GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{LP T.? ?; CL T.2 [287]; Lub T.1 [641]} TROISIÈME PARTIE
De l'enfance � la jeunesse
1810-1819 a

{Presse 22/3/1855 1; CL T.3 [59]; Lub T.1 [848]} X b 1

Malgr� toutes ces distractions et tous ces �tourdissements, je nourrissais toujours au fond de mon cœur une sorte de passion malheureuse pour ma m�re absente. De notre cher roman, il n'�tait plus question le moins du monde, elle l'avait bien parfaitement oubli�, mais moi j'y pensais toujours. Je protestais toujours, dans le secret de ma pens�e, contre le sort que ma pauvre bonne maman tenait tant � m'assurer. Instruction, talents et fortune, je persistais � tout m�priser. J'aspirais � revoir ma m�re, � lui reparler de nos projets, � lui dire que j'�tais r�solue � partager son sort, � �tre ignorante, laborieuse et pauvre avec elle. Les jours o� cette r�solution me dominait, je n�gligeais bien mes le�ons, il faut l'avouer. J'�tais grond�e, et ma r�solution n'en �tait que plus obstin�e. Un jour que 'avais �t� r�primand�e plus que de coutume, en sortant de la chambre de ma bonne maman, je jetai par terre mon livre et mes cahiers, je pris ma t�te dans mes deux mains, et me croyant seule, je m'�criai: « Eh bien, oui, c'est vrai, je {CL 60} n'�tudie pas parce que je ne veux pas. J'ai mes raisons. On les saura plus tard. »

Julie �tait derri�re moi. « Vous �tes une mauvaise enfant, me dit-elle, et ce que vous pensez est pire que {Lub 849} tout ce que vous faites. On vous pardonnerait d'�tre dissip�e et paresseuse, mais puisque c'est par ent�tement et par mauvaise volont� que vous m�contentez votre bonne maman, vous m�riteriez qu'elle vous renvoy�t chez votre m�re.

— Ma m�re! M'�criai-je; me renvoyer chez ma m�re! Mais c'est tout ce que je d�sire, tout ce que je demande!

— Allons, vous n'y pensez pas, reprit Julie; vous parlez comme cela parce que vous avez de la col�re, vous �tes folle dans ce moment-ci. Je me garderai bien de r�p�ter ce qui vient de vous �chapper, car vous seriez bien d�sol�e plus tard qu'on vous e�t prise au mot.

— Julie, lui r�pondis-je avec v�h�mence, je vous entends tr�s-bien et je vous connais. Je sais que quand vous promettez de vous taire, c'est que vous �tes bien d�cid�e � parler. Je sais que quand vous m'interrogez avec douceur et c�linerie, c'est pour m'arracher ce que je pense et pour l'envenimer aux yeux de ma bonne maman. Je sais que dans ce moment-ci vous m'excitez � dessein, et que vous profitez de ma col�re et de mon ennui pour m'en faire dire encore plus. Eh bien c, vous n'avez pas besoin de vous donner tant de peine. Ce que j'ai dans le cœur vous le saurez, et je vous autorise � le faire savoir. Je ne veux d plus rester ici, je veux retourner avec ma m�re et je ne veux plus qu'on me s�pare d'elle. C'est elle que j'aime et que j'aimerai toujours, quoi qu'on fasse. C'est � elle seule que je veux ob�ir. Allez, d�p�chez-vous, faites votre d�position, je suis pr�te � la signer e. »

La pauvre fille faisait-elle r�ellement aupr�s de moi le m�tier d'agent provocateur f? Dans la forme, oui, dans le fond, non certainement. Elle ne me voulait que du bien. {CL 61} Elle n'avait pas de m�chant plaisir � me faire gronder, elle s'affligeait avec ma grand'm�re de ce qu'elles appelaient mon ingratitude. Comment e�t-elle compris que ce n'�tait pas � l'affection que j'�tais ingrate, mais � la fortune que j'�tais rebelle? Ma grand'm�re elle-m�me s'y trompait, Julie pouvait bien s'y tromper. Mais il est certain que cette fille avait dans le regard, dans la voix, dans toutes ses mani�res de proc�der, une sorte de prudence insinuante qui sentait la ruse et la duplicit�, et cela m'�tait souverainement antipathique.

{Lub 850} Quoi qu'il en soit, c'�tait la premi�re fois g que je la poussais � bout et que j'irritais son amour-propre. Elle fut mortifi�e et elle eut vraiment un mouvement de vengeance, car elle alla sur-le-champ rapporter ma d�clamation dans les termes les plus noirs. Elle fit l� une mauvaise action, car elle frappait au cœur cette pauvre bonne maman qui n'�tait gu�re de force � lutter contre de nouvelles douleurs maternelles. La moindre peine ravivait en elle la m�moire de son fils, et ses �ternels regrets, et sa d�vorante jalousie h contre la femme qui lui avait disput� le cœur de ce fils ador� et qui i maintenant lui disputait le mien. Elle eut, j'en suis s�re, un chagrin mortel, et si elle me l'e�t laiss� voir, je serais tomb�e � ses pieds, j'aurais abjur� toutes mes r�bellions, car j'ai toujours �t� d'une excessive faiblesse devant les douleurs que j'ai caus�es, et mes retours m'ont toujours plus li�e que mes r�sistances ne m'avaient d�li�e. Mais on me cacha bien soigneusement l'�motion de ma bonne maman, et Julie, irrit�e personnellement contre moi, ne vint pas me dire: « Ele souffre, allez la consoler. »

On prit un mauvais syst�me, on r�solut de s'armer de rigueur, on crut m'effrayer en me prenant au mot, et mademoiselle Julie vint m'annoncer que j'eusse � me retirer dans ma chambre et � n'en pas sortir. « Vous ne {CL 62} reverrez plus votre grand'm�re, me dit-elle, puisque vous la d�testez. Elle vous abandonne; dans trois jours vous partirez pour Paris.

— Vous en avez menti, lui r�pondis-je, menti avec m�chancet�, je ne d�teste pas ma grand'm�re, je l'aime, mais j'aime mieux ma m�re, et si l'on me rend � elle, je remercie le bon Dieu, ma grand'm�re et m�me vous. »

L�-dessus je lui tournai le dos et montai r�sol�ment� ma chambre. J'y trouvai Rose, qui ne savait pas ce qui venait de se passer et qui ne me dit rien. Je n'avais ni sali ni d�chir� mes hardes ce jour-l�, le reste la pr�occupait fort peu. Je passai trois grands jours sans voir ma bonne maman. On me faisait descendre pour prendre mes repas quand elle avait fini les siens. On me disait d'aller prendre l'air au jardin quand elle �tait enferm�e, et elle s'enfermait ou on l'enfermait bien litt�ralement, car lorsque je passais devant la porte de sa chambre, j'entendais mettre la barre de fer avec une sorte d'affectation, {Lub 851} comme pour me dire que tout repentir serait inutile.

Les domestiques semblaient constern�s, mais j'avais un air si hautain apparemment, que pas un n'osa me parler, pas m�me Rose, qui devinait peut-�tre bien qu'on s'y prenait mal et qu'on excitait mon amour pour ma m�re au lieu de le refroidir. Deschartres, soit par syst�me, soit par suite d'une appr�ciation analogue � celle de Rose, ne me parlait pas non plus. Il ne fut pas question de le�ons ni d'�tudes j pendant ce temps d'expiation.

Voulait-on me faire sentir l'ennui de l'inaction. On aurait d� me priver de livres, mais on ne me priva de rien, et, voyant la biblioth�que � ma disposition comme de coutume, je ne sentis pas la moindre envie de me distraire par la lecture. On ne d�sire que ce qu'on ne peut pas avoir.

