GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-Lévy 1876

{[Presse 6/11/54 2]; LP T.? ?; CL T.1 [389]; Lub T.1 [323]} DEUXIÈME PARTIE
Mes premières années
1800-1810 a

{Presse 19/11/54 1 col.3; CL T.2 [91]; Lub T.1 [480]} IX b

Suite des lettres. — La cérémonie du couronnement. — Lettres de ma grand'mère et d'un officier civil. — L'Abbé d'Andrezel. — Suite des lettres. — Le marquis de S***. — Un passage des Mémoires de Marmontel. — Ma première entrevue avec ma grand'mère. — Caractère de ma mère. — Son mariage à l'église. — Ma tante Lucie et ma cousine Clotilde. — Mon premier séjour à Chaillot. c



LETTRE IV

DE MAURICE À SA MÈRE

Fin brumaire an XIII (novembre 1804).

Depuis six semaines, j'ai été si heureux près de toi, ma bonne mère, que c'est presque un chagrin maintenant que d'être obligé de t'écrire pour m'entretenir d avec toi. Le calme, le bonheur dont j'ai joui à Nohant me rendent encore plus insupportables le tumulte, l'inquiétude et le bruit qui m'entourent à Paris. e

Mon voyage a été l'abrégé de tous les guignons d'une grande route. Retard à Orléans faute de place, accident et nouveau retard à Étampes. Puis à la Croix de Bernis, un maudit procureur de province, qui vient à Paris pour voir le couronnement, quitte de nuit la diligence pour se rendre à Versailles, où il est caserné avec les autres gardes départementales, emporte mon portemanteau et me laisse le sien, dans lequel, au lieu des jolies cravates que tu m'as données, je risque fort de ne trouver que de sales rabats. Le lendemain de mon arrivée ici, il me faut courir à Versailles {CL 92} pour y porter les nippes du {Lub 481} procureur et y rattraper les miennes. Nous nous croisons, nous nous cherchons: le maudit procureur me fait faire des pas de clerc; enfin l'échange s'opère à la satisfaction des deux parties, mais après bien du temps et des pas perdus.

Laure et Auguste, René et Apolline m'ont reçu à bras ouverts. J'espère f que je ne serai pas forcé d'aller retrouver mes rats et mon galetas au Fayel, car le général Suchet, qui m'a fait l'honneur d'arrêter sa voiture tout exprès pour me parler hier, m'a dit que tous les généraux de division allaient être mandés pour assister à la cérémonie du couronnement, et que probablement Dupont ne resterait pas dans son exil. Me voilà donc encore ici pour quelques jours, et je te rendrai compte de la fête. g

On attend Sa Sainteté demain. Dans la rue de ***, on ne rêve plus que dentelles, diamants et broderies. Ces graves occupations leur ont tellement fait perdre la mémoire, que comme je disais devant eux que j'en étais à ma cinquième année de lieutenance, René s'est écrié, comme sortant d'un rêve: « Comment! Maurice, tu n'es pas encore capitaine? » Cette petite distraction de la part d'une personne avec qui je parle tous les jours depuis six mois de mon guignon, et qui se fait fort auprès de toi de me protéger tout en m'accusant d'être apathique et de ne pas la seconder dans son zèle doit le prouver enfin quel fond il faut faire sur les promesses de ceux qui tiennent leur affaire.

Quant h à Apolline, elle se donne avec moi des airs de protection passablement drôles de la part d'une personne qui ne me sert pas du tout. Elle disait hier que si Dupont lui eût envoyé de bonnes notes sur mon compte, elle m'aurait fait faire mon chemin; mais que je voyais trop mauvaise compagnie. La compagnie que je vois vaut bien celle qui l'entoure. Vitrolles, en me racontant cela, riait aux éclats de cette impertinence, et la traitait sans façon de péronnelle. Va {CL 93} pour péronnelle! mais je ne lui en veux pas, tout le monde est de même. Le ton de cour est la maladie de ceux qui n'y auraient jamais mis le pied autrefois. i

J'ai remis ta doublure à madame de La Marlière pour qu'elle te fît faire une bonne douillette à collets, à l'anglaise; c'est la mode, et je lui ai donné moi-même le dessin des collets pour que la coupe ne fût pas manquée, {Lub 482} car cela peut être très-joli ou très-laid, selon le génie de la couturière. J'ai choisi l'étoffe, et j'espère que tu la trouveras jolie. Ne crois donc pas que j'oublie rien de ce qui te concerne, et pardonne-moi quand j'oublie ce qui ne regarde que moi.

Je vais ce matin avec des billets de M. de Ségur voir les préparatifs de Notre-Dame. Ce soir, j'irai voir la première représentation des Désastres de Lisbonne. Tout Paris va être mystifié. On s'attend à voir un embrasement, un tremblement de terre. Beaucoup de gens craignent le feu, et je tiens d'un des directeurs du théâtre que tout le vacarme se passe en récit, ce qui est beaucoup plus économique.

Les ouvrages lyriques ont ici un succès dont je ne me doutais pas à Nohant.On redemande toujours la romance du divorce. Saint-Brisson en est enthousiaste. Il est ici pour le couronnement, comme président du canton, et fait ses visites à dix heures du soir en bas de soie et à cheval. Il est tout aussi fou que tu l'as connu, et dit à madame *** de grosses polissonneries qu'elle trouve de fort bon ton, parce qu'il les met toujours sur le dos de quelque prince ou princesse.

Adieu, ma bonne mère; je regrette Nohant. Que ta lettre est bonne! J'ai pris le repos dans un tel goût qu'ici je crois être en campagne, tant j'y trouve de fatigue, de bruit et de sens dessus dessous. Et puis tu m'as tant gâté sur toutes choses que je suis devenu difficile.

Je prie d'Andrezel de ne point oublier de travailler aux {CL 94} paroles de mon opéra, Deschartres nous aidera pour la partie des machines. J'embrasse l'un et l'autre, mais toi avant tout et plus que tout le monde.

MAURICE.

LETTRE V j

Paris, 7 frimaire an XIII (novembre 1834).

J'allais repartir pour le Fayel et perdre la cérémonie du couronnement, lorsque notre maréchal Ney m'apprend enfin qu'il vient d'expédier un courrier à Dupont pour le faire venir et qu'on l'attend le lendemain. Je cours {Lub 483} chercher ma malle qui était déjà chargée, et que je n'arrache qu'avec peine des mains des conducteurs, et après avoir épuisé toute mon éloquence. Je jette l'ancre et je cargue mes voiles. Dupont arrive en effet la veille du grand jour. Nous sommes très-bons amis. Il s'est occupé de ma croix, et le rapport sera fait après le couronnement. k

Puis j'ai vu la chose. J'ai vu un, deux, trois, quatre, cinq régiments: hussards, cuirassiers, dragons, carabiniers, et mameluks; une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze voitures à six chevaux pleines de gens de cour; une voiture à dix glaces pleine de princesses; la voiture de l'archichancelier, enfin celle de l'empereur: huit chevaux soupe de lait, admirables bétes, caparaçonnées et pomponnées jusqu'à la hauteur du premier étage des maisons. La voiture à dix glaces, plus galante et plus finie que magnifique: sur l'impériale une manière de surtout représentant des aigles et la couronne. Par devant et par derrière trente pages. L'empereur était dans le fond à droite, l'impératrice à gauche. Sur le devant, les princes Joseph et Louis; à cheval autour de ladite voiture, les maréchaux Moncey, Soult, Murat et Davoust. Des chevaux de main {CL 95} couverts de draps d'or, de housses éblouissantes, menés à deux rênes de soie et d'or par des mameluks à pied, vêtus eux-mêmes avec la plus grande magnificence. La voiture du pape à huit chevaux blancs empanachés. Le pape seul au fond. Deux cardinaux vis-à-vis. La croix d'or portée en avant de la voiture par un gros cuistre en robe et en bonnet carré, monté sur une mule*. Vingt autres voitures en tout semblables aux premières, toutes aux armes et à la livrée de l'empereur, ont transporté le reste de la valetaille impériale.

