GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-Lévy 1876

{LP T.? ?; CL T.2 [287]; Lub T.1 [641]} TROISIÈME PARTIE
De l'enfance à la jeunesse
1810-1819 a

{Presse 16/3/1855 1; CL T.3 [1]; Lub T.1 [799]} VIII b 1

Enseignement de l'histoire. — Je l'étudie comme un roman. — Je désapprends la musique avec un maître. — Premiers c essais littéraires. — L'art et le sentiment. — Mamère se moque de moi, et je renonce aux lettres. — Mon grand roman inédit. — Corambé. — Marie et Solange. — Plaisir le porcher. — Le fossé d couvert. — Démogorgon. — Le temple mystérieux.



Je ne peux pas toujours suivre ma vie comme un récit qui s'enchaîne, car il y a beaucoup d'incertitudes dans ma mémoire sur l'ordre des petits événements que je me retrace. Je sais que j'ai passé à Nohant avec ma grand'mère, sans aller à Paris, les années 1814, 15, 16 et 17. Je {CL 2} résumerai donc en masse mon développement moral pendant ces quatre années.

Les seules études qui me plurent réellement furent l'histoire, la géographie, qui n'en est que l'appendice nécessaire, la musique et la littérature. Je pourrais encore réduire ces aptitudes, en disant que je n'aimais et n'aimai réellement que la littérature et la musique, car ce qui me passionnait dans l'histoire, ce n'était pas cette philosophie que la théorie toute moderne du progrès nous a enseigné à déduire de l'enchaînement des faits. On n'avait point alors popularisé cette notion claire et précise, qui est véritablement, sinon la grande découverte, du moins la grande certitude philosophique des temps nouveaux, et dont Pierre Leroux, Jean Reynaud et leur école de 1830 à 1840 ont posé la meilleure e exposition et les meilleures déductions dans les travaux de l'Encyclopédie nouvelle.

À l'époque où l'on m'enseigna l'histoire, on n'avait généralement aucune idée d'ordre et d'ensemble dans {Lub 800} l'appréciation des faits. Aujourd'hui, l'étude de l'histoire peut être la théorie du progrès; elle peut tracer f une ligne grandiose à laquelle viennent se rattacher toutes les lignes jusqu'alors éparses et brisées. Elle nous fait assister à l'enfance de l'humanité, à son développement, à ses essais, à ses efforts, à ses conquêtes successives, et ses déviations mêmes, aboutissant fatalement à un retour qui la replace sur la route de l'avenir, ne font que confirmer la loi qui la pousse et l'entraîne.

Dans la théorie du progrès, Dieu est un, comme l'humanité est une. Il n'y a qu'une religion, qu'une vérité antérieure à l'homme, coéternelle à Dieu, et dont les différentes manifestations dans l'homme et par l'homme sont la vérité relative et progressive des diverses phases de l'histoire. Rien de plus simple, rien de plus grand, rien de plus logique. Avec cette notion, avec ce fil conducteur dans {CL 3} une main: l'humanité éternellement progressive; avec ce flambeau dans l'autre main: Dieu éternellement révélateur et révélable, il n'est plus possible de flotter et de s'égarer dans l'étude de l'histoire des hommes, puisque c'est l'histoire de Dieu même dans ses rapports avec nous.

De mon temps, on procédait g simultanément par plusieurs histoires séparées qui n'avaient aucun rapport entre elles. Par exemple, l'histoire sacrée et l'histoire profane étant contemporaines l'une de l'autre, il fallait les étudier en regard l'une de l'autre, sans admettre qu'elles eussent aucun lien. Quelle était la vraie, quelle était la fabuleuse? Toutes deux étaient chargées de miracles et de fables également inadmissibles pour la raison; mais pourquoi le Dieu des juifs était-il le seul vrai Dieu? On ne vous le disait point, et, pour moi particulièrement, j'étais libre de rejeter le dieu de Moïse et de Jésus, tout aussi bien que ceux d'Homère et de Virgile. « Lisez, me disait-on, prenez des notes, faites des extraits, retenez bien tout cela. Ce sont des choses qu'il faut savoir et qu'il n'est pas permis d'ignorer*. »

* Je ne doute pas que ma grand'mère ne m'eût déduit de meilleures raisons si elle eût été encore dans toute la force de ses facultés morals et intellectuelles. Elle avit certainement dû s'occuper plus efficacement de former l'âme de mon père. Mais j'ai beau chercher dans mes souvenirs la trace d'un enseignement vraiment philosophique {Lub 801} de sa part, je ne la trouve pas. Je crois pouvoir affirmer que, pendant une phase de sa vie, antérieure à la Révolution, elle avait préféré Rousseau à Voltaire; mais que plus elle a vieilli, plus elle est devenue voltairienne. L'esprit de bigoterie de la Restauration dut nécessairement porter cette réaction à l'extrême dans les cerveaux philosophiques h qui dataient du siècle précédent. Or, l'on sait combien est pauvre de fond et vide de moralité la philosophie de l'histoire chez Voltaire.

{Lub 801} Savoir pour savoir, voilà véritablement toute la moralité de l'éducation qui m'était donnée. Il n'était pas question de s'instruire pour se rendre meilleur, plus heureux ou {CL 4} plus sage. On apprenait pour devenir capable de causer avec les personnes instruites, pour être à même de lire les livres qu'on avait dans son armoire, et de tuer le temps à la campagne ou ailleurs. Et, comme les caractères de mon espèce ne comprennent pas beaucoup qu'il soit utile de donner la réplique aux causeurs instruits, au lieu de les écouter en silence ou de ne pas les écouter du tout; comme en général les enfants ne s'inquiètent pas de l'ennui, puisqu'ils s'amusent volontiers de tout autre chose que l'étude, il fallait leur donner un autre motif, un autre stimulant. On leur parlait alors du plaisir de satisfaire leurs parents, et on faisait appel au sentiment de l'obéissance, à la conscience du devoir. C'était encore ce qu'il y avait de meilleur à invoquer et cela réussissait assez avec moi, qui étais, par nature, indépendante dans mes idées, soumise dans les actes extérieurs.

Je n'ai jamais connu la révolte de fait avec les êtres que j'aimais et dont j'ai dû accepter la domination naturelle, car il y en a une, ne fût-ce que celle de l'âge, sans compter celle du sang. Je n'ai jamais compris qu'on ne cédât pas aux personnes avec lesquelles on ne veut ni ne peut rompre, quand même on est persuadé qu'elles se trompent, ni qu'on hésitât entre le sacrifice de soi-même et leur satisfaction. Voilà pourquoi ma grand'mère, ma mère et les religieuses de mon couvent m'ont toujours trouvée d'une douceur inexplicable au milieu d'un insurmontable entêtement. Je me sers du mot douceur, parce que j'ai été frappée de les voir se rencontrer dans cette expression dont elles se servaient pour peindre mon caractère d'enfant. L'expression n'était peut-être pas juste. Je n'étais pas douce, puisque {Lub 802} je ne cédais pas intérieurement. Mais, pour ne pas céder en fait, il eût fallu haïr, et, tout au contraire, j'aimais. Cela prouve donc uniquement que mon affection m'était plus précieuse que mon raisonnement et que j'obéissais plus {CL 5} volontiers, dans mes actions, à mon cœur qu'à ma tête.

Ce fut donc par pure affection pour ma grand'mère que j'étudiai de mon mieux les choses qui m'ennuyaient, que j'appris par cœur des milliers de vers dont je ne comprenais pas les beautés; le latin, qui me paraissait insipide; la versification, qui était comme une camisole de force imposée à ma poétique naturelle: l'arithmétique, qui était si opposée à mon organisation, que, pour faire une addition, j'avais littéralement des vertiges et des défaillances. Pour ui faire plaisir aussi, je m'enfonçai dans l'histoire; mais, là, ma soumission reçut enfin sa récompense, l'histoire m'amusa prodigieusement.

