GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{[Presse 6/11/54 2]; LP T.? ?; CL T.1 [389]; Lub T.1 [323]} DEUXIÈME PARTIE
Mes premi�res ann�es
1800-1810 a

{Presse 19/11/54 1 col.3; CL T.2 [91]; Lub T.1 [480]} IX b

Suite des lettres. — La c�r�monie du couronnement. — Lettres de ma grand'm�re et d'un officier civil. — L'Abb� d'Andrezel. — Suite des lettres. — Le marquis de S***. — Un passage des M�moires de Marmontel. — Ma premi�re entrevue avec ma grand'm�re. — Caract�re de ma m�re. — Son mariage � l'�glise. — Ma tante Lucie et ma cousine Clotilde. — Mon premier s�jour � Chaillot. c



LETTRE IV

DE MAURICE À SA MÈRE

Fin brumaire an XIII (novembre 1804).

Depuis six semaines, j'ai �t� si heureux pr�s de toi, ma bonne m�re, que c'est presque un chagrin maintenant que d'�tre oblig� de t'�crire pour m'entretenir d avec toi. Le calme, le bonheur dont j'ai joui � Nohant me rendent encore plus insupportables le tumulte, l'inqui�tude et le bruit qui m'entourent � Paris. e

Mon voyage a �t� l'abr�g� de tous les guignons d'une grande route. Retard � Orl�ans faute de place, accident et nouveau retard � Étampes. Puis � la Croix de Bernis, un maudit procureur de province, qui vient � Paris pour voir le couronnement, quitte de nuit la diligence pour se rendre � Versailles, o� il est casern� avec les autres gardes d�partementales, emporte mon portemanteau et me laisse le sien, dans lequel, au lieu des jolies cravates que tu m'as donn�es, je risque fort de ne trouver que de sales rabats. Le lendemain de mon arriv�e ici, il me faut courir � Versailles {CL 92} pour y porter les nippes du {Lub 481} procureur et y rattraper les miennes. Nous nous croisons, nous nous cherchons: le maudit procureur me fait faire des pas de clerc; enfin l'�change s'op�re � la satisfaction des deux parties, mais apr�s bien du temps et des pas perdus.

Laure et Auguste, Ren� et Apolline m'ont re�u � bras ouverts. J'esp�re f que je ne serai pas forc� d'aller retrouver mes rats et mon galetas au Fayel, car le g�n�ral Suchet, qui m'a fait l'honneur d'arr�ter sa voiture tout expr�s pour me parler hier, m'a dit que tous les g�n�raux de division allaient �tre mand�s pour assister � la c�r�monie du couronnement, et que probablement Dupont ne resterait pas dans son exil. Me voil� donc encore ici pour quelques jours, et je te rendrai compte de la f�te. g

On attend Sa Saintet� demain. Dans la rue de ***, on ne r�ve plus que dentelles, diamants et broderies. Ces graves occupations leur ont tellement fait perdre la m�moire, que comme je disais devant eux que j'en �tais � ma cinqui�me ann�e de lieutenance, Ren� s'est �cri�, comme sortant d'un r�ve: « Comment! Maurice, tu n'es pas encore capitaine? » Cette petite distraction de la part d'une personne avec qui je parle tous les jours depuis six mois de mon guignon, et qui se fait fort aupr�s de toi de me prot�ger tout en m'accusant d'�tre apathique et de ne pas la seconder dans son z�le doit le prouver enfin quel fond il faut faire sur les promesses de ceux qui tiennent leur affaire.

Quant h � Apolline, elle se donne avec moi des airs de protection passablement dr�les de la part d'une personne qui ne me sert pas du tout. Elle disait hier que si Dupont lui e�t envoy� de bonnes notes sur mon compte, elle m'aurait fait faire mon chemin; mais que je voyais trop mauvaise compagnie. La compagnie que je vois vaut bien celle qui l'entoure. Vitrolles, en me racontant cela, riait aux �clats de cette impertinence, et la traitait sans fa�on de p�ronnelle. Va {CL 93} pour p�ronnelle! mais je ne lui en veux pas, tout le monde est de m�me. Le ton de cour est la maladie de ceux qui n'y auraient jamais mis le pied autrefois. i

J'ai remis ta doublure � madame de La Marli�re pour qu'elle te f�t faire une bonne douillette � collets, � l'anglaise; c'est la mode, et je lui ai donn� moi-m�me le dessin des collets pour que la coupe ne f�t pas manqu�e, {Lub 482} car cela peut �tre tr�s-joli ou tr�s-laid, selon le g�nie de la couturi�re. J'ai choisi l'�toffe, et j'esp�re que tu la trouveras jolie. Ne crois donc pas que j'oublie rien de ce qui te concerne, et pardonne-moi quand j'oublie ce qui ne regarde que moi.

Je vais ce matin avec des billets de M. de S�gur voir les pr�paratifs de Notre-Dame. Ce soir, j'irai voir la premi�re repr�sentation des D�sastres de Lisbonne. Tout Paris va �tre mystifi�. On s'attend � voir un embrasement, un tremblement de terre. Beaucoup de gens craignent le feu, et je tiens d'un des directeurs du th��tre que tout le vacarme se passe en r�cit, ce qui est beaucoup plus �conomique.

Les ouvrages lyriques ont ici un succ�s dont je ne me doutais pas � Nohant.On redemande toujours la romance du divorce. Saint-Brisson en est enthousiaste. Il est ici pour le couronnement, comme pr�sident du canton, et fait ses visites � dix heures du soir en bas de soie et � cheval. Il est tout aussi fou que tu l'as connu, et dit � madame *** de grosses polissonneries qu'elle trouve de fort bon ton, parce qu'il les met toujours sur le dos de quelque prince ou princesse.

Adieu, ma bonne m�re; je regrette Nohant. Que ta lettre est bonne! J'ai pris le repos dans un tel go�t qu'ici je crois �tre en campagne, tant j'y trouve de fatigue, de bruit et de sens dessus dessous. Et puis tu m'as tant g�t� sur toutes choses que je suis devenu difficile.

Je prie d'Andrezel de ne point oublier de travailler aux {CL 94} paroles de mon op�ra, Deschartres nous aidera pour la partie des machines. J'embrasse l'un et l'autre, mais toi avant tout et plus que tout le monde.

MAURICE.

LETTRE V j

Paris, 7 frimaire an XIII (novembre 1834).

J'allais repartir pour le Fayel et perdre la c�r�monie du couronnement, lorsque notre mar�chal Ney m'apprend enfin qu'il vient d'exp�dier un courrier � Dupont pour le faire venir et qu'on l'attend le lendemain. Je cours {Lub 483} chercher ma malle qui �tait d�j� charg�e, et que je n'arrache qu'avec peine des mains des conducteurs, et apr�s avoir �puis� toute mon �loquence. Je jette l'ancre et je cargue mes voiles. Dupont arrive en effet la veille du grand jour. Nous sommes tr�s-bons amis. Il s'est occup� de ma croix, et le rapport sera fait apr�s le couronnement. k

Puis j'ai vu la chose. J'ai vu un, deux, trois, quatre, cinq r�giments: hussards, cuirassiers, dragons, carabiniers, et mameluks; une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze voitures � six chevaux pleines de gens de cour; une voiture � dix glaces pleine de princesses; la voiture de l'archichancelier, enfin celle de l'empereur: huit chevaux soupe de lait, admirables b�tes, capara�onn�es et pomponn�es jusqu'� la hauteur du premier �tage des maisons. La voiture � dix glaces, plus galante et plus finie que magnifique: sur l'imp�riale une mani�re de surtout repr�sentant des aigles et la couronne. Par devant et par derri�re trente pages. L'empereur �tait dans le fond � droite, l'imp�ratrice � gauche. Sur le devant, les princes Joseph et Louis; � cheval autour de ladite voiture, les mar�chaux Moncey, Soult, Murat et Davoust. Des chevaux de main {CL 95} couverts de draps d'or, de housses �blouissantes, men�s � deux r�nes de soie et d'or par des mameluks � pied, v�tus eux-m�mes avec la plus grande magnificence. La voiture du pape � huit chevaux blancs empanach�s. Le pape seul au fond. Deux cardinaux vis-�-vis. La croix d'or port�e en avant de la voiture par un gros cuistre en robe et en bonnet carr�, mont� sur une mule*. Vingt autres voitures en tout semblables aux premi�res, toutes aux armes et � la livr�e de l'empereur, ont transport� le reste de la valetaille imp�riale.

