GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{[Presse 6/11/54 2]; LP T.? ?; CL T.1 [389]; Lub T.1 [323]} DEUXIÈME PARTIE
Mes premi�res ann�es
1800-1810 a

{Presse 16/11/54 2 col.2; CL T.2 [21]; Lub T.1 [422]} VI b

Suite des amours. — Rencontre avec les Turcs. — Aventure de M***. — S�paration douloureuse. — Excentricit�s du g�n�ral. — Retour � Paris. — Coulaincourt, Ordener, d'Harville. Ces dames. — Le beau monde. — La faveur. — MM. de Vitrolles, Cambac�r�s, Lebrun. — M. H�kel. — Eug�ne Beauharnais et lady Georgina. — Poisson d'avril. — Ma tante paternelle. c





An XI



LETTRE PREMIÈRE

DE MAURICE DUPIN À SA MÈRE

Charleville, 1er vend�miaire (22 septembre 1802).

Ta lettre, ma bonne m�re, que je re�ois � l'instant, me rend au bonheur. Tu m'y moralises, tu m'y grondes tout au long; mais c'est avec ton amour maternel, que je poss�de toujours, que rien ne peut me remplacer et de la perte duquel je ne me consolerais jamais, entends-tu bien, parce que rien ne pourrait me d�dommager. En d�pit de ton m�contentement, tu me portes la m�me tendresse. Conserve-la-moi toujours, ma bonne m�re, je n'ai jamais cess� de la m�riter. Je te l'avouerai, je craignais que quelques nouveaux rapports mensongers, quelque apparence trompeuse ne l'eussent momentan�ment refroidie dans ton cœur. Cette id�e me poursuivait partout. Mon �me en {CL 22} �tait oppress�e, mon sommeil troubl�. Enfin, tu viens de me rendre � la vie!

{Lub 423} Et cet original de Deschartres qui me mande, il y a deux, jours, que tu ne m'�criras peut-�tre pas de longtemps, � cause des chagrins que je te donne! Je lui ai trop prouv� qu'il avait tort. Il s'en venge en me faisant souffrir, en me prenant par l'endroit le plus sensible. Avec tant de bonnes qualit�s, c'est cependant un ours qui vous griffe quand il ne peut vous assommer. Il m'a �crit des volumes tout le mois dernier pour me prouver, avec sa politesse accoutum�e, que j'�tais un homme d�shonor�, couvert de boue. Rien que �a! Belle conclusion, et digne des exordes dont il me r�galait! Mais je les lui passe de bien bon cœur, � cause du motif qui allume son courroux et son z�le. Je n'ai pas encore r�pondu � sa derni�re lettre, mais je me r�serve cette petite satisfaction, tout en lui envoyant un bel et bon fusil � deux coups, pour qu'il te fasse manger des perdrix s'il n'est pas trop maladroit.

Non, ma bonne m�re, je n'ai jamais voulu s�parer mon existence de la tienne, et si je suis devenu ivrogne et mauvaise compagnie, comme tu m'en accuses, dans les camps et bivouacs, ce que je ne crois pas, sois s�re que, du moins, dans cette vie agit�e, je n'ai rien perdu de mon amour pour toi. Si j'ai fait, sans te consulter, la d�marche d'�crire � Lacu�e pour t�cher de rentrer dans mon r�giment, c'est que le temps pressait, qu'il m'e�t fallu attendre ta r�ponse et perdre ainsi le peu de jours que j'avais pour esp�rer un bon r�sultat. Maintenant tout est consomm�, Lacu�e ne m'a pas laiss� la moindre esp�rance. En vertu des nouveaux arr�t�s, je dois rester aupr�s de Dupont*, je me {CL 23} r�signe, et la satisfaction que tu en ressens diminue d'autant ma contrari�t�. d

[{CL 22}] * Malgr� sa bienveillance naturelle et le facilit� de son caract�re, mon p�re �prouve une contrainte et une antipathie croissantes aupr�s de son g�n�ral. J'aurais supprim� ses railleries, comme je le fais pour bien d'autres dont j'ai entre les mains le portrait [{CL 23}] et la critique, si le g�n�ral Dupont n'�tait pas on personnage que l'histoire a d� juger plus s�v�rement, dans la suite, que mon p�re ne pouvait le faire encore en 1801. Par une �trange fatalit�, ou plut�t par une suite naturelle des relations de son entourage, mon p�re s'est trouv� deux fois attach� � des g�n�raux qui devaient, des premiers, trahir la France en 1814, d'Harville et Dupont, l'un comme g�n�ral, l'autre comme s�nateur.