* A la fête du concordat, on n'avait pas osé montrer cette croix et ce cuistre aux Parisiens. On les avait mis dans une voiture: Ç,'avait été l'objet de pourparlers sérieux entre le premier consul et le légat, tant la restauration catholique était populaire. Au couronnement, la croix, ostensiblement portée, ne souleva pas de murmures, mais le porteur fit beaucoup rire par son obésité.

Dans Notre-Dame, le trône près de la porte au fond, représentant un arc de triomphe assez massif et dont le style grec s'accordait fort mal avec le gothique de l'église; {Lub 484} l'impératrice assise un peu plus bas que son époux. Les princes à deux marches au-dessous. Les tribunes à droite et à gauche garnies de draperies, occupées par le conseil d'État, le Corps législatif, les présidents de canton, les maisons des princes et les billets donnés. Dans la nef, les grands officiers de la Légion d'honneur.

Après la messe, l'empereur est descendu du trône avec l'impératrice, suivi des princes et princesses. Ils ont traversé l'église au pas grave pour s'approcher de l'autel. Le pape a mis de l'huile au front et aux mains de l'empereur et de l'impératrice; ensuite Bonaparte s'est levé, a été prendre la couronne sur l'autel, se l'est mise lui-même sur la tête et a prononcé à haute voix le serment de soutenir les droits de son peuple et de maintenir sa liberté. Il est retourné à son trône, et on a chanté le te Deum. Ensuite {CL 96} retour, illuminations magnifiques, danses, feu d'artifices, etc., etc. C'était fort beau, fort imposant, la pièce bien mise en scène et les grands rôles bien joués. Bonjour à la République! Tu ne la regrettes pas, ma bonne mère, ni moi non plus pour ce qu'elle a été, mais pour ce qu'elle eût dû être, pour ce qu'elle était dans mes rêves d'enfant!

René est décidément chambellan. Apolline se campe des queues de six aunes. Auguste est poudré à blanc. Laure toujours excellente.

J'ai fait tirer les parties de mon ouverture, et nous l'avons exécutée chez Auguste avec des musiciens de Feydeau. Je l'avais annoncée comme d'un de mes amis, et on l'a comparée tout bonnement à du Haydn. J'ai eu un succès auquel j'étais loin de m'attendre. Dis cela à d'Andrezel pour aiguillonner son génie, le mien est tout prêt.

(A l lire tout bas.)

Mon Aurore se porte à merveille, elle est belle par admiration, et je suis dans l'enchantement que tu m'en aies demandé des nouvelles.

Ta lettre m'a comblé d'aise. Tu es bien m ma bonne mère! et toutes les chimères d'orgueil dont je suis le témoin ne donneront jamais à ceux qui s'en nourrissent le quart du bonheur que je trouve dans les témoignages de ta tendresse. Conserve-moi bien ce bonheur-là! Je regrette chaque jour nos soirées et nos causeries, et nos joyeux dîners, et le grand salon, tout Nohant enfin, et je ne me {Lub 485} console qu'en songeant à y retourner. Adieu, ma bonne chère mère; parle de moi à d'Andrezel et à l'ingénieur Deschartres. Tes commissions sont faites.

On a vu par la lettre précédente que n mon existence était acceptée par la bonne mère et qu'elle ne pouvait se défendre de montrer l'intérêt qu'elle y prenait; et pourtant {CL 97} elle n'acceptait pas le mariage et elle était occupée avec l'abbé d'Andrezel à chercher les preuves de nullité que son défaut de consentement pouvait y apporter. Le maire qui avait fait ce mariage avait été abusé par des témoignages hasardés. Averti par les réclamations de ma grand'mère, qui voulait avoir une copie régulière des actes, il ne se hâtait pas de répondre, effrayé peut-être des conséquences de son erreur, qui pouvaient retomber sur lui ou sur le juge de paix. De son côté, le maire du cinquième arrondissement, qui n'avait pas de raisons pour s'abstenir, et qui s'était fait communiquer les pièces, répondait du moins avec une réserve très-concevable o sur la manière dont les formalités avaient été remplies, et se bornait à donner des détails sur la naissance de ma mère, sur Claude Delaborde, l'oiselier du quai de la mégisserie, et sur le grand-père Cloquart, qui vivait encore et qui portait à cette époque (ce renseignement n'est pas dans la lettre du grave magistrat) un grand habit rouge et un chapeau à trois cornes, son habit de noces du temps de Louis XV, le plus beau sans doute qu'il eût jamais possédé et dont il avait fait si longtemps ses dimanches, qu'il lui fallait enfin l'user par mesure d'économie. A propos de cette origine peu brillante de sa belle-fille, ma grand'mère écrivit au susdit maire, à la date de 27 frimaire an XIII:

... Quelque douloureuses que soient pour mon cœur les informations que vous avez bien voulu prendre, je n'en suis pas moins reconnaissante de votre préoccupation à éclairer ma triste curiosité. La parenté m'afflige fort peu, mais bien le caractère personnel p de la demoiselle. Votre silence à son égard, monsieur, m'est une certitude de mon malheur et de celui de mon fils. C'est sa première faute! Il était l'exemple des bons fils et j'étais citée comme la plus heureuse des mères. Mon cœur {Lub 486} se brise, et c'est en pleurant que je vous exprime, {CL 98} monsieur q, ma sensibilité pour vos honnêtes procédés et l'estime très particulière avec laquelle, etc.

A quoi le maire du cinquième répondit (j'ai toutes ces lettres sous les yeux, ma grand'mère ayant pris copie des siennes et ayant formé du tout une espèce de dossier):

    MADAME,

Si j'en juge par votre réponse à ma dernière lettre, la douleur vous a fait illusion sur un article que je crois me devoir à moi-même de redresser: cet article est le plus essentiel à ma satisfaction comme à votre tranquillité.

Il me semble, madame, que c'est sur des faits seulement que pourraient porter les données propres à adoucir dans cette circonstance l'épreuve qu'elle fait subir au cœur d'une mère. C'est du moins dans cette intention et dans cet esprit que j'ai fait des recherches et que je vous en ai transmis le résultat.