Pourtant, par la raison que j'ai dite, par l'absence de théorie morale dans cette étude, elle ne satisfaisait pas l'appétit de logique qui commençait à s'éveiller en moi; mais elle prit à mes yeux un attrait différent i: je la goûtai sous son aspect purement littéraire et romanesque. Les grands caractères, les belles actions, les étranges aventures, les détails poétiques, le détail, en un mot, me passionna, et je trouvai à raconter tout cela, à y donner une forme dans mes extraits, un plaisir indicible.

Peu à peu je m'aperçus que j'étais peu surveillée, que ma grand'mère, trouvant mon extrait bien écrit pour mon âge, et intéressant, ne consultait plus le livre pour voir si ma version était bien fidèle, et cela me servit plus qu'on ne peut croire. Je cessai de porter à la leçon les livres qui avaient servi à mon résumé, et, comme on ne me les demanda plus, je me lançai avec plus de hardiesse dans mes appréciations personnelles. Je fus plus philosophe que mes historiens profanes, plus enthousiaste que mes historiens sacrés. Me laissant aller à mon émotion j et ne m'inquiétant pas d'être d'accord avec le jugement de mes auteurs, je donnai à mes récits la couleur de ma pensée, et même je me souviens que je ne me gênais pas pour orner un {CL 6} peu la sécheresse de certains fonds. Je n'altérais point les faits essentiels; mais, quand un personnage insignifiant ou inexpliqué {Lub 803} me tombait sous la main, obéissant à un besoin invincible d'art, je lui donnais un caractère quelconque que je déduisais assez logiquement de son rôle ou de la nature de son action dans le drame général. Incapable de me soumettre aveuglément au jugement de l'auteur, si je ne réhabilitais pas toujours ce qu'il condamnait, j'essayais du moins de l'expliquer et de l'excuser, et, si je le trouvais trop froid pour les objets de mon enthousiasme, je me livrais à ma propre flamme et je la répandais sur mon cahier dans des termes qui faisaient rire souvent ma grand'mère par leur naïveté d'exagération.

Enfin, quand je trouvais l'occasion de fourrer une petite description au milieu de mon récit, je ne m'en faisais pas faute. Pour cela, une courte phrase du texte, une sèche indication me suffisaient. Mon imagination s'en emparait et brodait là-dessus, je faisais intervenir le soleil ou l'orage, les fleurs, les ruines, les monuments, les chœurs, les sons de la flûte sacrée ou de la lyre d'Ionie, l'éclat des armes, le hennissement des coursiers, que sais-je? J'étais classique en diable; mais, si je n'avais pas l'art de me trouver une forme nouvelle, j'avais le plaisir de sentir vivement et de voir par les yeux de l'imagination tout ce passé qui se ranimait devant moi.

Il est vrai aussi que, n'étant pas tous les jours dans cette disposition poétique et pouvant impunément en prendre à mon aise, il m'arriva parfois de copier presque textuellement les pages du livre dont j'étais chargée de rendre le sens. Mais c'était k mes jours de langueur et de distraction. Je m'en dédommageais avec plaisir quand je sentais la verve se rallumer.

Je faisais un peu de même pour la musique. J'étudiais pour l'acquit de ma conscience les sèches études que je {CL 7} devais jouer à ma grand'mère; mais, quand j'étais sûre de m'en tirer passablement, je les arrangeais à ma guise, ajoutant des phrases, changeant les formes, improvisant au hasard, chantant, jouant et composant musique l et paroles, quand j'étais bien sûre de ne pas être entendue. Dieu sait à quelles stupides {Presse 16/3/1855 2} aberrations musicales je m'abandonnais ainsi! J'y prenais un plaisir extrême.

La musique qu'on m'enseignait commençait à m'ennuyer. Ce n'était plus la direction de ma grand'mère. Elle s'était imaginé qu'elle ne pourrait pas m'enseigner elle-même la musique, ou bien sa santé ne lui permettait {Lub 804} plus d'en garder l'initiative; elle ne me démontrait plus rien et se bornait à me faire jouer en mesure la plate musique que m'apportait m mon maître.

Ce maître était l'organiste de La Châtre. Il savait la musique certainement, mais il ne la sentait nullement, et il mettait peu de conscience à me la montrer. Il s'appelait M. Gayard n, et il avait la figure et la tournure ridicules. Il portait toujours la queue ficelée, les ailes de pigeon et les grands habits carrés de l'ancien régime, quoiqu'il n'eût guère qu'une cinquantaine d'années. Sous la Restauration, on a vu pendant quelque temps des particuliers reprendre ces vieux usages de coiffure et d'habillement pour témoigner de leur attachement aux bons principes. D'autres ne les avaient jamais quittés, et c'était sans doute par habitude de gravité que M. Gayard conservait la poudre et les culottes courtes.

Il était pourtant médiocrement grave quand il n'était plus sous les yeux du curé, à La Châtre, et de ma grand'mère, à Nohant. Il arrivait le dimanche à midi, se faisait servir un copieux déjeuner, remontait l'accord du piano et du clavecin, me donnait une leçon de deux heures, puis allait batifoler avec les ervantes jusqu'au dîner. Là, il mangeait comme quatre, parlait peu, me faisait jouer {CL 8} ensuite devant ma grand'mère un morceau qu'il m'avait seriné plutôt qu'expliqué, et s'en allait les poches pleines de friandises qu'il se faisait donner par les femmes de chambre.

Je faisais des progrès apparents avec ce professeur, et, en réalité, je n'apprenais rien du tout, et je perdais le respect et l'amour de la musique. Il m'apportait de la musique facile, bête, soi-disant brillante. Heureusement il se glissait quelquefois à son insu de petits diamants dans ce fatras, des sonatines de Steibelt, des pages de Gluck, de Mozart, et de jolies études de Pleyel et de Clementi. La preuve que j'avais un bon sentiment musical, c'est que je discernais fort bien de moi-même ce qui valait la peine d'être étudié, et j'y portais un certain sentiment naïf qui plaisait à ma grand'mère, mais dont M. Gayard ne me tenait aucun compte. Il frappait fort et jouait carrément, sans nuances, sans couleur et sans cœur. C'était exact, correct, bruyant, sans charme et sans élévation o. Je le sentais et je haïssais sa {Lub 805} manière. Avec cela il avait de grosses pattes laides, velues, grasses et sales qui me répugnaient, et une odeur de poudre mêlée à une odeur de crasse qui me faisait paraître ma leçon insupportable. Ma grand'mère devait bien savoir que c'était là un maître sans valeur et sans âme; mais elle pensait que j'avais besoin de me délier les doigts, et comme les siens étaient de plus en plus paralysés, elle me donnait M. Gayard comme une mécanique. En effet, M. Gayard m'apprenait à remuer les doigts et il me donnait à lire beaucoup de musique, mais il ne m'enseignait rien p. Jamais il ne me demanda de me rendre compte à moi-même du ton dans lequel était écrit le morceau qu'il me faisait jouer, ni du mouvement, encore moins du sentiment et de la pensée musicale. Il me fallait deviner tout cela, car j'avais oublié toutes les règles que ma grand'mère m'avait enseignées si clairement et qu'il eût été {CL 9} bon de repasser sans cesse en les appliquant. Je les appliquais d'instinct et ne les savais plus. q Quand je faisais quelque faute, M. Gayard me débitait des calembours et des coq-à-l'âne en forme de critique. C'est ainsi que je travaillais, disait-il, la dernière fois qu'on me mit à la porte; ou bien il avait des sentences en latin de collège r,


Aspice Pierrot pendu,
Quod fa dièse n'a pas rendu.

