GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{LP T.? ?; CL T.3 [189]; Lub T.1 [957]} QUATRIÈME PARTIE
Du mysticisme � l'ind�pendance
1819-1832 a

{Presse 1/6/1855 1; CL T.4 [72]; Lub T.2 [110]} XIII b

Mani�re de pr�face � une nouvelle phase de mon r�cit. — Pourquoi je ne parle pas de toutes les personnes qui ont eu de l'influence sur ma vie, soit par la persuasion, soit par la pers�cution. — Quelques lignes de J.-J. Rousseau sur le m�me sujet. — Mon sentiment est tout l'oppos� du sien. — Je ne sais pas attenter � la vie des autres, et, pour cause de christianisme inv�t�r�, je n'ai pu me jeter dans la politique de personnalit�s. — Je reprends mon histoire. — La mansarde du quai Saint-Michel et la vie excentrique que j'ai men�e pendant quelques mois avant de m'installer. — D�guisement qui r�ussit extraordinairement. — M�prises singuli�res. — M. Pinson. — Émile Paultre. — Le bouquet de mademoiselle Leverd. — M. Rollinat p�re. — Sa famille. — Fran�ois Rollinat. — Digression assez longue. — Mon chapitre de l'amiti�, moins beau, mais aussi senti que celui de Montaigne.



Établissons un fait avant d'aller plus loin.

Comme je ne pr�tends pas donner le change sur quoi que ce soit en racontant ce qui me concerne, je dois commencer par dire nettement que je veux taire c et non arranger ni d�guiser plusieurs circonstances de ma vie. Je n'ai jamais cru avoir de secrets � garder pour mon compte vis-�-vis de mes amis. J'ai agi, sous ce rapport, avec une sinc�rit� � laquelle j'ai d� la franchise de mes relations et le respect dont j'ai toujours �t� entour�e dans mon milieu d'intimit�. Mais vis-�-vis du public, je ne m'attribue pas le droit de disposer du pass� de toutes les personnes dont l'existence a c�toy� la mienne.

{CL 73} Mon silence sera indulgence ou respect, oubli ou d�f�rence, je n'ai pas � m'expliquer sur ces causes. Elles seront de diverses natures probablement, et je d�clare qu'on ne doit rien pr�juger pour ou contre les personnes dont je parlerai peu ou point.

Toutes mes affections ont �t� s�rieuses, et pourtant {Lub 111} j'en ai bris� plusieurs sciemment et volontairement. Aux yeux de mon entourage j'ai agi trop t�t ou trop tard, j'ai eu tort ou raison, selon qu'on a plus ou moins bien connu les causes de mes r�solutions. Outre que ces d�bats d'int�rieur auraient peu d'int�r�t pour le lecteur, le seul fait de les pr�senter � son appr�ciation serait contraire � toute d�licatesse, car je serais forc�e de sacrifier parfois la personnalit� d'autrui � la mienne propre.

Puis-je, cependant, pousser cette d�licatesse jusqu'� dire que j'ai �t� injuste en de certaines occasions pour le plaisir de l'�tre? L� commencerait le mensonge, et qui donc en serait dupe? Tout le monde sait de reste que dans toute querelle, qu'elle soit de famille ou d'opinion, d'int�r�t ou de cœur, de sentiment ou de principes, d'amour ou d'amiti�, il y a des torts r�ciproques et qu'on ne peut expliquer et motiver les uns que par les autres. Il est des personnes que j'ai vues � travers un prisme d'enthousiasme et vis-�-vis desquelles j'ai eu le grand tort de recouvrer la lucidit� de mon jugement. Tout ce qu'elles avaient � me demander, c'�taient de bons proc�d�s, et je d�fie qui que ce soit de dire que j'aie manqu� � ce fait. Pourtant leur irritation a �t� vive, et je le comprends tr�s-bien. On est dispos�, dans le premier moment d'une rupture, � prendre le d�senchantement pour un outrage. Le calme se fait, on devient plus juste. Quoi qu'il en soit de ces personnes, je ne veux pas avoir � les peindre; je n'ai pas le droit de livrer leurs traits � la curiosit� ou � l'indiff�rence des passants. Si elles vivent dans l'obscurit�, laissons-les jouir de {CL 74} ce doux privil�ge. Si elles sont c�l�bres, laissons-les se peindre elles-m�mes, si elles le jugent � propos, et ne faisons pas le triste m�tier de biographe des vivants.

Les vivants! On leur doit bien, je pense, de les laisser vivre et il y a longtemps qu'on a dit que le ridicule �tait une arme mortelle. S'il en est ainsi, combien plus le bl�me de telle ou telle action, ou seulement la r�v�lation de quelque faiblesse! Dans des situations plus graves que celles auxquelles je fais allusion ici, j'ai vu la perversit� na�tre et grandir d'heure en heure; je la connais, je l'ai observ�e, et je ne l'ai m�me pas prise pour type, en g�n�ral, dans mes romans. On a critiqu� en moi cette b�nignit� d'imagination. Si c'est une infirmit� du cerveau, {Lub 112} on peut bien croire qu'elle est dans mon cœur aussi et que je ne sais pas vouloir constater le laid dans la vie r�elle. Voil� pourquoi je ne le montrerai pas dans une histoire v�ritable. Me f�t-il prouv� que cela est utile � montrer, il n'en resterait pas moins certain pour moi que le pilori est un mauvais mode de pr�dication, et que celui qui a perdu l'espoir de se r�habiliter devant les hommes n'essayera pas de se r�concilier avec lui-m�me.

D'ailleurs, moi, je pardonne, et si des �mes tr�s-coupables devant moi se r�habilitent sous d'autres influences, je suis pr�te � b�nir. Le public n'agit pas ainsi; il condamne et lapide.Je ne veux donc pas livrer mes ennemis (si je peux me servir d'un mot qui n'a pas beaucoup de sens pour moi) � des juges sans entrailles ou sans lumi�res, et aux arr�ts d'une opinion que ne dirige pas la moindre pens�e religieuse, que n'�claire pas le moindre principe de charit�.

Je ne suis pas une sainte: j'ai d� avoir, je le r�p�te, et j'ai eu certainement ma part de torts, s�rieux aussi, dans la lutte qui s'est engag�e entre moi et plusieurs individualit�s. J'ai d� �tre injuste, violente de r�solutions, {CL 75} comme le sont les organisations lentes � se d�cider, et subir des pr�ventions cruelles, comme l'imagination en cr�e aux sensibilit�s surexcit�es. L'esprit de mansu�tude que j'apporte ici n'a pas toujours domin� mes �motions au moment o� elles se sont produites. J'ai pu murmurer contre mes souffrances et me plaindre des faits dans le secret de l'amiti�; mais jamais de sang-froid, avec pr�m�ditation et sous l'empire d'un l�che sentiment de rancune ou de haine, je n'ai traduit personne � la barre de l'opinion. Je n'ai pas voulu le faire l� o� les gens les plus purs et les plus s�rieux s'en attribuent le droit: en politique. Je ne suis pas n�e pour ce m�tier d'ex�cuteur, et si j'ai refus� obstin�ment d'entrer dans ce fait de guerre g�n�rale, par scrupule de conscience, par g�n�rosit� ou d�bonnairet� de caract�re, � plus forte raison ne me d�mentirai-je pas quand il s'agira de ma cause isol�e.