Serait-ce le malheur de l'écrit entraîné par le sentiment, de se porter trop précipitamment à croire ce qu'il craint? A cet égard, ma lettre me semblait renfermer des inductions contraires à celles que vous en avez tirées sur le caractère personnel r de l'épouse que votre fils a choisie. Ne pouvant et ne voulant dire que des choses certaines, j'ai voulu juger par moi-même, et, ainsi que je vous l'ai dit, j'ai chargé une personne intelligente et sûre de pénétrer, sous un prétexte quelconque, dans l'intérieur des jeunes époux. Ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, on a trouvé un local extrêmement modeste, mais bien tenu, les deux jeunes gens ayant un extérieur de décence et même de distinction, la jeune mère au milieu de ses enfants, allaitant elle-même le dernier, et paraissant absorbée par ces soins maternels; le jeune homme plein de politesse, de bienveillance et de sérénité. Comme {CL 99} la personne envoyée par moi avait pris pour prétexte de demander une adresse, monsieur votre fils est dascendu à l'étage au-dessous pour la demander à M. Maréchal, qui est marié avec mademoiselle Lucie Delaborde, sœur cadette de mademoiselle Victoire Delaborde; et M. Maréchal est monté fort obligeamment avec M. Dupin pour donner cette adresse. M. Maréchal est un officier retraité {Lub 487} dont l'extérieur est très-favorable. Enfin le jugement de mon envoyé, auquel vous pouvez avoir confiance entière, est que, quels qu'aient pu être les antécédents de la personne, antécédents que j'ignore entièrement, sa vie est actuellement des plus régulières et dénote même une habitude d'ordre et de décence qui n'aurait rien d'affecté. En outre, les deux époux avaient entre eux {Presse 19/11/54 2} le ton d'intimité douce qui suppose la bonne harmonie, et, depuis des renseignements ultérieurs, je me suis convaincu que rien n'annonce que votre fils ait à se repentir de l'union contractée.

Je me trompe, il doit un jour ou l'autre se repentir s d'avoir brisé le cœur de sa mère; mais vous-même l'avez dit, madame, c'est sa première, sa seule faute! Et j'ai tout lieu de croire que si elle est grave envers vous, elle est réparable par sa tendresse, et grâce à la vôtre; il appartient à votre cœur maternel de l'absoudre, et je serais heureux de vous apporter une consolation en vous confirmant que le ton qu'on a vu chez lui ne justifie en rien vos douloureux présages.

C'est dans cet esprit, madame, que je vous prie d'agréer, etc.


Quelque rassurante que fût cette bonne et honnête réponse, ma grand'mère n'en persista pas moins à se munir des pièces qui pouvaient lui laisser l'espoir de {CL 100} rompre le mariage. t
Elle écrivit encore au maire qui avait marié son fils, d'un ton assez amer qui peint bien la situation cruelle de son esprit.


30 janvier 1805.

J'ai sans doute, monsieur, à vous féliciter sur le bonheur domestique dont vous jouissez, car, s'il en était autrement, si quelque chagrin troublait la paix de votre intérieur, vous n'eussiez pas négligé pendant un mois entier de répondre à une mère affligée dans ce qu'elle a de plus de cher au monde, pour finir par articuler, comme en passant, que je ne vous avais pas sollicité régulièrement. Cette réflexion ne s'adresse qu'au particulier, peut-être au père de famille, recommandable parmi ses concitoyens; car si je m'adressais à l'homme public, j'aurais {Lub 488} peut-être le droit de lui observer combien des négligences de ce genre peuvent être préjudiciables aux intéressés qui réclament son ministère.

Je croyais m'être suffisamment fait connaître pour pouvoir sans indiscrétion demander des pièces dont la communication avait été offerte à un tiers désintéressé. J'avais cru que des pièces publiques par leur nature, et dont les originaux restaient entre vos mains, pouvaient m'être délivrées en copie sans vous compromettre. Enfin, je m'étais flattée, mais trop légèrement sans doute, que je trouverais chez vous les égards, l'intérêt et la conflance que je m'applaudissais d'avoir inspirés à M. ***, votre respectable collègue. Je me hâte de vous demander pardon de ma méprise et de régulariser ma demande. A cet effet, je remets à un de mes amis, qui se rend auprès de vous pour cet objet, les pièces ci-jointes, etc.


{CL 101} Ce u fut l'abbé d'Andrezel qui repartit pour Paris, muni de tous les pouvoirs nécessaires. L'abbé d'Andrezel, qu'on n'appelait plus l'abbé depuis la révolution, était un des hommes les plus spirituels et les plus aimables que j'aie connus. Il a fait je ne sais quelles traductions du grec et passait pour savant. Il a été recteur de l'université, et pendant quelque temps censeur sous la Restauration. Ce n'était pourtant pas un royaliste à idées exagérées v, et je l'ai souvent entendu dire, au temps où il exerçait ce triste ministère: « Ce que j'aime de mon emploi, c'est qu'il me permet de jeter au feu une foule de platitudes, et en cela les écrivains que je dépèce me devraient de la reconnaissance s'ils pouvaient se rendre justice. En revanche, j'ai le plaisir de soustraire aux ciseaux de mes collègues une petite quantité de choses plaisantes et justes auxquelles je fais grâce parce qu'il s'y trouve de l'esprit. Le français veut rire, et pourvu qu'on lui laisse la liberté de railler, il supporte la privation de la liberté de raisonner. Il tient plus à sa gaieté qu'à ses passions, à son ironie qu'à son opinion. » Il ajoutait tout bas à l'oreille de sa vieille amie ma grand'mère: « J'ai affaire, je l'avoue, à des pédants très collet monté w qui me trouvent trop tolérant, et s'ils parviennent à faire prédominer leur ridicule austérité, pour être moins {Lub 489} moqué le gouvernement n'en sera que plus moquable. Je crois donc remplir mon mandat avec plus de conscience et de sagesse en respectant l'esprit français partout où je le trouve, même dans le camp ennemi. D'ailleurs, c'est plus fort que moi, quand j'ai ri je suis désarmé. » Cette façon de penser ne fut point goûtée. Il exerça peu de temps les fonctions de censeur. Qu'on l'ait révoqué sans bruit ou qu'il se soit retiré par dégoût, je l'ignore.

Cet abbé d'Andrezel avait été très-joli x garçon, et je crois qu'il était encore très-libertin. Il avait donc assez mauvaise grâce à se charger d'une mission aussi grave que celle qui {CL 102} lui était confiée par ma grand'mère. Il y mit pourtant beaucoup d'activité, car toutes les consultations qui forment le dossier relatif au mariage de mon père lui sont adressées et sont provoquées par lui. De toutes ces consultations, il résulte que le mariage est indissoluble et que l'officier public qui l'a consacré étant de bonne foi, toutes recherches contre lui n'aboutiraient qu'à une vengeance personnelle sans effet contre le mariage contracté.

Pendant que l'abbé d'Andrezel agissait à Paris, et que de Nohant ma grand'mère écrivait à son fils sans lui témoigner son irritation et sa douleur, mon père, toujours muet sur l'article principal, l'entretenait de ses affaires et de ses démarches.