* A la f�te du concordat, on n'avait pas os� montrer cette croix et ce cuistre aux Parisiens. On les avait mis dans une voiture: Ç,'avait �t� l'objet de pourparlers s�rieux entre le premier consul et le l�gat, tant la restauration catholique �tait populaire. Au couronnement, la croix, ostensiblement port�e, ne souleva pas de murmures, mais le porteur fit beaucoup rire par son ob�sit�.

Dans Notre-Dame, le tr�ne pr�s de la porte au fond, repr�sentant un arc de triomphe assez massif et dont le style grec s'accordait fort mal avec le gothique de l'�glise; {Lub 484} l'imp�ratrice assise un peu plus bas que son �poux. Les princes � deux marches au-dessous. Les tribunes � droite et � gauche garnies de draperies, occup�es par le conseil d'État, le Corps l�gislatif, les pr�sidents de canton, les maisons des princes et les billets donn�s. Dans la nef, les grands officiers de la L�gion d'honneur.

Apr�s la messe, l'empereur est descendu du tr�ne avec l'imp�ratrice, suivi des princes et princesses. Ils ont travers� l'�glise au pas grave pour s'approcher de l'autel. Le pape a mis de l'huile au front et aux mains de l'empereur et de l'imp�ratrice; ensuite Bonaparte s'est lev�, a �t� prendre la couronne sur l'autel, se l'est mise lui-m�me sur la t�te et a prononc� � haute voix le serment de soutenir les droits de son peuple et de maintenir sa libert�. Il est retourn� � son tr�ne, et on a chant� le te Deum. Ensuite {CL 96} retour, illuminations magnifiques, danses, feu d'artifices, etc., etc. C'�tait fort beau, fort imposant, la pi�ce bien mise en sc�ne et les grands r�les bien jou�s. Bonjour � la R�publique! Tu ne la regrettes pas, ma bonne m�re, ni moi non plus pour ce qu'elle a �t�, mais pour ce qu'elle e�t d� �tre, pour ce qu'elle �tait dans mes r�ves d'enfant!

Ren� est d�cid�ment chambellan. Apolline se campe des queues de six aunes. Auguste est poudr� � blanc. Laure toujours excellente.

J'ai fait tirer les parties de mon ouverture, et nous l'avons ex�cut�e chez Auguste avec des musiciens de Feydeau. Je l'avais annonc�e comme d'un de mes amis, et on l'a compar�e tout bonnement � du Haydn. J'ai eu un succ�s auquel j'�tais loin de m'attendre. Dis cela � d'Andrezel pour aiguillonner son g�nie, le mien est tout pr�t.

(A l lire tout bas.)

Mon Aurore se porte � merveille, elle est belle par admiration, et je suis dans l'enchantement que tu m'en aies demand� des nouvelles.

Ta lettre m'a combl� d'aise. Tu es bien m ma bonne m�re! et toutes les chim�res d'orgueil dont je suis le t�moin ne donneront jamais � ceux qui s'en nourrissent le quart du bonheur que je trouve dans les t�moignages de ta tendresse. Conserve-moi bien ce bonheur-l�! Je regrette chaque jour nos soir�es et nos causeries, et nos joyeux d�ners, et le grand salon, tout Nohant enfin, et je ne me {Lub 485} console qu'en songeant � y retourner. Adieu, ma bonne ch�re m�re; parle de moi � d'Andrezel et � l'ing�nieur Deschartres. Tes commissions sont faites.

On a vu par la lettre pr�c�dente que n mon existence �tait accept�e par la bonne m�re et qu'elle ne pouvait se d�fendre de montrer l'int�r�t qu'elle y prenait; et pourtant {CL 97} elle n'acceptait pas le mariage et elle �tait occup�e avec l'abb� d'Andrezel � chercher les preuves de nullit� que son d�faut de consentement pouvait y apporter. Le maire qui avait fait ce mariage avait �t� abus� par des t�moignages hasard�s. Averti par les r�clamations de ma grand'm�re, qui voulait avoir une copie r�guli�re des actes, il ne se h�tait pas de r�pondre, effray� peut-�tre des cons�quences de son erreur, qui pouvaient retomber sur lui ou sur le juge de paix. De son c�t�, le maire du cinqui�me arrondissement, qui n'avait pas de raisons pour s'abstenir, et qui s'�tait fait communiquer les pi�ces, r�pondait du moins avec une r�serve tr�s-concevable o sur la mani�re dont les formalit�s avaient �t� remplies, et se bornait � donner des d�tails sur la naissance de ma m�re, sur Claude Delaborde, l'oiselier du quai de la m�gisserie, et sur le grand-p�re Cloquart, qui vivait encore et qui portait � cette �poque (ce renseignement n'est pas dans la lettre du grave magistrat) un grand habit rouge et un chapeau � trois cornes, son habit de noces du temps de Louis XV, le plus beau sans doute qu'il e�t jamais poss�d� et dont il avait fait si longtemps ses dimanches, qu'il lui fallait enfin l'user par mesure d'�conomie. A propos de cette origine peu brillante de sa belle-fille, ma grand'm�re �crivit au susdit maire, � la date de 27 frimaire an XIII:

... Quelque douloureuses que soient pour mon cœur les informations que vous avez bien voulu prendre, je n'en suis pas moins reconnaissante de votre pr�occupation � �clairer ma triste curiosit�. La parent� m'afflige fort peu, mais bien le caract�re personnel p de la demoiselle. Votre silence � son �gard, monsieur, m'est une certitude de mon malheur et de celui de mon fils. C'est sa premi�re faute! Il �tait l'exemple des bons fils et j'�tais cit�e comme la plus heureuse des m�res. Mon cœur {Lub 486} se brise, et c'est en pleurant que je vous exprime, {CL 98} monsieur q, ma sensibilit� pour vos honn�tes proc�d�s et l'estime tr�s particuli�re avec laquelle, etc.

A quoi le maire du cinqui�me r�pondit (j'ai toutes ces lettres sous les yeux, ma grand'm�re ayant pris copie des siennes et ayant form� du tout une esp�ce de dossier):

    MADAME,

Si j'en juge par votre r�ponse � ma derni�re lettre, la douleur vous a fait illusion sur un article que je crois me devoir � moi-m�me de redresser: cet article est le plus essentiel � ma satisfaction comme � votre tranquillit�.

Il me semble, madame, que c'est sur des faits seulement que pourraient porter les donn�es propres � adoucir dans cette circonstance l'�preuve qu'elle fait subir au cœur d'une m�re. C'est du moins dans cette intention et dans cet esprit que j'ai fait des recherches et que je vous en ai transmis le r�sultat.