Et qu'on ne dise pas qu'il est facile d'�crire sa vie quand on en retranche l'expos� de certaines applications essentielles de la volont�. Non, cela n'est pas facile, car il faut prendre franchement le parti de laisser courir des r�cits absurdes et de folles calomnies, et j'ai pris ce parti-l� en commen�ant cet ouvrage. Je ne l'ai pas intitul� mes {Lub 113} M�moires, et c'est � dessein que je me suis servie de ces expressions: Histoire de ma vie, pour bien dire que je n'entendais pas raconter sans restriction celle des autres. Or, dans toutes les circonstances o� la vie de quelqu'un de mes semblables a pu faire d�vier la mienne propre de la ligne trac�e par sa logique naturelle, je n'ai rien � dire, ne voulant pas faire un proc�s public � des influences que j'ai subies ou repouss�es, � des caract�res qui, par persuasion ou par pers�cution, m'ont d�termin�e � agir dans un sens ou dans l'autre. Si j'ai flott� ou err�, j'ai, du moins, la grande consolation d'�tre aujourd'hui certaine de n'avoir jamais agi, apr�s r�flexion, qu'avec la conviction {CL 76} d'accomplir un devoir ou d'user d'un droit l�gitime, ce qui est au fond la m�me chose*.

* Oui d, c'est la m�me chose. On recule parfois devant le devoir de d�fendre son droit par un mouvement de g�n�rosit� irr�fl�chi. Je l'ai fait souvent, par faiblesse peut-�tre, et le r�sultat n'a jamais �t� bon pour les autres. L'imunit� a empir� leur mauvais vouloir et les a rendus plus coupabes, partant plus malheureux. La sagesse consisterait � s'assurer bien froidement de la l�gitimit� du droit en litige et � touver le moyen de pouvoir se dire: « En �tant g�n�reux, je ne suis que juste. »

J'ai re�u derni�rement un petit volume, r�cemment publi�*, de fragments in�dits de Jean-Jacques Rousseau, et j'ai �t� vivement frapp�e de ce passage qui faisait partie d'un projet de pr�face ou introduction aux Confessions: « Les liaisons que j'ai eues avec plusieurs personnes me forcent d'en parler aussi librement que de moi. Je ne puis me bien faire conna�tre que je ne les fasse conna�tre aussi; et l'on ne doit pas s'attendre que, dissimulant dans cette occasion ce qui ne peut �tre tu sans nuire aux v�rit�s que je dois dire, j'aurai pour d'autres des m�nagemens que je n'ai pas pour moi-m�me. »

* Par M. Alfred de Bougy.

Je ne sais pas si, lors m�me qu'on est Jean-Jacques Rousseau, on a le droit de traduire ainsi ses contemporains devant ses contemporains pour une cause toute personnelle. Il y a l� quelque chose qui r�volte la conscience publique. On aimerait que Rousseau se f�t laiss� accuser de l�g�ret� et d'ingratitude envers madame de Warens, plut�t que d'apprendre par lui des d�tails qui souillent l'image de sa bienfaitrice. On e�t pu pressentir qu'il y e�t des motifs � son inconstance, des excuses {Lub 114} � son oubli, et le juger avec d'autant plus de g�n�rosit� qu'il en e�t paru digne par sa g�n�rosit� m�me.

J'�crivais, il y a sept ans, aux premi�res pages de {Presse 1/6/1855 2} ce r�cit: « Comme nous sommes tous solidaires, il n'y a {CL 77} point de faute isol�e. Il n'y a point d'erreur dont quelqu'un ne soit la cause ou le complice, et il est impossible de s'accuser sans accuser le prochain, non pas seulement l'ennemi qui nous d�nonce, mais encore parfois l'ami qui nous d�fend. C'est ce qui est arriv� � Rousseau, et cela est mal. »

Oui, cela est mal. Apr�s sept ans d'un travail cent fois interrompu par des pr�occupations g�n�rales et particuli�res qui ont donn� � mon esprit tout le loisir de nouvelles r�flexions et tout le profit d'un nouvel examen, je me retrouve vis-�-vis de moi-m�me et de mon ouvrage dans la m�me conviction, dans la m�me certitude. Certaines confidences personnelles, qu'elles soient confession ou justification, deviennent, dans des conditions de publicit� litt�raire, un attentat � la conscience, � la r�putation d'autrui, ou bien elles ne sont pas compl�tes, et par l� elles ne sont pas vraies.

Tout ceci �tabli, je continue. Je retire � mes souvenirs une portion de leur int�r�t, mais il leur restera encore assez d'utilit�, sous plus d'un rapport, pour que je prenne la peine de les �crire.

Ici ma vie devient plus active, plus remplie de d�tails et d'incidents. Il me serait impossible de les retrouver dans un ordre de dates certaines. J'aime mieux les classer par ordre de progression dans leur importance.

Je cherchai un logement et m'�tablis bient�t quai Saint-Michel, dans une des mansardes de la grande maison qui fait le coin de la place, au bout du pont, en face de la morgue. J'avais l� trois pi�ces tr�s-propres donnant sur un balcon d'o� je dominais une grande �tendue du cours de la Seine, et d'o� je contemplais face � face les monuments gigantesques de Notre-Dame, saint-Jacques-la-Boucherie, la Sainte-Chapelle, etc. J'avais du ciel, de l'eau, de l'air, des hirondelles, de la verdure sur les toits; je ne {CL 78} me sentais pas trop dans le Paris de la civilisation, qui n'e�t convenu ni � mes go�ts ni � mes ressources, mais plut�t dans le Paris pittoresque et po�tique de Victor Hugo, dans la ville du pass�.

J'avais, je crois, trois cents francs de loyer par an. Les {Lub 115} cinq �tages de l'escalier me chagrinaient fort, je n'ai jamais su monter; mais il le fallait bien, et souvent avec ma grosse fille dans les bras. Je n'avais pas de servante; ma porti�re, tr�s-fid�le, tr�s-propre et tr�s-bonne, m'aida � faire mon m�nage pour 15 francs par mois. Je me fis apporter mon repas de chez un gargotier tr�s-propre et tr�s-honn�te aussi, moyennant 2 francs par jour. Je savonnais et repassais moi-m�me le fin . J'arrivai alors � trouver mon existence possible dans la limite de ma pension.

Le plus difficile fut d'acheter des meubles. Je n'y mis pas de luxe, comme on peut croire. On me fit cr�dit, et je parvins � payer; mais cet �tablissement, si modeste qu'il f�t, ne put s'organiser tout de suite; quelques mois se pass�rent, tant � Paris qu'� Nohant, avant que je pusse transplanter Solange de son palais de Nohant (relativement parlant) dans cette pauvret� sans qu'elle en souffr�t, sans qu'elle s'en aper��t. Tout s'arrangea peu � peu, et d�s que je l'eus aupr�s de moi, avec le vivre et le service assur�s, je pus devenir s�dentaire, ne sortir le jour que pour la mener promener au Luxembourg, et passer � �crire toutes mes soir�es aupr�s d'elle. La providence me vint en aide. En cultivant un pot de r�s�da sur mon balcon, je fis connaissance avec ma voisine, qui, plus luxueuse, cultivait un oranger sur le sien. C'�tait madame Badoureau, qui demeurait l� avec son mari, instituteur primaire, et une charmante fille de quinze ans, douce et modeste blonde aux yeux baiss�s, qui se prit de passion pour Solange. Cette excellente famille m'offrit de la faire jouer avec d'autres enfants qui venaient prendre des le�ons particuli�res, {CL 79} quand elle s'ennuierait du petit espace de ma mansarde et de la continuit� des m�mes amusements. Cela rendit l'existence de l'enfant, non plus seulement possible, mais agr�able, et il n'est pas de soins et de tendresses que ces braves gens ne lui aient prodigu�s, sans jamais vouloir me permettre de les indemniser, bien que leur profession e�t rendu la chose toute naturelle et la r�tribution bien acquise.

