GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{LP T.? ?; CL T.3 [189]; Lub T.1 [957]} QUATRIÈME PARTIE
Du mysticisme � l'ind�pendance
1819-1832 a

{Presse 20/4/1855 1; CL T.3 [252]; Lub T.1 [1011]} III b

Paris, 1820. — Projets de mariage ajourn�s. — Amour c filial contrist�. — Madame Catalani. — Arriv�e � Nohant. — Matin�e de printemps. — Essai de travail. — Pauline et sa m�re. — La com�die d � Nohant. — Nouveaux chagrins d'int�rieur. — Mon fr�re. — Colette et le g�n�ral P�p�. — L'hiver � Nohant. — Soir�e de f�vrier. — D�sastre et douleurs.



Je ne me souviens gu�re des surprises et des impressions qui durent et qui auraient d� m'assaillir dans ces premiers jours que je passai � Paris, promen�e et distraite � dessein par ma bonne grand'm�re. J'�tais h�b�t�e, je pense, par le chagrin de quitter mon couvent et tourment�e de l'appr�hension de quelque projet de mariage. Ma bonne maman, que je voyais avec douleur tr�s-chang�e et tr�s-affaiblie, parlait de sa mort, prochaine selon elle, avec un grand calme philosophique; mais elle ajoutait, en s'attendrissant et en me pressant sur son cœur: « Ma fille, il faut que je te marie bien vite, car je m'en vas. Tu es bien jeune, je le sais; mais, quelque peu d'envie que tu aies d'entrer dans le monde, tu dois faire un effort pour accepter cette id�e-l�. Songe que je finirais �pouvant�e et d�sesp�r�e, si je te laissais sans guide et sans appui dans la vie. »

Devant cette menace de son d�sespoir et de son �pouvante au moment supr�me, j'�tais �pouvant�e et d�sesp�r�e, moi aussi. « Est-ce qu'on va vouloir me marier? me disais-je. e Est-ce que c'est une affaire arrang�e? M'a-t-on fait sortir du couvent juste pour cela? Quel est donc ce mari, ce ma�tre, cet ennemi de mes vœux et de mes esp�rances? O� se tient-il cach�? Quel jour va-t-on me le pr�senter en me disant: {CL 253} “ Ma fille, il faut dire oui, ou me porter un coup mortel. ” »

{Lub 1012} Je vis pourtant bient�t qu'on ne s'occupait que vaguement et comme pr�paratoirement de ce grand projet. Madame de Pontcarr� proposait quelqu'un; ma m�re proposait, de par mon oncle de Beaumont, une autre personne. Je vis le parti de madame de Pontcarr�, et elle me demanda mon opinion. Je lui dis que ce monsieur m'avait sembl� fort laid. Il para�t qu'au contraire il �tait beau, mais je ne l'avais pas regard�, et madame de Pontcarr� me dit que j'�tais une petite sotte.

Je me rassurai tout � fait en voyant que l'on faisait les paquets pour Nohant sans rien conclure, et m�me j'entendis ma bonne maman dire qu'elle me trouvait si enfant qu'il fallait encore m'accorder six mois, peut-�tre un an de r�pit.

Soulag�e d'une anxi�t� affreuse, je retombai bient�t dans un autre chagrin. J'avais esp�r� que ma petite m�re viendrait � Nohant avec nous. Je ne sais quel orage nouveau venait d'�clater dans ces derniers temps. Ma m�re r�pondit brusquement � mes questions: « Non certes! Je ne retournerai � Nohant que quand ma belle-m�re sera morte! »

Je sentis que tout se brisait encore une fois dans ma triste existence domestique. Je n'osai faire de questions f. J'avais une crainte poignante d'entendre, de part ou d'autre, les am�res r�criminations du pass�. Ma pi�t�, autant que ma tendresse filiale, me d�fendait d'�couter le moindre bl�me sur l'une ou sur l'autre. J'essayai en silence de les rapprocher; elles s'embrass�rent les larmes aux yeux, devant moi; mais c'�taient des larmes de souffrance contenue et de reproche mutuel. Je le vis bien, et je cachai les miennes.

J'offris encore une fois � ma m�re de me prononcer, afin de pouvoir rester avec elle, ou tout au moins de d�cider ma bonne maman � l'emmener avec moi.

Ma m�re g repoussa �nergiquement cette id�e. « Non, non! dit-elle, je d�teste la campagne, et Nohant surtout, qui ne me rappelle que des douleurs atroces. Ta sœur est une {CL 254} grande demoiselle que je ne peux plus quitter. Va-t'en sans te d�soler, nous nous retrouverons, et peut-�tre plus t�t que l'on ne croit! h »

Cette allusion obstin�e i � la mort de ma grand'm�re �tait d�chirante pour moi. J'essayai de dire que cela �tait cruel pour mon cœur. « Comme tu voudras! dit ma m�re {Lub 1013} irrit�e; si tu l'aimes mieux que moi, tant mieux pour toi, puisque tu lui appartiens � pr�sent corps et �me.

— Je lui appartiens de tout mon cœur, par la reconnaissance et le d�vouement, r�pondis-je, mais non pas corps et �me contre vous. Ainsi il y a une chose certaine, c'est que si elle exige que je me marie, ce ne sera jamais, je le jure, avec un homme qui refuserait de voir et d'honorer ma m�re. »

Cette r�solution �tait si forte en moi que ma pauvre m�re e�t bien d� m'en tenir compte. Moi, bris�e d�sormais � la soumission chr�tienne; moi, qui, d'ailleurs, ne me sentais plus l'�nergie j de r�sister aux larmes de ma bonne maman et qui voyais, par moments, s'effacer mon meilleur r�ve, celui de la vie monastique, devant la crainte de l'affliger, j'aurais trouv� encore k dans mon instinct filial la force que sœur H�l�ne avait eue pour briser le sien, quand elle avait r�sist� l � son p�re pour aller � Dieu. Moi, moins sainte et plus humaine, j'aurais, je le crois, pass� par-dessus le corps de ma grand'm�re pour tendre les bras � ma m�re humili�e et outrag�e m.

Mais ma m�re ne comprenait d�j� plus mon cœur. Il �tait devenu trop sensible et trop tendre pour sa nature enti�re et sans nuances. Elle n'eut qu'un sourire d'�nergique insouciance pour r�pondre � mon effusion: « Tiens, tiens! Je crois bien! dit-elle. Je ne m'inqui�te gu�re de cela. Est-ce que tu ne sais pas qu'on ne peut pas te marier sans mon consentement? Est-ce que je le donnerai jamais quand il s'agira d'un monsieur qui prendrait de grands airs avec {CL 255} moi? Allons donc! Je me moque bien de toutes les menaces. Tu m'appartiens, et quand m�me on r�ussirait � te mettre en r�volte contre ta m�re, ta m�re saura bien retrouver ses droits! »

Ainsi ma m�re, exasp�r�e, semblait vouloir douter de moi et s'en prendre � ma pauvre �me en d�tresse pour exhaler ses amertumes. Je commen�ai � pressentir quelque chose d'�trange dans ce caract�re g�n�reux, mais indompt�, et il y avait, � coup s�r, dans ses beaux yeux noirs quelque chose de terrible qui, pour la premi�re fois, me frappa d'une secr�te �pouvante.