Et s toute la leçon se passait ainsi, à moins qu'il ne préférât dormir auprès du poêle, ou se promener dans la chambre en mangeant des pruneaux ou des noisettes, car il mangeait toujours et ne se souciait guère d'autre chose.

On ne me parlait plus de chant, et pourtant c'était là mon instinct et ma vocation. Je trouvais un soulagement extrême à improviser en prose ou en vers blancs des récitatifs ou des fragments de mélodie lyrique, et il me semblait que le chant eût été ma véritable manière d'exprimer mes sentiments et mes émotions. Quand j'étais seule au jardin, je chantais toutes mes actions pour ainsi dire. Roule, roule, ma brouette! Poussez, poussez, petits gazons que j'arrose. Papillons jolis, venez sur mes fleurs! etc.; et quand j'avais du chagrin, quand je pensais à ma petite mère absente, c'étaient des complaintes enmineur qui ne finissaient pas et qui endormaient peu {Lub 806} à peu ma mélancolie ou qui provoquaient des larmes dont j'étais soulagée:


Ma mère, m'entends-tu? Je pleure et je soupire, etc.

Vers l'âge de douze ans, je m'essayai à écrire; mais cela ne dura qu'un instant; je fis plusieurs descriptions, une de la vallée Noire, vue d'un certain endroit où j'allais souvent me promener, et l'autre d'une nuit d'été avec clair de lune. C'est tout ce que je me rappelle, et ma grand'mère eut la bonté de déclarer à qui voulait la croire que c'était des {CL 10} chefs-d'œuvre. D'après les phrases qui me sont restées dans la mémoire*, ces chefs-d'œuvre-là étaient bons à mettre au cabinet. Mais ce que je me rappelle avec plus de plaisir, c'est que, malgré les imprudents éloges de ma bonne maman, je ne fus nullement enivrée de mon petit succès. J'avais dès lors un sentiment que j'ai toujours conservé: c'est qu'aucun art ne peut rendre le charme et la fraîcheur de l'impression produite par les beautés de la nature, de même que rien dans l'expression ne peut atteindre à la force et à la spontanéité de nos émotions intimes. Il y a dans l'âme quelque chose de plus que dans la forme. L'enthousiasme, la rêverie, la passion, la douleur n'ont pas d'expression suffisante dans le domaine de l'art, quel que soit l'art, quel que soit l'artiste. J'en demande pardon aux maîtres: je les vénère et les chéris, mais ils ne m'ont jamais rendu ce que la nature m'a donné, ce que moi-même j'ai senti mille fois l'impossibilité de rendre aux autres. L'art me semble t une aspiration éternellement impuissante et incomplète, de même que toutes u les manifestations humaines. Nous avons, pour notre malheur, le sentiment de l'infini, et toutes nos expressions ont une limite rapidement atteinte; ce sentiment même est vague en nous et les satisfactions qu'il nous donne sont une espèce de tourment.

* Il y avait entre autres métaphores une lune qui labourait les nuages, assise dans sa nacelle d'argent.

L'art moderne l'a bien senti, ce tourment de l'impuissance, et il a cherché à étendre ses moyens en littérature, en musique, en peinture. L'art a cru trouver dans les formes nouvelles du romantisme une nouvelle puissance d'expansion. L'art a pu y gagner, mais l'âme {Lub 807} humaine n'élève ses facultés que relativement, et la soif de la perfection, le besoin de l'infini restent les mêmes, éternellement avides, {CL 11} éternellement inassouvis. C'est pour moi une preuve irréfutable v de l'existence de Dieu. Nous avons le désir inextinguible du beau idéal: donc, le désir a un but. Ce but n'existe nulle part à notre portée, ce but est l'infini, ce but est Dieu.

L'art est donc w un effort plus ou moins heureux pour manifester des émotions qui ne peuvent jamais l'être complétement, et qui, par elles-mêmes, dépassent toute expression. Le romantisme, en augmentant les moyens, n'a pas reculé la limite des facultés humaines. Une grêle d'épithètes, un déluge de notes, un incendie de couleurs ne témoignent et n'expriment rien de plus qu'une forme élémentaire et naïve. J'ai beau faire, j'ai le malheur de ne rien trouver, dans les mots et dans les sons, de ce qu'il y a dans un rayon du soleil ou dans un murmure de la brise x.

Et pourtant l'art a des manifestations sublimes et je ne saurais vivre sans les consulter sans cesse; mais plus ces manifestations sont grandes, plus elles excitent en moi la soif d'un mieux et d'un plus que personne ne peut me donner et que je ne puis pas donner moi-même, parce qu'il faudrait, pour exprimer ce plus et ce mieux, un chiffre qui n'existe pas pour nous et que l'homme ne trouvera probablement jamais.

J'en reviens à dire plus clairement et plus positivement que rien de ce que j'ai écrit dans ma vie ne m'a jamais satisfaite, pas plus mes premiers essais à l'âge de douze ans, que les travaux littéraires de ma vieillesse, et qu'il n'y a à cela aucune modestie de ma part. Toutes les fois que j'ai vu et senti quelque sujet d'art, j'ai espéré, j'ai cru naïvement que j'allais le rendre comme il m'était venu. Je m'y suis jetée avec ardeur; j'ai rempli ma tâche parfois avec un vif plaisir, et parfois, en écrivant la dernière page, je me suis dit: « Oh! Cette fois, c'est bien réussi! » {CL 12} Mais, hélas! Je n'ai jamais pu relire l'épreuve sans me dire: « Ce n'est pas du tout cela, je l'avais rêvé, senti et conçu tout autrement; c'est froid, c'est à côté, c'est trop dit et ce ne l'est pas assez. » et, si l'ouvrage n'avait pas toujours été la propriété d'un éditeur, je l'aurais mis dans un coin avec le projet de le refaire, et je l'y aurais oublié pour en essayer un autre.

{Lub 808} Je sentis donc, dès la première tentative littéraire de ma vie, que j'étais au-dessous de mon sujet, et que mes mots et mes phrases le gâtaient pour moi-même. On envoya à ma mère une de mes descriptions pour lui faire voir comme je devenais habile et savante; elle me répondit: Tes belles phrases m'ont bien fait rire; j'espère que tu ne vas pas te mettre à parler comme ça. Je ne fus nullement mortifiée de l'accueil fait par elle à mon élucubration poétique; je trouvai qu'elle avait parfaitement raison, et je lui répondis: « Sois tranquille, ma petite mère, je ne deviendrai pas une pédante, et, quand je voudrai te dire que je t'aime, que je t'adore, je te le dirai tout bonnement comme le voilà dit. »

Je cessai donc d'écrire, mais le besoin d'inventer et de composer ne m'en tourmentait pas moins. Il me fallait un monde de fictions, et je n'avais jamais cessé de m'en créer un que je portais partout avec moi, dans mes promenades, dans mon immobilité, au jardin, aux champs, dans mon lit avant de m'endormir et, en m'éveillant, avant de me lever. Toute ma vie j'avais eu un roman en train dans la cervelle, auquel j'ajoutais un chapitre plus ou moins long aussitôt que je me trouvais seule, et pour lequel j'amassais sans cesse des matériaux. Mais pourrai-je donner une idée de cette manière de composer que j'ai perdue et que je regretterai toujours, car c'est la seule qui ait réalisé jamais ma fantaisie?