Serait-ce le malheur de l'�crit entra�n� par le sentiment, de se porter trop pr�cipitamment � croire ce qu'il craint? A cet �gard, ma lettre me semblait renfermer des inductions contraires � celles que vous en avez tir�es sur le caract�re personnel r de l'�pouse que votre fils a choisie. Ne pouvant et ne voulant dire que des choses certaines, j'ai voulu juger par moi-m�me, et, ainsi que je vous l'ai dit, j'ai charg� une personne intelligente et s�re de p�n�trer, sous un pr�texte quelconque, dans l'int�rieur des jeunes �poux. Ainsi que j'ai d�j� eu l'honneur de vous le dire, on a trouv� un local extr�mement modeste, mais bien tenu, les deux jeunes gens ayant un ext�rieur de d�cence et m�me de distinction, la jeune m�re au milieu de ses enfants, allaitant elle-m�me le dernier, et paraissant absorb�e par ces soins maternels; le jeune homme plein de politesse, de bienveillance et de s�r�nit�. Comme {CL 99} la personne envoy�e par moi avait pris pour pr�texte de demander une adresse, monsieur votre fils est dascendu � l'�tage au-dessous pour la demander � M. Mar�chal, qui est mari� avec mademoiselle Lucie Delaborde, sœur cadette de mademoiselle Victoire Delaborde; et M. Mar�chal est mont� fort obligeamment avec M. Dupin pour donner cette adresse. M. Mar�chal est un officier retrait� {Lub 487} dont l'ext�rieur est tr�s-favorable. Enfin le jugement de mon envoy�, auquel vous pouvez avoir confiance enti�re, est que, quels qu'aient pu �tre les ant�c�dents de la personne, ant�c�dents que j'ignore enti�rement, sa vie est actuellement des plus r�guli�res et d�note m�me une habitude d'ordre et de d�cence qui n'aurait rien d'affect�. En outre, les deux �poux avaient entre eux {Presse 19/11/54 2} le ton d'intimit� douce qui suppose la bonne harmonie, et, depuis des renseignements ult�rieurs, je me suis convaincu que rien n'annonce que votre fils ait � se repentir de l'union contract�e.

Je me trompe, il doit un jour ou l'autre se repentir s d'avoir bris� le cœur de sa m�re; mais vous-m�me l'avez dit, madame, c'est sa premi�re, sa seule faute! Et j'ai tout lieu de croire que si elle est grave envers vous, elle est r�parable par sa tendresse, et gr�ce � la v�tre; il appartient � votre cœur maternel de l'absoudre, et je serais heureux de vous apporter une consolation en vous confirmant que le ton qu'on a vu chez lui ne justifie en rien vos douloureux pr�sages.

C'est dans cet esprit, madame, que je vous prie d'agr�er, etc.


Quelque rassurante que f�t cette bonne et honn�te r�ponse, ma grand'm�re n'en persista pas moins � se munir des pi�ces qui pouvaient lui laisser l'espoir de {CL 100} rompre le mariage. t
Elle �crivit encore au maire qui avait mari� son fils, d'un ton assez amer qui peint bien la situation cruelle de son esprit.


30 janvier 1805.

J'ai sans doute, monsieur, � vous f�liciter sur le bonheur domestique dont vous jouissez, car, s'il en �tait autrement, si quelque chagrin troublait la paix de votre int�rieur, vous n'eussiez pas n�glig� pendant un mois entier de r�pondre � une m�re afflig�e dans ce qu'elle a de plus de cher au monde, pour finir par articuler, comme en passant, que je ne vous avais pas sollicit� r�guli�rement. Cette r�flexion ne s'adresse qu'au particulier, peut-�tre au p�re de famille, recommandable parmi ses concitoyens; car si je m'adressais � l'homme public, j'aurais {Lub 488} peut-�tre le droit de lui observer combien des n�gligences de ce genre peuvent �tre pr�judiciables aux int�ress�s qui r�clament son minist�re.

Je croyais m'�tre suffisamment fait conna�tre pour pouvoir sans indiscr�tion demander des pi�ces dont la communication avait �t� offerte � un tiers d�sint�ress�. J'avais cru que des pi�ces publiques par leur nature, et dont les originaux restaient entre vos mains, pouvaient m'�tre d�livr�es en copie sans vous compromettre. Enfin, je m'�tais flatt�e, mais trop l�g�rement sans doute, que je trouverais chez vous les �gards, l'int�r�t et la conflance que je m'applaudissais d'avoir inspir�s � M. ***, votre respectable coll�gue. Je me h�te de vous demander pardon de ma m�prise et de r�gulariser ma demande. A cet effet, je remets � un de mes amis, qui se rend aupr�s de vous pour cet objet, les pi�ces ci-jointes, etc.


{CL 101} Ce u fut l'abb� d'Andrezel qui repartit pour Paris, muni de tous les pouvoirs n�cessaires. L'abb� d'Andrezel, qu'on n'appelait plus l'abb� depuis la r�volution, �tait un des hommes les plus spirituels et les plus aimables que j'aie connus. Il a fait je ne sais quelles traductions du grec et passait pour savant. Il a �t� recteur de l'universit�, et pendant quelque temps censeur sous la Restauration. Ce n'�tait pourtant pas un royaliste � id�es exag�r�es v, et je l'ai souvent entendu dire, au temps o� il exer�ait ce triste minist�re: « Ce que j'aime de mon emploi, c'est qu'il me permet de jeter au feu une foule de platitudes, et en cela les �crivains que je d�p�ce me devraient de la reconnaissance s'ils pouvaient se rendre justice. En revanche, j'ai le plaisir de soustraire aux ciseaux de mes coll�gues une petite quantit� de choses plaisantes et justes auxquelles je fais gr�ce parce qu'il s'y trouve de l'esprit. Le fran�ais veut rire, et pourvu qu'on lui laisse la libert� de railler, il supporte la privation de la libert� de raisonner. Il tient plus � sa gaiet� qu'� ses passions, � son ironie qu'� son opinion. » Il ajoutait tout bas � l'oreille de sa vieille amie ma grand'm�re: « J'ai affaire, je l'avoue, � des p�dants tr�s collet mont� w qui me trouvent trop tol�rant, et s'ils parviennent � faire pr�dominer leur ridicule aust�rit�, pour �tre moins {Lub 489} moqu� le gouvernement n'en sera que plus moquable. Je crois donc remplir mon mandat avec plus de conscience et de sagesse en respectant l'esprit fran�ais partout o� je le trouve, m�me dans le camp ennemi. D'ailleurs, c'est plus fort que moi, quand j'ai ri je suis d�sarm�. » Cette fa�on de penser ne fut point go�t�e. Il exer�a peu de temps les fonctions de censeur. Qu'on l'ait r�voqu� sans bruit ou qu'il se soit retir� par d�go�t, je l'ignore.

Cet abb� d'Andrezel avait �t� tr�s-joli x gar�on, et je crois qu'il �tait encore tr�s-libertin. Il avait donc assez mauvaise gr�ce � se charger d'une mission aussi grave que celle qui {CL 102} lui �tait confi�e par ma grand'm�re. Il y mit pourtant beaucoup d'activit�, car toutes les consultations qui forment le dossier relatif au mariage de mon p�re lui sont adress�es et sont provoqu�es par lui. De toutes ces consultations, il r�sulte que le mariage est indissoluble et que l'officier public qui l'a consacr� �tant de bonne foi, toutes recherches contre lui n'aboutiraient qu'� une vengeance personnelle sans effet contre le mariage contract�.