Jusque-l�, c'est-�-dire jusqu'� ce que ma fille f�t avec moi � Paris, j'avais v�cu d'une mani�re moins facile et m�me d'une mani�re tr�s-inusit�e, mais qui allait pourtant tr�s-directement � mon but.

Je ne voulais pas d�passer mon budget, je ne voulais {Lub 116} rien emprunter; ma dette de 500 francs, la seule de ma vie, m'avait tant tourment�e! Et si M. Dudevant e�t refus� de la payer! Il la paya de bonne gr�ce; mais je n'avais os� la lui d�clarer qu'�tant tr�s-malade et craignant de mourir insolvable. J'allais cherchant de l'ouvrage et n'en trouvant pas. Je dirai tout � l'heure o� j'en �tais de mes chances litt�raires. J'avais en montre un petit portrait dans le caf� du quai Saint-Michel, dans la maison m�me, mais la pratique n'arrivait pas. J'avais rat� la ressemblance de ma porti�re: cela risquait de me faire bien du tort dans le quartier.

J'aurais voulu lire, je n'avais pas de livres de fond. Et puis c'�tait l'hiver, et il n'est pas �conomique de garder la chambre quand on doit compter les b�ches. J'essayai de m'installer � la biblioth�que Mazarine; mais il e�t mieux valu, je crois, aller travailler sur les tours Notre-Dame, tant il y faisait froid. Je ne pus y tenir, moi qui suis l'�tre le plus frileux que j'aie jamais connu. Il y avait l� de vieux piocheurs, qui s'installaient � une table, immobiles, satisfaits, momifi�s, et ne paraissant pas s'apercevoir que leurs nez bleus se cristallisaient. J'enviais cet �tat de p�trification: {CL 80} je les regardais s'asseoir et se lever comme pouss�s par un ressort, pour bien m'assurer qu'ils n'�taient pas en bois.

Et puis encore j'�tais avide de me d�provincialiser et de me mettre au courant des choses, au niveau des id�es et des formes de mon temps. J'en sentais la n�cessit�, j'en avais la curiosit�; except� les œuvres les plus saillantes, je ne connaissais rien des arts modernes; j'avais surtout soif du th��tre.

Je savais bien qu'il �tait impossible � une femme pauvre de se passer ces fantaisies. Balzac disait: « On ne peut pas �tre femme � Paris � moins d'avoir 25 mille francs e de rente. » Et ce paradoxe d'�l�gance devenait une v�rit� pour la femme qui voulait �tre artiste.

Pourtant je voyais mes jeunes amis berrichons, mes compagnons d'enfance, vivre � Paris avec aussi peu que moi et se tenir au courant de tout ce qui int�resse la jeunesse intelligente. Les �v�nements litt�raires et politiques, les �motions des th��tres et des mus�es, des clubs et de la rue, ils voyaient tout, ils �taient partout. J'avais d'aussi bonnes jambes qu'eux et de ces bons petits pieds du Berry qui ont appris � marcher dans les mauvais chemins, {Lub 117} en �quilibre sur de gros sabots. Mais sur le pav� de Paris, j'�tais comme un bateau sur la glace. Les fines chaussures craquaient en deux jours, les socques me faisaient tomber, je ne savais pas relever ma robe, j'�tais crott�e, fatigu�e, enrhum�e, et je voyais chaussures et v�tements, sans compter les petits chapeaux de velours arros�s par les goutti�res, s'en aller en ruine avec une effrayante rapidit�.

J'avais d�j� fait ces remarques et ces exp�riences avant de songer � m'�tablir � Paris, et j'avais pos� ce probl�me � ma m�re, qui y vivait tr�s-�l�gante et tr�s-ais�e avec 3,500 francs f de rente: comment suffire � la plus modeste toilette dans cet affreux climat, � moins de vivre enferm�e {CL 81} dans sa chambre sept jours sur huit? Elle m'avait r�pondu: « C'est tr�s-possible � mon �ge et avec mes habitudes; mais quand j'�tais jeune et que ton p�re manquait d'argent, il avait imagin� de m'habiller en gar�on. Ma sœur en fit autant, et nous allions partout � pied avec nos maris, au th��tre, � toutes les places. Ce fut une �conomie de moiti� dans nos m�nages. »

Cette id�e me parut d'abord divertissante et puis tr�s-ing�nieuse. Ayant �t� habill�e en gar�on durant mon enfance, ayant ensuite chass� en blouse et en gu�tres avec Deschartres, je ne me trouvai pas �tonn�e du tout de reprendre un costume qui n'�tait pas nouveau pour moi. À cette �poque, la mode aidait singuli�rement au d�guisement. Les hommes portaient de longues redingotes carr�es, dites � la propri�taire, qui tombaient jusqu'aux talons et qui dessinaient si peu la taille que mon fr�re, en endossant la sienne � Nohant, m'avait dit en riant: « C'est tr�s-joli, cela, n'est-ce pas? C'est la mode, et �a ne g�ne pas. Le tailleur prend mesure sur une gu�rite, et �a irait � ravir � tout un r�giment. »

Je me fis donc faire une redingote-gu�rite en gros drap gris, pantalon et gilet pareils. Avec un chapeau gris et une grosse cravate de laine, j'�tais absolument un petit �tudiant de premi�re ann�e. Je ne peux pas dire quel plaisir me firent mes bottes: j'aurais volontiers dormi avec, comme fit mon fr�re dans son jeune �ge, quand il chaussa la premi�re paire. Avec ces petits talons ferr�s, j'�tais solide sur le trottoir. Je voltigeais d'un bout de Paris � l'autre. Il me semblait que j'aurais fait le tour du monde. Et puis, mes v�tements ne craignaient rien. Je {Lub 118} courais par tous les temps, je revenais � toutes les heures, j'allais au parterre de tous les th��tres. Personne ne faisait attention � moi et ne se doutait de mon d�guisement. Outre que je le portais avec aisance, l'absence de coquetterie du costume et {CL 82} de la physionomie �cartait tout soup�on. J'�tais trop mal v�tue, et j'avais l'air trop simple (mon air habituel, distrait et volontiers h�b�t�) pour attirer ou fixer les regards. Les femmes savent peu se d�guiser, m�me sur le th��tre. Elles ne veulent pas sacrifier la finesse de leur taille, la petitesse de leurs pieds, la gentillesse de leurs mouvements, l'�clat de leurs yeux; et c'est par tout cela pourtant, c'est par le regard surtout qu'elles peuvent arriver � n'�tre pas facilement devin�es. Il y a une mani�re de se glisser partout sans que personne d�tourne la t�te, et de parler sur un diapason bas et sourd qui ne r�sonne pas en fl�te aux oreilles qui peuvent vous entendre. Au reste, pour n'�tre pas remarqu�e en homme, il faut avoir d�j� l'habitude de ne pas se faire remarquer en femme.