LETTRE VI

28 frimaire an XIII.

J'arrive de Montreuil par la fraîcheur. Il m'a fallu y courir avant le 30, et me présenter devant l'inspecteur aux revues pour être porté sur la liste des payables. A mon retour, je trouve René enflammé pour moi du plus beau zèle. Il a dîné chez son prince avec Dupont, et ils ont eu à mon sujet un long entretien. Dupont a beaucoup vanté mes talents et ma valeur. Le prince s'est beaucoup étonné de me savoir si peu avancé. Je vais lui être présenté, et il dit s'intéresser beaucoup à moi. Malheureusement, il a peu de crédit en ce moment; si sa femme pouvait se mêler de mes affaires, ce serait beaucoup plus sûr.

Pour t'obéir, je vais faire encore tous mes efforts pour {Lub 490} entrer dans la garde; je vais encore une fois tenter les protecteurs et les courtisans! Quant aux places de finances, le cautionnement des receveurs est de cent mille écus comptant. Il n'y faut pas songer.
{CL 103} . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je travaille à mon opéra, et je t'envoie le projet de mon plan. Dis-moi si tu l'approuves. y

Dupont épouse mademoiselle Bergon, fille d'un père de ce nom, inspecteur des eaux et forêts. Elle est très-bonne musicienne, dit-on. Il lui a acheté ce matin un piano de 4,000 francs et une harpe de 150 louis. J'en suis enchanté; quand il aura une femme à faire enrager, il nous laissera peut-être tranquilles.

Adieu, ma bonne mère, je t'aime de toute mon âme. J'embrasse d'Andrezel et je rosse Deschartres.

LETTRE VII

5 janvier 1805.

Ah! qu'il est bon et qu'elles sont tendres! Comme tout cela était bien emballé, et que j'ai bien reconnu à la grâce de cette bourriche les soins de ma bonne mère pour tout ce qu'elle me destine! Ce pâté m'est d'autant plus avantageux qu'il prolonge d'une grande heure mes leçons de composition; mon maître, en vrai musicien, est gourmand et altéré, et tout en l'empiffrant, je lui fais toutes mes questions et observations. C'est, du reste, un homme profondément instruit, et je travaille sérieusement avec lui.

Je n'ai point rapporté, comme tu le dis, des trésors de Montreuil, et cependant j'ai pu acheter un superbe piano à quatre pédales qui vaut au moins 35 louis, et que j'ai eu pour 18. Imagine-toi que j'ai été dénicher cette merveille chez un M. Grévin qui a l'entreprise des cercueils à fournir à toutes les paroisses de Paris. Il avait reçu ce piano en payement et n'en savait que faire. Dieu sait par quelles étranges vicissitudes les lois de l'échange ont fait arriver {CL 104} jusqu'à moi un instrument dont la valeur a élé représentée ailleurs par je ne sais combien de bières. Où diable, me diras-tu, as-tu été déterrer cet enterreur? C'est mon maître qui l'a déterré pour moi; ledit maître {Lub 491} de composition étant organiste de Saint-Nicolas, Saint-Laurent et autres lieux, et, de plus, disciple et collaborateur du célèbre Couperin. Je voudrais que tu l'entendisses improviser sur mon piano. Mon génie étonné tremble devant le sien. Outre sa science, il a le plus beau sentiment mélodique, le goût de Méhul et la grâce de Boieldieu. Je t'avoue que j'oublie tout à ses côtés. Gomme M. Desmazures, je me console avec Apollon et les Muses des injustices du sort. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRES VIII, IX ET X

Voilà enfin le manteau que Duboisdoin m'avait prêté, et pour lequel tu m'avais tant grondé! Il n'en valait pourtant pas la peine; car il m'eût été difficile d'en trouver un aussi mauvais pour le remplacer. Mon coquin de laquais, pressé par la nécessité d'avoir de moi un certificat, est venu me confesser que ce manteau était depuis deux mois dans les mains du cuisinier de M. de Montvillars. J'ai été trouver M. de Montvillars, je lui ai raconté mon affaire; il m'a fait rendre le manteau moyennant 28 francs que j'ai remis au cuisinier, et j'ai repris ledit manteau que ledit cuisinier avait jugé à propos de métamorphoser en capote, ce qui lui a donné un air de jeunesse tout à fait agréable. J'engage Deschartres à le prendre pour modèle dans la confection du sien. Je l'ai remis à d'Andrezel, qui m'a remis celui que tu m'avais acheté z, si bien que je gagne à tout cela un manteau neuf, et Duboisdoin un manteau rajeuni. J'ai été rendre ma visite officielle à madame ***, qui a, ce me {CL 105} semble, tous les airs d'une petite bourgeoise enrichie. Il y avait là force parentes de la dame, en robes d'indienne et bonnets à carcasse. — Philippe Ségur et le vicomte travaillent à frais communs au poème de mon opéra. La réputation des auteurs sera un marchepied pour celle du compositeur.

On donne maintenant aux Associés une tragédie bouffonne, faite sérieusement, il y a une vingtaine d'années, par un certain André, perruquier de M. d'Argental, et intitulée le Désastre de Lisbonne. Le premier acte se passe à Lisbonne, le deuxième à Constantinople. {Lub 492} On y voit le Grand Turc dans toute sa magnificence et menaçant de faire mettre à Bicêtre le héros de la pièce.

On cite des vers tels que ceux-ci:


Pour me tuer ici préte-moi ton couteau;
On t'en rendra un qui sera beaucoup plus beau.

Tout le monde court à cette tragédie, dont le style et l'intrigue sont à pouffer de rire.

Madame Charles de Bérenger a failli mourir. Madame je ne sais plus qui a été se jeter aux genoux du pape pour qu'il dît une messe à l'intention de la malade. La messe dite, la fièvre a cessé, miracle! Il en fera bien d'autres. Il y a quatre jours, le saint-père fut visiter la manufacture de glaces du faubourg Saint-Antoine; madame T***, qui est maintenant entretenue par O***, s'est présentée à Sa Sainteté en la priant de lui donner sa bénédiction. Le saint-père l'a non-seulement bénie, mais encore un chapelet qu'elle portait, ainsi qu'un enfant de je ne sais quel père. Beaumont, témoin oculaire du fait, dit en riant: « A tout péché miséricorde; madame T*** va peut-être devenir une sainte. » René se ruine en habits et en voitures, tout en me prêchant l'économie. Il est éblouissant. Madame se fait courtiser par Caulaincourt (Auguste), grand écuyer du {CL 106} prince. Elle a la tête tournée par la nouvelle cour, comme elle l'avait auparavant par le faubourg Saint-Germain, qui lui a tourné le dos absolument. Un bal, des lumières, des diamants, n'importe où, comment et pourquoi, c'est toujours la même légèreté et le même vide dans l'esprit.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