Pendant que l'abb� d'Andrezel agissait � Paris, et que de Nohant ma grand'm�re �crivait � son fils sans lui t�moigner son irritation et sa douleur, mon p�re, toujours muet sur l'article principal, l'entretenait de ses affaires et de ses d�marches.

LETTRE VI

28 frimaire an XIII.

J'arrive de Montreuil par la fra�cheur. Il m'a fallu y courir avant le 30, et me pr�senter devant l'inspecteur aux revues pour �tre port� sur la liste des payables. A mon retour, je trouve Ren� enflamm� pour moi du plus beau z�le. Il a d�n� chez son prince avec Dupont, et ils ont eu � mon sujet un long entretien. Dupont a beaucoup vant� mes talents et ma valeur. Le prince s'est beaucoup �tonn� de me savoir si peu avanc�. Je vais lui �tre pr�sent�, et il dit s'int�resser beaucoup � moi. Malheureusement, il a peu de cr�dit en ce moment; si sa femme pouvait se m�ler de mes affaires, ce serait beaucoup plus s�r.

Pour t'ob�ir, je vais faire encore tous mes efforts pour {Lub 490} entrer dans la garde; je vais encore une fois tenter les protecteurs et les courtisans! Quant aux places de finances, le cautionnement des receveurs est de cent mille �cus comptant. Il n'y faut pas songer.
{CL 103} . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je travaille � mon op�ra, et je t'envoie le projet de mon plan. Dis-moi si tu l'approuves. y

Dupont �pouse mademoiselle Bergon, fille d'un p�re de ce nom, inspecteur des eaux et for�ts. Elle est tr�s-bonne musicienne, dit-on. Il lui a achet� ce matin un piano de 4,000 francs et une harpe de 150 louis. J'en suis enchant�; quand il aura une femme � faire enrager, il nous laissera peut-�tre tranquilles.

Adieu, ma bonne m�re, je t'aime de toute mon �me. J'embrasse d'Andrezel et je rosse Deschartres.

LETTRE VII

5 janvier 1805.

Ah! qu'il est bon et qu'elles sont tendres! Comme tout cela �tait bien emball�, et que j'ai bien reconnu � la gr�ce de cette bourriche les soins de ma bonne m�re pour tout ce qu'elle me destine! Ce p�t� m'est d'autant plus avantageux qu'il prolonge d'une grande heure mes le�ons de composition; mon ma�tre, en vrai musicien, est gourmand et alt�r�, et tout en l'empiffrant, je lui fais toutes mes questions et observations. C'est, du reste, un homme profond�ment instruit, et je travaille s�rieusement avec lui.

Je n'ai point rapport�, comme tu le dis, des tr�sors de Montreuil, et cependant j'ai pu acheter un superbe piano � quatre p�dales qui vaut au moins 35 louis, et que j'ai eu pour 18. Imagine-toi que j'ai �t� d�nicher cette merveille chez un M. Gr�vin qui a l'entreprise des cercueils � fournir � toutes les paroisses de Paris. Il avait re�u ce piano en payement et n'en savait que faire. Dieu sait par quelles �tranges vicissitudes les lois de l'�change ont fait arriver {CL 104} jusqu'� moi un instrument dont la valeur a �l� repr�sent�e ailleurs par je ne sais combien de bi�res. O� diable, me diras-tu, as-tu �t� d�terrer cet enterreur? C'est mon ma�tre qui l'a d�terr� pour moi; ledit ma�tre {Lub 491} de composition �tant organiste de Saint-Nicolas, Saint-Laurent et autres lieux, et, de plus, disciple et collaborateur du c�l�bre Couperin. Je voudrais que tu l'entendisses improviser sur mon piano. Mon g�nie �tonn� tremble devant le sien. Outre sa science, il a le plus beau sentiment m�lodique, le go�t de M�hul et la gr�ce de Boieldieu. Je t'avoue que j'oublie tout � ses c�t�s. Gomme M. Desmazures, je me console avec Apollon et les Muses des injustices du sort. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRES VIII, IX ET X

Voil� enfin le manteau que Duboisdoin m'avait pr�t�, et pour lequel tu m'avais tant grond�! Il n'en valait pourtant pas la peine; car il m'e�t �t� difficile d'en trouver un aussi mauvais pour le remplacer. Mon coquin de laquais, press� par la n�cessit� d'avoir de moi un certificat, est venu me confesser que ce manteau �tait depuis deux mois dans les mains du cuisinier de M. de Montvillars. J'ai �t� trouver M. de Montvillars, je lui ai racont� mon affaire; il m'a fait rendre le manteau moyennant 28 francs que j'ai remis au cuisinier, et j'ai repris ledit manteau que ledit cuisinier avait jug� � propos de m�tamorphoser en capote, ce qui lui a donn� un air de jeunesse tout � fait agr�able. J'engage Deschartres � le prendre pour mod�le dans la confection du sien. Je l'ai remis � d'Andrezel, qui m'a remis celui que tu m'avais achet� z, si bien que je gagne � tout cela un manteau neuf, et Duboisdoin un manteau rajeuni. J'ai �t� rendre ma visite officielle � madame ***, qui a, ce me {CL 105} semble, tous les airs d'une petite bourgeoise enrichie. Il y avait l� force parentes de la dame, en robes d'indienne et bonnets � carcasse. — Philippe S�gur et le vicomte travaillent � frais communs au po�me de mon op�ra. La r�putation des auteurs sera un marchepied pour celle du compositeur.

On donne maintenant aux Associ�s une trag�die bouffonne, faite s�rieusement, il y a une vingtaine d'ann�es, par un certain Andr�, perruquier de M. d'Argental, et intitul�e le D�sastre de Lisbonne. Le premier acte se passe � Lisbonne, le deuxi�me � Constantinople. {Lub 492} On y voit le Grand Turc dans toute sa magnificence et mena�ant de faire mettre � Bic�tre le h�ros de la pi�ce.

On cite des vers tels que ceux-ci:


Pour me tuer ici pr�te-moi ton couteau;
On t'en rendra un qui sera beaucoup plus beau.

Tout le monde court � cette trag�die, dont le style et l'intrigue sont � pouffer de rire.

Madame Charles de B�renger a failli mourir. Madame je ne sais plus qui a �t� se jeter aux genoux du pape pour qu'il d�t une messe � l'intention de la malade. La messe dite, la fi�vre a cess�, miracle! Il en fera bien d'autres. Il y a quatre jours, le saint-p�re fut visiter la manufacture de glaces du faubourg Saint-Antoine; madame T***, qui est maintenant entretenue par O***, s'est pr�sent�e � Sa Saintet� en la priant de lui donner sa b�n�diction. Le saint-p�re l'a non-seulement b�nie, mais encore un chapelet qu'elle portait, ainsi qu'un enfant de je ne sais quel p�re. Beaumont, t�moin oculaire du fait, dit en riant: « A tout p�ch� mis�ricorde; madame T*** va peut-�tre devenir une sainte. » Ren� se ruine en habits et en voitures, tout en me pr�chant l'�conomie. Il est �blouissant. Madame se fait courtiser par Caulaincourt (Auguste), grand �cuyer du {CL 106} prince. Elle a la t�te tourn�e par la nouvelle cour, comme elle l'avait auparavant par le faubourg Saint-Germain, qui lui a tourn� le dos absolument. Un bal, des lumi�res, des diamants, n'importe o�, comment et pourquoi, c'est toujours la m�me l�g�ret� et le m�me vide dans l'esprit.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