Je passai donc k ces trois jours dans un t�te-�-t�te assidu avec Coramb�. Je lui racontai mes peines, et il m'en consola {CL 63} en me donnant raison. Je souffrais pour l'amour de ma m�re, pour l'amour de l'humilit� et de la pauvret�. Je croyais remplir un grand r�le, accomplir une mission sainte, et comme tous les enfants romanesques, je me drapais un peu dans mon calme et dans ma pers�v�rance. On avait voulu m'humilier en m'isolant comme un l�preux dans cette maison o� d'ordinaire tout me riait; je ne m'en rehaussais que plus dans ma propre estime. Je faisais de belles r�flexions philosophiques sur l'esclavage moral de ces valets qui n'osaient plus m'adresser la parole, et qui, la veille, se fussent mis � mes pieds parce que j'�tais en faveur. Je comparais ma disgr�ce � toutes les grandes disgr�ces historiques que j'avais lues et je me comparais moi-m�me aux grands citoyens des r�publiques ingrates, condamn�s � l'ostracisme pour leurs vertus.

Mais l'orgueil est une sotte compagnie, et je m'en lassai en un jour. « C'est fort b�te, tout cela, me dis-je, voyons clair sur les autres et sur moi-m�me, et concluons. On ne pr�pare pas mon d�part, on n'a pas envie de me rendre � ma m�re. On veut m'�prouver, on croit que je demanderai � rester ici l. On ne sait pas combien je d�sire vivre avec elle, et il faut qu'on le voie. Restons impassible. Que ma claustration dure huit jours, quinze {Lub 852} jours, un mois, peu importe. Quand on se sera bien assur� que je ne change pas d'id�e, on me fera partir, et alors je m'expliquerai avec ma bonne maman; je lui dirai que je l'aime, et je le lui dirai si bien qu'elle me pardonnera et me rendra son amiti�. Pourquoi faut-il qu'elle me maudisse parce que je lui pr�f�re celle qui m'a mise au monde et que Dieu lui-m�me {Presse 22/3/1855 2} me commande de pr�f�rer � tout? Pourquoi croirait-elle que je suis ingrate, parce que je ne veux pas �tre �lev�e � sa mani�re et vivre de sa vie? � quoi lui suis-je utile ici? Je la vois de moins en moins. La soci�t� de ses femmes lui semble plus n�cessaire ou plus agr�able que la {CL 64} mienne, puisque c'est avec elles qu'elle passe le plus de temps. Si elle me garde ici, ce n'est pas pour elle certainement, c'est pour moi. Eh bien, ne suis-je pas un �tre libre, libre de choisir la vie et l'avenir qui lui conviennent m? Allons, il n'y a rien de tragique � ce qui m'arrive. Ma grand'm�re a voulu, par pure bont�, me rendre instruite et riche: moi je lui en suis tr�s-reconnaissante, mais je ne peux pas m'habituer � me passer de ma m�re. Mon cœur lui sacrifie tous les faux biens joyeusement. Elle m'en saura gr�, et Dieu m'en tiendra compte. Personne n'a sujet d'�tre irrit� contre moi, et ma bonne maman le reconna�tra si je puis parvenir jusqu'� elle et combattre les calomnies qui se sont gliss�es entre elle et moi. »

L�-dessus j'essayai d'entrer chez elle, mais je trouvai encore la porte barricad�e, et j'allai au jardin. J'y rencontrai une vieille femme pauvre � qui l'on avait permis de ramasser le bois mort. « Vous n'allez pas vite, la m�re, lui dis-je, pourquoi vos enfants ne vous aident-ils pas? — Ils sont aux champs, me dit-elle, et moi je ne peux plus me baisser pour ramasser ce qui est par terre, j'ai les reins trop vieux. » Je me mis � travailler pour elle, et comme elle n'osait toucher au bois mort sur pied, j'allai chercher une serpe pour abattre les arbrisseaux dess�ch�s et faire tomber les branches des arbres � ma port�e. J'�tais forte comme une paysanne, je fis bient�t un abatis splendide. Rien ne passionne comme le travail du corps quand une id�e ou un sentiment vous pousse. n La nuit vint que j'�tais encore � l'ouvrage, taillant, fagotant, liant, et faisant � la vieille une provision pour la semaine au lieu de sa provision de la journ�e qu'elle {Lub 853} aurait eu peine � enlever. J'avais oubli� de manger, et comme personne ne m'avertissait plus de rien, je ne songeais pas � me retirer. Enfin la faim me prit, la vieille �tait partie depuis longtemps. Je chargeai sur mes �paules un fardeau plus lourd que moi {CL 65} et je le portai � sa chaumi�re qui �tait au bout du hameau. J'�tais en nage et en sang, car la serpe m'avait plus d'une fois fendu les mains, et les ronces m'avaient fait une grande balafre au visage.

Mais la soir�e d'automne �tait superbe et les merles chantaient dans les buissons. J'ai toujours aim� particuli�rement le chant du merle; moins �clatant, moins original, moins vari� que celui du rossignol, il se rapproche davantage de nos formes musicales et il a des phrases d'une na�vet� rustique qu'on pourrait presque noter et chanter en y m�lant fort peu de nos conventions. Ce soir-l� ce chant me parut la voix m�me de Coramb� qui me soutenait et m'encourageait. Je pliais sous mon fardeau; je sentis, tant l'imagination gouverne nos facult�s, d�cupler ma force, et m�me une sorte de fra�cheur passer dans o mes membres bris�s. J'arrivai � la chaumi�re de la m�re Blin comme les premi�res �toiles brillaient dans le ciel encore rose. « Ah! Ma pauvre mignonne, me dit-elle, comme vous voil� fatigu�e! Vous prendrez du mal! — Non, lui dis-je, mais j'ai bien travaill� pour vous, et cela vaut un morceau de votre pain, car j'ai grand app�tit. » Elle me coupa, dans son pain noir et moisi, un grand morceau que je mangeai, assise sur une pierre � sa porte, tandis qu'elle couchait ses petits enfants p et disait ses pri�res. Son chien efflanqu� (tout paysan, si pauvre qu'il soit, a un chien ou plut�t une ombre de chien qui vit de maraude et n'en d�fend pas moins le mis�rable logis o� il n'est pas m�me abrit�), son chien, apr�s m'avoir beaucoup grond�e, s'apprivoisa � la vue de mon pain et vint partager ce modeste souper.

Jamais repas ne m'avait sembl� si bon, jamais heure plus douce et nature plus sereine. J'avais le cœur libre et l�ger, le corps dispos comme on l'a apr�s le travail. Je mangeais le pain du pauvre apr�s avoir fait la t�che du pauvre. « Et ce n'est pas une bonne action, comme on dit {CL 66} dans le vocabulaire orgueilleux des ch�teaux, pensais-je, c'est tout bonnement un premier acte de la vie de pauvret� que j'embrasse et que je commence. Me {Lub 854} voici enfin libre: plus de le�ons fastidieuses, plus de confitures �cœurantes qu'il faut trouver bonnes sous peine d'�tre ingrate, plus d'heures de convention pour manger, dormir ou s'amuser sans envie et sans besoin. La fin du jour a marqu� celle de mon travail. La faim seule m'a sonn� l'heure de mon repas; plus de laquais pour me tendre mon assiette et me l'enlever � sa fantaisie. À pr�sent voici les �toiles qui viennent, il fait bon, il fait frais; je suis lasse et je me repose, personne n'est l� pour me dire: “ mettez votre ch�le, ou rentrez, de crainte de vous enrhumer. ” Personne ne pense � moi, personne ne sait o� je suis; si je veux passer la nuit sur cette pierre il ne tient qu'� moi. Mais c'est l� le bonheur supr�me, et je ne con�ois pas que cela s'appelle une punition. »