Tu te trompes pourtant, ma bonne m�re, quand tu {Lub 424} parles de premiers et de derniers. Sous les armes, il n'y a pas de derniers, pas m�me le pauvre soldat. Celui-l� n'est atteint par le m�pris de personne qui fait bien son devoir. Mais il est un poste o� il n'y a pas de premiers, c'est dans l'antichambre des g�n�raux. Tous sont laquais, plus ou moins et cela ne me va gu�re. Les temps sont bien chang�s depuis un an. Soit l'�tat de paix, soit tout autre chose, ce poste qui me paraissait si glorieux m'est devenu bien amer. Je m'en console pourtant, parce je ne crois pas que jamais on essaye de m'humilier personnellement. Si cela �tait, j'aimerais mieux quitter l'�tat militaire et en mourir de chagrin que de perdre le sentiment de ma dignit�.

Je n'irai ni aux Indes ni en Am�rique; il est vrai que par moments un peu de rhum et de chagrin m'ont fait passer cette id�e par la t�te; mais je ne l'ai jamais confi�e � personne, et ceux qui m'ont fait parler l�-dessus ne savent ce qu'ils disent, en d'autres termes ils en ont menti. Cette id�e ne pouvait pas venir dans mon esprit dans la crainte e de t'affliger et d'empoisonner ton repos.

Maintenant, venons au fait qui te tourmente le plus. Oui, j'ai vu V*** f � Paris, l'hiver dernier, tout le temps que j'y suis rest�, et puisque tu veux la v�rit�, je te la dis; je ne l'�ludais que par respect pour toi; car je ne pouvais rougir de cet attachement comme d'un crime. Son voyage � Bruxelles est un conte que j'ai fait � madame de la M*** g, {CL 24} pour qu'elle ne t'inqui�t�t pas davantage avec ses rapports officieux. Il est vrai encore que V*** m'a suivi ici, que je l'ai log�e aux environs de la ville chez d'honn�tes bourgeois; puis je l'ai fait entrer, comme elle le voulait, dans un magasin de modes, o� elle travaille maintenant. Je ne l'ai donc ni trahie ni abandonn�e � la mis�re, et � ces craintes de ta part, je reconnais bien le bon cœur de ma ch�re m�re, qui, apr�s avoir tant craint ma prodigalit� envers cette personne, s'effraye maintenant � l'id�e de mon ingratitude envers elle. Cette condition m�diocre o� elle vit doit te prouver enfin qu'elle est bien diff�rente de ce que tu te la figurais, puisque sa pauvret� arrive � te donner de l'inqui�tude sur ma conduite � son �gard. Mais, sur ce point, rassure-toi, elle et moi sommes contents l'un de l'autre, et si je suis fou, ce n'est pas sur le chapitre du devoir que je d�raisonne.

Encore une confession qu'on ne t'a pas faite pour moi {Lub 425} et dont je veux avoir le m�rite. J'ai jou� un beau soir chez l'oncle de Morin et j'ai perdu vingt-cinq louis. C'est la premi�re fois, je crois, que je touchais des cartes, et ce sera la derni�re. J'ai emprunt� pour payer et j'ai rendu, voil� le secret de ma g�ne ce mois-ci. Mais je ne m'en plains pas, c'est ma faute. C'est une le�on, et j'en profiterai.

Sancho h disait, je crois, qu'il ne faut i faire de sottises que celles qu'on aime � faire. Justement je d�teste le jeu, et j'ai �t� puni d'avoir contrari� mon go�t et mon instinct. Nous partons demain pour faire notre tourn�e dans la division. Nous allons passer en revue toutes nos troupes et les mettre en �tat de para�tre devant le premier consul, qu'on dit, inter nos, devoir venir nous visiter bient�t.