J'ai assist�, il y a trois jours, � une soir�e que Beaumont a donn�e au prince Ferdinand, premier aum�nier de l'empereur. Il y avait un concert en r�gle. La Foret, madame Armand, La�s, Gu�nin, Lan�ay, etc., etc.. et moi! Il y a eu d'excellente musique. Au milieu de tout cela est arriv� un M. de S***, voisin de Beaumont*, {Lub 493} homme de soixante-dix ans, poss�dant autant de mille livres de rente que d'ann�es, exactement v�tu comme il y a trente ans, se croyant jeune, aimable et spirituel, composant derri�re un paravent des quatrains pour tout le monde, les chantant avec une m�chante haute-contre f�l�e, faisant le joli aupr�s des femmes. C'est une v�ritable curiosit� que ce petit vieux; et comme on le regarde avec �tonnement, il croit tourner toutes les t�tes. Il voulait absolument qu'Auguste touch�t un concerto de piano, disant qu'avec sa figure il �tait impossible qu'il ne f�t pas musicien. Il nous avait d�j� d�coch� trois quatrains sur l'air des Folies d'Espagne, et, par �gard pour Beaumont, on s'�tait contenu. Mais quand il en vint au quatri�me, il pria s�rieusement mademoiselle Armand de l'accompagner, ce � quoi elle se pr�ta avec beaucoup {CL 107} d'esprit, en faisant des cadences si ridicules, qu'Auguste, qui �tait debout derri�re le piano, avec ce grand s�rieux de glace que tu lui connais, partit tout � coup d'un �norme �clat de rire. Ce fut le signal. J'�tais vis-�-vis de lui, me mordant les l�vres et �vitant de regarder mademoiselle Armand, qui se tenait � quatre. Mais quand je vis mon cher neveu perdre son flegme imperturbable et rire avec le laisser aller d'un homme qui ne fait rien � demi, je perdis toute contenance, et j'entra�nai l'assembl�e, qui m'ob�it comme � un commandement g�n�ral; ce fut un moment d'expansion inexprimable, invincible. Le marquis de S*** ne s'en aper�ut pas le moins du monde, acheva son quatrain d'un air vainqueur, et fut applaudi � tout rompre.

Aurore aa est bien sensible, ma bonne m�re, au baiser que je lui ai donn� de ta part. Si elle pouvait parler ou �crire, elle te souhaiterait une bonne ann�e, la mieux tourn�e et la plus tendre du monde. Elle ne dit rien encore, mais je t'assure qu'elle n'en pense pas moins. C'est une enfant que j'adore, pardonne-moi cet amour-l�, il ne nuit en rien � mon amour pour toi; au contraire, il me fait mieux comprendre et appr�cier celui que tu me portes.

Tu sais sans doute que le prince Joseph va �tre nomm� {Lub 494} roi de Lombardie, et Eug�ne Beauharnais roi d'Étrurie. On parle d'une d�claration de guerre tr�s-prochaine.
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[{CL 106}] {Lub 492} * J'ai revu chez mon grand-oncle de Beaumont, douze ans plus tard, ce m�me marquis de S***, en tout semblable au portrait qu'en trace mon p�re, et toujours v�tu comme avant la R�volution: c'�tait un type. A quatre-vingts ans, il �tait encore fr�tillon et coquet. Il {Lub 493} prenait des poses et cherchait dans les regards si on faisait attention � sa jambe. Il avait des habits � paillettes et faisait encore des quatrains.

LETTRE XI ab

Paris, 9 vent�se.

En v�rit�, ma bonne et ch�re m�re, si je voulais prendre la lettre dans le ton o� tu me l'as �crite, il ne me resterait plus qu'� me jeter dans la rivi�re. Je vois bien que tu {CL 108} ne penses pas un mot de ce que tu me dis; la solitude et l'�loignement te grossissent les objets. Mais quoique je sois fort de ma conscience, je n'en suis pas moins douloureusement affect� de ton langage. Tu me reproches toujours ma mauvaise fortune, comme si j'avais pu la conjurer, comme si je n'avais pas dit ac et prouv� cent fois que les �tats-majors �taient compl�tement en disgr�ce. ad

Il n'y a l�-dessous ni ressorts secrets ni intrigue cach�e contre moi. Je n'ai pas d'ennemis, je ne suis pas l'objet d'une disgr�ce personnelle. Je subis le sort commun � tous ceui qui se trouvent dans la m�me position que moi, qui n'ont pas six ans de grade dans l'�tat-major, et qui n'ont pas �t� assez heureux pour �tre l'objet d'une exception, autrement dit d'un passe-droit. L'�tat-major est mort et enterr�. On ne pense pas plus � Marengo qu'� s'aller pendre. Les bivouacs d'antichambre peuvent seuls entrer en ligne de compte. Quand nous voulons de l'avancement dans notre corps, Duroc nous r�pond: « Vous ne faites partie de rien; quittez vos g�n�raux et rentrez dans la ligne. » C'est ce que j'ai essay� de faire, malgr� toi, conviens-en; mais alors on nous dit dans les bureaux de la guerre que rentrer dans la ligne, c'est un tour de faveur.

Tu me reproches de n'�tre pas l'objet d'une de ces faveurs sp�ciales qui pleuvent cependant sur notre famille. Que veux-tu que je te r�ponde? Il est bien vrai que *** va �tre d�cor�. N'a-t-il pas gagn� cela mieux que moi? Il est chambellan depuis trois mois, il annonce � merveille, il fait on ne peut mieux son service de salon. Moi, brutal, je n'ai fait que la guerre; est-ce ma faute {Lub 495} si cela ne compte plus? ***, qui n'a jamais entendu tirer un coup de canon, est d�cor� aussi et de plus capitaine. Est-ce ma faute si je me suis trouv� au milieu des balles et des boulets? On ne nous avait pas avertis d'avance que cela nous nuirait un jour.

{CL 109} Il ae ne faut point croire que le hasard et les protections conspirent beaucoup pour ou contre nous. L'empereur a son syst�me. J'ai �t� tr�s-bien servi aupr�s de lui par Clarke et Caulaincourt. Dupont lui-m�me m'a rendu justice et bien servi dans ces derniers temps. Je ne me plains de personne, et surtout je n'envie personne. Je me r�jouis des faveurs qui tombent sur mes parents et mes amis. Seulement je me dis que je ne parviendrai pas par le m�me chemin, parce que je ne sais pas m'y prendre. L'empereur seul travaille et nomme. Le ministre de la guerre n'est plus qu'un premier commis. L'empereur sait ce qu'il fait et ce qu'il veut faire. Il veut ramener � lui ceux qui ont fait les superbes, et entourer sa famille et sa personne de courtisans arrach�s � l'ancien parti. Il n'a pas besoin de complaire � de petits officiers comme nous, qui avons fait la guerre par enthousiasme et dont il n'a rien � craindre. Si tu �tais lanc�e dans le monde, dans l'intrigue, si tu conspirais contre lui avec les amis de l'�tranger, tout irait mieux pour moi, je ne serais pas ignor�, d�laiss�; je n'aurais pas eu besoin de payer de ma personne, de dormir dans l'eau et dans la neige, d'exposer cent fois ma vie et de sacrifier notre petite aisance au service de la patrie. Je ne te reproche pas ton d�sint�ressement, ta sagesse et ta vertu, ma bonne m�re; au contraire, je t'aime, et t'estime et te v�n�re pour ton caract�re. Pardonne-moi donc, � ton tour, de n'�tre qu'un brave soldat et un sinc�re patriote.

Consolons-nous pourtant. Vienne la guerre, et tout cela changera probablement. Nous serons bons � quelque chose quand il s'agira de coups de fusil, et alors on songera � nous.