Je y ne donnerais aucun développement au récit de cette {CL 13} fantaisie de mon cerveau, si je croyais qu'elle n'eût été qu'une bizarrerie personnelle. Car mon lecteur doit remarquer que je me préoccupe beaucoup plus de lui faire repasser et commenter sa propre existence, celle de nous tous, que de l'intéresser à la mienne propre; mais j'ai lieu de croire que mon histoire intellectuelle est celle de la génération à laquelle j'appartiens, et qu'il n'est aucun de nous qui n'ait fait, dès son jeune âge, un roman ou un poëme.

{Presse 17/3/1855 1} J'avais bien vingt-cinq ans, lorsque, voyant mon frère griffonner beaucoup, je lui demandai ce qu'il faisait. « Je cherche, me dit-il, un roman moral dans le fond, comique dans la forme: mais je ne sais pas écrire, et il me semble que tu pourrais rédiger ce que j'ébauche. » Il me fit part de son plan, que je trouvai trop sceptique et dont les détails me rebutèrent. Mais, à ce propos, je lui demandai depuis quand il avait cette fantaisie de faire un roman. « je l'ai toujours eue, répondit-il. Quand j'y rêve, il me passionne et me divertit quelquefois tant, que j'en ris tout seul. Mais, quand je veux y mettre de l'ordre, je ne sais pas par où commencer, par où finir. Tout cela se brouille sous ma plume. L'expression me manque, je m'impatiente, je me dégoûte, je brûle ce que je viens d'écrire, et j'en suis débarrassé pour quelques jours. Mais bientôt cela revient comme une fièvre. J'y pense le jour, j'y pense la nuit, et il faut que je gribouille encore, sauf à brûler toujours.

— Que tu as tort, lui dis-je, de vouloir donner une forme arrêtée, un plan régulier à ta fantaisie! Tu ne vois donc pas que tu lui fais la guerre, et que, si tu renonçais à la jeter hors de toi, elle serait toujours en toi active, riante et féconde? Que ne fais-tu comme moi, qui n'ai jamais gâté l'idée que je me suis faite de ma création en cherchant à la formuler?

— Ah çà, dit-il, c'est donc une maladie que nous avons {CL 14} dans le sang? Tu pioches donc aussi dans le vide? Tu rêvasses donc aussi comme moi? Tu ne me l'avais jamais dit. »

J'étais z déjà fâchée de m'être trahie, mais il était trop tard pour se raviser. Hippolyte, en me confiant son mystère, avait droit de m'arracher le mien, et je lui racontai ce que je vais raconter ici.

Dès ma première enfance, j'avais besoin de me faire un monde intérieur à ma guise, un monde fantastique et poétique; peu à peu j'eus besoin d'en faire aussi un monde religieux ou philosophique, c'est-à-dire moral ou sentimental. Vers l'âge de onze ans, je lus L'Iliade et La Jérusalem délivrée. Ah! Que je les trouvai courtes, que je fus contrariée d'arriver à la dernière page! Je devins triste et comme malade de chagrin de les voir sitôt finies. Je ne savais plus que devenir; je ne pouvais plus rien lire; je ne savais auquel de ces deux poëmes donner la préférence; je comprenais qu'Homère était plus beau, plus grand, plus simple; mais Le Tasse m'intéressait et m'intriguait davantage. C'était plus romanesque, plus de mon temps et de mon sexe. Il y avait des situations dont j'aurais voulu que le poëte ne me fît jamais sortir, Herminie chez les bergers, par exemple, {Lub 810} ou Clorinde délivrant du bûcher Olinde et Sophronie. Quels tableaux enchantés je voyais se dérouler autour de moi! Je m'emparais de ces situations; je m'y établissais pour ainsi dire; les personnages devenaient miens; je les faisais agir ou parler, et je changeais à mon gré la suite de leurs aventures, non pas que je crusse mieux faire que le poëte, mais parce que les préoccupations amoureuses de ces personnages me gênaient, et que je les voulais tels que je me sentais, c'est-à-dire enthousiastes seulement de religion, de guerre ou d'amitié. Je préférais la martiale Clorinde à la timide Herminie; sa mort et son baptême la divinisaient à mes yeux. Je haïssais Armide, je méprisais Renaud. Je sentais vaguement, de la guerrière et de la magicienne, {CL 15} ce que Montaigne dit de Bradamante et d'Angélique, à propos du poëme de L'Arioste: « L'une, d'une beauté naïve, active, généreuse, non hommasse mais virile; l'autre, d'une beauté molle, affectée, délicate, artificielle; l'une travestie en garçon, coiffée d'un morion luisant; l'autre vêtue en fille, coiffée d'un attifet emperlé. »

Mais, au-dessus de ces personnages du roman, l'Olympe chrétien planait sur la composition du Tasse, comme dans L'Iliade les dieux du paganisme; et c'est par la poésie de ces symboles que le besoin d'un sentiment religieux, sinon d'une croyance définie, vint s'emparer ardemment de mon cœur. Puisqu'on ne m'enseignait aucune religion, je m'aperçus qu'il m'en fallait une et je m'en fis une.

J'arrangeai cela très-secrètement en moi-même; religion et roman poussèrent de compagnie dans mon âme. J'ai dit que les esprits les plus romanesques étaient les plus positifs, et, quoique cela ressemble à un paradoxe, je le maintiens. Le penchant romanesque est un appétit du beau idéal. Tout ce qui, dans la réalité vulgaire, gêne cet élan est facilement mis de côté et compté pour rien par ces esprits logiciens à leur point de vue. Les chrétiens primitifs, les adeptes de toutes les sectes enfantées par le christianisme, pris au pied de la lettre, sont des esprits romanesques, et leur logique est rigoureuse, absolue; je défie qu'on prouve le contraire.

Me voilà donc, enfant rêveur, candide, isolé, abandonnée à moi-même, aa lancée à la recherche d'un idéal, et ne pouvant pas rêver un monde, une humanité {Lub 811} idéalisée, sans placer au faîte un Dieu, l'idéal même. Ce grand créateur Jéhovah, cette grande fatalité Jupiter, ne me parlaient pas assez directement. Je voyais bien les rapports de cette puissance suprême avec la nature, je ne la sentais pas assez particulièrement dans l'humanité. Je fis ce que l'humanité avait fait avant moi. Je cherchai un médiateur, un intermédiaire, {CL 16} un dieu-homme, un divin ami de notre race malheureuse.

Homère et Le Tasse venant couronner la poésie chrétienne et païenne de mes premières lectures, me montraient tant de divinités sublimes ou terribles, que je n'avais que l'embarras du choix; mais cet embarras était grand. On me préparait à la première communion et je ne comprenais absolument rien au catéchisme. L'Évangile et le drame divin de la vie et de la mort de Jésus m'arrachaient en secret des torrents de larmes. Je m'en cachais bien, j'aurais craint que ma grand'mère ne se moquât de moi. Elle ne l'eût pas fait, j'en suis certaine aujourd'hui; mais cette absence d'intervention dans ma croyance, dont elle semblait s'être fait une loi, me jetait dans le doute, et peut-être aussi l'éternel attrait du mystère dans mes émotions les plus intimes me portait-il à moi-même ce préjudice moral d'être privée de direction*. Ma grand'mère, en me voyant lire et apprendre le dogme par cœur sans faire la moindre réflexion, se flattait peut-être de trouver en moi une table rase aussitôt qu'elle voudrait m'instruire à son point de vue, mais elle se trompait. L'enfant n'est jamais une table rase. Il commente, il s'interroge, il doute, il cherche, et, si on {CL 17} ne lui donne rien pour se {Lub 812} bâtir une maison, il se fait un nid avec les fétus qu'il peut rassembler.

