffla au dehors, la bouillotte chanta dans l'�tre, et aussi le grillon, que ma grand'm�re n'avait jamais voulu laisser pers�cuter par Deschartres, bien qu'il la r�veill�t souvent. La pendule sonna les heures. La montre � r�p�tition, accroch�e au chevet de la malade, et qu'elle avait coutume d'interroger souvent {Lub 1110} du doigt, resta muette. Je finis par ressentir une fatigue qui m'endormit profond�ment.

Mais quand je m'�veillai, bf au bout de quelques heures, j'avais tout oubli�, et je me soulevai pour regarder si elle dormait tranquille. Alors le souvenir me revint avec des larmes, qui me soulag�rent, et dont je couvris son oreiller bg toujours empreint de la forme de sa t�te. Puis je sortis de cette chambre, o� les scell�s furent mis le lendemain, et qui me parut profan�e par les formalit�s d'int�r�t mat�riel.


Variantes

  1. 1810-1832 {CL} (cette inadvertance de l'�diteur est corrig�e dans la table des mati�res du T.3) ♦ 1819-1822 {Lub} (cette indavertance de l'�diteur est r�p�t�e dans la table des mati�res du T.1. Nous corrigeons)
  2. 4me chapitre — Sommaire {Ms}Chapitre dix-neuvi�me {Presse}, {Lecou} ♦ Chapitre sixi�me {LP} ♦ VI {CL}
  3. ne faut pas [croire ceux qui partent d'un ray�] se placer � un {Ms}
  4. voir [toutes les cons�quences ray�] tous les r�sultats {Ms}
  5. ni [volont� ray�] d�sir {Ms}
  6. leurs soins [qui ne consistaient, � vrai dire, qu'� la changer de place et ray�] {Ms}
  7. satisfaire. {Ms} ♦ satisfaire sans danger pour elle {Presse} et sq.
  8. nuit de sommeil. [Je ne voulais pas manquer la promenade ray�] {Ms}
  9. int�rieure [si profonde ray�] {Ms}
  10. la soci�t� [comme si la conclusion d'un tel sophisme n'eut ray�], et en attribuant {Ms}
  11. un seul [sans d�chiremens, sans amertume et sans ray�] [exclusivement ray�] avec enthousiasme {Ms}
  12. pens� � lui [et ni son manque de fortune ni sa gaucherie p�dantesques n'eussent �t� ray�]. J'y pensai {Ms} ♦ pens� � lui; j'y pensai {Presse} et sq.
  13. disant qu'il [fallait ray�] aurait d� {Ms}
  14. Dans [toute autre ray�] une plus heureuse situation {Ms}
  15. de mon �ge, je n'aurais peut-�tre �t� �mue {Ms} ♦ de mon �ge, peut-�tre n'aurais-je �t� �mue {Presse} et sq.
  16. pri�re ou [conviction ray�] exaltation {Ms}
  17. �vidente � mes propres yeux que j'aurais {Ms} ♦ �vidente pour moi, que j'aurais {Presse} et sq.
  18. comme [un aimant ray�] par un charme {Ms}
  19. d'�tre [emport�e ray�] lanc�e {Ms}
  20. qui [m'ensorcelait ray�] me magn�tisait {Ms}
  21. tout � coup [de mon �trange mal ray�] d'une grande {Ms}
  22. mon cœur [s'�lance ray�] bondit {Ms}
  23. Colette [remontant all�g�e le courant avec une rare perspicacit� malgr� ray�] eut l'esprit {Ms}
  24. le gu� o� [Deschartres avait laiss� sa monture ray�] �tait rest�e {Ms}
  25. je [le consolai ray�] l'embrassai {Ms}
  26. mot [�trange ray�] inusit� {Ms}
  27. entendais [prononcer ray�] invoquer {Ms}
  28. d'une fa�on absolue {Ms} ♦ d'une mani�re absolue {Presse} et sq.