Je ne veux pas relire la derni�re page de ta lettre, je l'ai br�l�e. H�las! que me dis-tu? Non, ma m�re, un galant homme ne se d�shonore pas parce qu'il aime une femme, et une femme n'est pas une fille quand elle est aim�e d'un {CL 110} galant homme qui r�pare envers elle les injustices de la destin�e. Tu sais cela mieux que moi, et mes sentiments form�s par tes le�ons, que j'ai toujours religieusement {Lub 496} �cout�es, ne sont que le reflet de ton �me. Par quelle inconcevable fatalit� me reproches-tu aujourd'hui d'�tre l'homme que tu as fait au moral comme au physique?

Au milieu de tes reproches, ta tendresse perce toujours. Je ne sais qui t'a dit que pendant quelque temps j'avais �t� dans la mis�re, et tu t'en inqui�tes apr�s coup. Eh bien, il est vrai que j'ai habit� un petit grenier l'�t� dernier, et que mon m�nage de po�te et d'amoureux faisait un singulier contraste avec les chamarrures d'or de mon costume militaire. N'accuse personne de ce moment de g�ne dont je ne t'ai point parl� et dont je ne me plaindrai jamais. Une dette que je croyais pay�e et dont l'argent avait pass� par des mains infid�les a �t� la seule cause de ce petit d�sastre, d�j� r�par� par mes appointements. J'ai maintenant un petit appartement tr�s-agr�able et je ne manque de rien.

Qu'est-ce que me dit donc d'Andrezel, que tu vas peut-�tre venir � Paris, peut-�tre vendre Nohant? Je n'y comprends rien. Ah! ma bonne m�re, viens, et toutes nos peines s'envoleront dans une explication tendre et sinc�re. Mais ne vends pas Nohant, tu le regretterais.

Adieu, je t'embrasse de toute mon �me, bien triste et bien effray�e de ton m�contentement. Et cependant Dieu m'est t�moin que je t'aime et que je m�rite ton amour.

MAURICE.

Dans une derni�re lettre de cette correspondance, mon p�re entretient assez longuement sa m�re d'un incident qui paraissait la tourmenter beaucoup.

On venait de publier les M�moires posthumes de Marmontel. Ma grand'm�re avait beaucoup connu Marmontel {CL 111} dans son enfance, mais elle ne m'en parla jamais, et les M�moires posthumes expliquent assez pourquoi. Voici une page de ces m�moires:

« L'esp�ce de bienveillance que l'on avait pour moi dans cette cour* me servit cependant � me faire �couter et croire dans une affaire int�ressante. L'acte de bapt�me d'Aurore, fille de mademoiselle Verri�re, attestait qu'elle {Lub 497} �tait fille du mar�chal de Saxe**, et apr�s la mort de son p�re, madame la Dauphine �tait dans l'intention de la faire �lever. C'�tait l'ambition de la m�re. Mais il vint dans la fantaisie de M. le Dauphin de dire qu'elle �tait ma fille, et ce mot fit son impression. Madame de Chalut me le dit en riant, mais je pris la plaisanterie de M. le Dauphin sur le ton le plus s�rieux. Je l'accusai de l�g�ret�; et, en offrant de faire preuve que je n'avais connu mademoiselle de Verri�re que pendant le voyage du mar�chal en Prusse et plus d'un an apr�s la naissance de cet enfant, je dis que ce serait inhumainement lui �ter son v�ritable p�re que de me faire passer pour l'�tre. Madame de Chalut se chargea de plaider cette cause devant madame la Dauphine, et M. le Dauphin c�da. Ainsi Aurore fut �lev�e � leurs frais au couvent des religieuses de Saint-Cloud, et madame de Chalut**, qui avait � Saint-Cloud sa maison de campagne, voulut bien se charger pour l'amour de moi et � ma pri�re des soins et des d�tails de cette �ducation. »

{Lub 496} * Celle du Dauphin, p�re de Louis XVI.

{Lub 497} ** Marmontel se trompe, puisqu'il y eut lieu de rectifier cet acte par arr�t du Ch�telet.

*** Cette madame de Chalut, qui �tait mademoiselle Varanchon, femme de chambre favorite de la premi�re et de la seconde Dauphine, fut mari�e par cette derni�re, et son mari fut fait fermier g�n�ral. Elle a tenu mon p�re sur les fonts de bapt�me avec le marquis de Polignac.

Ce fragment ne pouvait m�contenter ma grand'm�re, et {CL 112} Marmontel avait certainement droit � sa reconnaissance. Mais, dans un autre endroit, l'auteur des Incas raconte avec moins de r�serve ses relations avec Mademoiselle Verri�re. Bien qu'il y parle avec estime et affection de la conduite, du caract�re et du talent de cette jeune actrice, il entre dans des d�tails d'intimit� qui n�cessairement devaient faire souffrir sa fille. Celle-ci en �crivit donc � mon p�re pour l'engager � voir s'il ne serait pas possible de faire supprimer le passage dans les nouvelles �ditions. L'oncle Beaumont fut consult�. Il �tait �galement int�ress� � l'affaire, puisque dans ce m�me passage Marmontel raconte comme quoi ayant �t� cause que le mar�chal de Saxe avait retir� � Mademoiselle Verri�re la pension de douze mille livres qu'il lui faisait pour elle et sa fille, cette belle personne en fut d�dommag�e par {Lub 498} le prince de Turenne, sous promesse, de la part de Marmontel, de ne plus la voir. Or, l'oncle Beaumont �tait, comme je l'ai d�j� dit, fils de Mademoiselle Verri�re et de ce prince de Turenne duc de Bouillon. Cependant il prit la chose moins au s�rieux.

« Beaumont assure, �crivait mon p�re � ma grand'm�re, que cela ne m�rite pas le chagrin que tu t'en fais. D'abord nous ne sommes pas assez riches, que je sache, pour racheter l'�dition publi�e et pour obtenir que la prochaine soit corrig�e; fussions-nous � m�me de le faire, cela donnerait d'autant plus de piquant aux exemplaires vendus, et t�t ou tard nous ne pourrions emp�cher qu'on ne ref�t de nouvelles �ditions conformes aux premi�res. Les h�ritiers de Marmontel consentiraient-ils d'ailleurs � cet arrangement avec les �diteurs? J'en doute, et nous ne sommes plus au temps o� l'on pouvait s�vir, soit par promesses, soit par menaces, soit par des lettres de cachet, contre la libert� d'�crire. On ne donne plus des coups de b�ton � ces faquins d'auteurs et d'imprimeurs; et toi, ma bonne m�re, qui d�s ce temps-l� �tais du parti des {CL 113} encyclop�distes et des philosophes, tu ne peux pas trouver mauvais que nous ayons chang� de lois et de mœurs. Je comprends bien que tu souffres d'entendre parler si l�g�rement de ta m�re, mais en quoi cela peut-il atteindre ta vie, qui a toujours �t� si aust�re, et ta r�putation, qui est si pure? Pour mon compte, cela ne me f�che gu�re, qu'on sache dans le public ce qu'on savait d�j� de reste dans le monde sur ma grand'm�re maternelle. C'�tait, je le vois par les m�moires en question, une aimable femme, douce, sans intrigue, sans ambition, tr�s-sage et de bonne vie, eu �gard � sa position. Il en a �t� d'elle comme de bien d'autres. Les circonstances ont fait ses fautes, et son naturel les a fait accepter en la rendant aimable et bonne. Voil� l'impression qui me reste de ces pages dont tu te tourmentes tant, et sois certaine que le public ne sera pas plus s�v�re que moi. »