J'ai assisté, il y a trois jours, à une soirée que Beaumont a donnée au prince Ferdinand, premier aumônier de l'empereur. Il y avait un concert en règle. La Foret, madame Armand, Laïs, Guénin, Lançay, etc., etc.. et moi! Il y a eu d'excellente musique. Au milieu de tout cela est arrivé un M. de S***, voisin de Beaumont*, {Lub 493} homme de soixante-dix ans, possédant autant de mille livres de rente que d'années, exactement vêtu comme il y a trente ans, se croyant jeune, aimable et spirituel, composant derrière un paravent des quatrains pour tout le monde, les chantant avec une méchante haute-contre fêlée, faisant le joli auprès des femmes. C'est une véritable curiosité que ce petit vieux; et comme on le regarde avec étonnement, il croit tourner toutes les têtes. Il voulait absolument qu'Auguste touchât un concerto de piano, disant qu'avec sa figure il était impossible qu'il ne fût pas musicien. Il nous avait déjà décoché trois quatrains sur l'air des Folies d'Espagne, et, par égard pour Beaumont, on s'était contenu. Mais quand il en vint au quatrième, il pria sérieusement mademoiselle Armand de l'accompagner, ce à quoi elle se prêta avec beaucoup {CL 107} d'esprit, en faisant des cadences si ridicules, qu'Auguste, qui était debout derrière le piano, avec ce grand sérieux de glace que tu lui connais, partit tout à coup d'un énorme éclat de rire. Ce fut le signal. J'étais vis-à-vis de lui, me mordant les lèvres et évitant de regarder mademoiselle Armand, qui se tenait à quatre. Mais quand je vis mon cher neveu perdre son flegme imperturbable et rire avec le laisser aller d'un homme qui ne fait rien à demi, je perdis toute contenance, et j'entraînai l'assemblée, qui m'obéit comme à un commandement général; ce fut un moment d'expansion inexprimable, invincible. Le marquis de S*** ne s'en aperçut pas le moins du monde, acheva son quatrain d'un air vainqueur, et fut applaudi à tout rompre.

Aurore aa est bien sensible, ma bonne mère, au baiser que je lui ai donné de ta part. Si elle pouvait parler ou écrire, elle te souhaiterait une bonne année, la mieux tournée et la plus tendre du monde. Elle ne dit rien encore, mais je t'assure qu'elle n'en pense pas moins. C'est une enfant que j'adore, pardonne-moi cet amour-là, il ne nuit en rien à mon amour pour toi; au contraire, il me fait mieux comprendre et apprécier celui que tu me portes.

Tu sais sans doute que le prince Joseph va être nommé {Lub 494} roi de Lombardie, et Eugène Beauharnais roi d'Étrurie. On parle d'une déclaration de guerre très-prochaine.
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[{CL 106}] {Lub 492} * J'ai revu chez mon grand-oncle de Beaumont, douze ans plus tard, ce même marquis de S***, en tout semblable au portrait qu'en trace mon père, et toujours vêtu comme avant la Révolution: c'était un type. A quatre-vingts ans, il était encore frétillon et coquet. Il {Lub 493} prenait des poses et cherchait dans les regards si on faisait attention à sa jambe. Il avait des habits à paillettes et faisait encore des quatrains.

LETTRE XI ab

Paris, 9 ventôse.

En vérité, ma bonne et chère mère, si je voulais prendre la lettre dans le ton où tu me l'as écrite, il ne me resterait plus qu'à me jeter dans la rivière. Je vois bien que tu {CL 108} ne penses pas un mot de ce que tu me dis; la solitude et l'éloignement te grossissent les objets. Mais quoique je sois fort de ma conscience, je n'en suis pas moins douloureusement affecté de ton langage. Tu me reproches toujours ma mauvaise fortune, comme si j'avais pu la conjurer, comme si je n'avais pas dit ac et prouvé cent fois que les états-majors étaient complètement en disgrâce. ad

Il n'y a là-dessous ni ressorts secrets ni intrigue cachée contre moi. Je n'ai pas d'ennemis, je ne suis pas l'objet d'une disgrâce personnelle. Je subis le sort commun à tous ceui qui se trouvent dans la même position que moi, qui n'ont pas six ans de grade dans l'état-major, et qui n'ont pas été assez heureux pour être l'objet d'une exception, autrement dit d'un passe-droit. L'état-major est mort et enterré. On ne pense pas plus à Marengo qu'à s'aller pendre. Les bivouacs d'antichambre peuvent seuls entrer en ligne de compte. Quand nous voulons de l'avancement dans notre corps, Duroc nous répond: « Vous ne faites partie de rien; quittez vos généraux et rentrez dans la ligne. » C'est ce que j'ai essayé de faire, malgré toi, conviens-en; mais alors on nous dit dans les bureaux de la guerre que rentrer dans la ligne, c'est un tour de faveur.

Tu me reproches de n'être pas l'objet d'une de ces faveurs spéciales qui pleuvent cependant sur notre famille. Que veux-tu que je te réponde? Il est bien vrai que *** va être décoré. N'a-t-il pas gagné cela mieux que moi? Il est chambellan depuis trois mois, il annonce à merveille, il fait on ne peut mieux son service de salon. Moi, brutal, je n'ai fait que la guerre; est-ce ma faute {Lub 495} si cela ne compte plus? ***, qui n'a jamais entendu tirer un coup de canon, est décoré aussi et de plus capitaine. Est-ce ma faute si je me suis trouvé au milieu des balles et des boulets? On ne nous avait pas avertis d'avance que cela nous nuirait un jour.

{CL 109} Il ae ne faut point croire que le hasard et les protections conspirent beaucoup pour ou contre nous. L'empereur a son système. J'ai été très-bien servi auprès de lui par Clarke et Caulaincourt. Dupont lui-même m'a rendu justice et bien servi dans ces derniers temps. Je ne me plains de personne, et surtout je n'envie personne. Je me réjouis des faveurs qui tombent sur mes parents et mes amis. Seulement je me dis que je ne parviendrai pas par le même chemin, parce que je ne sais pas m'y prendre. L'empereur seul travaille et nomme. Le ministre de la guerre n'est plus qu'un premier commis. L'empereur sait ce qu'il fait et ce qu'il veut faire. Il veut ramener à lui ceux qui ont fait les superbes, et entourer sa famille et sa personne de courtisans arrachés à l'ancien parti. Il n'a pas besoin de complaire à de petits officiers comme nous, qui avons fait la guerre par enthousiasme et dont il n'a rien à craindre. Si tu étais lancée dans le monde, dans l'intrigue, si tu conspirais contre lui avec les amis de l'étranger, tout irait mieux pour moi, je ne serais pas ignoré, délaissé; je n'aurais pas eu besoin de payer de ma personne, de dormir dans l'eau et dans la neige, d'exposer cent fois ma vie et de sacrifier notre petite aisance au service de la patrie. Je ne te reproche pas ton désintéressement, ta sagesse et ta vertu, ma bonne mère; au contraire, je t'aime, et t'estime et te vénère pour ton caractère. Pardonne-moi donc, à ton tour, de n'être qu'un brave soldat et un sincère patriote.

Consolons-nous pourtant. Vienne la guerre, et tout cela changera probablement. Nous serons bons à quelque chose quand il s'agira de coups de fusil, et alors on songera à nous.