Puis je pensai que bient�t je serais avec ma m�re, et je fis mes adieux tendres, mais joyeux, � la campagne, aux merles, aux buissons, aux �toiles, aux grands arbres. J'aimais la campagne, mais je ne savais pas que je ne pourrais jamais vivre ailleurs, je croyais qu'avec ma m�re le paradis serait partout. Je me r�jouissais de l'id�e que je lui serais utile, que ma force physique la dispenserait de toute fatigue. « C'est moi qui porterai son bois, qui ferai son feu, son lit, me disais-je. Nous n'aurons point de domestiques, point d'esclaves tyrans; nous nous appartiendrons, nous aurons enfin la libert� du pauvre. »

J'�tais dans une situation d'esprit vraiment d�licieuse, mais Rose ne m'avait pas si bien oubli�e que je le pensais. Elle me cherchait et s'inqui�tait quand je rentrai � la maison; mais, en voyant l'�norme balafre que j'avais au visage, comme elle m'avait vue travailler pour la m�re Blin, elle, qui avait un bon cœur, ne songea point � me gronder. {CL 67} D'ailleurs depuis que j'�tais en p�nitence, elle �tait fort douce et m�me triste.

Le lendemain elle m'�veilla de bonne heure. « Allons, me dit-elle, cela ne peut pas durer ainsi. Ta bonne maman a du chagrin, va l'embrasser et lui demander pardon. — Il y a trois jours qu'on aurait d� me laisser faire ce que tu dis l�, lui r�pondis-je; mais Julie me laissera-t-elle entrer? — Oui, oui, r�pondit-elle, je m'en charge! » Et elle me conduisit par les petits couloirs � la chambre de ma bonne maman. J'y allais de bon {Lub 855} cœur, quoique sans grand repentir, car je ne me sentais vraiment pas coupable, et je n'entendais pas du tout, en lui t�moignant de la tendresse, renoncer � cette s�paration que je regardais comme un fait accompli; mais dans les bras de ma pauvre ch�re a�eule m'attendait la plus cruelle, la plus poignante et la moins m�rit�e des punitions.

Jusque-l� personne au monde, et ma grand'm�re moins que personne, ne m'avait dit de ma m�re un mal s�rieux. Il �tait bien facile de voir que Deschartres la ha�ssait, que Julie la d�nigrait pour faire sa cour, que ma grand'm�re avait de grands acc�s d'amertume et de froideur contre elle. Mais ce n'�taient que des railleries s�ches, des demi-mots d'un bl�me non motiv�, des airs de d�dain; et, dans ma partialit� na�ve, j'attribuais au manque de fortune et de naissance le profond regret que le mariage de mon p�re avait laiss� dans sa famille. Ma bonne maman semblait s'�tre fait un devoir de respecter en moi le respect que j'avais pour ma m�re.

Durant ces trois jours qui l'avaient tant fait souffrir, elle chercha apparemment le plus prompt et le plus s�r moyen de me rattacher � elle-m�me et � ses bienfaits dont je tenais si peu de compte, en brisant dans mon jeune cœur la confiance et l'amour qui me portaient vers une autre. Elle r�fl�chit, elle m�dita, elle s'arr�ta au plus funeste de tous les partis.

{CL 68} Comme je m'�tais mise � genoux contre son lit et que j'avais pris ses mains pour les baiser, elle me dit d'un ton vibrant et amer que je ne lui connaissais pas: « Restez � genoux et m'�coutez avec attention, car ce que je vais vous dire, vous ne l'avez jamais entendu et jamais plus vous ne l'entendrez de ma bouche. Ce sont des choses qui ne se disent qu'une fois dans la vie, parce qu'elles ne s'oublient pas; mais, faute de les conna�tre, quand par malheur elles existent, on perd sa vie, on se perd soi-m�me. »

Apr�s ce pr�ambule qui me fit frissonner, elle se mit � me raconter sa propre vie et celle de mon p�re, telles que je les ai fait conna�tre, puis celle de ma m�re, telle qu'elle la croyait savoir, telle du moins qu'elle la comprenait. L�, elle fut sans piti� et sans intelligence, j'ose le dire, car il y a, dans la vie des pauvres, des entra�nements, des malheurs et des fatalit�s que les riches ne {Lub 856} comprennent jamais et qu'ils jugent comme les aveugles des couleurs q.

{Presse 23/3/1855 1} Tout ce qu'elle raconta r �tait vrai par le fait et appuy� sur des circonstances dont le d�tail ne permettait pas le moindre doute. Mais on e�t pu me d�voiler cette terrible histoire sans m'�ter le respect et l'amour pour ma m�re s, et l'histoire racont�e ainsi e�t �t� beaucoup plus vraisemblable et beaucoup plus vraie. Il n'y avait qu'� tout dire, les causes de ses malheurs, l'isolement et la mis�re d�s l'�ge de quatorze ans, la corruption des riches, qui sont l� pour guetter la faim et fl�trir l'innocence, l'impitoyable rigorisme de l'opinion, qui ne permet point le retour et n'accepte pas l'expiation*. Il fallait me dire aussi comment ma {CL 69} m�re avait rachet� le pass�, comment elle avait aim� fid�lement mon p�re, comment, depuis sa mort, elle avait v�cu humble, triste et retir�e. Ce dernier point, je le savais bien, du moins je croyais le savoir; mais on me faisait entendre que si l'on me disait tout le pass�, on m'�pargnait le pr�sent, et qu'il y avait, dans la vie actuelle de ma m�re, quelque secret nouveau qu'on ne voulait pas me dire et qui devait me faire trembler pour mon propre avenir si je m'obstinais � vivre avec elle. Enfin ma pauvre bonne maman, �puis�e par ce long r�cit, hors d'elle-m�me, la voix �touff�e, les yeux humides et irrit�s, l�cha le grand mot, l'affreux mot: ma m�re �tait une femme perdue, et moi un enfant aveugle qui voulait s'�lancer dans un ab�me.

{[CL 68]} * On me dit que des critiques de parti pris bl�meront la sinc�rit� avec laquelle je parle de mes parents, et particuli�rement de ma m�re. Cela est tout simple et je m'y attendais. Il y a toujours certains lecteurs qui ne comprennent pas ce qu'ils lisent: ce sont ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas comprendre la v�ritable morale des choses humaines. Comme je n'�cris pas pour ceux-l�, c'est en vain que je leur r�pondrais; leur point de {[CL 69]} vue est l'oppos� du mien; mais je prie ceux qui ne ha�ssent pas syst�matiquement mon œuvre de relire cette page et de r�fl�chir. Si parmi eux il en est quelques uns qui aient souffert les m�mes douleurs que moi, pour les m�mes causes, je crois que j'aurais calm� l'angoisse de leurs doutes int�rieurs, et ferm� leur blessure, par une appr�ciation plus �lev�e que celle des champions de la fausse morale.

Ce fut pour moi comme un cauchemar; j'avais la gorge serr�e; chaque parole me faisait mourir, je sentais {Lub 857} la sueur me couler du front, je voulais interrompre, je voulais me lever, m'en aller, repousser avec horreur cette effroyable confidence; je ne pouvais pas, j'�tais clou�e sur mes genoux, la t�te bris�e et courb�e par cette voix qui planait sur moi et me dess�chait comme un vent d'orage t. Mes mains glac�es ne tenaient plus les mains br�lantes de ma grand'm�re, je crois que machinalement je les avais repouss�es de mes l�vres avec terreur.