Je trouvai, par contraste, ma grand'm�re plong�e dans une tristesse abattue et plaintive qui me toucha profond�ment. « Que veux-tu, mon enfant, me dit-elle lorsque j'essayai de rompre la glace, ta m�re ne peut pas ou ne {Lub 1014} veut pas me savoir gr� des efforts immenses que j'ai faits et que je fais tous les jours pour la rendre heureuse. Ce n'est ni sa faute ni la mienne si nous ne nous ch�rissons pas l'une l'autre; mais j'ai mis les bons proc�d�s de mon c�t� en toutes choses, et les siens sont si durs que je ne peux plus les supporter. Ne peut-elle me laisser finir en paix? Elle a si peu de temps � attendre! »

Comme j'ouvrais la bouche pour la distraire de cette pens�e n: « Laisse, laisse! reprit-elle. Je sais ce que tu veux me dire. J'ai tort d'attrister tes seize ans de mes id�es noires. N'y pensons pas. Va t'habiller. Je veux te mener ce soir aux Italiens! »

J'avais bien besoin de me distraire, et par cela m�me que j'�tais mortellement triste, je ne m'en sentais ni l'envie ni la force. Je crois que c'est ce soir-l� que j'entendis pour la premi�re fois madame Catalani dans Il fanatico per la musica. Je crois aussi que c'�tait Galli qui faisait le r�le du dilettante burlesque; mais je vis et entendis bien mal, pr�occup�e comme je l'�tais. Il me sembla que la {CL 256} cantatrice abusait de la richesse de ses moyens, et que sa fantaisie de chanter des variations �crites pour le violon �tait antimusicale. Je o sortais des chœurs et des motets de notre chapelle, et, dans le nombre de nos morceaux � effet, ceux qu'on chantait pendant le salut du saint sacrement, il se trouvait bien des antiennes vocalis�es dans le go�t rococo de la musique sacr�e du dernier si�cle; mais nous n'�tions pas trop dupes de ces abus, et, en somme, on nous mettait sur la voie des bonnes choses. La musique bouffe des Italiens, si artistement brod�e par la cantatrice � la mode, ne me causa donc que de l'�tonnement. J'avais plus de plaisir � �couter le chevalier de Lacoux, vieux �migr�, p ami de ma grand'm�re, me jouer sur la harpe ou sur la guitare des airs espagnols dont quelques-uns m'avaient berc�e � Madrid, et que je retrouvais comme un r�ve du pass� endormi dans ma m�moire.

Rose �tait mari�e et devait nous quitter pour aller vivre � La Ch�tre, aussit�t que nous serions de retour � Nohant. Impatiente de retrouver son mari, qu'elle avait �pous� la veille du voyage � Paris, elle ne cachait gu�re sa joie et me disait avec sa passion rouge qui me faisait fr�mir de peur: « Soyez tranquille, votre tour viendra bient�t! »

{Lub 1015} J'allai embrasser une derni�re fois toutes mes ch�res amies du couvent. J'�tais v�ritablement d�sesp�r�e.

Nous arriv�mes � Nohant aux premiers jours du printemps de 1820, dans la grosse cal�che q bleue de ma grand'm�re, et je retrouvai ma petite chambre livr�e aux ouvriers qui en renouvelaient les papiers et les peintures; car ma bonne maman commen�ait � trouver ma tenture de toile d'orange � grands ramages trop surann�e pour mes jeunes yeux, et voulait les r�jouir par une fra�che couleur lilas. Cependant mon lit � colonnes, en forme de corbillard, fut �pargn�, et les quatre plumets rong�s des vers �chapp�rent encore au vandalisme du go�t moderne.

{CL 257} On m'installa provisoirement dans le grand appartement de ma m�re. L�, rien n'�tait chang� et je dormis d�licieusement dans cet immense lit � grenades dor�es qui me rappelait toutes les tendresses et toutes les r�veries de mon enfance.

Je vis enfin, pour la premi�re fois depuis notre s�paration d�cisive, le soleil entrer dans cette chambre d�serte o� j'avais tant pleur�. Les arbres �taient en fleur, les rossignols chantaient et j'entendais au loin la classique et solennelle cantil�ne des laboureurs, qui r�sume et caract�rise toute la po�sie claire et tranquille du Berry. Mon r�veil r fut pourtant un indicible m�lange de joie et de douleur. Il �tait d�j� neuf heures du matin. Pour la premi�re fois depuis trois ans, j'avais dormi la grasse matin�e, sans entendre la cloche de l'ang�lus s et la voix criarde de Marie-Jos�phe m'arracher aux douceurs des derniers r�ves. Je pouvais encore paresser une heure sans encourir aucune p�nitence. Échapper � la r�gle, entrer dans la libert�, c'est une crise sans pareille dont ne jouissent pas � demi les �mes �prises de r�verie et de recueillement.

J'allai ouvrir ma fen�tre et retournai me mettre au lit. La senteur des plantes, la jeunesse, la vie, l'ind�pendance m'arrivaient par bouff�es; mais aussi le sentiment de l'avenir inconnu qui s'ouvrait devant moi m'accablait d'une inqui�tude et d'une tristesse profondes. Je ne saurais � quoi attribuer cette d�sesp�rance maladive de l'esprit, si peu en rapport avec la fra�cheur des id�es et la {Presse 20/4/1855 2} sant� physique de l'adolescence. Je l'�prouvai si poignante que le souvenir tr�s-net m'en est rest� apr�s tant d'ann�es, sans que je puisse retrouver clairement par {Lub 1016} quelle liaison d'id�es, quels souvenirs de la veille, quelles appr�hensions du lendemain, j'arrivai t � r�pandre des larmes am�res, en un moment o� j'aurais d� reprendre avec transport possession du foyer paternel et de moi-m�me.

{CL 258} Que de petits bonheurs, cependant, pour une pensionnaire hors de cage! Au lieu du triste uniforme de serge amarante u, une jolie femme de chambre m'apportait une fra�che robe de guingan rose. v J'�tais libre d'arranger mes cheveux � ma guise sans que madame Eug�nie me v�nt observer qu'il �tait ind�cent de se d�couvrir les tempes. Le d�jeuner �tait relev� de toutes les friandises que ma grand'm�re aimait et me prodiguait. Le jardin �tait un immense bouquet. Tous les domestiques, tous les paysans venaient me faire f�te. J'embrassais toutes les bonnes femmes de l'endroit, qui me trouvaient fort embellie parce que j'�tais devenue plus grossi�re, c'est-�-dire, dans leur langage, que j'avais pris de l'embonpoint w. Le parler berrichon sonnait � mon oreille comme une musique aim�e, et j'�tais tout �merveill�e x qu'on ne m'adress�t pas la parole avec le blaisement et le sifflement britanniques. Les grands chiens y, mes vieux amis, qui m'avaient grond�e la veille au soir, me reconnaissaient et m'accablaient de caresses avec ces airs intelligents et na�fs qui semblent vous demander pardon d'avoir un instant manqu� de m�moire.

Vers le soir, Deschartres, qui avait �t� � je ne sais plus quelle foire �loign�e, z arriva enfin, avec sa veste, ses grandes gu�tres et sa casquette en soufflet. Il ne s'�tait pas encore avis�, le cher homme, que je dusse �tre chang�e et grandie depuis trois ans, et tandis que je lui sautais au cou, il demandait o� �tait Aurore. Il m'appelait mademoiselle; enfin, il fit comme mes chiens, il ne me reconnut qu'au bout d'un quart d'heure.

Tous mes anciens camarades d'enfance �taient aussi chang�s que moi. Liset �tait lou�, comme on dit chez nous. Je ne le revis pas, il mourut peu de temps apr�s. Cadet �tait devenu aide-valet de chambre. Il servait � table et disait na�vement � mademoiselle Julie, qui lui reprochait de casser toutes les carafes: « Je n'en ai cass� que sept aa la {CL 259} semaine derni�re. » Fanchon �tait berg�re chez nous. Marie Aucante �tait devenue la reine de beaut� du village. Marie et Solange Croux �taient des jeunes filles {Lub 1017} charmantes. Pendant trois jours ma chambre ne d�semplit pas des visites qui m'arrivaient. Ursule ne fut pas des derni�res.

Mais, comme Deschartres, tout le monde m'appelait mademoiselle. Plusieurs ab �taient intimid�s devant moi. Cela me fit sentir mon isolement. L'ab�me de la hi�rarchie sociale s'�tait creus� entre des enfants qui jusque-l� s'�taient sentis ac �gaux. Je n'y pouvais rien changer, on ne l'e�t pas souffert. Je me pris � regretter davantage mes compagnes de couvent.

Pendant quelques jours ensuite, je fus tout au plaisir physique de courir les champs, de revoir la rivi�re, les plantes sauvages, les pr�s en fleur. L'exercice de marcher dans la campagne, dont j'avais perdu l'habitude, et l'air printanier me grisaient si bien que je ne pensais plus et dormais de longues nuits avec d�lices; mais bient�t l'inaction de l'esprit me pesa, et je songeai � occuper ces �ternels loisirs qui m'�taient faits par l'indulgente g�terie de ma grand'm�re.