Je ne veux pas relire la dernière page de ta lettre, je l'ai brûlée. Hélas! que me dis-tu? Non, ma mère, un galant homme ne se déshonore pas parce qu'il aime une femme, et une femme n'est pas une fille quand elle est aimée d'un {CL 110} galant homme qui répare envers elle les injustices de la destinée. Tu sais cela mieux que moi, et mes sentiments formés par tes leçons, que j'ai toujours religieusement {Lub 496} écoutées, ne sont que le reflet de ton âme. Par quelle inconcevable fatalité me reproches-tu aujourd'hui d'être l'homme que tu as fait au moral comme au physique?

Au milieu de tes reproches, ta tendresse perce toujours. Je ne sais qui t'a dit que pendant quelque temps j'avais été dans la misère, et tu t'en inquiètes après coup. Eh bien, il est vrai que j'ai habité un petit grenier l'été dernier, et que mon ménage de poëte et d'amoureux faisait un singulier contraste avec les chamarrures d'or de mon costume militaire. N'accuse personne de ce moment de gêne dont je ne t'ai point parlé et dont je ne me plaindrai jamais. Une dette que je croyais payée et dont l'argent avait passé par des mains infidèles a été la seule cause de ce petit désastre, déjà réparé par mes appointements. J'ai maintenant un petit appartement très-agréable et je ne manque de rien.

Qu'est-ce que me dit donc d'Andrezel, que tu vas peut-être venir à Paris, peut-être vendre Nohant? Je n'y comprends rien. Ah! ma bonne mère, viens, et toutes nos peines s'envoleront dans une explication tendre et sincère. Mais ne vends pas Nohant, tu le regretterais.

Adieu, je t'embrasse de toute mon âme, bien triste et bien effrayée de ton mécontentement. Et cependant Dieu m'est témoin que je t'aime et que je mérite ton amour.

MAURICE.

Dans une dernière lettre de cette correspondance, mon père entretient assez longuement sa mère d'un incident qui paraissait la tourmenter beaucoup.

On venait de publier les Mémoires posthumes de Marmontel. Ma grand'mère avait beaucoup connu Marmontel {CL 111} dans son enfance, mais elle ne m'en parla jamais, et les Mémoires posthumes expliquent assez pourquoi. Voici une page de ces mémoires:

« L'espèce de bienveillance que l'on avait pour moi dans cette cour* me servit cependant à me faire écouter et croire dans une affaire intéressante. L'acte de baptême d'Aurore, fille de mademoiselle Verrière, attestait qu'elle {Lub 497} était fille du maréchal de Saxe**, et après la mort de son père, madame la Dauphine était dans l'intention de la faire élever. C'était l'ambition de la mère. Mais il vint dans la fantaisie de M. le Dauphin de dire qu'elle était ma fille, et ce mot fit son impression. Madame de Chalut me le dit en riant, mais je pris la plaisanterie de M. le Dauphin sur le ton le plus sérieux. Je l'accusai de légèreté; et, en offrant de faire preuve que je n'avais connu mademoiselle de Verrière que pendant le voyage du maréchal en Prusse et plus d'un an après la naissance de cet enfant, je dis que ce serait inhumainement lui ôter son véritable père que de me faire passer pour l'être. Madame de Chalut se chargea de plaider cette cause devant madame la Dauphine, et M. le Dauphin céda. Ainsi Aurore fut élevée à leurs frais au couvent des religieuses de Saint-Cloud, et madame de Chalut**, qui avait à Saint-Cloud sa maison de campagne, voulut bien se charger pour l'amour de moi et à ma prière des soins et des détails de cette éducation. »

{Lub 496} * Celle du Dauphin, père de Louis XVI.

{Lub 497} ** Marmontel se trompe, puisqu'il y eut lieu de rectifier cet acte par arrêt du Châtelet.

*** Cette madame de Chalut, qui était mademoiselle Varanchon, femme de chambre favorite de la première et de la seconde Dauphine, fut mariée par cette dernière, et son mari fut fait fermier général. Elle a tenu mon père sur les fonts de baptême avec le marquis de Polignac.

Ce fragment ne pouvait mécontenter ma grand'mère, et {CL 112} Marmontel avait certainement droit à sa reconnaissance. Mais, dans un autre endroit, l'auteur des Incas raconte avec moins de réserve ses relations avec Mademoiselle Verrière. Bien qu'il y parle avec estime et affection de la conduite, du caractère et du talent de cette jeune actrice, il entre dans des détails d'intimité qui nécessairement devaient faire souffrir sa fille. Celle-ci en écrivit donc à mon père pour l'engager à voir s'il ne serait pas possible de faire supprimer le passage dans les nouvelles éditions. L'oncle Beaumont fut consulté. Il était également intéressé à l'affaire, puisque dans ce même passage Marmontel raconte comme quoi ayant été cause que le maréchal de Saxe avait retiré à Mademoiselle Verrière la pension de douze mille livres qu'il lui faisait pour elle et sa fille, cette belle personne en fut dédommagée par {Lub 498} le prince de Turenne, sous promesse, de la part de Marmontel, de ne plus la voir. Or, l'oncle Beaumont était, comme je l'ai déjà dit, fils de Mademoiselle Verrière et de ce prince de Turenne duc de Bouillon. Cependant il prit la chose moins au sérieux.

« Beaumont assure, écrivait mon père à ma grand'mère, que cela ne mérite pas le chagrin que tu t'en fais. D'abord nous ne sommes pas assez riches, que je sache, pour racheter l'édition publiée et pour obtenir que la prochaine soit corrigée; fussions-nous à même de le faire, cela donnerait d'autant plus de piquant aux exemplaires vendus, et tôt ou tard nous ne pourrions empêcher qu'on ne refît de nouvelles éditions conformes aux premières. Les héritiers de Marmontel consentiraient-ils d'ailleurs à cet arrangement avec les éditeurs? J'en doute, et nous ne sommes plus au temps où l'on pouvait sévir, soit par promesses, soit par menaces, soit par des lettres de cachet, contre la liberté d'écrire. On ne donne plus des coups de bâton à ces faquins d'auteurs et d'imprimeurs; et toi, ma bonne mère, qui dès ce temps-là étais du parti des {CL 113} encyclopédistes et des philosophes, tu ne peux pas trouver mauvais que nous ayons changé de lois et de mœurs. Je comprends bien que tu souffres d'entendre parler si légèrement de ta mère, mais en quoi cela peut-il atteindre ta vie, qui a toujours été si austère, et ta réputation, qui est si pure? Pour mon compte, cela ne me fâche guère, qu'on sache dans le public ce qu'on savait déjà de reste dans le monde sur ma grand'mère maternelle. C'était, je le vois par les mémoires en question, une aimable femme, douce, sans intrigue, sans ambition, très-sage et de bonne vie, eu égard à sa position. Il en a été d'elle comme de bien d'autres. Les circonstances ont fait ses fautes, et son naturel les a fait accepter en la rendant aimable et bonne. Voilà l'impression qui me reste de ces pages dont tu te tourmentes tant, et sois certaine que le public ne sera pas plus sévère que moi. »