Enfin je me levai sans dire un mot, sans implorer une caresse, sans me soucier d'�tre pardonn�e; je remontai � ma chambre. Je trouvai Rose sur l'escalier. « Eh bien, me dit-elle, est-ce fini, tout cela? — Oui, c'est bien fini, fini pour toujours, » lui dis-je, et, me rappelant que cette fille {CL 70} ne m'avait jamais dit que du bien de ma m�re, s�re qu'elle connaissait tout ce qu'on venait de m'apprendre et qu'elle n'en �tait pas moins attach�e � sa premi�re ma�tresse, quoiqu'elle f�t horrible, elle me parut belle, quoiqu'elle f�t mon tyran et presque mon bourreau, elle me sembla �tre ma meilleure, ma seule amie; je l'embrassai avec effusion, et courant me cacher, je me roulai par terre en proie � des convulsions de d�sespoir.

Les larmes qui firent irruption ne me soulag�rent pas. J'ai toujours entendu dire que les pleurs all�gent le chagrin, j'ai toujours �prouv� le contraire, je ne sais pas pleurer. D�s que les larmes me viennent aux yeux, les sanglots me prennent � la gorge, j'�touffe, ma respiration s'exhale en cris ou en g�missements; et comme j'ai horreur du bruit de la douleur, comme je me retiens de crier, il m'est souvent arriv� de tomber comme morte, et c'est probablement comme cela que je mourrai quelque jour si je me trouve seule, surprise par un malheur nouveau. Cela ne m'inqui�te gu�re, il faut toujours mourir de quelque chose, et chacun porte en soi le coup qui doit l'achever. Probablement la pire des morts, la plus triste et la moins d�sirable, est celle que choisissent les poltrons, mourir de vieillesse, c'est-�-dire apr�s tout ce qu'on a aim�, apr�s tout ce � quoi on a cru sur la terre.

À cette �poque, je n'avais pas le sto�cisme de refouler mes sanglots, et Rose, m'entendant r�ler, vint � mon secours. Quand j'eus repris un peu d'empire sur moi-m�me, je ne voulus pas faire la malade, je descendis au {Lub 858} premier appel du d�jeuner, je me for�ai pour manger. On me donna mes cahiers, je fis semblant de travailler, mais j'avais les paupi�res � vif, tant mes larmes avaient �t� �cres et br�lantes; j'avais une migraine affreuse, je ne pensais plus, je ne vivais pas, j'�tais indiff�rente � toutes choses. Je ne savais plus si j'aimais ou si je ha�ssais quelqu'un, je ne {CL 71} sentais plus d'enthousiasme pour personne, plus de ressentiment contre qui que ce soit; j'avais comme une �norme br�lure int�rieure et comme un vide cuisant � la place du cœur. Je ne me rendais compte que d'une sorte de m�pris pour l'univers entier et d'un amer d�dain pour la vie, quelle qu'elle p�t �tre pour moi d�sormais; je ne m'aimais plus moi-m�me. Si ma m�re �tait m�prisable et ha�ssable, moi, le fruit de ses entrailles, je l'�tais aussi. Je ne sais � quoi a tenu que je ne devinsse pas perverse par misanthropie, � partir de ce moment-l�. On m'avait fait un mal affreux qui pouvait �tre irr�parable; on avait tent� de tarir u en moi les sources de la vie morale, la foi, l'amour et l'esp�rance.

Heureusement pour moi, le bon Dieu m'avait faite pour aimer et pour oublier. On m'a souvent reproch� d'�tre oublieuse du mal; puisque je devais tant en subir, c'est une gr�ce d'�tat.

Au bout de quelques jours d'une indicible souffrance et d'une fatigue supr�me, je sentis avec �tonnement que j'aimais encore plus ma m�re, et que je n'aimais pas moins ma grand'm�re qu'auparavant. On m'avait vue si triste, Rose avait racont� de moi une telle sc�ne de douleur, qu'on crut � un grand repentir. Ma bonne maman comprit bien qu'elle m'avait fait beaucoup de mal, mais elle s'imagina que c'�tait un mal salutaire et que mon parti �tait pris. Il ne fut pas question d'explication nouvelle, on ne m'interrogea pas, c'e�t �t� bien inutile. J'avais pour toujours un sceau sur les l�vres. La vie recommen�a � couler comme un ruisseau tranquille, mais le ruisseau �tait troubl� pour moi et je n'y regardais plus.

En effet, je ne faisais plus aucun projet je ne sentais plus venir les doux r�ves. Plus de roman, plus de contemplations. Coramb� �tait muet. Je vivais comme une machine. Le mal �tait plus profond qu'on ne pensait. Aimante, j'aimais {CL 72} encore les autres. Enfant, je m'amusais encore de la vie; mais, je l'ai dit, je ne m'aimais plus, {Lub 859} je ne me souciais plus du tout de moi-m�me. J'avais r�sist� syst�matiquement � l'avantage de l'instruction, j'avais d�daign� d'orner et de rehausser mon �tre intellectuel, croyant que mon �tre moral y gagnerait v. Mais mon id�al �tait voil�, et je ne comprenais plus l'avenir que je m'�tais pendant si longtemps cr�� et arrang� selon ma fantaisie. J'entrevoyais d�sormais, dans cet avenir, des luttes contre l'opinion auxquelles je n'avais jamais song�, et je ne sais quelle �nigme douloureuse dont on n'avait pas voulu me dire le mot. On m'avait parl� de dangers affreux, on s'�tait imagin� que je les devinerais, et moi, simple et d'organisation tranquille, je ne devinais rien du tout. En outre, autant j'ai l'esprit actif pour ce qui sourit � mes instincts, autant je l'ai paresseux pour ce qui leur est hostile, et je ne cherchais pas le mot du sphinx; mais il y avait quelque chose de terrible devant moi si je persistais � quitter l'aile de ma grand'm�re, et ce quelque chose, sans me faire peur, �tait � mes ch�teaux en Espagne le charme de la confiance absolue.

« Ce sera pire que la mis�re, m'avait-on dit, ce sera la honte! » « La honte de quoi? me disais-je. Rougirai-je w d'�tre la fille de ma m�re? Oh! Si ce n'�tait que cela! On sait bien que je n'aurai pas cette l�che honte. » Je supposais alors, sans rien incriminer, quelque lien myst�rieux entre ma m�re et quelqu'un qui me ferait sentir une domination injuste et ill�gitime. Et puis je m'abstenais volontairement d'y songer. « Nous verrons bien, me disais-je. On veut que je cherche, je ne chercherai pas. »

Il m'a toujours fallu, pour vivre, une r�solution arr�t�e de vivre pour quelqu'un ou pour quelque chose, pour des personnes ou pour des id�es. Ce besoin m'�tait venu naturellement d�s l'enfance, par la force des circonstances, {CL 73} par l'affection contrari�e. Il restait en moi quoique mon but f�t obscurci et mon �lan incertain. On voulait me forcer � me rattacher � l'autre but que l'on m'avait montr� et dont je m'�tais obstin�ment d�tourn�e. Je me demandai si cela �tait possible. Je sentis que non. La fortune et l'instruction, les belles mani�res, le bel esprit, ce qu'on appelait le monde m'apparut sous des formes sensibles, telles que je pouvais les {Presse 23/3/1855 2} concevoir. « Cela se r�duit, pensai-je, � devenir une x {Lub 860} belle demoiselle bien pimpante, bien guind�e, bien �rudite, tapant sur un piano devant des personnes qui approuvent sans �couter et sans comprendre, y ne se souciant de personne, aimant � briller, aspirant � un riche mariage, vendant sa libert� et sa personnalit� pour une voiture, un �cusson, des chiffons et quelques �cus. Cela ne me va point et ne m'ira jamais. Si je dois h�riter forc�ment de ce castel, de ces gerbes de bl� que compte et recompte Deschartres, de cette biblioth�que o� tout ne m'amuse pas, et de cette cave o� rien ne me tente, ne voil�-t-il pas un grand bonheur et de belles richesses! J'ai souvent r�v� de lointains voyages. Les voyages m'auraient tent�e si je n'avais eu le projet de vivre pour ma m�re. Eh bien, voil�! Si ma m�re ne veut pas de moi, quelque jour je partirai, j'irai au bout du monde. Je verrai l'Etna et le mont Gibel, j'irai en Am�rique, j'irai dans l'Inde. On dit que c'est loin, que c'est difficile, tant mieux! On dit qu'on y meurt, qu'importe? En attendant, vivons au jour le jour, vivons au hasard; puisque rien de ce que je connais ne me tente ou ne me rassure, laissons venir l'inconnu. »