{[CL 16; Lub 811]} * Cet attrait ab du mystère n'est pas un phénomène de mon organisation. Que toutes les mères se rappellent leur enfance, qu'elles oublient trop quand elles élèvent leurs filles. Cet état de l'âme qui se cherche elle-même est inhérent à l'enfance, et surtout à l'enfance de la femme. Il ne faut ni contrarier brutalement ce penchant ni le trop laisser se développer. J'ai vu des mères, d'une surveillance indélicate et jalouse, soupçoner toujours quelque impureté dans la chaste rêverie de leurs filles, et jeter des pierres ou des ordures dans ce lac tranquille et pur qui ne reflétait encore que le ciel. J'en ai vu d'autres qui laissaient toutes les ordures du dehors y tomber sans se douter de rien. C'est bien difficile, c'est parfois impossible de voir au fond de cette eau dormante, et c'est à cause de cela qu'on ne saurait trop s'en préoccuper.

C'est ce qui m'arriva. Comme ma grand'mère n'avait eu qu'un soin, celui de combattre en moi le penchant superstitieux, je ne pouvais croire aux miracles et je n'aurais pas osé croire non plus à la divinité de Jésus. Mais je l'aimais quand même, cette divinité, et je me disais: « Puisque toute religion est une fiction, faisons un roman qui soit une religion ou une religion qui soit un roman. Je ne crois pas à mes romans, mais ils me donnent autant de bonheur que si j'y croyais. D'ailleurs, s'il m'arrive d'y croire de temps en temps personne ne le saura, personne ne contrariera mon illusion en me prouvant que je rêve. »

Et voilà qu'en rêvant la nuit, il me vint une figure et un nom. Le nom ne signifiait rien que je sache: c'était un assemblage fortuit de syllabes comme il s'en forme dans les songes. Mon fantôme s'appelait Corambé, et ce nom lui resta. Il devint le titre de mon roman et le dieu de ma religion.

En commençant à parler de Corambé, je commence à parler non-seulement de ma vie poétique, que ce type a remplie si longtemps dans le secret de mes rêves, mais encore de ma vie morale, qui ne faisait qu'une avec la première. Corambé n'était pas, à vrai dire, un simple personnage de roman, c'était la forme qu'avait prise et que garda longtemps mon idéal religieux.

De toutes les religions qu'on me faisait passer en revue comme une étude historique pure et simple, sans m'engager à en adopter aucune, il n'y en avait aucune, en effet, qui me satisfît complétement, et toutes m'attiraient par quelque endroit. Jésus-Christ était bien pour moi le type d'une perfection supérieure à toutes les autres; mais la religion qui me défendait, au nom de Jésus, d'aimer les autres philosophes, les autres dieux, les autres saints de {CL 18} l'antiquité, me gênait et m'étouffait pour ainsi dire. Il me fallait L'Iliade et La Jérusalem dans mes fictions. Corambé se créa tout seul dans mon cerveau. Il était pur et charitable comme Jésus, rayonnant et beau {Presse 17/3/1855 2} comme Gabriel; mais il lui fallait un peu de la grâce des nymphes et de la poésie d'Orphée. Il avait donc des formes moins austères que le dieu des chrétiens et un sentiment plus spiritualisé ac que ceux {Lub 813} d'Homère. Et puis il me fallait le compléter en le vêtant ad en femme à l'occasion, car ce que j'avais le mieux aimé, le mieux compris jusqu'alors, c'était une femme, c'était ma mère. Ce fut donc souvent sous les traits d'une femme qu'il m'apparut. En somme, il n'avait pas de sexe et revêtait toute sorte ae d'aspects différents.

Il y avait des déesses païennes que je chérissais: la sage Pallas, la chaste Diane, Iris, Hébé, Flore, les muses, les nymphes; c'étaient là des êtres charmants dont je ne voulais pas me laisser priver par le christianisme. Il fallait que Corambé eût tous les attributs de la beauté physique et morale, le don de l'éloquence, le charme tout-puissant des arts, la magie de l'improvisation musicale surtout; je voulais l'aimer comme un ami, comme une sœur, en même temps que le révérer comme un dieu. Je ne voulais pas le craindre, et, à cet effet, je souhaitais qu'il eût quelques-unes de nos erreurs et de nos faiblesses.

Je cherchai celle qui pourrait se concilier avec sa perfection, et je trouvai l'excès de l'indulgence et de la bonté. Ceci me plut particulièrement, et son existence, en se déroulant dans mon imagination (je n'oserais dire par l'effet de ma volonté, tant ces rêves me parurent bientôt se formuler d'eux-mêmes), m'offrit une série d'épreuves, de souffrances, de persécutions et de martyres. J'appelais livre ou chant chacune de ses phases d'humanité, car il devenait homme ou femme en touchant la terre, et quelquefois le dieu supérieur et tout-puissant dont il n'était, après tout, {CL 19} qu'un ministre céleste, préposé au gouvernement moral de notre planète, prolongeait son exil parmi nous, pour le punir de trop d'amour et de miséricorde envers nous.

Dans chacun de ces chants (je crois bien que mon poëme en a eu au moins mille sans que j'aie été tentée d'en écrire une ligne), un monde de personnages nouveaux se groupait autour de Corambé. Tous étaient bons. Il y avait des méchants qu'on ne voyait jamais (je ne voulais pas les faire paraître), mais dont la malice et la folie se révélaient par des images de désastre et des tableaux de désolation. Corambé consolait et réparait sans cesse. Je le voyais, entouré d'êtres mélancoliques et tendres, qu'il charmait de sa parole et de son chant, dans des paysages délicieux, écoutant le récit de leurs peines et les ramenant au bonheur par la vertu.

{Lub 814} D'abord je me rendis bien compte de cette sorte de travail inédit; mais, au bout de très-peu de temps, de très-peu de jours même, car les jours comptent triple dans l'enfance, je me sentis possédée par mon sujet bien plus qu'il n'était possédé par moi. Le rêve arriva à une sorte d'hallucination douce, mais si fréquente et si complète parfois, que j'en étais comme ravie hors du monde réel.

D'ailleurs, le monde réel se plia bientôt à ma fantaisie. Il s'arrangea à mon usage. Nous avions, aux champs, mon frère, Liset et moi, plusieurs amis, filles et garçons, que nous allions trouver tour à tour pour jouer, courir, marauder ou grimper avec eux. J'allais, quant à moi, plus souvent avec les filles d'un de nos métayers, Marie et Solange, qui étaient un peu plus jeunes de fait et plus enfants que moi par caractère. Presque tous les jours, de midi à deux heures, c'était l'heure de ma récréation permise, je courais à la métairie et je trouvais mes jeunes amies occupées à soigner leurs agneaux, à chercher les œufs de leurs poules, épars dans les buissons, à cueillir les fruits du verger, ou à {CL 20} garder les ouailles, comme on dit chez nous, ou à faire de la feuille pour leur provision d'hiver, suivant la saison. Elles af étaient toujours à l'ouvrage, et je les aidais avec ardeur afin d'avoir le plaisir d'être avec elles. Marie était une enfant fort sage et fort simple. La plus jeune, Solange, était assez volontaire et nous cédions à toutes ses fantaisies. Ma grand'mère était fort aise que je prisse de l'exercice avec elles, mais elle disait qu'elle ne concevait pas le plaisir que je pouvais trouver, moi qui faisais de si belles descriptions et qui asseyais la lune dans une nacelle d'argent, avec ces petites paysannes crottées, avec leurs dindons et leurs chèvres.