Adieu j, ma bonne m�re, crois que ton bonheur peut seul faire le mien, et qu'il entrera toujours comme cause premi�re dans toutes mes actions, comme dans toutes mes pens�es. Je t'embrasse de toute mon �me.

{CL 25} Mon Dieu, que l'id�e de Mi�mi� m'afflige! Je ne peux pas me persuader cela. Parle-lui de moi, je t'en prie*!

Et Auguste qui est nomm� receveur de la ville de Paris. Je lui en ai fait mon compliment. k

* Mi�mi�, c'est-�-dire mademoiselle Roumier, c'�tait cette vieille bonne qu'il aimait tant. A peine eut-elle re�u son gage arri�r�, qu'elle voulut aller vivre dans sa famille; malgr� des regrets r�ciproques, elle effectua cette r�solution.

LETTRE II

Charleville, 19 vend�miaire.

Depuis quinze jours nous sommes en tourn�e, nous venons de voir toute la division, qui est superbe. J'ai retrouv�, dans presque tous les corps, des officiers avec lesquels j'ai fait la guerre en Suisse et en Italie. Nous nous sommes revus avec un plaisir extr�me de part et d'autre. A Verdun, j'ai fait connaissance avec le 1er de chasseurs. Il n'y a sortes de choses aimables, que ne m'ait dites le colonel sur son regret de ne point m'avoir au r�giment. J'ai t�moign� � tous ces messieurs le chagrin que j'�prouvais de ne plus compter parmi eux, et je leur {Lub 426} ai demand� de compter au moins dans leurs cœurs pour quelque chose. On m'a r�pondu qu'il suffisait de me conna�tre pour m'aimer et ne jamais m'oublier. J'ai l'air de me vanter en rapportant ces r�ponses, mais il n'y a que toi, ma bonne m�re, avec qui j'en tiendrai note, parce que je sais que tu es plus sensible � cela qu'� tous les exploits; crois bien pourtant qu'entre militaires la bravoure est indispensable � l'amiti� qu'on inspire. C'est donc une mani�re habile que j'emploie pour te prouver que je dois aimer la guerre et la gloire.

On a d�n� ensemble, donn� un bal, et l'on s'est s�par� {CL 26} bons amis. Nous avons pass� en revue Durosnel et son r�giment � Saint-Mihiel, j'ai �t� enchant� de le revoir, et de l'accueil qu'il m'a fait. Tu sais que j'ai l toujours dit que Durosnel �tait le meilleur dans le temps de Cologne. Nous avons fait crever de rire Dupont et les aides de camp avec nos vieilles histoires, et Durosnel a eu l'amabilit� de placer dans tous ces r�cits comiques quelque trait s�rieux � ma louange. Nous l'avons quitt� pour aller voir le 17e � Commercy; de l� nous nous rend�mes � Bar-sur-Ornain, o� nous e�mes un choc avec MM. les Turcs. Sa Hautesse l'ambassadeur de la Sublime Porte �tait arriv�e � la poste avec toute sa turquerie dans dix voitures, et avait pris tous les chevaux. Mais comme ils s'�taient arr�t�s depuis trois heures pour faire leurs ablutions, notre courrier arriva tout au beau milieu de la pri�re et prit six chevaux pour nous, sans s'inqui�ter des Turcs: repr�sentations de leur part, ent�tement de la sienne, entremise de l'interpr�te, arriv�e du g�n�ral, vacarme dans la maison et dans les �curies. Nous voulons d�jeuner, les Turcs mangent tout; ils ont mis la broche, nous nous en emparons. L'ambassadeur et le g�n�ral ont une entrevue digne du Bourgeois gentilhomme et pendant qu'ils se complimentent, qu'ils se souhaitent la prudence des lions et la force des serpents, nos chevaux sont attel�s. On se s�pare sans s'�tre compris de part ni d'autre, et fouette postillon! Les Turcs stup�faits ont eu une partie de leur d�jeuner et six chevaux de moins. Le lendemain revue du 16e de cavalerie, d�ner donn� par les officiers, bal le soir. Le jour suivant, chasse aux loups: on en tue deux, on fait halte, et tout fallait bien jusque-l�, lorsqu'un �v�nement qui faillit �tre moins comique que celui de Bar-sur-Ornain termina la partie. La halte finie, {Lub 437} on s'emballe pour arriver � la com�die de Ch�lons: Dupont monte dans sa voiture avec le pr�fet et deux ou trois autres figures municipales, moi, je monte dans une grande cal�che avec le colonel M***, {CL 27} sous-inspecteur m aux revues, trois capitaines du 16e, quatre chiens courants et huit fusils; note bien tout ce mat�riel. Nous �tions attel�s de deux chevaux neufs. Nous confions les r�nes au colonel comme au plus sage, et je me place avec lui sur le si�ge. Nous roulions fort agr�ablement depuis un quart d'heure, lorsque tout � coup nous arrivons � une descente de traverse rapide, longue et sillonn�e de profondes orni�res; nous voulons retenir nos chevaux, qui, peu habitu�s � tirer, et surtout � sentir la voiture les presser se mettent au galop, puis s'emportent tout � fait. Je joins mes efforts � ceux du colonel pour les arr�ter, nous cassons les r�nes; voyant alors qu'il n'y a plus d'espoir de salut et que nous allons tous �tre pr�cipit�s dans la rivi�re qui coule au bas de la c�te, je saute � terre pour gagner n la t�te des chevaux; mais comme le terrain est fort in�gal an cet endroit, je tombe, je me ramasse, mais au moment o� je vais �tre sur pied, les chevaux appuient de mon c�t�, et la roue de derri�re me passe sur la jambe depuis la cheville jusqu'au genou. Je n'ai rien de cass� et j'en suis quitte pour une contusion et une entaille. Le colonel a saut� un instant apr�s moi et s'est d�mis un poignet. Les autres allaient sauter dans la rivi�re avec la cal�che quand les chevaux se sont abattus tous les deux � la fois, et ont termin� ainsi leur effrayante galopade.