L�-dessus, j'essayai de vivre sans songer � rien, sans rien craindre et sans rien d�sirer. Cela me fut d'abord bien difficile, j'avais pris une telle habitude de r�ver et d'aspirer � un bien futur, que, malgr� moi, je me reprenais � y songer. Mais la tristesse devenait alors si noire et le souvenir de la sc�ne qu'on m'avait faite si �touffant que j'avais {CL 74} besoin d'�chapper � moi-m�me, et que je courais aux champs m'�tourdir avec les gamins et les gamines qui m'aimaient et m'arrachaient � ma solitude.

Quelques mois se pass�rent alors qui ne me profit�rent � rien, et dont je me souviens confus�ment, parce qu'ils furent vides. Je m'y comportai fort mal, ne travaillant que juste ce qu'il fallait pour n'�tre pas grond�e, me d�p�chant, pour ainsi dire, d'oublier vite ce que je venais d'apprendre, ne m�ditant plus sur mon travail comme j'avais fait jusqu'alors par un besoin de logique et de po�sie qui avait eu son charme secret; courant plus que jamais les chemins, les buissons et les pacages avec mes bruyants acolytes; mettant la maison sens dessus dessous par des jeux �chevel�s; prenant une habitude de gaiet� quelquefois forc�e, z quand ma douleur int�rieure mena�ait de se r�veiller, enfin tournant tout de {Lub 861} bon � l'enfant terrible, comme le disait ma bonne, qui commen�ait � avoir raison et qui pourtant ne me battait plus, voyant � ma taille que je serais de force � le lui rendre, et � mon air que je n'�tais plus d'humeur � le souffrir.

Voyant tout cela aussi, ma grand'm�re me dit: « Ma fille, vous n'avez plus le sens commun. Vous aviez de l'esprit, et vous faites tout votre possible pour devenir ou pour para�tre b�te. Vous pourriez �tre agr�able, et vous vous faites laide � plaisir. Votre teint est noirci, vos mains gerc�es, vos pieds vont se d�former dans les sabots. Votre cerveau se d�forme et se d�gingande comme votre personne. Tant�t vous r�pondez � peine et vous avez l'air d'un esprit fort qui d�daigne tout. Tant�t vous parlez � tort et � travers comme une pie qui babille pour babiller. Vous avez �t� une charmante petite fille, il ne faut pas devenir une jeune personne absurde. Vous n'avez point de tenue, point de gr�ce, point d'�-propos. Vous avez un bon cœur et une t�te pitoyable. Il faut changer tout cela. Vous avez {CL 75} d'ailleurs besoin de ma�tres d'agr�ment, et je ne puis vous en procurer ici. J'ai donc r�solu de vous mettre au couvent, et nous allons � Paris � cet effet.

— Et je vais voir ma m�re? m'�criai-je.

— Oui certes, vous la verrez, r�pondit froidement ma bonne maman; apr�s quoi vous vous s�parerez d'elle et de moi le temps n�cessaire pour achever votre �ducation.

— Soit, pensai-je; le couvent, je ne sais ce que c'est, mais ce sera nouveau; et comme, apr�s tout, je ne m'amuse pas du tout de la vie que je m�ne, je pourrai gagner au change. »

Ainsi fut fait. Je revis ma m�re avec mes transports accoutum�s. J'avais un dernier espoir: c'est qu'elle trouverait ce couvent inutile et ridicule, et qu'elle me reprendrait avec elle en voyant que j'avais persist� dans ma r�solution. Mais, tout au contraire, elle me pr�cha l'avantage des richesses et des talents. Elle le fit d'une mani�re qui m'�tonna et me blessa, car je n'y trouvai pas sa franchise et son courage ordinaires. Elle raillait le couvent, elle critiquait fort � propos ma grand'm�re, qui, d�testant et m�prisant la d�votion, me confiait � des religieuses; mais, tout en la bl�mant, ma m�re fit comme {Lub 862} ma grand'm�re. Elle me dit que le couvent me serait utile et qu'il y fallait entrer. Je n'ai jamais eu de volont� pour moi-m�me, j'entrai au couvent sans crainte, sans regret et sans r�pugnance. Je ne me rendis pas compte des suites. Je ne savais pas que j'entrais peut-�tre v�ritablement dans le monde en franchissant le seuil du clo�tre, que je pouvais y contracter des relations, des habitudes d'esprit, m�me des id�es qui m'incorporeraient, pour ainsi dire, dans la classe avec laquelle j'avais voulu rompre. Je crus voir, au contraire, dans ce couvent, un terrain neutre, et dans ces ann�es que je devais y passer, une sorte de halte au milieu de la lutte que je subissais.

{CL 76} J'avais retrouv� � Paris Pauline de Pontcarr� et sa m�re. Pauline �tait plus jolie que jamais; son caract�re �tait rest� enjou�, facile, aimable; son cœur n'avait pas chang� non plus. Il �tait parfaitement froid, ce qui ne m'emp�cha pas d'aimer et d'admirer comme par le pass� cette belle indiff�rente.

Ma grand'm�re avait questionn� madame de Pontcarr� sur le couvent des Anglaises, ce m�me couvent o� elle avait �t� prisonni�re pendant la R�volution. Une ni�ce de madame de Pontcarr� y avait �t� �lev�e et venait d'en sortir. Ma bonne maman, qui avait gard� de ce couvent et des religieuses qu'elle y avait connues un certain souvenir, fut charm�e d'apprendre que mademoiselle Debrosses y avait �t� fort bien soign�e, �lev�e avec distinction, que l'on faisait l� de bonnes �tudes, que les ma�tres d'agr�ment �taient aa renomm�s, enfin que le couvent des Anglaises m�ritait la vogue dont il jouissait dans le beau monde, en concurrence avec le Sacr�-Cœur et l'Abbaye-aux-Bois. Madame de Pontcarr� avait le projet d'y mettre sa fille, ce qu'elle fit, en effet, l'ann�e suivante. Ma grand'm�re se d�cida donc pour les Anglaises, et, un jour d'hiver, on me fit endosser l'uniforme de sergette amarante, on arrangea mon trousseau dans une malle, un fiacre nous conduisit rue des Foss�s-Saint-Victor, et apr�s que nous e�mes attendu quelques instants dans le parloir, on ouvrit une porte de communication qui se referma derri�re nous. J'�tais clo�tr�e.

Ce couvent ab est une des trois ou quatre communaut�s britanniques qui s'�tablirent � Paris pendant la puissance de Cromwell. Apr�s avoir �t� pers�cuteurs, les catholiques anglais, cruellement pers�cut�s, s'assembl�rent {Lub 863} dans l'exil pour prier et demander sp�cialement � Dieu la conversion des protestants. Les communaut�s religieuses rest�rent en France, mais les rois catholiques reprirent le sceptre en Angleterre et se veng�rent peu chr�tiennement.