Moi, j'avais le secret de mon plaisir et je le gardais pour moi seule. Le verger où je passais une partie de ma journée était charmant (il l'est encore), et c'est là que mon roman venait en plein me trouver. Quoique ce verger fût bien assez joli par lui-même, je ne le voyais pas précisément tel qu'il était. Mon imagination faisait d'une butte de trois pieds une montagne, de quelques arbres une forêt, du sentier qui allait de la maison à la prairie le chemin qui mène au bout du monde, de la mare bordée de vieux saules un gouffre ou un lac, à {Lub 815} volonté; et je voyais mes personnages agir, courir ensemble, ou marcher seuls en rêvant, ou dormir à l'ombre, ou danser en chantant dans ce paradis de mes songes creux. La causette de Marie et de Solange ne me dérangeait nullement. Leur naïveté, leurs occupations champêtres ne détruisaient rien à l'harmonie de mes tableaux, et je voyais en elles deux petites nymphes déguisées en villageoises et préparant tout pour l'arrivée de Corambé, qui passerait par là un jour ou l'autre et les rendrait à leur forme et à leur destinée véritables.

D'ailleurs, quand elles parvenaient à me distraire et à faire disparaître mes fantômes, je ne leur en savais pas mauvais gré, puisque j'arrivais à m'amuser pour mon {CL 21} propre compte avec elles. Quand j'étais là, les parents se montraient fort tolérants sur le temps perdu, et bien souvent nous laissions quenouilles ag, moutons ou corbeilles pour nous livrer à une gymnastique échevelée, grimper sur les arbres, ou nous précipiter du haut en bas des montagnes de gerbes entassées dans la grange, jeu délirant, je l'avoue, et que j'aimerais encore si je l'osais.

Ces accès de mouvement et de gaieté enivrante me faisaient trouver plus de plaisir encore à retomber dans mes contemplations, et mon cerveau excité physiquement était plus riche d'images et de fantaisie. Je le sentais et ne m'en faisais pas faute.

Une autre amitié que je cultivais moins assidûment, mais où mon frère m'entraînait quelquefois, avait pour objet un gardeur de cochons qui s'appelait Plaisir. J'ai toujours eu peur et horreur des cochons, et pourtant, peut-être précisément à cause de cela, Plaisir, par la grande autorité qu'il exerçait sur ces méchants et stupides animaux, m'inspirait une sorte de respect et de crainte. On sait que c'est une dangereuse compagnie qu'un troupeau de porcs. Ces animaux ont entre eux un étrange instinct de solidarité. Si l'on offense un individu isolé, il jette un certain cri d'alarme qui réunit instantanément tous les autres. Ils forment alors un bataillon qui se resserre sur l'ennemi commun et le force à chercher son salut sur un arbre; car, de courir, il n'y faut point songer, le porc maigre étant, comme le sanglier, un des plus rapides et des plus infatigables jarrets qui existent.

Ce n'était donc pas sans terreur que je me trouvais {Lub 816} aux champs au milieu de ces animaux, et jamais l'habitude n'a pu me corriger de cette faiblesse. Pourtant Plaisir craignait si peu et dominait tellement ceux auxquels il avait affaire, leur arrachant sous le nez les féveroles et autres tubercules sucrés qu'ils trouvent dans nos terres, que je travaillais à {CL 22} m'aguerrir auprès de lui. La plus terrible bête de son troupeau, c'était le maître porc, celui que nos pastours appellent le cadi, et qui, réservé à la reproduction de l'espèce, atteint souvent une taille et une force extraordinaires. Il l'avait si bien dompté, qu'il le chevauchait avec une sorte de maestria sauvage et burlesque.

Walter Scott n'a pas dédaigné d'introduire un gardeur de pourceaux dans Ivanhoe, un de ses plus beaux romans. Il aurait pu tirer un grand parti de la figure de Plaisir. C'était un être tout primitif, doué des talents de sa condition barbare. Il abattait les oiseaux à coups de pierre avec une habileté remarquable et s'exerçait principalement sur les pies et les corneilles qui viennent, en hiver, faire société intime avec les troupeaux de porcs. On les voit se tenir autour de ces animaux pour chercher dans les mottes de terre qu'ils retournent avec leur nez les vers et les graines en germe. Cela donne lieu à de grandes altercations entre ces oiseaux querelleurs; celui qui a saisi la proie saute sur le cochon pour la dévorer à son aise, les autres l'y suivent pour le houspiller, et le dos ou la tête du quadrupède indifférent et impassible devient le théâtre de luttes acharnées. Quelquefois aussi, ces oiseaux se perchent ur le pourceau seulement pour se réchauffer, ou pour mieux observer le travail dont ils doivent profiter. J'ai vu souvent une vieille corneille cendrée se tenir ainsi sur une jambe, d'un air pensif et mélancolique, tandis que le pourceau labourait profondément le sol et, par ses efforts, lui imprimait des secousses qui la dérangeaient, l'impatientaient et la décidaient à le corriger à coups de bec.

C'est dans cette farouche société que Plaisir passait sa vie; vêtu en toute saison d'une blouse et d'un pantalon de toile de chanvre qui avaient pris, ainsi que ses mains et ses pieds nus, la couleur et la dureté de la terre, se nourrissant, comme son troupeau, des racines qui rampent sous le {CL 23} sol ah armé de l'instrument de fer triangulaire qui est le sceptre des porchers et qui leur sert {Lub 817} à creuser et à couper sous les sillons, toujours enfoui dans quelque trou, ou rampant sous les buissons pour y poursuivre les serpents et les belettes, ai quand un pâle soleil {Presse 17/3/1855 3} d'hiver faisait briller le givre sur les grands terrains bouleversés par l'incessant travail de son troupeau, il me faisait l'effet du gnome de la glèbe, une sorte de diable entre l'homme et le loup-garou, entre l'animal et la plante*.

* Il devenait aj plus fantastique encore lorsqu'il disait la chanson des porchers. C'est un chant étrange qui doit, comme celui des bouviers de notre pays, remonter à la plus haute antoquité. On ne saurait le traduire musicalement, parce qu'il est entrecoupé et mêlé de cris et d'appels au troupeau, qui relient entre elles des phrases au rythme fixe et d'une intonation bizarre. Cela est triste, railleur et d'un caractère effrayant comme un sabbat de divinités gauloises. Comme tous les chants conservés par la tradition orale, il y a un nombre infini de versions, qui se modifient encore au gré du pastour, mais qui restent toujours dans la couleur primitive. Les paroles sont improvisées le plus souvent. On y entend revenir cependant ces trois vers consacrés:


Quand les porcs ont l'ailland (le gland),
Les maît's avont l'argent,
Les porchers le pain blanc
...

et ceux-ci:

Que le diable et la mort
Emportiont tous les porcs!
Les petits et les grands,
La mère et les enfans
.

Je parlerai ailleurs du Chant des bœufs, qui est une chose superbe et de la même antiquité.