Mais ce qu'il y eut de plaisant, c'est, quand nous f�mes tous sur pied, de voir la figure de M***. La frayeur lui avait fait tellement perdre la t�te, qu'il ne savait plus ce qu'il disait et demandait qu'on le visit�t pour savoir s'il n'�tait pas bless�. Le fait est que la visite e�t �t� d�sagr�able, il avait sali ses chausses. Tu penses bien que nous ne p�mes nous tenir de rire, ce qui nous fit oublier nos maux. Nous rentr�mes dans Ch�lons, les valides portant les bless�s. Nous n'en sommes pas moins partis le surlendemain pour Charleville, o� nous sommes arriv�s sans encombre. Ma {CL 28} jambe va beaucoup mieux, l'eau v�g�to-min�rale fait merveille, et ce ne sera rien. Au milieu de tous ces notables �v�nements, je n'ai pu trouver le temps de t'�crire, car, suivant notre louable habitude, nous {Lub 428} faisons toutes choses avec une telle pr�cipitation que nous ne faisons rien du tout; Dupont est le type de l'activit� mal entendue.

LETTRE III o

Sillery (sans date), chez M. de Valence.

Tu l'as Voulu, tu l'as exig�, tu m'as mis entre ton d�sespoir et le mien, j'ai ob�i. V*** est � Paris. J'ai voulu, j'ai fait l'impossible, mais pour l'�loigner ainsi, il fallait bien veiller � son existence. Je me suis fait avancer soixante louis par le payeur de la division sur mes appointements, et j'ai exig� qu'elle all�t travailler � Paris; au moment du d�part elle m'a renvoy� l'argent. J'ai couru apr�s elle, je l'ai ramen�e, nous avons pass� trois jours ensemble dans les larmes. Je lui ai parl� de toi, je lui ai fait esp�rer qu'en la connaissant mieux un jour, tu cesserais de la craindre. Elle s'est r�sign�e, elle est partie. Mais ce n'est peut-�tre pas trop le moyen de se gu�rir d'une passion que de l'exposer � de telles �preuves. Enfin, je ferai pour toi tout ce que les forces humaines comportent, mais ne me parle plus tant d'elle. Je ne peux pas encore te r�pondre avec beaucoup de sang-froid. p

Seulement il est faux, archifaux, qu'elle soit retourn�e avec le sieur *** q, il est fort possible que ce monsieur ait une femme avec lui � Orl�ans; mais ce n'est pas elle. Un chef de bataillon de mes amis arrive de Paris, il a �t� la voir de ma part pour me donner de ses nouvelles. Il l'a trouv�e {CL 29} montant un chapeau. Elle est sage et laborieuse, voil� la v�rit�.