J'�prouvai m�me le besoin de rentrer dans la r�gle, et je m'en tra�ai une dont je ne me d�partis pas tant que je fus seule et ma�tresse de mes heures. Je me fis na�vement un tableau de l'emploi de ma journ�e. Je consacrais une heure � l'histoire, une au dessin, une � la musique, une � l'anglais, une � l'italien, etc. Mais le moment de m'instruire r�ellement un peu n'�tait pas encore venu. Au bout d'un mois je n'avais fait encore que r�sumer, sur des cahiers ad hoc, mes petites �tudes du couvent, lorsqu'arriv�rent, invit�es par ma bonne maman, madame de Pontcarr� et sa charmante fille Pauline, ma blonde et enjou�e compagne de couvent.

Pauline, � seize ans comme � six, �tait toujours cette belle {CL 260} indiff�rente qui se laissait aimer sans songer � vous rendre la pareille. Son caract�re �tait charmant comme sa figure, comme sa taille, comme ses mains, comme ses cheveux d'ambre, comme ses joues de lis et de rose; mais comme son cœur ne se manifestait jamais, je n'ai jamais su s'il existait et je ne pourrais dire que cette aimable compagne ait �t� mon amie.

Sa m�re �tait bien diff�rente. C'�tait une �me passionn�e jointe � un esprit �blouissant. Trop sanguine et trop repl�te pour �tre encore belle (j'ignore m�me si elle l'avait jamais �t�), elle avait des yeux noirs si magnifiques {Lub 1018} et une physionomie si vivante, une si belle voix ad et tant d'�me pour chanter, une conversation si r�jouissante, tant d'id�es, tant d'activit�, tant d'affection dans les mani�res, qu'elle exer�ait un charme irr�sistible. Elle �tait ae de l'�ge de mon p�re, et ils avaient jou� ensemble dans leur enfance. Ma grand'm�re aimait � parler de son cher fils avec elle et s'�tait prise d'amiti� pour elle assez r�cemment, bien qu'elle l'e�t toujours connue; mais cette amiti� fit bient�t place chez elle � un sentiment contraire, dont je ne m'aper�us pas assez t�t pour ne pas la faire souffrir.

Dans les commencements, tout allait si bien entre elles, que je ne me d�fendis point de l'attrait de cette amiti� pour mon compte. Tr�s-naturellement, je passais beaucoup plus de temps avec Pauline et sa m�re, ingambes et actives toutes deux, qu'aupr�s du fauteuil o� ma grand'm�re �crivait ou sommeillait presque toute la journ�e. Elle-m�me exigeait que je fisse soir et matin de grandes courses, et de la musique avec ces dames dans la journ�e. Madame de Pontcarr� �tait un excellent professeur. Elle nous lan�ait, Pauline et moi, dans les partitions � livre ouvert, nous accompagnant avec feu et soutenant nos voix de l'�nergie sympathique de la sienne. Nous avons d�chiffr� ensemble Armide, Iphig�nie, Œdipe af, etc. Quand nous �tions un peu ferr�es sur un morceau, nous ouvrions {CL 261} les portes pour que la bonne maman p�t entendre, et son jugement n'�tait pas la moins bonne le�on. Mais bien souvent la porte se trouvait ferm�e au verrou. Ma grand'm�re avait conserv� l'habitude d'�tre seule, ou avec mademoiselle Julie qui lui faisait la lecture. Nous �tions trop jeunes et trop vivantes pour que notre compagnie assidue lui f�t agr�able. La pauvre femme s'�teignait doucement, et il n'y paraissait pas encore. Elle se montrait aux repas avec un peu de rouge sur les joues, des diamants aux oreilles, la taille toujours droite et gracieuse ag dans sa douillette pens�e; causant bien et r�pondant � propos, esclave d'un savoir-vivre aimable qui lui faisait cacher ou surmonter de fr�quentes d�faillances, elle semblait jouir d'une belle vieillesse exempte d'infirmit�s. Longtemps elle dissimula une surdit� croissante, et jusqu'� ses derniers moments fit un myst�re de son �ge: affaire d'�tiquette apparemment, car elle n'avait jamais �t� vaine ah, m�me dans tout l'�clat de la jeunesse {Lub 1019} et de la beaut�. Cependant elle s'en allait, comme elle le disait souvent tout bas � Deschartres, qui, l'ayant toujours connue d�licate et affaiss�e, n'y croyait pas et se flattait de mourir avant elle. Elle craignait le moindre bruit, l'�clat du jour lui �tait insupportable, et quand elle avait fait l'effort de tenir le salon une ou deux heures, elle �prouvait le besoin d'aller s'enfermer dans son boudoir, nous priant d'aller nous occuper ou nous promener un peu loin de son sommeil, qui �tait fort l�ger.

Je fus donc bien �tonn�e et presque effray�e un jour qu'elle me dit que j'�tais ai ins�parable de madame de Pontcarr� et de sa fille, que je la n�gligeais, que je me jetais t�te baiss�e dans des amiti�s nouvelles, que j'avais trop d'imagination, que je ne l'aimais pas aj, et tout cela avec une douleur et des larmes ak inexplicables.

Je sentais ces reproches si peu m�rit�s al qu'ils me constern�rent. Je ne trouvais rien � y r�pondre � force d'en voir {CL 262} l'injustice; mais cette injustice, dans un cœur si bon et si droit, ressemblait � un acc�s de d�mence triste et douce. Je ne sus que pleurer avec ma pauvre bonne maman am, la caresser et la consoler de mon mieux. Comme an elle me reprochait de parler bas souvent � ces dames et d'avoir avec elles un air de cachoterie, je lui fis promettre, en riant, le secret vis-�-vis d'elle-m�me, et lui confessai que depuis huit jours nous b�tissions un th��tre et r�p�tions une pi�ce pour le jour de sa f�te; mais que j'aimais bien mieux en trahir la surprise que de la laisser souffrir ao un jour de plus de ses chim�res. « Eh! mon Dieu, me dit-elle en riant aussi � travers ses pleurs, je le sais bien que vous me pr�parez une belle f�te et une belle surprise! Comment peux-tu t'imaginer que Julie ne me l'ait pas dit?

— Elle a tr�s-bien fait sans doute, puisqu'elle vous a vue inqui�te de nos myst�res; mais alors, comment se fait-il, ch�re maman, que vous vous en tourmentiez encore? »

Elle m'avoua qu'elle ne savait pas pourquoi elle s'en �tait fait un chagrin; et comme je lui proposai ap de laisser aller la com�die sans m'en m�ler afin de passer tout mon temps aupr�s d'elle, elle s'�cria: « Non pas, non pas! Je ne veux point de cela! madame de Pontcarr� fera bien assez valoir sa fille; je ne veux pas que, comme � l'ordinaire, tu sois mise de c�t� et �clips�e par elle! »

{Lub 1020} Je n'y comprenais plus rien. Jamais l'id�e d'une rivalit� quelconque n'avait pu �clore dans la t�te de Pauline ou dans la mienne. Madame de Pontcarr� n'y pensait probablement pas davantage; mais ma pauvre jalouse de bonne maman ne pardonnait pas � Pauline d'�tre plus belle que moi, et en m�me temps qu'elle supposait sa m�re port�e � me d�nigrer, elle �tait jalouse aussi de l'affection que cette m�re me t�moignait.

Comme la jalousie est grosse d'incons�quences, il me fallut donc voir ces petites sc�nes se renouveler, et je crois {CL 263} qu'elles furent envenim�es par mademoiselle Julie, qui, d�cid�ment, ne m'aimait point. Je ne lui avais jamais fait ni mal ni dommage; tout au contraire: facile au retour comme je le suis, j'appr�ciais l'intelligence de cette froide personne, et j'aimais � consulter sa merveilleuse m�moire des faits historiques; mais ma m�re l'avait trop bless�e pour qu'elle p�t me pardonner d'�tre sa fille et de l'aimer.