{Presse 6/6/1855 1} Je n'allais jamais seule au parterre, non pas que j'y aie vu les gens plus ou moins mal appris qu'ailleurs, mais � cause de la claque pay�e et non pay�e, qui � cette �poque �tait fort querelleuse. On se bousculait beaucoup aux premi�res repr�sentations, et je n'�tais pas de force � lutter contre la foule. Je me pla�ais toujours au centre du petit bataillon de mes amis berrichons, qui me prot�geaient de leur mieux. Un jour pourtant, que nous �tions pr�s du lustre, et qu'il m'arriva de b�iller sans affectation, mais na�vement et sinc�rement, les romains voulurent me faire un mauvais parti. Ils me trait�rent de gar�on perruquier. Je m'aper�us alors que j'�tais tr�s-col�re et tr�s-mauvaise t�te quand on me cherchait noise, et si mes amis n'eussent �t� en nombre pour imposer � la claque, je crois bien que je me serais fait assommer.

Je raconte l� un temps tr�s-passager et tr�s-accidentel dans ma vie, bien qu'on ait dit que j'avais pass� plusieurs ann�es ainsi, et que, dix ans plus tard, mon fils encore imberbe ait �t� souvent pris pour moi. Il s'est amus� de ces quiproquos, et, puisque je suis sur ce chapitre, je m'en {CL 83} rappelle plusieurs qui me sont propres et qui datent de 1831.

Je d�nais alors chez Pinson, restaurateur, rue de l'Ancienne-Com�die. Un de mes amis m'ayant appel�e {Lub 119} madame devant lui, il crut devoir en faire autant. « Eh non, lui dis-je, vous �tes du secret, appelez-moi monsieur. » Le lendemain, je n'�tais pas d�guis�e, il m'appela monsieur. Je lui en fis reproche, mais ce fr�quent changement de costume ne put jamais s'arranger avec les habitudes de son langage. Il ne s'�tait pas plut�t accoutum� � dire monsieur que je reparaissais en femme, et il n'arrivait � dire madame que le jour o� je redevenais monsieur. Ce brave et honn�te p�re Pinson! Il �tait l'ami de ses clients, et, quand ils n'avaient pas de quoi payer, non-seulement il attendait, mais encore il leur ouvrait sa bourse. Pour moi, bien que j'aie fort peu mis son obligeance � contribution, j'ai toujours �t� reconnaissante de sa confiance comme d'un service rendu. g

Planet avait form� un petit club berrichon o�, pour une tr�s-modique r�tribution mensuelle, on pouvait lire les journaux et travailler dans un local passablement chauff�. Un jour que j'�tais mont�e l� pour lui parler, Émile Paultre, un Nivernais de nos amis, qui ne me connaissait pas encore, entra et prit part � la conversation. Le lendemain, je d�nais avec Planet chez Pinson. Je n'�tais pas d�guis�e. Paultre entra, et je dis � Planet de l'appeler aupr�s de nous pour voir s'il me reconna�trait. Comme il n'en faisait pas mine, Planet, voulant voir si c'�tait par discr�tion, lui demanda s'il savait le nom du petit gar�on de la veille. « Ma foi non, r�pondit-il. Qui est-ce? — C'est un tel de La Ch�tre. — �a m'est �gal, reprit l'autre; c'est un petit p�dant qui m'a sembl� insupportable. — Pourquoi? lui demandai-je � mon tour. A-t-il dit quelque sottise? — Non, mais il avait trop raison pour son �ge. Si j'avais quinze ans, je pourrais trouver que Planet se trompe quelquefois, {CL 84} mais je ne me permettrais pas de le lui dire. » Je ne pus m'emp�cher de rire. Il me regarda avec �tonnement, puis, tout honteux: « Ah! madame, s'�cria-t-il, je vous demande pardon! Ce jeune homme est votre fr�re; car vous lui ressemblez extraordinairement. Eh bien, apr�s tout, qu'ai-je dit? Il est tr�s-gentil, ce gar�on-l�, seulement il a trop d'aplomb, mais �a se passera. »

» C'est �gal, dit-il � Planet en sortant. J'ai fait une gaucherie. Cette dame m'en voudra. » Planet, autoris� par moi, voulut le tranquilliser en lui disant que le fr�re et la sœur �taient une seule et m�me personne. Il n'en {Lub 120} voulut rien croire et se f�cha presque de ce qu'il prenait pour une mystification.

Nous avons �t� li�s d'amiti� depuis. C'est un digne et pur caract�re, un esprit s�rieux et une intelligence �lev�e.

Mais h c'est � la premi�re repr�sentation de la Reine d'Espagne, de Delatouche, que j'eus la com�die pour mon propre compte.

J'avais des billets d'auteur, et cette fois je me pr�lassais au balcon, dans ma redingote grise, au-dessous d'une loge o� mademoiselle Leverd, une actrice de grand talent, qui avait �t� jolie, mais que la petite v�role avait d�figur�e, �talait un superbe bouquet qu'elle laissa tomber sur mon �paule. Je n'�tais pas dans mon r�le au point de le ramasser. « Jeune homme, me dit-elle d'un ton majestueux, mon bouquet! Allons donc! » Je fis la sourde oreille. « Vous n'�tes gu�re galant, me dit un vieux monsieur qui �tait � c�t� de moi, et qui s'�lan�a pour ramasser le bouquet. À votre �ge, je n'aurais pas �t� si distrait. » Il pr�senta le bouquet � mademoiselle Leverd, qui s'�cria en grasseyant: « Ah vraiment, c'est vous, monsieur Rollinat? » Et ils caus�rent ensemble de la pi�ce nouvelle. « Bon, pensai-je, me voil� aupr�s d'un compatriote qui me reconna�t peut-�tre, bien que je ne me souvienne pas de {CL 85} l'avoir jamais vu. » M. Rollinat le p�re �tait le premier avocat de notre d�partement.

Pendant qu'il causait avec mademoiselle Leverd, M. Duris-Dufresne, qui �tait � l'orchestre, monta au balcon pour me dire bonjour. Il m'avait d�j� vue d�guis�e, et s'asseyant un instant � la place vide de M. Rollinat, il me parla, je m'en souviens, de La Fayette, avec qui il voulait me faire faire connaissance. M. Rollinat revint � sa place, et ils se parl�rent � voix basse; puis le d�put� se retira en me saluant avec un peu trop de d�f�rence pour le costume que je portais. Heureusement l'avocat n'y fit pas attention et me dit en se rasseyant: « Ah ��, il para�t que nous sommes compatriotes? Notre d�put� vient de me dire que vous �tiez un jeune homme tr�s-distingu�. Pardon, moi, j'aurais dit un enfant. Quel �ge avez-vous donc? Quinze ans, seize ans? — Et vous, monsieur, lui dis-je, vous qui �tes un avocat tr�s-distingu�, quel �ge avez-vous donc? — Oh, moi! reprit-il en riant, j'ai pass� la septantaine. — Eh bien, vous {Lub 121} �tes comme moi, vous ne paraissez pas avoir votre �ge. »

La r�ponse lui fut agr�able, et la conversation s'engagea. Quoique j'aie toujours eu fort peu d'esprit, si peu qu'en ait une femme, elle en a toujours plus qu'un coll�gien. Le bon p�re Rollinat fut si frapp� de ma haute intelligence qu'� plusieurs reprises il s'�cria: « Singulier, singulier! » La pi�ce tomba violemment, malgr� un feu roulant d'esprit, des situations charmantes et un dialogue tout inspir� de la verve de Moli�re; mais il est certain que le sujet de l'intrigue et la crudit� des d�tails �taient un anachronisme. Et puis, la jeunesse �tait romantique. Delatouche avait mortellement bless� ce que l'on appelait alors la pl�iade en publiant un article intitul� la Camaraderie; moi seule peut-�tre dans la salle, j'aimais � la fois Delatouche et les romantiques.