La communaut� des Augustines anglaises est la seule qui {CL 77} ait subsist� � Paris et dont la maison ait travers� les r�volutions sans trop d'orage. La tradition du couvent disait que la reine d'Angleterre, Henriette de France, fille de notre Henri IV et femme du malheureux Charles Ier, �tait venue souvent avec son fils Jacques II prier dans notre chapelle et gu�rir les scrofules des pauvres qui se pressaient sur leurs pas. Un mur mitoyen s�pare ce couvent du coll�ge des Écossais. Le s�minaire des Irlandais est � quatre portes plus loin. Toutes nos religieuses �taient anglaises, �cossaises ou irlandaises. Les deux tiers des pensionnaires et des locataires, ainsi qu'une partie des pr�tres qui venaient officier, appartenaient aussi � ces nations. Il y avait des heures de la journ�e o� il �tait enjoint � toute la classe de ne pas dire un mot de fran�ais, ce qui �tait la meilleure �tude possible pour ac apprendre vite la langue anglaise. Nos religieuses, comme de raison, ne nous en parlaient presque jamais d'autre. Elles avaient les habitudes de leur climat, prenant le th� trois fois par jour et admettant celles de nous qui �taient bien sages � le prendre avec elles.

Le clo�tre et l'�glise �taient pav�s de longues dalles fun�raires sous lesquelles reposaient les ossements v�n�r�s des catholiques de la vieille Angleterre, morts dans l'exil et ensevelis par faveur dans ce sanctuaire inviolable. Partout, sur les tombes et sur les murailles, des �pitaphes et des sentences religieuses en anglais. Dans la chambre de la sup�rieure et dans son parloir particulier, de grands vieux portraits de princes ou de pr�lats anglais. La belle et galante Marie Stuart, r�put�e sainte par nos chastes nonnes, brillait l� comme une �toile. Enfin, tout �tait anglais dans cette maison, le pass� et le pr�sent, et quand on avait franchi la grille, il semblait qu'on e�t travers� la Manche.

Ce fut pour moi, paysanne du Berry, un �tonnement, un �tourdissement � n'en pas revenir de huit jours. Nous f�mes d'abord re�ues par la sup�rieure, madame {CL 78; Lub 864} Canning, une tr�s-grosse femme entre cinquante et soixante ans, belle encore dans sa pesanteur physique qui contrastait avec un esprit fort d�li�. Elle se piquait avec raison d'�tre femme du monde; elle avait de grandes mani�res, la conversation facile malgr� son rude accent ad, plus de moquerie et d'ent�tement dans l'œil que de recueillement et de saintet�. Elle a toujours pass� pour bonne, et comme sa science du monde faisait prosp�rer le couvent, comme elle savait habilement pardonner, en vertu de son droit de gr�ce qui lui r�servait, en dernier ressort, l'utile et commode fonction de r�concilier tout le monde, elle �tait aim�e et respect�e des religieuses et des pensionnaires. Mais, d�s l'abord, son regard ne me plut pas et j'ai eu lieu de croire depuis qu'elle �tait dure et rus�e ae. Elle est morte en odeur de saintet�, mais je crois ne pas me tromper en pensant qu'elle devait surtout � son habit et � son grand air la v�n�ration dont elle �tait l'objet.

Ma grand'm�re, en me pr�sentant, ne put se d�fendre du petit orgueil de dire que j'�tais fort instruite pour mon �ge et qu'on me ferait perdre mon temps si on me mettait en classe avec les enfants. On �tait divis� en deux sections, la petite classe et la grande classe. Par mon �ge, j'appartenais r�ellement � la petite classe, qui contenait une trentaine de pensionnaires de six � treize ou quatorze ans. Par les lectures qu'on m'avait fait faire et par les id�es qu'elles avaient d�velopp�es en moi, j'appartenais � une troisi�me classe qu'il aurait peut-�tre fallu cr�er pour moi et pour deux ou trois autres: mais je n'avais pas �t� habitu�e � travailler avec m�thode, je ne savais pas un mot d'anglais. Je comprenais beaucoup d'histoire et m�me de philosophie; mais j'�tais fort ignorante, ou tout au moins fort incertaine sur l'ordre des temps et des �v�nements. J'aurais pu causer de tout avec les professeurs, et peut-�tre m�me voir un peu plus clair et plus avant {CL 79} que ceux qui nous dirigeaient; mais le premier cuistre venu m'aurait fort embarrass�e sur des points de fait, et je n'aurais pu soutenir un examen en r�gle sur quoi que ce f�t.

Je le sentais bien, et je fus tr�s-soulag�e d'entendre la sup�rieure d�clarer que af, n'ayant pas encore re�u le sacrement de confirmation, je devais forc�ment entrer � la petite classe.

{Presse 24/3/1855 1; Lub 865} C'�tait l'heure de la r�cr�ation; la sup�rieure fit appeler une des plus sages de la petite classe, me confia et me recommanda � elle, et m'envoya au jardin. Je me mis tout de suite � aller et venir, � regarder toutes choses et toutes figures, � fureter dans tous les coins du jardin comme un oiseau qui cherche o� il mettra son nid. Je ne me sentais pas intimid�e le moins du monde, quoiqu'on me regard�t beaucoup. Je voyais bien qu'on avait de plus belles mani�res que moi; je voyais passer et repasser les grandes, qui ne jouaient pas et babillaient en se tenant par le bras. Mon introductrice m'en nomma plusieurs; c'�taient de grands noms tr�s-aristocratiques qui ne firent pas d'effet sur moi, comme l'on peut croire. Je m'informai du nom des all�es, des chapelles et des berceaux qui ornaient le jardin. Je me r�jouis en apprenant qu'il �tait permis de prendre un petit coin dans les massifs et de le cultiver � sa guise. Cet amusement n'�tant recherch� que des toutes petites, il me sembla que la terre et le travail ne me manqueraient pas.

On commen�a une partie de barres et on me mit dans un camp. Je ne connaissais pas les r�gles du jeu, mais je savais bien courir. Ma grand'm�re vint se promener avec la sup�rieure et l'�conome, et elle parut prendre plaisir � me voir d�j� si d�gourdie et si � l'aise. Puis elle se disposa � partir et m'emmena dans le clo�tre pour me dire adieu. Le moment lui paraissait solennel, et l'excellente femme fondit en larmes en m'embrassant. Je fus un peu �mue, mais je {CL 80} pensai qu'il �tait de mon devoir de faire contre fortune bon cœur, et je ne pleurai pas. Alors, ma grand'm�re me regardant en face, me repoussa en s'�criant: « Ah! Insensible cœur, vous me quittez sans regret, je le vois bien! » Et elle sortit, la figure cach�e ag dans ses mains.

Je restai stup�faite. Il me semblait que j'avais bien agi en ne lui montrant aucune faiblesse, et selon moi, mon courage ou ma r�signation eussent d� lui �tre agr�ables. Je me retournai et vis pr�s de moi l'�conome; c'�tait la m�re Alippe, une petite vieille toute ronde et toute bonne ah, un excellent cœur de femme. « Eh bien, me dit-elle avec son accent anglais, qu'y a-t-il? Avez-vous dit � votre grand'm�re quelque chose qui l'ait f�ch�e! — Je n'ai rien dit du tout, r�pondis-je, et j'ai cru ne devoir {Lub 866} rien dire. — Voyons, dit-elle en me prenant par la main, avez-vous du chagrin d'�tre ici? » comme elle avait cet accent de franchise qui ne trompe pas, je lui r�pondis sans h�siter: « Oui, madame, malgr� moi je me sens triste et seule au milieu de gens que je ne connais pas. Je sens qu'ici personne ne peut encore m'aimer et que je ne suis plus avec mes parents qui m'aiment beaucoup. C'est pour cela que je n'ai pas voulu pleurer devant ma grand'm�re, puisque sa volont� est que je reste o� elle me met. Est-ce que j'ai eu tort? — Non, mon enfant, r�pondit la m�re Alippe, votre grand'm�re n'a peut-�tre pas compris. Allez jouer, soyez bonne, et l'on vous aimera ici autant que chez vos parents. Seulement, quand vous reverrez votre bonne maman, n'oubliez pas de lui dire que, si vous n'avez pas montr� de chagrin en la quittant, c'�tait pour ne pas augmenter le sien. »