Ici se terminent les lettres de mon père à sa mère. Sans doute il lui en écrivit beaucoup d'autres durant les quatre années qu'il vécut encore et qui amenèrent de fréquentes séparations à la reprise de la guerre. Mais la suite de leur correspondance a disparu, j'ignore pourquoi {Lub 499} et comment. Je ne puis donc consulter pour la suite de l'histoire de mon père que ses états de service, quelques lettres écrites à sa femme et les vagues souvenirs de mon enfance. 1

{Presse 20/11/54 1} Ma grand'mère se rendit à Paris dans le courant de ventôse avec l'intention de faire rompre le mariage de son fils, espérant même qu'il y consentirait, car jamais elle ne l'avait vu résister à ses larmes. Elle arriva d'abord à Paris à son insu, ne lui ayant pas fixé le jour de son départ et ne l'avertissant pas de son arrivée, comme elle en avait l'habitude. Elle commença par aller trouver M. Desèze, qu'elle consulta sur la validité du mariage. M. Desèze trouva {CL 114} l'affaire neuve comme la législation qui l'avait rendue possible. Il appela deux autres avocats célèbres, et le résultat de la consultation fut qu'il y avait matière à procès, parce qu'il y a toujours matière à procès dans toutes les affaires de ce monde, mais que le mariage avait neuf chances contre dix d'être validé par les tribunaux, que mon acte de naissance me constituait légitime, et qu'en supposant la rupture du mariage, l'intention comme le devoir de mon père serait infailliblement de remplir les formalités voulues et de contracter de nouveau mariage avec la mère de l'enfant qu'il avait voulu légitimer.

Ma grand'mère n'avait peut-être jamais eu l'intention formelle de plaider contre son fils. En eût-elle conçu le projet, elle n'en aurait certes pas eu le courage. Elle fut probablement soulagée de la moitié de sa douleur en renonçant à ses velléités hostiles, car on double son propre mal en tenant rigueur à ce qu'on aime. Elle voulut cependant passer encore quelques jours sans voir son fils, sans doute afin d'épuiser les résistances de son propre esprit et de prendre de nouvelles informations sur sa belle-fille. Mais mon père découvrit que sa mère était à Paris; il comprit qu'elle savait tout et me chargea de plaider sa cause. Il me prit dans ses bras, monta dans un fiacre, s'arrêta à la porte de la maison où ma grand'mère était descendue, gagna en peu de mots les bonnes grâces de la portière, et me confia à cette femme, qui s'acquitta de la commission ainsi qu'il suit:

Elle monta à l'appartement de ma bonne maman, et, sous le premier prétexte venu, demanda à lui parler. Introduite en sa présence, elle lui parla de je ne sais quoi, {Lub 500} et, tout en causant, elle s'interrompit pour lui dire: « Voyez donc, madame, la jolie petite fille dont je suis grand'mère! Sa nourrice me l'a apportée aujourd'hui, et j'en suis si heureuse que je ne peux pas m'en séparer un {CL 115} instant. — Oui, elle est très-fraîche et très-forte », dit ma grand'mère en cherchant sa bonbonnière. Et tout aussitôt la bonne femme, qui jouait fort bien son rôle, me déposa sur les genoux de la bonne maman, qui m'offrit des friandises et commença à me regarder avec une sorte d'étonnement et d'émotion. Tout à coup elle me repoussa en s'écriant: « Vous me trompez, cette enfant n'est pas à vous; ce n'est pas à vous qu'elle ressemble!... je sais, je sais ce que c'est!... »

Effrayée du mouvement qui me chassait du sein maternel, il paraît que je me mis non à crier, mais à pleurer de vraies larmes qui firent beaucoup d'effet. « Viens, mon pauvre cher amour, dit la portière en me reprenant, on ne veut pas de toi, allons-nous-en. »

Ma pauvre bonne maman fut vaincue. « Rendez-la-moi, dit-elle. Pauvre enfant, tout cela n'est pas sa faute! Et qui a apporté cette petite? — Monsieur votre fils lui-même, madame; il attend en bas, je vais lui reporter sa fille. Pardonnez-moi si je vous ai offensée; je ne savais rien, je ne sais rien, moi! J'ai cru vous faire plaisir, vous faire une belle surprise... — Allez, allez, ma chère, je ne vous en veux pas, dit ma grand'mère; allez chercher mon fils et laissez-moi l'enfant. »

Mon père monta les escaliers quatre à quatre. Il me trouva sur les genoux, contre le sein de ma bonne maman, qui pleurait en s'efforçant de me faire rire. On ne m'a pas raconté ce qui se passa entre eux, et comme je n'avais que huit ou neuf mois, il est probable que je n'en tins pas note. Il est probable aussi qu'ils pleurèrent ensemble et s'aimèrent d'autant plus. Ma mère, qui m'a raconté cette première aventure de ma vie, m'a dit que lorsque mon père me ramena auprès d'elle, j'avais dans les mains une belle bague avec un gros rubis, que ma bonne maman avait détachée de son doigt en me chargeant de la {CL 116} mettre à celui de ma mère, ce que mon père me fit observer religieusement*. af

* Je porte toujours cette bague. ag

Quelques temps se passèrent ah encore cependant avant {Lub 501} que ma grand'mère consentît à voir sa belle-fille; mais déjà le bruit se répandait que son fils avait fait un mariage disproportionné, et le refus qu'elle faisait de la recevoir devait nécessairement amener des inductions fâcheuses contre ma mère, contre mon père par conséquent. Ma bonne maman fut effrayée du tort que sa répugnance pouvait faire à son fils. Elle reçut la tremblante Sophie, qui la désarma par sa soumission naïve et ses tendres caresses. Le mariage religieux fut célébré sous les yeux de ma grand'mère, après quoi un repas de famille scella officiellement l'adoption de ma mère et la mienne.

Je dirai plus tard, en consultant mes propres souvenirs, qui ne peuvent me tromper, l'impression que ces deux femmes si différentes d'habitudes et d'opinions produisaient l'une sur l'autre. Il me suffira de dire, quant à présent, que, de part et d'autre, les procédés furent excellents, que les doux noms de mère et de fille furent échangés, et que si le mariage de mon père fit un petit scandale entre les personnes d'un entourage intime assez restreint, le monde que mon père fréquentait ne s'en occupa nullement et accueillit ma mère sans lui demander compte de ses aïeux ou de sa fortune. Mais elle n'aima jamais le monde et ne fut présentée à la cour de Murat que contrainte et forcée, pour ainsi dire, par les fonctions que mon père remplit plus tard auprès de ce prince.

Ma mère ne se sentit jamais ni humiliée ni honorée de se trouver avec des gens qui eussent pu se croire au-dessus d'elle. Elle raillait finement l'orgueil des sots, la vanité des parvenus, et, se sentant peuple jusqu'au bout des {CL 117} ongles, elle se croyait plus noble que tous les patriciens et les aristocrates de la terre. Elle avait coutume de dire que ceux de sa race avaient le sang plus rouge et les veines plus larges que les autres, ce que je croirais assez, car si l'énergie morale et physique constitue en réalité l'excellence des races, n ne saurait nier que cette énergie ne soit condamnée à diminuer dans celles qui perdent l'habitude du travail et le courage de la souffrance. Cet aphorisme ne serait certainement pas sans exception, et l'on peut ajouter que l'excès du travail et de la souffrance énervent l'organisation tout aussi bien que l'excès de la mollesse et de l'oisiveté. Mais il est certain, en général, {Lub 502} que la vie part du bas de la société et se perd à mesure qu'elle monte au sommet, comme la séve dans les plantes.