Adieu, ma bonne m�re. Un chagrin n'arrive jamais seul. Il est donc certain que ma bonne te quitte, et qu'elle met un peu d'amertume dans ses rapports avec toi! Que les choses humaines finissent donc tristement! Ce qui me console, c'est qu'elle te tyrannisait un peu et que tu vas �tre plus libre. Elle, de son c�t�, qui aime � commander, commandera-t-elle � ses parents? je doute qu'ils soient aussi accommodants que toi. Enfin elle ne nous quitte pas les mains vides, et si elle sait �tre heureuse, il ne tiendra qu'� elle. — Je t'embrasse de toute mon �me.

{Lub 429} LETTRE IV

Charleville, 29 vend�miaire an XI (octobre 1802).

Ne sois point inqui�te, je n'ai pas eu besoin d'employer les recettes de Medicus sum Deschartres; ce qui �tait � vif est cicatris�. Il n'y a que la contusion de la cr�te du tibia qui est toujours douloureuse et enfl�e, mais � cela pr�s je marche tr�s-bien.

Et puis � quelque chose malheur est bon; comme je ne puis ni m'habiller ni mettre de bottes, je suis dispens� de courir comme un �tourneau avec Dupont. Je me repose de cet odieux r�le de complaisant qu'il qualifie d'activit� militaire et qui n'est rien moins que cela; je passe mes journ�es dans ma chambre, en pantoufles; je lis, j'�cris, je jouaille du violon, je me plonge dans une m�lancolie qui est, tu le sais bien, le fond de mon caract�re, malgr� mon ext�rieur jovial. La seule chose militaire que je fasse, c'est de tirer par ma fen�tre des coups de fusil dans une porte. Le soir je relis, je r�cris et je refume. Decouchy, homme {CL 30} d'un tr�s-grand sens, vient me tenir compagnie; mais comme chacun a sa manie, la sienne est la d�clamation. Il met tout le monde en fuite avec ses tirades, et comme il me voit pris par les jambes, il me condamne � l'entendre d�blat�rer tout son r�pertoire. Je ne m'en tire qu*en me laissant aller au sommeil.

Pendant ce temps, Dupont va en soci�t�; il se cave et se recave de trente sous � la bouillotte pour plaire aux dames de l'endroit; il se bat les flancs pour leur para�tre aimable et pour se persuader qu'il s'amuse. Mais comme'il s'ennuie, il s'en prend � ses aides de camp. Il dit que nous n'avons pas l'esprit militaire parce que noas ne sommes pas bott�s d�s huit heures du matin. Il lui prend des frasques dignes de don Quichotte. Il se croit en temps de guerre, fait seller ses chevaux avec le m�me empressement que si l'ennemi �tait aux portes, n'attend pas que les ordonnances aient sell� les leurs, s'emporte, crie, jure et part au grand trot. A peine sorti de la ville, il quitte les chemins, disant que se promener comme tout le monde n'est pas militaire. Il prend � travers champs, {Lub 430} bat la campagne, saute les foss�s, s'enfonce dans les marais, �reinte les chevaux, et rentre avec la m�me pr�cipitation que s'il avait l'ennemi au derri�re. Il appelle cela une promenade militaire, et le tout pour qu'on dise dans la ville qu'il a le diable au corps. Quant � moi, cet �tat d'asservissement aux caprices absurdes d'un seul me rendrait vite imb�cile, si la paix se prolongeait; mais tout nous pr�sage de nouveaux �v�nements. Dieu merci!

Nous attendons ici le premier consul dans quinze jours. Nous rassemblons pour le recevoir quatre r�giments de cavalerie et six mille hommes d'infanterie. Je serai alors en �tat de monter � cheval, et Dieu sait quelles caracoles nous allons faire! Ce que je dis de ce voyage est un secret d'État et ne nous est point venu officiellement, mais confidentiellement {CL 31} par le canal de Berthier. Adieu, ma bonne m�re, aime-moi toujours malgr� ma tristesse.

LETTRE V

Charleville, 10 brumaire an XI (novembre).