{CL 86} Dans les entr'actes, je causai jusqu'� la fin avec le vieil avocat, qui jugeait bien et sainement le fort et le faible de la pi�ce. Il aimait � parler et s'�coutait lui-m�me plus volontiers que les autres. Content d'�tre compris, il me prit en amiti�, me demanda mon nom et m'engagea � l'aller voir. Je lui dis un nom en l'air qu'il s'�tonna de ne pas conna�tre et lui promis de le voir en Berry. Il conclut en me disant: « M. Dufresne ne m'avait pas tromp�: vous �tes un enfant remarquable. Mais je vous trouve faible sur vos �tudes classiques. Vous me dites que vos parents vous ont �lev� � la maison et que vous n'avez fait ni ne comptez faire vos classes. Je vois bien que cette �ducation-l� a son bon c�t�: vous �tes artiste, et, sur tout ce qui est id�e ou sentiment, vous en savez plus long que votre �ge ne le comporte. Vous avez une convenance et des habitudes de langage qui me font croire que vous pourrez un jour �crire avec succ�s. Mais, croyez-moi, faites vos �tudes classiques. Rien ne remplace ce fonds-l�. J'ai douze enfants. J'ai mis tous mes gar�ons i au coll�ge. Il n'y en a pas un qui ait votre pr�cocit� de jugement, mais ils sont tous capables de se tirer d'affaire dans les diverses professions que la jeunesse peut choisir; tandis que vous, vous �tes forc� d'�tre artiste, et rien autre chose. Or, si vous �chouez dans l'art, vous regretterez beaucoup de n'avoir pas re�u l'�ducation commune. »

J'�tais persuad�e que ce brave homme n'�tait pas la {Lub 122} dupe de mon d�guisement et qu'il s'amusait avec esprit � me pousser dans mon r�le. Cela me faisait l'effet d'une conversation de bal masqu�, et je me donnais si peu de peine pour soutenir la fiction, que je fus fort �tonn�e d'apprendre plus tard qu'il y avait �t� de la meilleure foi du monde.

L'ann�e suivante, M. Dudevant me pr�senta Fran�ois Rollinat, qu'il avait invit� � venir passer quelques jours � Nohant et � qui je demandai d'interroger son p�re sur un petit {CL 87} bonhomme avec lequel il avait caus� avec beaucoup de bont� � la premi�re et derni�re repr�sentation de la Reine d'Espagne. « Eh! Pr�cis�ment, r�pondit Rollinat, mon p�re nous parlait l'autre jour de cette rencontre � propos de l'�ducation en g�n�ral. Il disait avoir �t� frapp� de l'aisance d'esprit et des mani�res des jeunes gens d'aujourd'hui, d'un, entre autres, qui lui avait parl� de toutes choses comme un petit docteur, tout en lui avouant qu'il ne savait ni latin, ni grec, et qu'il n'�tudiait ni droit ni m�decine. — Et votre p�re ne s'est pas avis� de penser que ce petit docteur pouvait bien �tre une femme? — Vous peut-�tre? s'�cria Rollinat. — Pr�cis�ment! — Eh bien! de toutes les conjectures auxquelles mon p�re s'est livr�, en s'enqu�rant en vain du fils de famille que vous pouviez �tre, voil� la seule qui ne se soit pr�sent�e ni � lui ni � nous. Il a �t� cependant frapp� et intrigu�, il cherche encore, et je veux me bien garder de le d�tromper. Je vous demande la permission de vous le pr�senter sans l'avertir de rien. — Soit! Mais il ne me reconna�tra pas, car il est probable qu'il ne m'a pas regard�e. »

Je me trompais; M. Rollinat avait si bien fait attention � ma figure qu'en me voyant il fit un saut sur ses jambes gr�les et encore lestes, en s'�criant: « Oh! Ai-je �t� assez b�te! »

Nous f�mes d�s lors comme des amis de vingt ans, et puisque je tiens ce personnage, je parlerai ici de lui et de sa famille, bien que tout cela pousse mon r�cit un peu en avant de la p�riode o� je le laisse un moment pour le reprendre tout � l'heure.

M. Rollinat le p�re, malgr� sa th�orie sur l'�ducation classique, �tait artiste de la t�te aux pieds, comme le sont, au reste, tous les avocats un peu �minents. C'�tait un homme de sentiment et d'imagination, fou de po�sie, {Lub 123} tr�s-po�te et pas mal fou lui-m�me, bon comme un ange, {CL 88} enthousiaste, prodigue, gagnant avec ardeur une fortune pour ses douze enfants, mais la mangeant � mesure sans s'en apercevoir; les idol�trant, les g�tant et les oubliant devant la table de jeu, o�, gagnant et perdant tour � tour, il laissa son reste avec sa vie.

Il �tait impossible de voir un vieillard plus jeune et plus vif, buvant sec et ne se grisant jamais, chantant et fol�trant avec la jeunesse sans jamais se rendre ridicule, parce qu'il avait l'esprit chaste et le cœur na�f; enthousiaste de toutes les choses d'art, dou� d'une prodigieuse m�moire et d'un {Presse 6/6/1855 2} go�t exquis, c'�tait � coup s�r une des plus heureuses organisations que le Berry ait produites.

Il n'�pargna rien pour l'�ducation de sa nombreuse famille. L'a�n� fut avocat, un autre missionnaire, un troisi�me savant, un autre militaire, les autres artistes et professeurs, les filles comme les gar�ons. Ceux que j'ai connus plus particuli�rement sont Fran�ois, Charles et Marie-Louise. Cette derni�re a �t� gouvernante de ma fille pendant un an. Charles, qui avait un admirable talent, une voix magnifique, un esprit charmant comme son caract�re, mais dont l'�me fi�re et contemplative ne voulut jamais se livrer � la foule, a �t� se fixer en Russie, o� il a fait successivement plusieurs �ducations chez de grands personnages.

Fran�ois avait termin� ses �tudes de bonne heure. À vingt-deux ans, re�u avocat, il vint exercer � Ch�teauroux. Son p�re lui c�da son cabinet, estimant lui donner une fortune, et ne doutant pas qu'il ne p�t facilement faire face � tous les besoins de la famille avec un beau talent et une belle client�le. En cons�quence, il ne se tourmenta plus de rien et mourut en jouant et en riant, laissant plus de dettes que de bien, et toute la famille � �lever ou � �tablir.