Ma mère n'était point de ces intrigantes hardies, dont la passion secrète est de lutter contre les préjugés de leur temps, et qui croient se grandir en s'accrochant, au risque de mille affronts, à la fausse grandeur du monde. Elle était mille fois trop fière pour s'exposer même à des froideurs. Son attitude était si réservée qu'elle semblait timide; mais si on essayait de l'encourager par des airs protecteurs, elle devenait plus que réservée, elle se montrait froide et taciturne. Son maintien était excellent avec les personnes qui lui inspiraient un respect fondé; elle était alors prévenante et charmante; mais son véritable naturel était enjoué, taquin, actif, et par-dessus tout ennemi de la contrainte. Les grands dîners, les longues soirées, les visites banales, le bal même, lui étaient odieux. C'était la femme du coin du feu ou de la promenade rapide et folâtre; mais, dans son intérieur, comme dans ses courses, il lui fallait l'intimité, la confiance, des relations d'une sincérité complète, la liberté absolue de ses habitudes et de l'emploi de son temps. Elle vécut donc toujours retirée, et plus soigneuse de s'abstenir de connaissances gênantes que jalouse {CL 118} d'en faire d'avantageuses. C'était bien là le fond du caractère de mon père, et, sous ce rapport, jamais époux ne furent mieux assortis. Ils ne se trouvaient heureux que dans leur petit ménage. Partout ailleurs ils étouffaient de mélancoliques bâillements, et ils m'ont légué cette secrète sauvagerie qui m'a rendu toujours le monde insupportable et le home nécessaire.

Toutes les démarches que mon père avait faites, avec beaucoup de tiédeur, il faut l'avouer, n'aboutirent à rien. Il avait eu mille fois raison de le dire, il n'était pas fait pour gagner ses éperons en temps de paix, et les campagnes d'antichambre ne lui réussissaient pas. La guerre seule pouvait le faire sortir de l'impasse de l'état-major.

Il retourna au camp de Montreuil avec Dupont. Ma mère l'y suivit au printemps de 1805, et y passa deux ou trois mois au plus, durant lesquels ma tante Lucie prit soin de ma soeur et de moi. Cette soeur, dont j'aurai à parler plus tard et dont j'ai déjà signalé l'existence, n'était pas fille de mon père. Elle avait cinq ou six ans de plus que moi et s'appelait Caroline. Ma bonne petite {Lub 503} tante Lucie avait, je l'ai dit, épousé M. Maréchal, officier retraité, dans le même temps que ma mère épousait mon père. Une fille était née de leur union cinq ou six mois après ma naissance. C'est ma chère cousine Clotilde, la meilleure amie peut-être que j'aie jamais eue. Ma tante demeurait alors à Chaillot, où mon oncle avait acheté une petite maison, alors en pleine campagne, et qui serait aujourd'hui en pleine ville. Elle louait pour nous promener l'âne d'un jardinier du voisinage. On nous mettait sur du foin dans les paniers destinés à porter les fruits et les légumes au marché, Caroline dans l'un, Clotilde et moi dans l'autre. Il paraît que nous goûtions fort « cette façon d'aller. »

Pendant ce temps-là, l'empereur Napoléon, occupé d'autres soins et s'amusant à d'autres chevauchées, s'en allait en {CL 119} Italie mettre sur sa tête la couronne de fer. Guai a chi la tocca! avait dit le grand homme. L'Angleterre, l'Autriche et la Russie {Presse 20/11/54 2} résolurent d'y toucher, et l'empereur leur tint parole.

Au moment où l'armée réunie au rivage de la Manche attendait avec impatience le signal d'une descente en Angleterre, l'empereur, voyant sa fortune trahie sur les mers, changea tous ses plans dans une nuit: une de ces nuits d'inspiration où la fièvre se faisait froide dans ses veines, et le découragement d'une entreprise tout-puissant pour une entreprise nouvelle dans son esprit.


Variantes

  1. Le deuxième partie est soudée à la première dans {Presse}. Les titres des parties ne figurent qu'à partir de l'édition {CL}.
  2. CHAPITRE VINGT-UNIÈME {Presse} ♦ CHAPITRE NEUVIÈME {Lecou}, {LP} ♦ IX {CL}
  3. Dans {Presse}, l'argument de ce chapitre ne comprend pas La cérémonie du couronnement, ni Le marquis de S***
  4. de t'écrire pour m'entretenir {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ de m'entretenir {CL} de t'écrire pour m'entretenir {Lub} (rétablissant la 1ère leçon, le lapsus de {CL} étant évident; nous le suivons.)
  5. Interruption de {Presse}
  6. Reprise de {Presse}
  7. Interruption de {Presse}
  8. Reprise de {Presse}
  9. Interruption de {Presse}
  10. Reprise de {Presse}
  11. Interruption de {Presse}
  12. Reprise de {Presse}
  13. Tu y es bien {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ Tu es bien {CL}
  14. On voit, par cette lettre, que {Presse} ♦ On a vu par la lettre précédente que {Lecou} et sq.
  15. réserve très-convenable {Presse} ♦ réserve très-concevable {Lecou} et sq.
  16. le personnel {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ le caractère personnel {CL}
  17. vous exprime monsieur {CL} (oubli de la virgule)
  18. sur le personnel {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ sur le caractère personnel {CL}
  19. se repentir amèrement {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ se repentir {CL}
  20. rompre ce mariage. {Presse} (Interruption après ce mot) ♦ rompre le mariage. {Lecou} et sq.
  21. Reprise de {Presse}
  22. Interruption de {Presse}
  23. très collet-monté {Lecou} ♦ très collets-montés {LP} ♦ très collet-monté {CL}
  24. Reprise de {Presse}: Il avait été très-joli {Presse} ♦ Cet abbé d'Andrezel avait été très-joli {Lecou} et sq.
  25. Interruption de {Presse}
  26. que tu m'as acheté {Lecou}, {LP} ♦ que tu m'avais acheté {CL}
  27. Reprise de {Presse}, où ce fragment est soudé à la lettre VI
  28. LETTRE VII {Presse} ♦ Lettre XI {Lecou} et sq.
  29. comme si je ne t'avais pas dit {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ comme si je n'avais pas dit {CL}
  30. Interruption de {Presse}
  31. Reprise de {Presse}
  32. religieusement. {Presse} (pas d'appel de note ni de note) ♦ religieusement* {Lecou} et sq.
  33. Cette note n'apparait que dans l'édition {Lecou} pour la première fois
  34. Quelque temps se passa {Presse} ♦ Quelques temps se passèrent {Lecou} et sq.

Notes

  1. {Presse}: (La suite à demain.)