Je retournai au jeu, mais j'avais le cœur gros. Il me semblait et il me semble encore que le mouvement de ma pauvre grand'm�re avait �t� fort injuste. C'�tait sa faute si je regardais ce couvent comme une p�nitence {CL 81} qu'elle m'imposait, car elle n'avait pas manqu�, dans ses moments de gronderie, de me dire que quand j'y serais je regretterais bien Nohant et les petites douceurs de la maison paternelle ai. Il semblait qu'elle f�t bless�e de me voir endurer la punition sans r�volte ou sans crainte. « Si c'est pour mon bonheur que je suis ici, pensai-je, je serais ingrate d'y �tre � contre-cœur. Si c'est pour mon ch�timent, eh bien, me voil� ch�ti�e, j'y suis; que veut-on de plus? Que je souffre d'y �tre? C'est comme si l'on me battait plus fort parce que je refuse de crier au premier coup. »

Ma grand'm�re alla d�ner ce jour-l� chez mon grand-oncle de Beaumont, et elle lui raconta en pleurant comme quoi je n'avais pas pleur�. « Eh bien donc, tant mieux! fit-il avec son enjouement philosophique. C'est bien assez triste d'�tre au couvent, voulez-vous pas qu'elle le comprenne? Qu'a-t-elle donc fait de mal pour que vous lui imposiez la r�clusion et les larmes par-dessus le march�? Bonne sœur, je vous l'ai d�j� dit, la tendresse maternelle est souvent fort �go�ste, et nous eussions �t� bien malheureux si notre m�re e�t aim� ses enfants comme vous aimez les v�tres. »

{Lub 867} Ma grand'm�re fut assez irrit�e de ce sermon, elle se retira de bonne heure et ne vint me voir qu'au bout de huit jours, quoiqu'elle m'e�t promis de revenir le surlendemain de mon entr�e au couvent. Ma m�re, qui vint plus t�t, me raconta ce qui s'�tait pass�, en me donnant raison, suivant sa coutume. Ma petite amertume int�rieure en augmenta. « Ma bonne maman a tort, pensais-je; mais ma m�re a tort aussi de me le faire tant sentir; moi, j'ai eu tort par le fait, bien que j'aie cru avoir raison. J'ai voulu ne montrer aucun d�pit, on a cru que je voulais montrer de l'orgueil. Ma bonne maman me bl�me pour cela, pour cela ma m�re m'approuve; ni l'une ni l'autre ne m'a {CL 82} comprise, et je vois bien que cette aversion qu'elles ont l'une pour l'autre me rendra injuste aussi et tr�s-malheureuse, � coup s�r, si je me livre aveugl�ment � l'une ou � l'autre aj. »

L�-dessus je ak me r�jouis d'�tre au couvent; j'�prouvais un imp�rieux besoin de me reposer de tous ces d�chirements int�rieurs; j'�tais lasse d'�tre comme une pomme de discorde entre deux �tres que je ch�rissais. J'aurais presque voulu qu'on m'oubli�t.

C'est ainsi que j'acceptai le couvent, et je l'acceptai si bien que j'arrivai � m'y trouver plus heureuse que je ne l'avais �t� dans ma vie. al Je crois que j'ai �t� la seule satisfaite parmi tous les enfants que j'y ai connus. Tous regrettaient leur famille, non pas seulement par tendresse pour les parents, mais aussi par le regret am de la libert� et du bien-�tre. Quoique je fusse des moins riches et que je n'eusse jamais connu le grand luxe an, et quoique nous fussions passablement trait�es au couvent, il y avait certes une grande diff�rence sous le rapport de la vie mat�rielle entre Nohant et le clo�tre. En outre, la claustration, l'air de Paris, la continuit� absolue d'un m�me r�gime, que je regarde comme funeste aux d�veloppements successifs ou aux modifications continuelles de l'organisation humaine, me rendirent bient�t malade et languissante. En d�pit de tout cela, je passai l� trois ans sans regretter le pass�, sans aspirer � l'avenir, et me rendant compte de mon bonheur dans le pr�sent; situation que comprendront tous ceux qui ont souffert et qui savent que la seule f�licit� humaine pour eux est l'absence des maux excessifs; situation exceptionnelle pourtant pour les enfants des riches et que mes compagnes {Lub 868} ne comprenaient pas, quand je leur disais que je ne d�sirais pas la fin de ma captivit�.

Nous �tions clo�tr�es dans toute l'acception du mot. Nous ne sortions que deux fois par mois et nous ne d�couchions {CL 83} qu'au jour de l'an. On avait des vacances, mais je n'en eus point, ma grand'm�re disant qu'elle aimait mieux ne pas interrompre mes �tudes, afin de pouvoir me laisser moins longtemps au couvent. Elle quitta Paris peu de semaines apr�s notre s�paration et ne revint qu'au bout d'un an, apr�s quoi elle repartit pour un an encore. Elle avait exig� de ma m�re qu'elle ne demand�t pas � me faire sortir. Mes cousins Villeneuve m'offrirent de me prendre chez eux les jours de sortie et �crivirent � ma bonne maman pour le lui demander. J'�crivis, de mon c�t�, pour la prier de ne pas le permettre, et j'eus le courage de lui dire que, ne sortant pas avec ma m�re, je ne voulais et ne devais sortir avec personne. Je tremblais qu'elle ne m'�cout�t pas, et, quoique je sentisse bien un peu le besoin et le d�sir des sorties, j'�tais d�cid�e � me faire malade si mes cousins venaient me chercher munis d'une permission. Cette fois ma grand'm�re m'approuva, et, au lieu de me faire des reproches, elle donna � mon sentiment des �loges que je trouvai m�me un peu exag�r�s. Je n'avais fait que mon devoir.

Si bien que je passai deux fois l'ann�e enti�re derri�re les grilles. Nous avions la messe dans notre chapelle, nous recevions les visites au parloir, nous y prenions nos le�ons particuli�res, le professeur d'un c�t� des barreaux, nous de l'autre. Toutes les crois�es du couvent qui donnaient sur la rue �taient non-seulement grill�es, mais garnies de ch�ssis de toile. C'�tait bien r�ellement la prison, mais la prison avec un grand jardin et une nombreuse soci�t�. J'avoue que je ne m'aper�us pas un instant des rigueurs de la captivit� et que les pr�cautions minutieuses qu'on prenait pour nous tenir sous clef et nous emp�cher d'avoir seulement la vue du dehors me faisaient beaucoup rire. Ces pr�cautions �taient le seul stimulant au d�sir de la libert�, car la rue des Foss�s-Saint-Victor et la rue Clopin n'�taient {CL 84} tentantes ni pour la promenade ni m�me pour la vue. Il n'�tait pas une de nous qui e�t jamais song� � franchir seule la porte de l'appartement de sa m�re: presque toutes cependant {Lub 869} �piaient au couvent l'entre-b�illement de la porte du clo�tre, ou glissaient des regards furtifs � travers les fentes des toiles de crois�es. D�jouer la surveillance, descendre deux ou trois degr�s de la cour, apercevoir un fiacre qui passait, c'�tait l'ambition et le r�ve de quarante ou cinquante filles fol�tres et moqueuses, qui, le lendemain, parcouraient tout Paris avec leurs parents sans y prendre le moindre plaisir, fouler le pav� et regarder les passants n'�tant plus le fruit d�fendu hors de l'enceinte du couvent.