À la lisière du champ où nous vîmes Plaisir pendant toute une saison, le fossé était couvert d'une belle végétation. Sous les branches pendantes des vieux ormes et l'entrecroisement des ronces, nous autres enfants, nous pouvions marcher à couvert, et il y avait des creux secs et sablonneux avec des revers de mousse et d'herbes desséchées, où nous pouvions nous enir à l'abri du froid ou de la pluie. {CL 24} Ces retraites me plaisaient singulièrement, surtout quand j'y étais seule et que les rouges-gorges et les roitelets, enhardis par mon immobilité, venaient curieusement tout auprès de moi pour me regarder. J'aimais à me glisser inaperçue sous les berceaux naturels de la haie, et il me semblait entrer {Lub 818} dans le royaume des esprits de la terre. J'eus là beaucoup d'inspirations pour mon roman. Corambé vint m'y trouver sous la figure d'un gardeur de pourceaux, comme Apollon chez Admète. Il était pauvre et poudreux comme Plaisir; seulement sa figure était autre et laissait quelquefois jaillir un rayon où je reconnaissais le dieu exilé, condamné à d'obscurs et mélancoliques labeurs. Le cadi était un méchant génie attaché à ses pas et dompté, malgré sa malice, par l'irrésistible influence de l'esprit de patience et de bonté. Les petits oiseaux du buisson étaient des sylphes qui venaient le plaindre et le consoler dans leur joli langage, et il souriait encore sous ses aillons, le pauvre pénitent volontaire. Il me racontait qu'il expiait la peine de quelqu'un, et que son abjection était destinée à racheter l'âme d'un de mes personnages coupable de faste ou d'indolence.

Dans le fossé couvert, je vis aussi apparaître un personnage mythologique qui m'avait fait une grande impression dans ma première enfance. C'était l'antique Démogorgon, le génie du sein de la terre, ce petit vieillard crasseux, couvert de mousse, pâle et défiguré, qui habitait les entrailles du globe. Ainsi le décrivait mon vieux traité de mythologie, lequel assurait, en outre, que Démogorgon s'ennuyait beaucoup dans cette triste solitude. L'idée m'était bien venue quelquefois de faire un grand trou pour essayer de le délivrer, mais, lorsque je commençai à rêver de Corambé, je n'ajoutais plus foi aux fables païennes, et Démogorgon ne fut plus pour moi qu'un personnage fantastique dans mon roman. Je l'évoquais pour qu'il vînt s'entretenir avec Corambé, qui {CL 25} lui racontait les malheurs des hommes et le consolait ainsi de vivre parmi les débris ignorés de l'antique création.

Peu à peu la fiction qui m'absorbait prit un tel caractère de conviction que j'éprouvai le besoin de me créer une sorte de culte.

Pendant près d'un mois, je parvins à me dérober à toute surveillance durant mes heures de récréation et à me rendre si complétement invisible, que personne n'eût pu dire ce que je devenais à ces heures-là, pas même Rose, qui pourtant ne me laissait guère tranquille, pas même Liset, qui me suivait partout comme un petit chien ak.

{Lub 819} Voici ce que j'avais imaginé. Je voulais élever un autel à Corambé al. J'avais d'abord pensé à la grotte en rocaille qui subsistait encore, quoique ruinée et abandonnée; mais le chemin en était trop connu am et trop fréquenté. Le petit bois du jardin offrait alors certaines parties d'un fourré impénétrable. Les arbres, encore jeunes, n'avaient pas étouffé la végétation des aubépines et des troënes qui croissaient à leur pied an, serrés comme les herbes d'une prairie. Dans ces massifs qui côtoyaient ao les allées de charmille, j'avais donc remarqué qu'il en était plusieurs où personne n'entrait jamais et où l'œil ne pouvait pénétrer durant la saison des feuilles. Je choisis le plus épais, je m'y frayai un passage et je cherchai dans le milieu un endroit convenable. Il s'y trouva, comme s'il m'eût attendue. Au centre du fourré s'élevaient trois beaux érables sortant d'un même pied, et la végétation des arbustes étouffés par leur ombrage s'arrondissait à l'entour pour former comme une petite salle de verdure. La terre était jonchée d'une mousse magnifique, et, de quelque côté qu'on ortât les yeux, on ne pouvait rien distinguer dans l'interstice des broussailles à deux pas de soi. J'étais donc là aussi seule, aussi cachée qu'au fond d'une forêt vierge, tandis qu'à trente ou quarante {CL 26} pieds de moi couraient des allées sinueuses où l'on pouvait passer et repasser sans se douter de rien.

Il s'agissait de décorer à mon gré le temple que je venais de découvrir. Pour cela, je procédai comme ma mère me l'avait enseigné. Je me mis à la recherche des beaux cailloux, des coquillages variés, des plus fraîches mousses. J'élevai une sorte d'autel au pied de l'arbre principal, et au-dessus je suspendis une couronne de fleurs que des chapelets de coquilles roses et blanches faisaient descendre comme un lustre des branches de l'érable. Je coupai quelques broussailles, de manière à donner une forme régulière à la petite rotonde et j'y entrelaçai du lierre et de la mousse defaçon à former une sorte de colonnade de verdure avec des arcades, d'où pendaient d'autres petites couronnes, des nids d'oiseaux, de gros coquillages en guise de lampes, etc. Enfin je parvins à faire quelque chose qui me parut si joli, que la tête m'en tournait et que j'en rêvais la nuit.

Tout cela fut accompli avec les plus grandes précautions. On me voyait bien fureter dans le bois, chercher {Lub 820} des nids et des coquillages, mais j'avais l'air de ne ramasser ces petites trouvailles que par désœuvrement, et, quand j'en avais rempli mon tablier, j'attendais d'être bien seule pour pénétrer dans le taillis. Ce n'était pas sans peine et sans égratignures, car je ne voulais pas me frayer un passage qui pût me trahir, et chaque fois je m'introduisais par un côté différent, afin de ne pas laisser de traces en foulant un sentier et en brisant des arbrisseaux par des tentatives répétées.

Quand tout fut prêt, je pris possession de mon empire avec délices et, m'asseyant sur la mousse, je me mis à rêver aux sacrifices que j'offrirais à la divinité de mon invention. Tuer des animaux ou seulement des insectes pour lui complaire me parut barbare et indigne de sa douceur {CL 27} idéale. Je m'avisai de faire tout le contraire, c'est-à-dire de rendre sur son autel la vie et la liberté à toutes les bêtes que je pourrais me procurer. Je me mis donc à la recherche des papillons, des lézards, des petites grenouilles vertes et des oiseaux; ces derniers ne me manquaient pas, j'avais toujours une foule d'engins tendus de tous côtés, au moyen desquels j'en attrapais souvent. Liset en prenait dans les champs et me les apportait; de sorte que, tant que dura mon culte mystérieux, je pus tous les jours délivrer, en l'honneur de Corambé, une hirondelle, un rouge-gorge, un chardonneret, voire un moineau franc. Les moindres offrandes, les papillons et les scarabées comptaient ap à peine. Je les mettais dans une boîte que je déposais sur l'autel et que j'ouvrais, après avoir invoqué le bon génie de la liberté et de la protection. Je crois que j'étais evenue un peu comme ce pauvre fou qui cherchait la tendresse. Je la demandais aux bois, aux plantes, au soleil, aux animaux, et à je ne sais quel être invisible qui n'existait que dans mes rêves.

Je n'étais plus assez enfant pour espérer de voir apparaître ce génie: cependant, à mesure que je matérialisais pour ainsi dire mon poëme, je sentais mon imagination s'exalter singulièrement. J'étais également près de la dévotion et de l'idolâtrie, car mon idéal était aussi bien chrétien que païen, et il vint un moment où, en accourant le matin pour visiter mon temple, j'attachais malgré moi une idée superstitieuse au moindre dérangement. Si un merle avait gratté mon autel, si le pivert {Lub 821} avait entaillé mon arbre, si quelque coquille s'était détachée du feston ou quelque fleur de la couronne, je voulais que, pendant la nuit, au clair de la lune, les nymphes ou les anges fussent venus danser et folâtrer en l'honneur de mon bon génie. Chaque jour je renouvelais toutes les fleurs et je faisais des anciennes couronnes un amas qui jonchait l'autel. {CL 28} Quand, par hasard, la fauvette ou le pinson auquel je donnais la volée, au lieu de fuir effarouché dans le taillis, montait sur l'arbre et s'y reposait un instant, j'étais ravie; il me semblait que mon offrande avait été plus agréable encore que de coutume. J'avais là des rêveries délicieuses, et, tout en cherchant le merveilleux qui avait pour moi tant d'attrait, je commençais à trouver l'idée vague et le sentiment net d'une religion selon mon cœur.