Ce fut donc en essuyant de secr�tes larmes, et entre plusieurs nu�es de ces orages �touff�s par le savoir-vivre, que je me travestis en Colin pour jouer la com�die et faire rire ma grand'm�re. Le th��tre, tout en feuillages naturels, formait un berceau charmant. M. de Tr�mauville aq, un officier ami de madame de Pontcarr�, lequel, se trouvant en remonte de cavalerie dans le d�partement, �tait venu passer chez nous une quinzaine, avait tout dispos� avec beaucoup d'adresse et de go�t. Il jouait lui-m�me le r�le de mon capitaine, car je m'engageais par d�sespoir des caprices de mon amoureuse Colette. Je ne sais plus quel proverbe de Carmontelle nous avions ainsi arrang� � notre usage. Pauline, en villageoise d'op�ra-comique, �tait belle comme un ange. Deschartres jouait aussi, et jouait tr�s-mal. Tout alla n�anmoins le mieux du monde, malgr� les terreurs de Pauline, qui pleura ar de peur en entrant en sc�ne. N'ayant jamais connu ce genre de timidit�, je jouais tr�s-r�sol�ment ce qui consola un peu ma bonne maman de me voir travestie en gar�on, pendant que Pauline brillait de tout le charme de sa beaut� et de tous les atours de son sexe.

{Presse 21/4/1855 1} Quelque temps apr�s, madame de Pontcarr� partit avec sa fille et M. de Tr�mauville, dont je me souviens comme du meilleur homme du monde; p�re de famille excellent, il nous traitait, Pauline et moi, comme ses enfants, et {Lub 1021} nous abusions tellement de son facile et aimable caract�re, que ma grand'm�re elle-m�me, dans ses moments de gaiet�, l'avait surnomm� la bonne de ces demoiselles.

{CL 264} Mais je ne sais quelle irritation profonde resta contre madame de Pontcarr� et Pauline dans le cœur de ma grand'm�re. Afflig�e de leur d�part, je dus pourtant me trouver soulag�e de voir finir les �tranges et incompr�hensibles querelles qu'elles m'attiraient. Hippolyte vint en cong�, et nous f�mes d'abord intimid�s l'un devant l'autre as. Il �tait devenu un beau mar�chal des logis de hussards; faisant ronfler les r, domptant les chevaux indomptables, et ayant son franc parler avec Deschartres, qui lui permettait de le taquiner, comme avait fait mon p�re, sur le chapitre de l'�quitation et sur plusieurs autres. Au bout de peu de jours notre ancienne amiti� revint, et, recommen�ant � courir et � fol�trer ensemble, il ne nous sembla plus que nous nous fussions jamais quitt�s.

Ce fut lui qui me communiqua le go�t de monter � cheval, et cet exercice physique devait influer beaucoup at sur mon caract�re et mes habitudes d'esprit.

Le cours d'�quitation qu'il me fit n'�tait ni long ni ennuyeux. « Vois-tu, me dit-il un matin que je lui demandais de me donner la premi�re le�on, je pourrais faire le p�dant et te casser la t�te du manuel d'instruction que je professe � Saumur � des conscrits qui n'y comprennent rien, et qui, en somme, n'apprennent qu'� force d'habitude et de hardiesse; mais tout se r�duit d'abord � deux choses: tomber ou ne pas tomber; le reste viendra plus tard. Or, comme il faut s'attendre � tomber, nous allons chercher un bon endroit pour que tu ne t'y fasses pas trop de mal. » Et il m'emmena dans un pr� immense dont l'herbe �tait �paisse. Il monta sur le g�n�ral P�p�, menant Colette en main.

P�p� �tait un tr�s-beau poulain, petit-fils du fatal L�opardo, et que, dans mon enthousiasme naissant pour la r�volution italienne, j'avais gratifi� au du nom d'un homme h�ro�que qui a �t� mon ami par la suite des temps. Colette, que l'on appelait dans le principe mademoiselle Deschartres, {CL 265} �tait une �l�ve de notre pr�cepteur et n'avait jamais �t� mont�e. Elle avait quatre ans et sortait du pacage. Elle paraissait si douce, que mon fr�re, apr�s lui avoir fait faire plusieurs fois le tour du pr�, jugea qu'elle se conduirait bien et me jeta dessus.

{Lub 1022} Il y a un Dieu pour les fous et pour les enfants. Colette et moi, aussi novices l'une que l'autre, avions toutes les chances possibles pour nous contrarier et nous s�parer violemment. Il n'en fut rien. À partir de ce jour, nous devions vivre et galoper quatorze ans de compagnie av. Elle devait gagner ses invalides et finir tranquillement ses jours � mon service, sans qu'aucun nuage ait jamais troubl� notre bonne intelligence aw.

Je ne sais pas si j'aurais eu peur par r�flexion, mais mon fr�re ne m'en donna pas le temps. Il fouetta vigoureusement Colette, qui d�buta par un galop fr�n�tique, accompagn� de gambades et de ruades les plus folles, mais les moins m�chantes du monde. « Tiens-toi bien, disait mon fr�re. Accroche-toi aux crins si tu veux, mais ne l�che pas la bride et ne tombe pas. Tout est l�: tomber ou ne pas tomber! »

C'�tait le to be or not to be d'Hamlet. Je mis toute mon attention et ma volont� � ne pas trop quitter la selle. Cinq ou six fois, � moiti� d�sar�onn�e ax, je me rattrapai comme il plut � Dieu, et au bout d'une heure, �reint�e, �chevel�e et surtout enivr�e, j'avais acquis le degr� de confiance et de pr�sence d'esprit n�cessaire � la suite de mon �ducation �questre.

Colette �tait un �tre sup�rieur dans son esp�ce. Elle �tait maigre, laide, grande, d�gingand�e au repos: mais elle avait une physionomie sauvage et des yeux d'une beaut� qui rachetait ay ses d�fauts de conformation. En mouvement, elle devenait belle d'ardeur, de gr�ce et de souplesse. J'ai mont� des chevaux magnifiques, admirablement dress�s: {CL 266} je n'ai jamais retrouv� l'intelligence et l'adresse de ma cavale rustique. Jamais elle ne m'a fait un faux pas, jamais un �cart, et ne m'a jamais jet�e par terre que par la faute de ma distraction ou de mon imprudence.

Comme elle devinait tout ce qu'on d�sirait d'elle, il ne me fallut pas huit jours pour savoir la gouverner. Son instinct et le mien s'�taient rencontr�s. Taquine et emport�e avec les autres, elle se pliait � ma domination de son plein gr�, � coup s�r. Au bout de huit jours, nous sautions haies et foss�s, nous gravissions les pentes ardues, nous traversions les eaux profondes; et moi, l'eau dormante du couvent, j'�tais devenue quelque chose de plus t�m�raire qu'un hussard et de plus robuste qu'un {Lub 1023} paysan; car les enfants ne savent pas ce que c'est que le danger, et les femmes se soutiennent, par la volont� nerveuse, au del� des forces viriles.

Ma grand'm�re ne parut pas surprise d'une m�tamorphose qui m'�tonnait pourtant moi-m�me: car, du jour au lendemain, je ne me reconnaissais plus, tandis qu'elle disait reconna�tre en moi les contrastes de langueur et d'enivrement qui avaient marqu� l'adolescence de mon p�re.

Il est �trange que, m'aimant d'une mani�re si absolue et si tendre, elle n'ait pas �t� effray�e de me voir prendre le go�t de ce genre de danger. Ma m�re n'a jamais pu me voir � cheval sans cacher sa figure dans ses mains et sans s'�crier que je finirais comme mon p�re. Ma bonne maman r�pondait avec un triste sourire � ceux qui lui demandaient raison de sa tol�rance � cet �gard par cette anecdote bien connue, mais bien jolie, du marin et du citadin.

« Eh quoi, monsieur, votre p�re et votre grand-p�re ont p�ri sur mer dans les temp�tes, et vous �tes marin? � votre place, je n'aurais jamais voulu monter sur un navire!

— Et vous, monsieur, comment donc sont morts vos parents?

{CL 267} — Dans leurs lits, gr�ce au ciel!

— En ce cas, � votre place, je ne me mettrais jamais au lit! »

Il m'arriva cependant un jour de tomber juste � la place o� s'�tait tu� mon p�re et de m'y faire assez de mal. Ce ne fut point Colette, mais le g�n�ral P�p� qui me joua ce mauvais tour. Ma grand'm�re n'en sut rien. Je ne m'en vantai pas et remontai � cheval de plus belle.