Fran�ois a port� cette charge effroyable avec la patience {CL 89} du bœuf berrichon. Homme d'imagination et de sentiment, lui aussi, artiste comme son p�re, mais philosophe plus s�rieux, il a, d�s l'�ge de vingt-deux ans, absorb� sa vie, sa volont�, ses forces, dans l'aride travail de la proc�dure pour faire honneur � tous ses engagements et mener � bien l'existence de sa m�re et de onze fr�res et sœurs. Ce qu'il a souffert de cette abn�gation, de ce d�go�t d'une profession qu'il n'a jamais aim�e, et {Lub 124} o� le succ�s de son talent n'a jamais pu r�ussir � le griser, de cette vie �troite, refoul�e, assujettie, des tracasseries du pr�sent, des inqui�tudes de l'avenir, du ver rongeur de la dette sacr�e, nul ne s'en est dout�, quoique le souci et la fatigue l'aient �crit sur sa figure assombrie et pr�occup�e. Lourd et distrait � l'habitude, Rollinat ne se r�v�le que par �clairs, mais alors c'est l'esprit le plus net, le tact le plus s�r, la p�n�tration la plus subtile, et quand il est retir� et bien cach� dans l'intimit�, quand son cœur satisfait ou soulag� permet � son esprit de s'�gayer, c'est le fantaisiste le plus inou�, et je ne connais rien de d�sopilant comme ce passage subit d'une gravit� presque lugubre � une verve presque d�lirante.

Mais tout ce que je raconte l� ne dit pas et ne saurait dire les tr�sors d'exquise bont�, de candeur g�n�reuse et de haute sagesse que renferme, � l'insu d'elle-m�me, cette �me d'�lite. Je sus l'appr�cier � premi�re vue, et c'est par l� que j'ai �t� digne d'une amiti� que je place au nombre des plus pr�cieuses b�n�dictions de ma destin�e. Outre les motifs d'estime et de respect que j'avais pour ce caract�re �prouv� par tant d'abn�gation et de simplicit� dans l'h�ro�sme domestique, une sympathie particuli�re, une douce entente d'id�es, une conformit�, ou, pour mieux dire, une similitude extraordinaire d'appr�ciation de toutes choses, nous r�v�l�rent l'un � l'autre ce que nous avions r�v� de l'amiti� parfaite, un sentiment � part de tous {CL 90} les autres sentiments humains par sa saintet� et sa s�r�nit�.

Il est bien rare qu'entre un homme et une femme, quelque pens�e plus vive que ne le comporte le lien fraternel ne vienne jeter quelque trouble, et souvent l'amiti� fid�le d'un homme m�r n'est pour nous que la g�n�rosit� d'une passion vaincue dans le pass�. Une femme chaste et sinc�re �chappe vite � ce danger, et l'homme qui ne lui pardonne pas de n'avoir pas partag� ses agitations secr�tes n'est pas digne du bienfait de l'amiti�. Je dois dire qu'en g�n�ral j'ai �t� heureuse sous ce rapport, et que, malgr� la confiance romanesque dont on m'a souvent raill�e, j'ai eu, en somme, l'instinct de d�couvrir les belles �mes et d'en conserver l'affection. Je dois dire aussi que, n'�tant pas du tout coquette, ayant m�me une sorte d'horreur pour cette �trange habitude de provocation dont ne se d�fendent pas toutes les {Lub 125} femmes honn�tes, j'ai rarement eu � lutter contre l'amour dans l'amiti�. Aussi, quand il a fallu l'y d�couvrir, je ne l'ai jamais trouv� offensant, parce qu'il �tait s�rieux et respectueux.

Quant � Rollinat, il n'est pas le seul de mes amis qui m'ait fait, du premier jour jusqu'� celui-ci, l'honneur de ne voir en moi qu'un fr�re. Je leur ai toujours avou� � tous que j'avais pour lui une sorte de pr�f�rence inexplicable. D'autres m'ont autant que lui respect�e dans leur esprit et servie de leur d�vouement, d'autres que le lien des souvenirs d'enfance devrait pourtant me rendre plus pr�cieux: ils ne me le sont pas moins; mais c'est parce que je n'ai pas ce lien avec Rollinat, c'est parce que notre amiti� n'a que vingt-cinq ans de date, que je dois la consid�rer comme plus fond�e sur le choix que sur l'habitude. C'est d'elle que je me suis souvent plu � dire avec Montaigne:

« Si on me presse de dire pourquoy je l'aime, je sens {CL 91} que cela ne se peut exprimer qu'en respondant: Parce que c'est luy, parce que c'est moy. Il y a au-del� de tout mon discours et de ce que j'en puis dire particuli�rement je ne s�ay quelle force inexplicable et fatale, m�diatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous estre veus et par des rapports que nous oyions l'un de l'autre qui faisoient en notre affection plus d'effort que ne porte la raison des rapports. Et � notre premi�re rencontre, nous nous trouv�mes si pris, si cognus, si obligez entre nous, que rien d�s lors ne nous fut si proche que l'un � l'autre. Ayant si tard commenc�, nostre intelligence n'avoit point � perdre temps et n'avoit � se reigler au patron des amiti�s r�guli�res auxquelles il faut tant de pr�cautions de longue et pr�alable conversation. » 1

D�s ma jeunesse, d�s mon enfance, j'avais eu le r�ve de l'amiti� id�ale, et je m'enthousiasmais pour ces grands exemples de l'antiquit�, o� je n'entendais pas malice. Il me fallut, dans la suite, apprendre qu'elle �tait accompagn�e de cette d�viation insens�e ou maladive dont Cic�ron disait: Quis est enim iste amor amicitiæ? Cela me causa une sorte de frayeur, comme tout ce qui porte le caract�re de l'�garement et de la d�pravation. J'avais vu des h�ros si purs, et il me fallait les concevoir si d�prav�s ou si sauvages! Aussi fus-je saisie de d�go�t jusqu'� la {Lub 126} tristesse quand, � l'�ge o� l'on peut tout lire, je compris toute l'histoire d'Achille et de Patrocle, d'Harmodius et d'Aristogiton. Ce fut justement le chapitre de Montaigne sur l'amiti� qui m'apporta cette d�sillusion, et d�s lors ce m�me chapitre si chaste et si ardent, cette expression m�le et sainte d'un sentiment �lev� jusqu'� la vertu, devint une sorte de loi sacr�e applicable � une aspiration de mon �me.