Durant ces trois ann�es, mon �tre moral subit des modifications que je n'aurais jamais pu pr�voir et que ma grand'm�re vit avec beaucoup de peine, comme si en me mettant l� elle n'e�t pas d� les pr�voir elle-m�me. La premi�re ann�e, je fus plus que jamais l'enfant terrible que j'avais commenc� d'�tre, parce qu'une sorte de d�sespoir, ou tout au moins de d�sesp�rance dans mes affections me poussait � m'�tourdir et � m'enivrer de ma propre espi�glerie. La seconde ann�e, je passai presque subitement � une d�votion ardente et agit�e. La troisi�me ann�e, je me maintins dans un �tat de d�votion calme, ferme et enjou�e. La premi�re ann�e, ma grand'm�re me gronda beaucoup dans ses lettres. La seconde, elle s'effraya de ma d�votion plus qu'elle n'avait fait de ma mutinerie. La troisi�me, elle parut � demi satisfaite et me t�moigna un contentement qui n'�tait pas sans m�lange d'inqui�tude.

Ceci est le r�sum� de ma vie de couvent, mais les d�tails offrent quelques particularit�s auxquelles plus d'une personne de mon sexe reconna�tra les effets tant�t bons, tant�t mauvais de l'�ducation religieuse. Je les rapporterai sans la moindre pr�vention et, j'esp�re, avec une parfaite sinc�rit� d'esprit et de cœur.


Variantes

  1. Ce titre figure � partir de l'�dition {CL}
  2. 6me volume. 6me chapitre {Ms}Chapitre dixi�me {Presse}, {Lecou} ♦ X {CL}
  3. plus, et pour en faire votre rapport. Eh bien {Ms}plus. Eh bien {Presse} et sq.
  4. savoir. Ce n'est pas d'une insinuation que je vous charge. C'est d'une demande formelle. Je ne veux {Ms}savoir. Je ne veux {Presse} et sq.
  5. signer, et � vous �pargner tout le souci de votre m�tier d'espion et d'agent provocateur {Ms}signer. {Presse} et sq.
  6. r�ellement cet odieux m�tier aupr�s de moi? {Ms}r�ellement [...] provocateur? {Presse} et sq.
  7. antipathique. Il fallait que tout ce qui ressemble � la perfidie f�t bien intol�rable pour moi, puisque je pr�f�rais les injures et les coups de Rose aux formes douces et polies de l'autre. Jamais Julie ne se compromettait et toujours elle trouvait moyen de compromettre les autres. C'�tait une nature de J�suite, et par ce mot, je ne veux point la fl�trir dans mon souvenir, car il y a eu de grands et bons J�suites, voire d'honn�tes J�suites, � intentions pures et droites, mais pas un seul J�suite dont la forme, les moyens et les proc�d�s aient �t� sinc�res et na�fs. Autrement ils n'eussent pas �t� J�suites. (Renvoi en note, � l'encre bleue :) Je m'expliquerai sur les J�suites plus tard et avec grande conscience. Quoi qu'il en soit de Julie, c'�tait la premi�re fois {Ms}antipathique. / Quoi qu'il en soit, c'�tait la premi�re fois {Presse} et sq.
  8. et cette d�vorante jalousie {Ms}et sa d�vorante jalousie {Presse} et sq.
  9. le cœur de ce fils et qui {Ms}le cœur de ce fils ador� et qui {Presse} {CL} ♦ le cœur de ce fils ador�, et qui {Lub} (inadvertance?)
  10. de le�ons ni d'�tudes {Ms}de le�ons ni d'�critures {Presse} ♦ de le�ons ni d'�tudes {Lecou} et sq.
  11. pas avoir, et on ne savait pas d'ailleurs que, m�me sans livres, sans aiguilles, sans aucun moyen de m'occuper, je ne me serais pas ennuy�e un seul instant. Aujourd'hui j'ai pris une telle habitude d'occuper mes mains ou mon esprit que je ne saurais rester dix minutes oisive. Mais, dans ce tems-l�, j'avais le cerveau trop riche pour avoir besoin d'un livre ou d'autre causerie que ma propre imagination. Je passai donc {Ms}pas avoir. / Je passai donc {Presse} et sq.
  12. demanderai [mon pardon ray� bleu] � rester ici (add. bleu) {Ms}
  13. qui me conviennent {Ms}qui lui conviennent {Presse} et sq.
  14. vous poussent. {Ms}, {Presse}, {Lecou} ♦ vous pousse. {LP} et sq.
  15. fra�cheur soudaine dans {Ms}fra�cheur soudaine passer dans {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ fra�cheur passer dans {CL}
  16. couchait ses enfants {Ms}couchait ses petits enfants {Presse} et sq.
  17. Ici 13 lignes ratur�es illisibles {Ms}
  18. Tout ce que ma grand'm�re raconta {Ms}, {Presse} ♦ Tout ce qu'elle raconta {Lecou} et sq.
  19. et l'amour de ma m�re {Ms}et l'amour pour ma m�re {Presse} et sq.
  20. sur moi comme un vent d'orage qui fl�trit et dess�che ce qu'il touche {Ms}sur moi [...] orage {Presse} et sq.
  21. On avait essay� de tarir {Ms}On avait tent� de tarir {Presse} et sq.
  22. Ici 4 lignes ratur�es illisibles {Ms}
  23. me disais-je. / Rougirai-je {Presse} ♦ me disais-je. Rougirai-je {CL}
  24. � arriver � �tre une {Ms}� devenir une {Presse} et sq.
  25. sans �couter ou sans comprendre, {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ sans �couter et sans comprendre, {CL}
  26. de gaiet� folle, quelquefois forc�e, {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ de gaiet� quelquefois forc�e, {CL}
  27. les ma�tres d'agr�ment {Presse} ♦ les ma�tres d'agr�ment �taient {CL} ♦ les ma�tres d'agr�ment �taient {Lub} (que nous suivons, pour conformit� avec les m�mes italiques un peu plus haut)
  28. Ici 4 lignes ratur�es illisibles. {Ms}
  29. la meilleure �tude du monde pour {Ms}la meilleure �tude possible pour {Presse} et sq.
  30. la conversation doucement cancanni�re {Ms}la conversation facile malgr� son rude accent {Presse} et sq.
  31. son regard ne me fut pas sympathique {Ms}son regard ne me plut pas {Presse} et sq.
  32. d'entendre dire � la sup�rieure (Reverend Mother, comme on l'appelait) que {Ms}d'entendre la sup�rieure d�clarer que {Presse} et sq.
  33. vois bien! » Et sortant vite par le clo�tre, je vis, pendant que le portier laissait retomber sur elle la lourde porte qu'elle s'en allait la figure {Ms}vois bien! » Et elle sortit, la figure {Presse} et sq.
  34. ronde, toute rose et toute bonne {Ms}ronde et toute bonne {Presse} et sq.
  35. maison maternelle {Ms}maison paternelle {Presse} et sq.
  36. � l'une et � l'autre {Ms} ♦ � l'une ou � l'autre {Presse} et sq.
  37. L�-dessus, je {Presse} ♦ La-dessus je {Lecou} et sq.
  38. de ma vie. {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ dans ma vie. {CL} ♦ de ma vie. {Lub} (r�tablissant la 1re le�on; nous ne le suivons pas)
  39. par regret {Ms}, {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ par le regret {CL} par regret {Lub} (r�tablissant la 1�re le�on; nous ne le suivons pas)
  40. connu le luxe {Ms}connu le grand luxe {Presse} et sq.

Notes

  1. Voir la note en t�te du chapitre VI. {Presse} donne bien Chapitre dixi�me et non Chapitre onzi�me