Mon fr�re retourna � son r�giment. Le vieux chevalier de Lacoux, qui �tait venu nous voir et qui me faisait beaucoup travailler la harpe, nous quitta aussi. Je restai seule � Nohant, pendant tout l'hiver, avec ma grand'm�re et Deschartres. Jusqu'� ce moment, malgr� l'agr�able compagnie de ces divers h�tes, j'avais lutt� en vain contre une profonde m�lancolie. Je ne pouvais pas toujours la dissimuler, mais jamais je n'en voulus dire la cause, pas m�me � Pauline ou � mon fr�re, qui s'�tonnaient de mes abattements et de mes pr�occupations. Cette cause, que je laissais {Lub 1024} attribuer � une disposition maladive ou � un vague ennui, �tait bien claire en moi-m�me: je regrettais le couvent. J'avais le mal du couvent comme on a le mal du pays. Je ne pouvais pas m'ennuyer, ayant une vie assez remplie; mais je sentais tout me d�plaire, quand je comparais m�me mes meilleurs moments aux placides et r�guli�res journ�es du clo�tre, aux amiti�s sans nuages, au bonheur sans secousses que j'avais � jamais laiss�s derri�re moi. Mon �me, d�j� lass�e d�s l'enfance, avait soif de repos, et l� seulement j'avais go�t� les premi�res �motions de l'enthousiasme religieux, presque une ann�e de qui�tude absolue. J'y avais oubli� tout ce qui �tait le pass�: j'y avais r�v� l'avenir semblable au pr�sent. Mon cœur aussi s'�tait fait comme une habitude d'aimer beaucoup de personnes � la fois et de leur communiquer ou de recevoir d'elles un continuel aliment � la bienveillance et � l'enjouement.

{CL 268} Je l'ai dit, mais je le dirai encore une fois, au moment d'enterrer ce r�ve de vie claustrale dans mes lointains mais toujours tendres souvenirs: l'existence en commun avec des �tres doucement aimables et doucement aim�s est l'id�al du bonheur az. L'affection vit de pr�f�rences; mais dans ce genre de soci�t� fraternelle, o� une croyance quelconque sert de lien, les pr�f�rences sont si pures et si saines qu'elles augmentent les sources du cœur au lieu de les �puiser. On est d'autant meilleur et facilement g�n�reux avec les amis secondaires, qu'on sent devoir leur prodiguer l'obligeance et les bons proc�d�s, en d�dommagement de l'admiration enthousiaste qu'on r�serve pour des �tres plus directement sympathiques. On a dit souvent qu'une belle passion �largissait l'�me. Quelle plus belle passion que celle de la fraternit� �vang�lique? Je m'�tais sentie vivre de toute ma vie dans ce milieu enchant�; je m'�tais sentie d�p�rir depuis, jour par jour, heure par heure, et sans bien me rendre toujours compte de ce qui me manquait, tout en cherchant parfois � m'�tourdir et � m'amuser comme il convenait � l'innocence de mon �ge, j'�prouvais dans la pens�e un vide affreux, un d�go�t, une lassitude de toutes choses et de toutes personnes autour de moi.

Ma grand'm�re �tait seule except�e; mon affection pour elle se d�veloppait extr�mement ba. J'arrivais � la comprendre, � avoir le secret de ces douces faiblesses {Lub 1025} maternelles, � ne plus voir en elle le froid esprit fort que ma m�re m'avait exag�r�, mais bien la femme nerveuse et d�licatement susceptible qui ne faisait souffrir que parce qu'elle souffrait elle-m�me � force d'aimer. Je voyais les contradictions singuli�res qui existaient, qui avaient toujours exist� plus ou moins, entre son esprit bien tremp� et son caract�re d�bile. Forc�e de l'�tudier, et reconnaissant qu'il fallait le faire pour lui �pargner tous les petits chagrins que je lui avais caus�s bb, {Presse 21/4/1855 2} je d�brouillais enfin cette �nigme d'un cerveau {CL 269} raisonnable aux prises avec un cœur insens�. La femme sup�rieure, et elle l'�tait par son instruction, son jugement, sa droiture, son courage dans les grandes choses, redevenait femmelette et petite marquise dans les mille petites douleurs de la vie ordinaire. Ce fut d'abord une d�ception pour moi que d'avoir � mesurer ainsi un �tre que je m'�tais habitu�e � voir grand dans la rigueur comme dans la bont�. Mais la r�flexion me ramena, et je me mis � aimer les c�t�s faibles de cette nature compliqu�e, dont les d�fauts n'�taient que l'exc�s de qualit�s exquises. Un jour vint o� nous change�mes de r�le et o� je sentis pour elle une tendresse des entrailles qui ressemblait aux sollicitudes de la maternit�.

C'�tait comme un pressentiment int�rieur ou comme un avertissement du ciel, car le moment approchait o� je ne devais plus trouver en elle qu'un pauvre enfant � soigner et � gouverner.

H�las! Il fut bien court, le temps arrach� aux rigueurs de notre commune destin�e, o�, sortant moi-m�me des t�n�bres de l'enfance, je pouvais enfin profiter de son influence morale et du bienfait intellectuel de son intimit�. N'ayant plus aucun sujet de jalousie � propos de moi (Hippolyte aussi lui en avait caus� quelques derniers acc�s), elle devenait adorable dans le t�te-�-t�te. Elle savait tant de choses et jugeait si bien, elle s'exprimait avec une simplicit� si �l�gante, il y avait en elle tant de go�t et d'�l�vation, que sa conversation �tait le meilleur des livres.

Nous pass�mes ensemble les derni�res soir�es de f�vrier, � lire une partie bc du G�nie du christianisme de Chateaubriand. Elle n'aimait pas cette forme et le fond lui paraissait faux; mais les nombreuses citations de l'ouvrage lui sugg�raient bd des jugements admirables sur les {Lub 1026} chefs-d'œuvre dont je lui lisais les fragments. Je m'�tonnais qu'elle m'e�t si peu permis de lire avec elle; je le lui disais, exprimant le charme que {CL 270} je go�tais dans de tels enseignements, lorsqu'elle me dit un soir: « Arr�te-toi, ma fille. Ce que tu me lis est si �trange que j'ai peur d'�tre malade et d'entendre autre chose que ce que j'�coute. Pourquoi me parles-tu de morts, de linceul, de cloches, de tombeaux? Si tu composes tout cela, tu as tort de me mettre ainsi des id�es noires dans l'esprit. »

Je m'arr�tai �pouvant�e: je venais de lui lire une page fra�che et riante, une description des savanes, o� rien de semblable � ce qu'elle avait cru entendre ne se trouvait. Elle se remit bien vite et me dit en souriant: « Tiens, je crois que j'ai dormi et r�v� pendant ta lecture. Je suis bien affaiblie. Je ne peux plus lire, et je ne peux plus �couter. J'ai peur de conna�tre l'oisivet� et l'ennui � pr�sent. Donne-moi des cartes, et jouons au grabuge, cela me distraira. »

Je m'empressai de faire sa partie, et je r�ussis � l'�gayer. Elle joua avec l'attention et la lucidit� ordinaires. Puis, r�vant un instant, elle rassembla ses id�es comme pour un entretien supr�me; car, � coup s�r, elle sentait son �me s'�chapper. « Ce mariage ne te convenait pas du tout, dit-elle, et je suis contente de l'avoir rompu.

— Quel mariage? lui dis-je.

— Est-ce que je ne t'en ai pas parl�? Eh bien, je t'en parle. C'est un homme immens�ment riche, mais cinquante ans be et un grand coup de sabre � travers la figure. C'est un g�n�ral de l'Empire. Je ne sais pas o� il t'a vue, au parloir de ton couvent peut-�tre. Te souviens-tu de cela?

— Pas du tout.

— Enfin, il te conna�t apparemment, et il te demande en mariage avec ou sans dot: mais con�oit-on que ces hommes de Bonaparte aient des pr�jug�s, comme nous autres? Il mettait pour premi�re condition que tu ne reverrais jamais ta m�re.

— Et vous avez refus�, n'est-ce pas, maman?