J'�tais pourtant bless�e au cœur du m�pris que mon {CL 92} cher Montaigne faisait de mon sexe quand il disait: « À dire vray, la suffisance ordinaire des femmes n'est pas pour respondre � cette conf�rence et communication nourrisse de cette sainte cousture: ny leur �me ne semble assez ferme pour soustenir l'estreinte d'un nœud si press� et si durable. »

En m�ditant Montaigne dans le jardin d'Ormesson, je m'�tais souvent sentie humili�e d'�tre femme, et j'avoue que dans toute lecture d'enseignement philosophique, m�me dans les livres saints, cette inf�riorit� morale attribu�e � la femme a r�volt� mon jeune orgueil. « Mais cela est faux! m'�criais-je; cette ineptie et cette frivolit� que vous nous jetez � la figure, c'est le r�sultat de la mauvaise �ducation � laquelle vous nous avez condamn�es, et vous aggravez le mal en le constatant. Placez-nous dans de meilleures conditions, placez-y les hommes aussi; faites qu'ils soient purs, s�rieux et forts de volont�, et vous verrez bien que nos �mes sont sorties semblables des mains du Cr�ateur. »

Puis, m'interrogeant moi-m�me et me rendant bien compte des alternatives de langueur et d'�nergie, c'est-�-dire de l'irr�gularit� de mon organisation essentiellement f�minine, je voyais bien qu'une essentiellement f�minine, je voyais bien qu'une �ducation rendue un peu diff�rente de celle des autres femmes par des circonstances fortuites avait modifi� mon �tre; que mes petits os s'�taient endurcis � la fatigue, ou bien que ma volont�, d�velopp�e par les th�ories sto�ciennes de Deschartres d'une part et les mortifications chr�tiennes de l'autre, s'�tait habitu�e � dominer souvent les d�faillances de la nature. Je sentais bien aussi que la stupide vanit� des parures, pas plus que l'impur d�sir de plaire � tous les hommes, n'avaient de prise sur mon esprit, form� au m�pris de ces choses par les le�ons et les exemples de ma grand'm�re. Je n'�tais donc pas tout � fait une femme {Lub 127} comme celles que censurent {CL 93} et raillent les moralistes; j'avais dans l'�me l'enthousiasme du beau, la soif du vrai, et pourtant j'�tais bien une femme comme toutes les autres, souffreteuse, nerveuse, domin�e par l'imagination, pu�rilement accessible aux attendrissements et aux inqui�tudes de la maternit�. Cela devait-il me rel�guer � un rang secondaire dans la cr�ation et dans la famille? Cela �tant r�gl� par la soci�t�, j'avais encore la force de m'y soumettre patiemment ou gaiement. Quel homme m'e�t donn� l'exemple de ce secret h�ro�sme qui n'avait que Dieu pour confident des protestations de la dignit� m�connue?

{Presse 7/6/1855 1} Que la femme soit diff�rente de l'homme, que le cœur et l'esprit aient un sexe, je n'en doute pas. Le contraire fera toujours exception; m�me en supposant que notre �ducation fasse les progr�s n�cessaires (je ne la voudrais pas semblable � celle des hommes), la femme sera toujours plus artiste et plus po�te dans sa vie, l'homme le sera toujours plus dans son œuvre. Mais cette diff�rence, essentielle pour l'harmonie des choses et pour les charmes les plus �lev�s de l'amour, doit-elle constituer une inf�riorit� morale? Je ne parle pas ici socialisme: au temps o� cette question fondamentale commen�a � me pr�occuper, je ne savais ce que c'�tait que le socialisme. Je dirai plus tard en quoi et pourquoi mon esprit s'est refus� � le suivre sur la voie de pr�tendu affranchissement o� certaines opinions ont fait d�vier, selon moi, la th�orie des v�ritables instincts et des nobles destin�es de la femme: mais je philosophais dans le secret de ma pens�e, et je ne voyais pas que la vraie philosophie f�t trop grande dame pour nous admettre � l'�galit� dans son estime, comme le vrai Dieu nous y admet dans les promesses du ciel.

J'allais donc nourrissant le r�ve des m�les vertus auxquelles les femmes peuvent s'�lever, et � toute heure j'interrogeais mon �me avec une na�ve curiosit� pour savoir {CL 94} si elle avait la puissance de son aspiration, et si la droiture, le d�sint�ressement, la discr�tion, la pers�v�rance dans le travail, toutes les forces enfin que l'homme s'attribue exclusivement �taient interdites en pratique � un cœur qui en acceptait ardemment et passionn�ment le pr�cepte. Je ne me sentais ni perfide, ni vaine, ni bavarde, ni paresseuse, et je me demandais pourquoi {Lub 128} Montaigne ne m'e�t pas aim�e et respect�e � l'�gal d'un fr�re, � l'�gal de son cher de La Bo�tie.

En m�ditant aussi ce passage sur l'absorption r�v�e par lui, mais par lui d�clar�e impossible, de l'�tre tout entier dans l'amor amicitiæ, entre l'homme et la femme, je crus avec lui longtemps que les transports et les jalousies de l'amour �taient inconciliables avec la divine s�r�nit� de l'amiti�, et, � l'�poque o� je connus Rollinat, je cherchais l'amiti� sans l'amour comme un refuge et un sanctuaire o� je pusse oublier l'existence de toute affection orageuse et navrante. De douces et fraternelles amiti�s m'entouraient d�j� de sollicitudes et de d�vouements dont je ne m�connaissais pas le prix: mais, par une combinaison sans doute fortuite de circonstances, aucun de mes anciens amis, homme ou femme, n'�tait pr�cis�ment d'�ge � me bien conna�tre et � me bien comprendre, les uns pour �tre trop jeunes, les autres pour �tre trop vieux. Rollinat, plus jeune que moi de quelques ann�es, ne se trouva pas diff�rent de moi pour cela. Une fatigue extr�me de la vie l'avait d�j� plac� � un point de vue de d�sesp�rance, tandis qu'un enthousiasme invicible pour l'id�al le conservait vivant et agit� sous le poids de la r�signation absolue aux choses ext�rieures. Le contraste de cette vie intense, br�lant sous la glace, ou plut�t sous sa propre cendre, r�pondait � ma propre situation, et nous f�mes �tonn�s de n'avoir qu'� regarder chacun en soi-m�me pour nous conna�tre � l'�tat philosophique. Les habitudes de la vie �taient {CL 95} autres � la surface; mais il y avait une ressemblance d'organisation qui rendit notre mutuel commerce aussi facile d�s l'abord que s'il e�t �t� fond� sur l'habitude: m�me manie d'analyse, m�me scrupule de jugement, allant jusqu'� l'ind�cision, m�me besoin de la notion du souverain bien, m�me absence de la plupart des passions et des app�tits qui gouvernent ou accidentent la vie de la plupart des hommes; par cons�quent m�me r�verie incessante, m�mes accablements profonds, m�mes gaiet�s soudaines, m�me innocence de cœur, m�me incapacit� d'ambition, m�mes paresses princi�res de la fantaisie aux moments dont les autres profitent pour mener � bien leur gloire et leur fortune, m�me satisfaction triomphante � l'id�e de se croiser les bras devant toute chose r�put�e s�rieuse qui nous paraissait frivole et en dehors des devoirs admis {Lub 129} par nous comme s�rieux; enfin m�mes qualit�s ou m�mes d�fauts, m�mes sommeils et m�mes r�veils de la volont�.

Le devoir nous a jet�s cependant tout entiers dans le travail, pieds et poings li�s, et nous y sommes rest�s avec une persistance invincible, clou�s par ces devoirs accept�s sans discussion. D'autres caract�res, plus brillants et plus actifs en apparence, m'ont souvent pr�ch� le courage. Rollinat ne m'a jamais pr�ch� que d'exemple, sans se douter m�me de la valeur et de l'effet de cet exemple. Avec lui et pour lui, je fis le code de la v�ritable et saine amiti�, d'une amiti� � la Montaigne, toute de choix, d'�lection et de perfection. Cela ressembla d'abord � une convention romanesque, et cela a dur� vingt-cinq ans, sans que la sainte cousture des �mes se soit rel�ch�e un seul instant, sans qu'un doute ait effleur� la foi absolue que nous avons l'un dans l'autre, sans qu'une exigence, une pr�occupation personnelle aient rappel� � l'un ou � l'autre qu'il �tait un �tre � part, une existence diff�rente de l'�me unique en deux personnes.