Malheureusement (heureusement peut-être pour ma petite cervelle, qui n'était pas assez forte pour creuser ce problème), mon asile fut découvert. À force de me chercher, Liset arriva jusqu'à moi, et, tout ébaubi à la vue de mon temple, il s'écria: « Ah! Mam'selle, le joli petit reposoir de la Fête-Dieu! »

Il ne vit qu'un amusement dans mon mystère et il voulut m'aider à l'embellir encore. Mais le charme était détruit. Du moment que d'autres pas que les miens eurent foulé ce sanctuaire, Corambé ne l'habita plus. Les dryades et les chérubins l'abandonnèrent, et il me sembla que mes cérémonies et mes sacrifices n'étaient plus qu'une puérilité que je n'avais pas prise moi-même au sérieux. Je détruisis le temple avec autant de soin que je l'avais édifié. Je creusai au pied de l'arbre et j'enterrai les guirlandes, les coquillages et tous les ornements champêtres sous les débris de l'autel.


Variantes

  1. Ce titre figure à partir de l'édition {CL}
  2. Chapitre 4 — 6e volume {Ms}Chapitre huitième {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ TROISIÈME PARTIE / (Suite) / DE L'ENFANCE À LA JEUNESSE /1810-1819 / VIII {CL}(Nous retrouvons ici le manuscrit.)
  3. maître. — [Rose rayé]. — Premiers {Ms}maître. — Premiers {Presse} et sq.
  4. porcher. — Équitation excentrique. — Le fossé {Ms} ♦ porcher. — Le fossé {Presse} et sq.
  5. ont [été les explicateurs et déducteurs rayé] posé la meilleure {Ms} ont posé la meilleure {Presse} et sq.
  6. peut être une, la théorie du progrès peut tracer {Ms} ♦ peut être la théorie du progrès; elle peut tracer {Presse} et sq.
  7. De mon temps, on apprenait l'histoire au hazard, sans ordre véritable et sans résultat pour la logique et la certitude de l'intelligence. On procédait {Ms}De mon temps on procédait {Presse} et sq.
  8. dans [l'esprit des philosophes rayé] les cerveaux philosophiques {Ms}dans les cerveaux philosophiques {Presse} et sq.
  9. un [autre caractère rayé bleu] attrait différent (add. bleu) {Ms}un attrait différent {Presse} et sq.
  10. à mon émotion[, à mon enthousiasme pour rayé] {Ms}à mon émotion {Presse} et sq.
  11. Mais c'étaient {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ Mais c'était {CL}
  12. composant à mesure musique {Ms}composant musique {Presse} et sq.
  13. que [nous avions à étudier à Paris ou rayé] m'apportait {Ms}que m'apportait {Presse} et sq.
  14. s'appelait M. Gaillac {Ms}s'appelait M. Gayard {Presse} et sq. (Nous ne signalerons plus cette variante.)
  15. sans élévation aucune {Ms}sans élévation {Presse} et sq.
  16. il ne m'enseignait [aucun doigté, et mes mains étant trop petites, je n'ai jamais pu frapper un accord, j'étais obligée de m'inventer des facilités <passage illisible> dont il ne s'appercevait même pas <mot illisible> et quand j'attrapais un pas, juste la distance c'était de l'adresse et du bonheur <mot illisible> rayé bleu] rien {Ms}il ne m'enseignait rien {Presse} et sq.
  17. savais plus. [C'est au point que je ne savais plus le nom des notes et que je ne les sais pas encore, celles qui dépassent la portée musicale je les connais sur le piano, mais je les trouve instinctivement à la lecture, mais il me faudrait plus de tems pour les nommer que pour les chanter et les frapper sur l'instrument rayé bleu] {Ms}savais plus. {Presse} et sq.
  18. en latin de cuisine {Ms}en latin de collège {Presse} et sq.
  19. pas d'indentation avant Et dans {Presse}, {Lub}
  20. aux autres. Voilà pourquoi je ne me suis jamais trouvée infatuée, comme beaucoup de mes confrères, de la grandeur de la profession d'artiste (littéraire ou autre,) et pourquoi je ne saurais admettre, avec une école nouvelle, que l'art puisse être un sacerdoce dans les tems modernes. L'art me semble {Ms}aux autres. L'art me semble {Presse} et sq.
  21. de même que [l'amour et rayé] toutes {Ms}de même que toutes {Presse} et sq.
  22. la seule preuve irréfutable {Ms}une preuve irréfutable {Presse} et sq.
  23. ce but c'est Dieu. Les athées que j'ai connus (et ils sont en bien petit nombre, n'ont jamais pu répondre à cette objection de ma part qu'en niant l'aspiration éternelle de l'homme. C'est nier l'existence de l'homme en voulant nier celle de Dieu. L'art est donc {Ms}ce but est Dieu. / L'art est donc et sq.
  24. Ici 9 lignes fortement raturées, illisibles. {Ms}
  25. Dans {Ms}, tout ce qui suit est une copie de la main d'Émile Aucante, jusqu'à: Liset, qui me suivait partout comme un petit chien. (voir {CL 25; Lub 818}). On y trouve quelques corrections manuscrites de George Sand ({Ms}, f° 54 à 71).
  26. jamais dit. » J'étais {Presse} ♦ jamais dit. » / J'étais {CL}
  27. abandonné à lui-même, {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ abandonnée à moi-même, {CL} ♦ abandonné à moi-même, {Lub} (probablement par inadvertance)
  28. Cette note apparaît pour la première fois dans l'édition {Lecou}
  29. sentiment plus profond et plus sublime {Ms}sentiment plus spiritualisé {Presse} et sq.
  30. en le vêtissant {Ms}, {Presse} ♦ en le vêtant {Lecou} et sq.
  31. toutes sortes {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ toute sorte {CL}
  32. d'hiver, suivant la saison. Elles {Ms}d'hiver. Suivant la saison, elles {Presse} à {CL} ♦ d'hiver, suivant la saison. Elles {Lub} (1ère leçon maintenue car plus logique; nous le suivons.)
  33. nous laissions là quenouilles {Ms}nous laissions quenouilles {Presse} et sq.
  34. sous le sol {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ sur le sol {CL}, {Lub} (rétablissant la 1ère leçon; nous ne le suivons pas)
  35. les serpents ou les belettes, {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ les serpents et les belettes, {CL}
  36. Cette note apparaît pour la première fois dans l'édition {Lecou}.
  37. Fin de la copie de la main d'Aucante (voir début {CL 13; Lub 808}). {Ms}
  38. Je voulais vouer à Corambé une espèce de culte et lui élevez un autel {Ms}Je voulais élever un autel à Corambé {Presse} et sq.
  39. était encore trop connu {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ était trop connu {CL}
  40. à leurs pieds {Ms}à leur pied {Presse} et sq.
  41. massifs que côtoyaient{Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ massifs qui côtoyaient {CL}
  42. les beaux papillons de nacre et d'azur comptaient {Ms}les papillons et les scarabées comptaient {Presse} et sq.

Notes

  1. Voir la note en tête du chapitre VI. {Presse} donne bien Chapitre huitième et non Chapitre neuvième