— Oui, me dit-elle; en voici la preuve. »

{CL 271} Elle me remit une lettre que j'ai encore sous les yeux, car je l'ai gard�e comme un souvenir de cette triste soir�e. Elle �tait de mon cousin Ren� de Villeneuve et ainsi con�ue:

{Lub 1027} « Je ne me console pas, ch�re grand'm�re, de n'�tre pas aupr�s de vous pour insister sur la proposition faite pour Aurore. L'�ge vous offusque; mais r�ellement la personne de cinquante ans a l'air presque aussi jeune que moi. Elle a beaucoup d'esprit, d'instruction, tout ce qu'il faut enfin pour assurer le bonheur d'un lien pareil; car on trouvera bien des jeunes gens, mais on ne peut �tre s�r de leur caract�re, et l'avenir avec eux est fort incertain; au lieu que l�, la position �lev�e, la fortune, la consid�ration, tout se trouve. Je vous citerai plusieurs exemples � l'appui du raisonnement que je pourrais vous faire. Le duc de Caylus, bf qui a soixante-cinq ans, a �pous�, il y a deux ans, mademoiselle de La Grange, bg qui en avait seize. Elle est la plus heureuse des femmes, se conduisant � merveille, bien que lanc�e dans le grand monde et entour�e d'hommages, car elle est belle comme un ange*. Elle a re�u une excellente �ducation et de bons principes. Tout est l�. Venez donc sans faute � Paris au commencement de mars. Je vous somme de faire ce voyage dans l'int�r�t de notre ch�re enfant, etc. »

* J'ai connu dans la suite la belle et v�ritablement ang�lique personne dont il est question. Elle avait �pous� M. de Rochemur bh en secondes noces. Elle m'a racont� toute l'histoire de son union avec le duc de Caylus. bi Ah! mon cousin bj Ren�, si vous l'aviez entendue d�crire ce parfait bonheur de sa premi�re union!

« Eh bien, maman, m'�criai-je effray�e, est-ce que nous allons � Paris?

— Oui, mon enfant, nous irons dans huit jours. Mais, rassure-toi, je ne veux pas entendre parler de ce mariage. Ce n'est pas tant l'�ge qui m'offusque bk que la condition dont je t'ai parl�. J'ai �t� si heureuse avec mon vieux mari, que {CL 272} je n'ai pas trop peur pour toi d'un homme de cinquante ans; mais je sais que tu ne souscrirais pas... bl Ne dis rien; je te connais � pr�sent, et je regrette de n'avoir pas toujours aussi bien jug� ta situation que je le fais � cette heure. Tu aimes ta m�re par devoir et par religion, comme tu l'aimais par habitude et par instinct dans ton enfance. J'ai cru devoir te mettre en garde contre trop de confiance et d'entra�nement. J'ai peut-�tre eu tort de le faire dans un moment de douleur et d'irritation. J'ai bien vu que je te brisais. Il me semblait, dans ce moment-l�, que c'�tait de moi que tu devais apprendre {Lub 1028} la v�rit� et qu'elle te serait plus insupportable de la part bm de tout autre. Si tu penses que j'aie exag�r� quelque chose, ou que j'aie jug� trop durement ta m�re, oublie-le, et sache que, malgr� tout le mal qu'elle m'a fait, je rends justice � ses qualit�s et � sa conduite depuis la mort de ton pauvre p�re. D'ailleurs, f�t-elle, comme je me le suis imagin� parfois, la derni�re des femmes, je comprends ce que tu lui dois d'�gards et de fid�lit� de cœur. Elle est ta m�re! Tout est l�! Oui, je le sais. J'ai craint de te voir trop aveugl�e, ensuite j'ai craint de te voir devenir trop d�vote. Je suis tranquille sur ton compte � pr�sent. Je te vois pieuse, tol�rante et conservant les go�ts de l'intelligence. Je regrette presque de ne pas croire � tout ce que tu pratiques; car je vois que tu y puises une force qui n'est pas dans ta nature et qui m'a frapp�e quelquefois comme au-dessus de ton �ge. Ainsi, pendant que tu �tais au couvent, enferm�e toute l'ann�e, sans vacances, priv�e de sortir pendant neuf ou dix mois que je passais ici, tu m'as �crit � diff�rentes reprises pour me conjurer de ne pas te permettre de sortir avec les Villeneuve ou avec madame de Pontcarr�. J'en ai �t� afflig�e et jalouse d'abord, mais j'en ai �t� touch�e aussi, et maintenant je sens que si je te proposais de rompre avec ta m�re pour faire un grand mariage, je r�volterais ton cœur {CL 273} et ta conscience. Sois donc tranquille, et va te coucher. Il ne sera jamais question de rien de pareil. »

J'embrassai ardemment ma grand'm�re, et, la voyant bn parfaitement calme et lucide, je me retirai dans ma chambre, la laissant aux soins accoutum�s de ses deux femmes, qui la mirent au lit � minuit, apr�s les deux heures de toilette bo et de tranquille fl�nerie dont elle avait l'habitude.

C'�tait, comme je l'ai d�j� dit, tout un �trange petit cer�monial que le coucher de ma grand'm�re: des camisoles de satin piqu�, des bonnets � dentelles, des cocardes de rubans, des parfums, des bagues particuli�res pour la nuit, une certaine tabati�re, enfin tout un �difice d'oreillers splendides, car elle dormait assise, et il fallait l'arranger de mani�re qu'elle se r�veill�t sans avoir fait un mouvement. On e�t dit que chaque soir elle se pr�parait � une r�ception d'apparat, et cela avait quelque chose de bizarre et de solennel bp o� elle avait l'air de se complaire.

J'aurais d� me dire que l'esp�ce d'hallucination auditive {Lub 1029} qu'elle avait eue en �coutant ma lecture, et la clart� subite de ses id�es, m�me le retour sur elle-m�me qu'elle avait voulu faire en me parlant de ma m�re, indiquaient une situation morale et physique inusit�e. Revenir sur ses propres arr�ts, s'attribuer un tort, demander, pour ainsi dire, pardon d'une erreur de jugement, cela �tait bien contraire � ses habitudes. Ses actions d�mentaient continuellement ses paroles, mais elle n'en convenait pas et maintenait volontiers son dire. En y r�fl�chissant, j'eus une vague inqui�tude et je redescendis chez elle vers minuit, comme pour reprendre mon livre oubli�. Elle �tait d�j� couch�e et enferm�e, s'�tant sentie assoupie un peu plus t�t que de coutume. Ses femmes n'avaient rien trouv� d'extraordinaire en elle et je remontai fort tranquille.

{Presse 22/4/1855 1} Depuis trois ou quatre mois, je dormais fort peu. Je n'avais point pass� une semaine dans la v�ritable intimit� de {CL 274} ma grand'm�re sans m'aviser du peu d'instruction que j'avais acquise au couvent et sans reconna�tre avec le sinc�re Deschartres que j'�tais, selon son expression favorite, d'une ignorance crasse. Le d�sir de ne pas impatienter la bonne maman, qui me reprochait bien un peu vivement quelquefois de lui avoir fait d�penser trois ann�es de couvent pour ne rien apprendre, me poussa, plus que la curiosit� ou l'amour-propre, � vouloir m'instruire un peu. Je souffrais de lui entendre dire que l'�ducation religieuse �tait abrutissante, et j'apprenais bq un peu en cachette, afin de lui en laisser attribuer l'honneur � mes religieuses.

J'entreprenais l� une chose impossible. Quiconque manque de m�moire ne peut jamais �tre instruit r�ellement, et j'en �tais compl�tement d�pourvue. Je me donnais un mal inou� pour mettre de l'ordre dans mes petites notions d'histoire. Je n'avais pas m�me la m�moire des mots, et d�j� j'oubliais l'anglais, qui nagu�re m'avait �t� aussi familier que ma propre langue. Je m'�vertuais donc � lire et � �crire, depuis dix heures du soir jusqu'� deux ou trois du matin. Je dormais quatre ou cinq heures. Je montais � cheval avant le r�veil de ma grand'm�re. Je d�jeunais avec elle, je lui faisais de la musique et ne la quittais presque plus de la journ�e; car, insensiblement, elle s'�tait habitu�e � vivre moins avec Julie, et j'avais pris sur moi de lui lire les journaux ou de rester � dessiner {Lub 1030} dans sa chambre pendant que Deschartres les lui lisait. Cela m'�tait particuli�rement odieux. Je ne saurais dire pourquoi cette chronique journali�re du monde r�el m'attristait profond�ment. Elle me sortait de mes r�ves, et je crois que la jeunesse ne vit pas d'autre chose que de la contemplation du pass� br, ou de l'attente de l'inconnu.