Ici se terminent les lettres de mon p�re � sa m�re. Sans doute il lui en �crivit beaucoup d'autres durant les quatre ann�es qu'il v�cut encore et qui amen�rent de fr�quentes s�parations � la reprise de la guerre. Mais la suite de leur correspondance a disparu, j'ignore pourquoi {Lub 499} et comment. Je ne puis donc consulter pour la suite de l'histoire de mon p�re que ses �tats de service, quelques lettres �crites � sa femme et les vagues souvenirs de mon enfance. 1

{Presse 20/11/54 1} Ma grand'm�re se rendit � Paris dans le courant de vent�se avec l'intention de faire rompre le mariage de son fils, esp�rant m�me qu'il y consentirait, car jamais elle ne l'avait vu r�sister � ses larmes. Elle arriva d'abord � Paris � son insu, ne lui ayant pas fix� le jour de son d�part et ne l'avertissant pas de son arriv�e, comme elle en avait l'habitude. Elle commen�a par aller trouver M. Des�ze, qu'elle consulta sur la validit� du mariage. M. Des�ze trouva {CL 114} l'affaire neuve comme la l�gislation qui l'avait rendue possible. Il appela deux autres avocats c�l�bres, et le r�sultat de la consultation fut qu'il y avait mati�re � proc�s, parce qu'il y a toujours mati�re � proc�s dans toutes les affaires de ce monde, mais que le mariage avait neuf chances contre dix d'�tre valid� par les tribunaux, que mon acte de naissance me constituait l�gitime, et qu'en supposant la rupture du mariage, l'intention comme le devoir de mon p�re serait infailliblement de remplir les formalit�s voulues et de contracter de nouveau mariage avec la m�re de l'enfant qu'il avait voulu l�gitimer.

Ma grand'm�re n'avait peut-�tre jamais eu l'intention formelle de plaider contre son fils. En e�t-elle con�u le projet, elle n'en aurait certes pas eu le courage. Elle fut probablement soulag�e de la moiti� de sa douleur en renon�ant � ses vell�it�s hostiles, car on double son propre mal en tenant rigueur � ce qu'on aime. Elle voulut cependant passer encore quelques jours sans voir son fils, sans doute afin d'�puiser les r�sistances de son propre esprit et de prendre de nouvelles informations sur sa belle-fille. Mais mon p�re d�couvrit que sa m�re �tait � Paris; il comprit qu'elle savait tout et me chargea de plaider sa cause. Il me prit dans ses bras, monta dans un fiacre, s'arr�ta � la porte de la maison o� ma grand'm�re �tait descendue, gagna en peu de mots les bonnes gr�ces de la porti�re, et me confia � cette femme, qui s'acquitta de la commission ainsi qu'il suit:

Elle monta � l'appartement de ma bonne maman, et, sous le premier pr�texte venu, demanda � lui parler. Introduite en sa pr�sence, elle lui parla de je ne sais quoi, {Lub 500} et, tout en causant, elle s'interrompit pour lui dire: « Voyez donc, madame, la jolie petite fille dont je suis grand'm�re! Sa nourrice me l'a apport�e aujourd'hui, et j'en suis si heureuse que je ne peux pas m'en s�parer un {CL 115} instant. — Oui, elle est tr�s-fra�che et tr�s-forte », dit ma grand'm�re en cherchant sa bonbonni�re. Et tout aussit�t la bonne femme, qui jouait fort bien son r�le, me d�posa sur les genoux de la bonne maman, qui m'offrit des friandises et commen�a � me regarder avec une sorte d'�tonnement et d'�motion. Tout � coup elle me repoussa en s'�criant: « Vous me trompez, cette enfant n'est pas � vous; ce n'est pas � vous qu'elle ressemble!... je sais, je sais ce que c'est!... »

Effray�e du mouvement qui me chassait du sein maternel, il para�t que je me mis non � crier, mais � pleurer de vraies larmes qui firent beaucoup d'effet. « Viens, mon pauvre cher amour, dit la porti�re en me reprenant, on ne veut pas de toi, allons-nous-en. »

Ma pauvre bonne maman fut vaincue. « Rendez-la-moi, dit-elle. Pauvre enfant, tout cela n'est pas sa faute! Et qui a apport� cette petite? — Monsieur votre fils lui-m�me, madame; il attend en bas, je vais lui reporter sa fille. Pardonnez-moi si je vous ai offens�e; je ne savais rien, je ne sais rien, moi! J'ai cru vous faire plaisir, vous faire une belle surprise... — Allez, allez, ma ch�re, je ne vous en veux pas, dit ma grand'm�re; allez chercher mon fils et laissez-moi l'enfant. »

Mon p�re monta les escaliers quatre � quatre. Il me trouva sur les genoux, contre le sein de ma bonne maman, qui pleurait en s'effor�ant de me faire rire. On ne m'a pas racont� ce qui se passa entre eux, et comme je n'avais que huit ou neuf mois, il est probable que je n'en tins pas note. Il est probable aussi qu'ils pleur�rent ensemble et s'aim�rent d'autant plus. Ma m�re, qui m'a racont� cette premi�re aventure de ma vie, m'a dit que lorsque mon p�re me ramena aupr�s d'elle, j'avais dans les mains une belle bague avec un gros rubis, que ma bonne maman avait d�tach�e de son doigt en me chargeant de la {CL 116} mettre � celui de ma m�re, ce que mon p�re me fit observer religieusement*. af

* Je porte toujours cette bague. ag

Quelques temps se pass�rent ah encore cependant avant {Lub 501} que ma grand'm�re consent�t � voir sa belle-fille; mais d�j� le bruit se r�pandait que son fils avait fait un mariage disproportionn�, et le refus qu'elle faisait de la recevoir devait n�cessairement amener des inductions f�cheuses contre ma m�re, contre mon p�re par cons�quent. Ma bonne maman fut effray�e du tort que sa r�pugnance pouvait faire � son fils. Elle re�ut la tremblante Sophie, qui la d�sarma par sa soumission na�ve et ses tendres caresses. Le mariage religieux fut c�l�br� sous les yeux de ma grand'm�re, apr�s quoi un repas de famille scella officiellement l'adoption de ma m�re et la mienne.

Je dirai plus tard, en consultant mes propres souvenirs, qui ne peuvent me tromper, l'impression que ces deux femmes si diff�rentes d'habitudes et d'opinions produisaient l'une sur l'autre. Il me suffira de dire, quant � pr�sent, que, de part et d'autre, les proc�d�s furent excellents, que les doux noms de m�re et de fille furent �chang�s, et que si le mariage de mon p�re fit un petit scandale entre les personnes d'un entourage intime assez restreint, le monde que mon p�re fr�quentait ne s'en occupa nullement et accueillit ma m�re sans lui demander compte de ses a�eux ou de sa fortune. Mais elle n'aima jamais le monde et ne fut pr�sent�e � la cour de Murat que contrainte et forc�e, pour ainsi dire, par les fonctions que mon p�re remplit plus tard aupr�s de ce prince.

Ma m�re ne se sentit jamais ni humili�e ni honor�e de se trouver avec des gens qui eussent pu se croire au-dessus d'elle. Elle raillait finement l'orgueil des sots, la vanit� des parvenus, et, se sentant peuple jusqu'au bout des {CL 117} ongles, elle se croyait plus noble que tous les patriciens et les aristocrates de la terre. Elle avait coutume de dire que ceux de sa race avaient le sang plus rouge et les veines plus larges que les autres, ce que je croirais assez, car si l'�nergie morale et physique constitue en r�alit� l'excellence des races, n ne saurait nier que cette �nergie ne soit condamn�e � diminuer dans celles qui perdent l'habitude du travail et le courage de la souffrance. Cet aphorisme ne serait certainement pas sans exception, et l'on peut ajouter que l'exc�s du travail et de la souffrance �nervent l'organisation tout aussi bien que l'exc�s de la mollesse et de l'oisivet�. Mais il est certain, en g�n�ral, {Lub 502} que la vie part du bas de la soci�t� et se perd � mesure qu'elle monte au sommet, comme la s�ve dans les plantes.