{CL 96} D'autres attachements ont pris cependant la vie tout enti�re de chacun de nous, des affections plus compl�tes, eu �gard aux lois de la vie r�elle, mais qui n'ont rien �t� � l'union tout immat�rielle de nos cœurs. Rien dans cette union paisible et pour ainsi dire paradisiaque ne pouvait rendre jalouses ou inqui�tes les �mes associ�es � notre existence plus intime. L'�tre que l'un de nous pr�f�rait � tous les autres devenait aussit�t cher et sacr� � l'autre et sa plus douce soci�t�. Enfin, cette amiti� est rest�e digne des plus beaux romans de la chevalerie. Bien qu'elle n'ait jamais rien pos�, elle en a, elle en aura toujours la grandeur en nous-m�mes, et ce pacte de deux cerveaux enthousiastes a pris toute la consistance d'une certitude religieuse. Fond�e sur l'estime, dans le principe, elle a pass� dans les entrailles � ce point de n'avoir plus besoin d'estime mutuelle, et s'il �tait possible que l'un de nous deux arriv�t � l'aberration de quelque vice ou de quelque crime, il pourrait se dire encore qu'il existe sur la terre une �me pure et saine qui ne se d�tacherait pas de lui.

Je me souviens en ce moment d'une circonstance o� un autre de mes amis l'accusa vivement aupr�s de moi d'un tort s�rieux. Cela n'avait rien de fond�, et je ne sus que hausser les �paules; mais quand je vis que la pr�vention s'obstinait contre lui, je ne pus m'emp�cher de dire {Lub 130} avec impatience: « Eh bien, quand cela serait? Du moment que c'est lui, c'est bien. Ça m'est �gal. »

Plus souvent accus�e que lui, parce que j'ai eu une existence plus en vue, je suis certaine qu'il a d� plus d'une fois r�pondre � propos de moi comme j'ai fait � propos de lui. Il n'est pas un seul autre de mes amis qui n'ait discut� avec moi sur quelque opinion ou quelque fait personnel, et qui par cons�quent ne m'ait parfois discut�e vis-�-vis de lui-m�me. C'est un droit qu'il faut reconna�tre � l'amiti� dans les conditions ordinaires de la {CL 97} vie et qu'elle regarde souvent comme un devoir; mais l� o� ce droit n'a pas �t� r�serv�, pas m�me pr�vu par une confiance sans limites, l� o� ce devoir dispara�t dans la pl�nitude d'une foi ardente, l� seulement est la grande, l'id�ale amiti�. Or, j'ai besoin d'id�al. Que ceux qui n'en ont que faire s'en passent.

Mais vous qui flottez encore entre la mesure de po�sie et de r�alit� que la sagesse peut admettre, vous pour qui j'�cris et � qui j'ai promis de dire des choses utiles, � l'occasion, vous me pardonnerez cette longue digression en faveur de la conclusion qu'elle am�ne et que voici:

Oui, il faut po�tiser les beaux sentiments dans son �me et ne pas craindre de les placer trop haut dans sa propre estime. Il ne faut pas confondre tous les besoins de l'�me dans un seul et m�me app�tit de bonheur qui nous rendrait volontiers �go�stes. L'amour id�al... je n'en ai pas encore parl�, il n'est pas temps encore, — L'amour id�al r�sumerait tous les plus divins sentiments que nous pouvons concevoir, et pourtant il n'�terait rien � l'amiti� id�ale. L'amour sera toujours de l'�go�sme � deux, parce qu'il porte avec lui des satisfactions infinies. L'amiti� est plus d�sint�ress�e, elle partage toutes les peines et non tous les plaisirs.Elle a moins de racines dans la r�alit�, dans les int�r�ts, dans les enivrements de la vie. Aussi est-elle plus rare, m�me � un �tat tr�s-imparfait, que l'amour � quelque �tat qu'on le prenne. Elle para�t cependant bien r�pandue, et le nom d'ami est devenu si commun qu'on peut dire mes amis en parlant de deux cents personnes. Ce n'est pas une profanation, en ce sens qu'on peut et doit aimer, m�me particuli�rement, tous ceux que l'on conna�t bons et estimables. Oui, croyez-moi, le cœur est assez large pour loger beaucoup d'affections, et plus vous en donnerez de sinc�res et de d�vou�es, plus vous {Lub 131} le sentirez grandir en force et en chaleur. Sa nature est divine, {CL 98} et plus vous le sentez parfois affaiss� et comme mort sous le poids des d�ceptions, plus l'accablement de sa souffrance atteste sa vie immortelle. N'ayez donc pas peur de ressentir pleinement les �lans de la bienveillance et de la sympathie, et de subir les �motions douces ou p�nibles des nombreuses sollicitudes qui r�clament les esprits g�n�reux; mais n'en vouez pas moins un culte � l'amiti� particuli�re, et ne vous croyez pas dispens� d'avoir un ami, un ami parfait, c'est-�-dire une personne que vous aimiez assez pour vouloir �tre parfait vous-m�me envers elle, une personne qui vous soit sacr�e et pour qui vous soyez �galement sacr�. Le grand but que nous devons tous poursuivre, c'est de tuer en nous le grand mal qui nous ronge, la personnalit�. Vous verrez bient�t que quand on a r�ussi � devenir excellent pour quelqu'un on ne tarde pas � �tre meilleur pour tout le monde, et si vous cherchez l'amour id�al, vous sentirez que l'amiti� id�ale pr�pare admirablement le cœur � en recevoir le bienfait.


Variantes

  1. 1810-1832 {CL} (cette inadvertance de l'�diteur est corrig�e dans la table des mati�res du T.3) ♦ 1819-1822 {Lub} (cette indavertance de l'�diteur est r�p�t�e dans la table des mati�res du T.1. Nous corrigeons)
  2. Chapitre vingt-sixi�me {Presse}, {Lecou} ♦ Chapitre treizi�me {LP} ♦ XIII {CL}
  3. nettement que je veux taire {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ nettement ce que je veux taire {CL} ♦ nettement que je veux taire {Lub} r�tablissant la le�on originale, nous le suivons. — Remarquons cependant que l'�dition {CL} de 1876 n'a pas la variante relev�e par {Lub}!.
  4. Cette note n'est pas dans {Presse}, l'appel de note pas davantage.
  5. 25 mille francs {CL} ♦ vingt-cinq mille francs {Lub}
  6. 3,500 francs {CL} ♦ trois mille cinq cents francs {Lub}
  7. Interruption de {Presse}.
  8. Reprise de {Presse}.
  9. tous mes enfans {Presse} ♦ tous mes gar�ons {Lecou} et sq.

Notes

  1. {Lub} restaure la citation de Montaigne, dans l'�dition que George Sand poss�dait. Voir {Lub} t.II p.125 et n.1.