Je me souviens que cette nuit-l� fut extraordinairement belle et douce. Il faisait un clair de lune voil� par ces petits nuages blancs que Chateaubriand comparait � des {CL 275} flocons de ouate bs 1. Je ne travaillai point, je laissai ma fen�tre ouverte et jouai de la harpe en d�chiffrant la Nina de Paesiello. Puis je sentis le froid et me couchai en r�vant � la douceur et � la bont� de l'�panchement de ma grand'm�re avec moi. En donnant enfin la s�curit� � mon sentiment filial et en d�tournant de moi l'effroi d'une lutte qui avait pes� sur toute ma vie, elle me faisait respirer pour la premi�re fois. Je pouvais enfin r�unir et confondre mes deux m�res rivales dans le m�me amour. À ce moment-l�, je sentis que je les aimais �galement et me flattai de leur faire accepter cette id�e. Puis je pensai au mariage, � l'homme de cinquante ans, au prochain voyage de Paris, au monde o� l'on mena�ait de me produire. Je ne fus effray�e de rien. Pour la premi�re fois j'�tais optimiste. Je venais de remporter une victoire qui me paraissait d�cisive sur le grand obstacle de l'avenir. Je me persuadai que j'avais acquis sur ma grand'm�re un ascendant de tendresse et de persuasion qui me permettrait d'�chapper � ses sollicitudes pour mon �tablissement, que peu � peu elle verrait par mes yeux, me laisserait vivre libre et heureuse � ses c�t�s, et qu'apr�s lui avoir consacr� ma jeunesse, je pourrais lui fermer les yeux sans qu'elle exige�t de moi la promesse de renoncer au clo�tre. « Tout est bien ainsi, pensai-je. Il est fort inutile de la tourmenter de mes secrets desseins. Dieu les prot�gera. » Je savais qu'Élisa �tait sortie du couvent, qu'on la menait dans le monde, qu'elle se r�signait � aller au bal, et que rien n'�branlait sa r�solution. Elle m'�crivait qu'elle acceptait l'�preuve � laquelle ses parents avaient voulu la soumettre, qu'elle se sentait chaque jour plus forte dans sa vocation, et que nous nous retrouverions peut-�tre � Cork sous le voile, si ma qualit� de fran�aise m'excluait de la communaut� des Anglaises de Paris.

{Lub 1031} Je m'endormis donc dans une situation d'esprit que je {CL 276} n'avais pas connue depuis longtemps; mais � sept heures du matin Deschartres entra dans ma chambre, et, en ouvrant les yeux, je vis un malheur dans les siens. « Votre grand'm�re est perdue, je le crains, me dit-il. Elle a voulu se lever cette nuit. Elle a �t� prise d'une attaque d'apoplexie et de paralysie. Elle est tomb�e et n'a pu se relever. Julie vient de la trouver par terre froide, immobile, sans connaissance. Elle est couch�e, r�chauff�e et un peu ranim�e; mais elle ne se rend compte de rien et ne peut faire aucun mouvement. J'ai envoy� chercher le docteur Decerfz. Je vais la saigner. Venez vite � mon aide. »

Nous pass�mes la journ�e � la soigner. Elle recouvra bt ses esprits, se rappela �tre tomb�e, se plaignit seulement des contusions qu'elle s'�tait faites, s'aper�ut qu'elle avait tout un c�t� mort depuis l'�paule jusqu'aux talons, mais n'attribua cet engourdissement qu'� la courbature de la chute. La saign�e lui rendit cependant un peu d'aisance dans les mouvements qu'on l'aidait � faire, et vers le soir il y eut un mieux si sensible, que je me rassurai bu et que le docteur partit en me tranquillisant; mais Deschartres ne se flattait pas. Elle me demanda de lui lire son journal apr�s d�ner et parut l'entendre. Puis elle demanda des cartes et ne put les tenir dans sa main. Alors elle commen�a � divaguer et � se plaindre de ce que nous ne voulions pas la soulager en lui faisant une application de la dame de pique sur le bras. Effray�e, je dis tout bas � Deschartres: « C'est le d�lire? — H�las, non! me r�pondit-il; elle n'a pas de fi�vre, c'est l'enfance! »

Cet arr�t tomba sur moi pire que l'annonce de la mort. J'en fus si boulevers�e que je sortis de la chambre et m'enfuis dans le jardin, o� je tombai � genoux dans un coin, voulant prier et ne pouvant pas. Il faisait un temps d'une beaut� et d'une tranquillit� insolentes. Je crois que j'�tais en enfance moi-m�me dans ce moment-l�, car je m'�tonnais {CL 277} machinalement que tout sembl�t sourire bv autour de moi pendant que j'avais la mort dans l'�me. Je rentrai vite. « Du courage! me dit Deschartres, qui devenait bon et tendre dans la douleur. Il ne faut pas que vous soyez malade; elle a besoin de nous! »

Elle passa la nuit � divaguer doucement. Au jour, elle s'endormit profond�ment jusqu'au soir. Ce sommeil {Lub 1032} apoplectique �tait un nouveau danger � combattre. Le docteur et Deschartres l'en tir�rent avec succ�s; mais elle s'�veilla aveugle. Le lendemain elle voyait, mais les objets plac�s � droite lui paraissaient transport�s � gauche. Un autre jour elle b�gaya et perdit la m�moire des mots. Enfin apr�s une s�rie de ph�nom�nes �tranges et de crises impr�vues, elle entra en convalescence. Sa vie �tait momentan�ment sauv�e. Elle avait des heures lucides. Elle souffrait peu, mais elle �tait paralytique, et son cerveau affaibli et bris� entrait v�ritablement dans la phase de l'enfance signal�e par Deschartres. Elle n'avait plus de volont�, mais des vell�it�s continuelles et impossibles � satisfaire. Elle ne connaissait plus ni la r�flexion ni le courage. Elle voyait mal, n'entendait presque plus. Enfin sa belle intelligence, sa belle �me �taient mortes bw.

Il y eut beaucoup de phases diff�rentes dans l'�tat de ma pauvre malade. Au printemps elle fut mieux. Durant l'�t� nous cr�mes un instant � une gu�rison radicale, car elle retrouva de l'esprit, de la gaiet� et une sorte de m�moire relative. Elle passait la moiti� de sa journ�e sur son fauteuil. Elle se tra�nait, appuy�e sur nos bras, jusque dans la salle � manger, o� elle mangeait avec app�tit. Elle s'asseyait dans le jardin au soleil; elle �coutait encore quelquefois son journal et s'occupait m�me bx de ses affaires et de son testament avec sollicitude pour tous les siens. Mais � l'entr�e de l'automne, elle retomba dans une torpeur constante et finit sans souffrance et sans conscience de sa {CL 278} fin, dans un sommeil l�thargique, le 25 d�cembre 1821 by.

J'ai beaucoup v�cu, beaucoup pens�, beaucoup chang� dans ces dix mois, pendant lesquels ma grand'm�re ne recouvra, dans ses meilleurs moments, qu'une demi-existence. Aussi raconterai-je comment la mienne pivota autour du lit de la pauvre moribonde, sans vouloir trop attrister mes lecteurs des d�tails douloureux d'une lente bz et in�vitable destruction.