  29. Phrase ajout�e tardivement, d'une aure main (Aucante?) exc�s de mac�rations {Ms}, {Presse}, {Lecou} ♦ exc�s de mac�ration {LP}, {CL} ♦ exc�s de mac�rations {Lub} (r�tablissant la le�on initiale – dans ce sens, le mot mac�ration ne s'emploie qu'au pluriel. Nous le suivons)
  30. vivre [dans une telle abjection? ray�] apr�s cela? {Ms}
  31. prouver [l'innocence de ses intentions et ray�] la probit� {Ms}
  32. sur [les choses morales ray�] le mal moral {Ms}
  33. qui conspiraient {Ms}qui conspireraient {Presse}, {Lecou} ♦ qui conspiraient {LP} et sq.
  34. partie des [classiques latins ray�] [historiens ray�] classiques grecs et latins {Ms}
  35. et [Tite-Live ray�] Tacite en latin {Ms}
  36. [A l'entr�e de l'hiver ray�] je trouvais aussi {Ms}
  37. enti�rement perdu de vue. {Ms} ♦ enti�rement perdues de vue {Presse} et sq.
  38. Cette phrase est rajout�e dans la marge d'une autre main. {Ms} (note de {Lub})
  39. aimables [filles ray�] compagnes {Ms}
  40. A. {CL} ♦ Angers {Lub} (que nous suivons)
  41. longtemps! — Par exemple {CL} (nous suivons {Lub} qui, � la place du tiret met des points de conduite et un alin�a)
  42. Gaston de Foix — Mais {CL} (nous suivons {Lub} qui, � la place du tiret met des points de conduite et un alin�a)
  43. de Dieu. — J'ai {CL} (nous suivons {Lub} qui, � la place du tiret met des points de conduite et un alin�a)
  44. des nouvelles de G*** {CL} ♦ des nouvelles de G*** Mary Gillibrand {Lub} (que nous suivons)
  45. M. de la *** {CL} ♦ M. de La Morandaye {Lub} (que nous suivons)
  46. M*** {CL} ♦ M. Gilbert des Voisins {Lub} (que nous suivons)
  47. �tudier en fait d'ex�cution: mais je [lisais ray�] d�chiffrais {Ms} ♦ �tudier, mais je d�chiffrais {Presse} et sq.
  48. partitions. Ma sœur qui gravait de la musique m'en envoyait souvent. Cette impossibilit� {Ms} ♦ partitions. Cette impossibilit� {Presse} et sq.
  49. n'�tait pas d'un �ge {Ms} ♦ n'�tait pourtant pas d'un �ge {Presse} et sq.
  50. et [mourut au lever du jour le 23 Xbre et au son de la cloche de No�l ray�] s'�teignit sans aucune souffrance, au lever du jour et au son de la cloche de No�l {Ms}
  51. rejoindre [le lendemain ray�] dans quelques heures {Ms}
  52. mon pauvre [ami ray�] pr�cepteur {Ms}
  53. que en ayant con�u la pens�e {Ms} ♦ qu'ayant con�u cette pens�e {Presse}
  54. en apparence, [en revenant ray�] [sortant ray�] apr�s avoir {Ms}
  55. et son �me [aimante ray�] ardente {Ms}
  56. quelques [gens ray�] serviteurs {Ms}
  57. g�missement de r�veil {Ms} ♦ g�missement, de r�veil {Presse} et sq.
  58. Quand je m'�veillai, {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ Mais quand je m'�veillai, {CL}
  59. et dont [j'arrosai ray�] couvris son [chevet ray�] oreiller {Ms}
    Depuis: « les heures. La montre � r�p�tition », le fragment est coll� sur une autre feuille. Il est probable que George Sand avait continu� sur sa lanc�e, mais a pr�f�r� couper ici pour terminer le chapitre. Le d�but du chapitre suivant est �galement sur un fragment d�coup�, mais qui ne se raccorde pas. {Ms} (note de {Lub})

Notes