Ma m�re n'�tait point de ces intrigantes hardies, dont la passion secr�te est de lutter contre les pr�jug�s de leur temps, et qui croient se grandir en s'accrochant, au risque de mille affronts, � la fausse grandeur du monde. Elle �tait mille fois trop fi�re pour s'exposer m�me � des froideurs. Son attitude �tait si r�serv�e qu'elle semblait timide; mais si on essayait de l'encourager par des airs protecteurs, elle devenait plus que r�serv�e, elle se montrait froide et taciturne. Son maintien �tait excellent avec les personnes qui lui inspiraient un respect fond�; elle �tait alors pr�venante et charmante; mais son v�ritable naturel �tait enjou�, taquin, actif, et par-dessus tout ennemi de la contrainte. Les grands d�ners, les longues soir�es, les visites banales, le bal m�me, lui �taient odieux. C'�tait la femme du coin du feu ou de la promenade rapide et fol�tre; mais, dans son int�rieur, comme dans ses courses, il lui fallait l'intimit�, la confiance, des relations d'une sinc�rit� compl�te, la libert� absolue de ses habitudes et de l'emploi de son temps. Elle v�cut donc toujours retir�e, et plus soigneuse de s'abstenir de connaissances g�nantes que jalouse {CL 118} d'en faire d'avantageuses. C'�tait bien l� le fond du caract�re de mon p�re, et, sous ce rapport, jamais �poux ne furent mieux assortis. Ils ne se trouvaient heureux que dans leur petit m�nage. Partout ailleurs ils �touffaient de m�lancoliques b�illements, et ils m'ont l�gu� cette secr�te sauvagerie qui m'a rendu toujours le monde insupportable et le home n�cessaire.

Toutes les d�marches que mon p�re avait faites, avec beaucoup de ti�deur, il faut l'avouer, n'aboutirent � rien. Il avait eu mille fois raison de le dire, il n'�tait pas fait pour gagner ses �perons en temps de paix, et les campagnes d'antichambre ne lui r�ussissaient pas. La guerre seule pouvait le faire sortir de l'impasse de l'�tat-major.

Il retourna au camp de Montreuil avec Dupont. Ma m�re l'y suivit au printemps de 1805, et y passa deux ou trois mois au plus, durant lesquels ma tante Lucie prit soin de ma soeur et de moi. Cette soeur, dont j'aurai � parler plus tard et dont j'ai d�j� signal� l'existence, n'�tait pas fille de mon p�re. Elle avait cinq ou six ans de plus que moi et s'appelait Caroline. Ma bonne petite {Lub 503} tante Lucie avait, je l'ai dit, �pous� M. Mar�chal, officier retrait�, dans le m�me temps que ma m�re �pousait mon p�re. Une fille �tait n�e de leur union cinq ou six mois apr�s ma naissance. C'est ma ch�re cousine Clotilde, la meilleure amie peut-�tre que j'aie jamais eue. Ma tante demeurait alors � Chaillot, o� mon oncle avait achet� une petite maison, alors en pleine campagne, et qui serait aujourd'hui en pleine ville. Elle louait pour nous promener l'�ne d'un jardinier du voisinage. On nous mettait sur du foin dans les paniers destin�s � porter les fruits et les l�gumes au march�, Caroline dans l'un, Clotilde et moi dans l'autre. Il para�t que nous go�tions fort « cette fa�on d'aller. »

Pendant ce temps-l�, l'empereur Napol�on, occup� d'autres soins et s'amusant � d'autres chevauch�es, s'en allait en {CL 119} Italie mettre sur sa t�te la couronne de fer. Guai a chi la tocca! avait dit le grand homme. L'Angleterre, l'Autriche et la Russie {Presse 20/11/54 2} r�solurent d'y toucher, et l'empereur leur tint parole.

Au moment o� l'arm�e r�unie au rivage de la Manche attendait avec impatience le signal d'une descente en Angleterre, l'empereur, voyant sa fortune trahie sur les mers, changea tous ses plans dans une nuit: une de ces nuits d'inspiration o� la fi�vre se faisait froide dans ses veines, et le d�couragement d'une entreprise tout-puissant pour une entreprise nouvelle dans son esprit.


Variantes

  1. Le deuxi�me partie est soud�e � la premi�re dans {Presse}. Les titres des parties ne figurent qu'� partir de l'�dition {CL}.
  2. CHAPITRE VINGT-UNIÈME {Presse} ♦ CHAPITRE NEUVIÈME {Lecou}, {LP} ♦ IX {CL}
  3. Dans {Presse}, l'argument de ce chapitre ne comprend pas La c�r�monie du couronnement, ni Le marquis de S***
  4. de t'�crire pour m'entretenir {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ de m'entretenir {CL} de t'�crire pour m'entretenir {Lub} (r�tablissant la 1�re le�on, le lapsus de {CL} �tant �vident; nous le suivons.)
  5. Interruption de {Presse}
  6. Reprise de {Presse}
  7. Interruption de {Presse}
  8. Reprise de {Presse}
  9. Interruption de {Presse}
  10. Reprise de {Presse}
  11. Interruption de {Presse}
  12. Reprise de {Presse}
  13. Tu y es bien {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ Tu es bien {CL}
  14. On voit, par cette lettre, que {Presse} ♦ On a vu par la lettre pr�c�dente que {Lecou} et sq.
  15. r�serve tr�s-convenable {Presse} ♦ r�serve tr�s-concevable {Lecou} et sq.
  16. le personnel {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ le caract�re personnel {CL}
  17. vous exprime monsieur {CL} (oubli de la virgule)
  18. sur le personnel {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ sur le caract�re personnel {CL}
  19. se repentir am�rement {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ se repentir {CL}
  20. rompre ce mariage. {Presse} (Interruption apr�s ce mot) ♦ rompre le mariage. {Lecou} et sq.
  21. Reprise de {Presse}
  22. Interruption de {Presse}
  23. tr�s collet-mont� {Lecou} ♦ tr�s collets-mont�s {LP} ♦ tr�s collet-mont� {CL}
  24. Reprise de {Presse}: Il avait �t� tr�s-joli {Presse} ♦ Cet abb� d'Andrezel avait �t� tr�s-joli {Lecou} et sq.
  25. Interruption de {Presse}
  26. que tu m'as achet� {Lecou}, {LP} ♦ que tu m'avais achet� {CL}
  27. Reprise de {Presse}, o� ce fragment est soud� � la lettre VI
  28. LETTRE VII {Presse} ♦ Lettre XI {Lecou} et sq.
  29. comme si je ne t'avais pas dit {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ comme si je n'avais pas dit {CL}
  30. Interruption de {Presse}
  31. Reprise de {Presse}
  32. religieusement. {Presse} (pas d'appel de note ni de note) ♦ religieusement* {Lecou} et sq.
  33. Cette note n'apparait que dans l'�dition {Lecou} pour la premi�re fois
  34. Quelque temps se passa {Presse} ♦ Quelques temps se pass�rent {Lecou} et sq.

Notes

  1. {Presse}: (La suite � demain.)