Variantes

  1. 1810-1832 {CL} (cette inadvertance de l'�diteur est corrig�e dans la table des mati�res du T.3) ♦ 1819-1822 {Lub} (cette indavertance de l'�diteur est r�p�t�e dans la table des mati�res du T.1. Nous corrigeons)
  2. 8me volume. chapitre Ier {Ms}chapitre seizi�me {Presse}, {Lecou} ♦ Chapitre troisi�me {LP} ♦ III {CL}
  3. ajourn�s. — [Premi�re d�ception ray�]. Amour {Ms}
  4. et sa m�re. — [Repr�sentation ray�]. La com�die {Ms}
  5. Ce qui pr�c�de, depuis sa mort, prochaine, est un bequet coll� sur le feuillet, et tout le feuillet qui suit, jusqu'� quel orage, est coll� sur onglet, ce qui indique une version refondue, {Ms} (note de {Lub})
  6. questions [ni � l'une ni � l'autre de mes m�res ray�] {Ms}
  7. avec moi. L'effort que j'aurais � faire pour leur persuader de se supporter l'une l'autre me paraissait un devoir � remplir. Ma m�re {Ms} ♦ avec moi. Ma m�re {Presse} et sq.
  8. [plus t�t que tu ne crois ray�] plus t�t que l'on ne croit! {Ms}
  9. allusion [continuelle ray�] obstin�e {Ms}
  10. moi qui ne me sentais pas l'�nergie {Ms} ♦ moi, qui, d'ailleurs, ne me sentais plus l'�nergie {Presse} et sq.
  11. je sentais encore {Ms} ♦ j'aurais trouv� encore {Presse} et sq.
  12. pour [y r�sister quand elle ray�] briser le sien, quand [elle avait pass� par dessus un enfant ch�ri pour aller � Dieu ray�] elle avait r�sisSt� {Ms}
  13. humili�e et [insult�e ray�] outrag�e {Ms}
    Ce feuillet de {Ms} commen�ant � « je le crois, pass� par dessus » et se terminant � « abattue et plaintive », est coll� sur onglet, ce qui indique une version remani�e. (note de {Lub})
  14. de cette [triste ray�] pens�e {Ms}
  15. D'ici � la fin du paragraphe, le passage est sur un b�quet coll�. {Ms} (note de {Lub})
  16. vieux �migr� {Ms}vieil �migr�, {Presse} ♦ vieux �migr�, {Lecou} et sq.
  17. dans la grosse [berline ray�] cal�che {Ms}
  18. Mon [premier ray�] r�veil {Ms}
  19. la cloche [aigue ray�] de l'ang�lus {Ms}
  20. lendemain, [m'amen�rent ray�] j'arrivai {Ms}
  21. de serge amaranthe {Ms} ♦ de serge amarante {Presse} et sq.
  22. de guingamp rose. {Ms}, {Presse} ♦ de guingan rose. {Lecou} et sq.
  23. de l'enbonpoint {Ms} ♦ de l'embonpoint {Presse} et sq.
  24. toute �merveill�e {Ms} ♦ tout �merveill�e {Presse} et sq.
  25. Les [vieux ray�] grands chiens {Ms}
  26. quelle foire �loign�e, {Ms}quelle soir�e �loign�e, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ quelle foire �loign�e, {CL}
  27. les caraffes: Je n'en ai cass� que [17 ray� dix ray�] sept {Ms} ♦ les carafe: « Je n'en ai cass� que sept {Presse} et sq.
  28. mademoiselle. [Personne ne me tutoyait plus ray�]. Plusieurs {Ms}
  29. s'�taient [regard�s comme ray�] sentis {Ms}
  30. une si belle voix {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ une belle voix {CL} ♦ une si belle voix {Lub} (restaurant la 1re le�on; nous le suivons)
  31. irr�sistible. [Elle �tait fille de Mme de Farg�s dont mon p�re parle souvent dans ses lettres ray�]. Elle �tait {Ms}
  32. Armide [de Gluck ray�], Iphig�nie [de ray�], Œdipe {Ms} (les titres en italiques???)
  33. droite et [ais�e ray� ferme ray�] gracieuse {Ms}
  34. jamais �t� [coquette ray�] vaine {Ms}
  35. me dit [avec humeur ray�] que j'�tais {Ms}
  36. que je ne l'[entourais ray�] aimais pas {Ms}
  37. douleur [am�re ray�] �trange et des larmes {Ms} ♦ douleur et des larmes {Presse}
  38. Je [me ray�] sentais m�riter si peu {Ms} ♦ Je sentais ces reproches si peu m�rit�s {Presse} et sq.
  39. pleurer avec elle {Ms} ♦ pleurer avec ma pauvre bonne maman {Presse} et sq.
  40. mieux. [Je lui avouai que depuis quelques jours ray�] Comme {Ms}
  41. laisser [croire � quelque ray�] souffrir {Ms}
  42. proposais {Ms} ♦ proposai {Presse} et sq.
  43. M. de Tr�moville {CL} ♦ M. de Tr�mauville {Lub} que nous suivons; de m�me dans le paragraphe suivant, marqu� du signe derri�re le nom
  44. qui, [� ma grande surprise ray�] pleura {Ms}
  45. l'autre [pendant deux ou trois jours. Notre vieille ray�] {Ms}
  46. cheval [qui devait influer ray�], et cet exercice physique devait Influer �trangement {Ms} ♦ cheval, et cet exercice physique devait influer beaucoup {Presse} et sq.
  47. j'avais [baptis� ray�] gratifi� {Ms}
  48. quatorze ans [en bonne intelligence ray�] de compagnie {Ms}
  49. troubl� notre [intimit� ray�] bonne intelligence {Ms}
  50. � moiti� [par terre ray�] d�sar�onn�e {Ms}
  51. qui rachetaient {Ms} ♦ qui rachetait {Presse} et sq.
  52. du bonheur [pur ray�] {Ms}
  53. se d�veloppait [au contraire ray�] extr�mement {Ms}
  54. avais [innocemment ray�] caus�s {Ms}
  55. soir�es de [sa vie ray�] f�vrier, � lire [le ray�] une partie {Ms}
  56. l'ouvrage lui [rappelaient et lui ray�] sugg�raient {Ms}
  57. riche, mais [quarante ray�] cinquante ans {Ms}
  58. Le duc de Caylus, {Ms}Le duc de C***, {Presse} {CL} ♦ Le duc de Caylus, {Lub} que nous suivons.
  59. mademoiselle de La Grange, {Ms}mademoiselle de la G***, {Presse} {CL} ♦ mademoiselle de La Grange, {Lub} que nous suivons.
  60. M. de Rochemur {Ms}M. de R*** {Presse} {CL} ♦ M. de Rochemur {Lub} que nous suivons.
  61. le duc de Caylus {Ms}le duc de C***. {Presse} {CL} ♦ le duc de Caylus. {Lub} que nous suivons.
  62. Ah! mon bon cousin {Ms}{Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ Ah! mon cousin {CL}
  63. l'�ge qui [m'effraye ray�] m'offusque {Ms}
  64. souscrirais pas [� cette condition-l� ray�]... {Ms}
  65. plus insupportable de la part {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ plus insupportable que de la part {CL} ♦ plus insupportable de la part {Lub} (r�tablissantla 1�re le�on, la derni�re �tant un contresens; nous le suivons)
  66. grand'm�re, (n'osant pas et ne voulant pas lui dire que mon r�ve d'avenir n'�tait pas le mariage, mais bien le clo�tre. Je comptais sur la providence ray�] et la voyant {Ms}
  67. heures de toilettes {Ms} ♦ heures de toilette {Presse} et sq.
  68. quelque chose [de royal ray�] de bizarre et [d'ennuyeux ray�] de solennel {Ms}
  69. abrutissante, [et le vague espoir qu'elle me permettrait peut-�tre ray�] et j'apprenais {Ms}
  70. contemplation [de l'avenir ray�] du pass� {Ms}
  71. des flocons d'ouate {Ms} ♦ des flocons de ouate {Presse} et sq.
  72. Elle [reprit ray�] recouvra {Ms}
  73. que je me rassurais {Ms} ♦ que je me rassurai {Presse} et sq.
  74. car je fis machinalement la remarque que tout semblait sourire {Ms} ♦ je m'�tonnais machinalement que tout sembl�t souurire {Presse} et sq.
  75. mortes. [j'attristerais inutilement mon lecteur des d�tails d'une lente et in�vitable destruction ray�] {Ms}
  76. et s'occupa m�me {Ms} ♦ et s'occupait m�me {Presse} et sq.
  77. [1822 ray�] 1821 {Ms}
  78. douloureux ou tranquillement accabl�s d'une lente {Ms} ♦ douloureux d'une lente {Presse}

Notes

  1. des flocons d'ouate: L'usage a vari�. M�me le Dictionnaire de l'Acad�mie de 1835 donne pour exemple: » jupe doubl�e d'ouate ». (Note de {Lub}.)