Tu rends avec v�rit�, ma bonne m�re, la peine qu'on �prouve en se s�parant de ceux auxquels de bonnes qualit�s et une longue habitude nous ont attach�s; je con�ois parfaitement le chagrin que cela t'a caus�, et le poids dont tu te sens all�g�e cependant. L'attente d'une chose p�nible l'est encore plus que la chose elle-m�me. Je t'assure que, de mon c�t�, il m'en co�te bien de savoir que je ne reverrai plus � Nohant la bonne Mi�mi�; car, ses humeurs � part, elle �tait v�ritablement excellente, et je n'aurais jamais cru qu'elle p�t se d�cider � nous quitter. Mais puisque la chose est faite malgr� tous mes regrets, je sais bien que tu seras plus libre et mieux soign�e. Un arrangement dont je m'applaudis tous les jours, c'est celui par lequel j'ai attach� Deschartres aux destin�es de Nohant*. C'est vraiment la perle des cœurs honn�tes; on n'est pas plus brutal que lui, et en m�me temps d'une d�licatesse plus rare. Je me transporte en imagination chaque soir aupr�s de toi, et j'y vois tes {Lub 431} longues et tristes veill�es. Je t'assure que, de mon c�t�, je ne suis pas plus gai ici. Ma jambe me sert un peu de pr�texte maintenant pour m'enfermer dans ma chambre et me dispenser des �ternels d�ners et des insipides soir�es chez le pr�fet, ou le commandant, ou le commissaire des guerres. Je fais du moins chez moi de la musique tout � mon aise, quelques mauvais vers de temps en temps, et le plus {CL 32} souvent des ch�teaux en Espagne. Dupont va aller � Paris au mois de janvier: aussit�t je filerai vers Nohant, et, en passant � Paris je t�cherai de faire encore quelques d�marches pour sortir du poste o� je suis et o� je me d�plais chaque jour davantage. Je rab�che, mais je ne puis assez te dire que la guerre ennoblit tout. En temps de paix, un aide de camp est un pauvre sire, surtout quand il a affaire � un cerveau d�traqu�. Je voudrais passer capitaine et aller au r�giment, ou entrer au moins dans la garde du consul, parce que l�, en temps de guerre, il y a du beau et du grand � tenter. . .

[{CL 31}] * Deschartres �tait devenu fermier de ma grand'm�re.

24 brumaire.

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J'ai tu� hier un loup dans la for�t r de Lannoy. Ils sont si nombreux que sans nous ils feraient de grands ravages dans le pays. Je ne sais pas si celui que j'ai abattu est le m�me qui avait mordu quinze personnes ces jours-ci. Je le voudrais bien. Au reste, nous en avons tu� huit, et sans doute il �tait du nombre. Ils vont en troupe et la chasse devient un peu plus s�rieuse, c'est-�-dire plus amusante.

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Apparemment l'itin�raire de Bonaparte fut chang�, puisque mon p�re eut la libert� de s'absenter. On voit bien qu'il s'ennuyait loin de Victoire, et fit tout s au monde pour aller la voir � Paris. Pour cela il lui fallut pr�texter des affaires, et il eut besoin d'une lettre de sa m�re au g�n�ral Dupont. Car Dupont �tait « plus braque et plus mal dispos� que jamais. Monsieur fait la cour � une dame dont le mari �tait absent, mais depuis huit jours ce mari a eu l'impolitesse de revenir, et le g�n�ral, contrari� dans ses amours, s'en prend � nous, qui n'y pouvons {CL 33} mais. » Pour faire agr�er sa demande � sa m�re, {Lub 432} Maurice fait un peu l'ambitieux. Il dit que le moment est bon pour aller travailler � son avancement, qu'il verra Armand Caulaincourt*, son ancien ennemi, et qu'il est s�r qu'il lui donnera un coup de main, parce que, apr�s tout, ce personnage, dont le chemin a �t� si rapide, n'a pas de raison pour le ha�r. « Il m'a fort ennuy�, et je ne l'ai jamais bless� dans mes r�ponses. J'aurais pu le taquiner dans ses amourettes, mais comme j'aimais ailleurs, j'ai agi loyalement, et il s'en est aper�u. Je ne l'ai jamais cru m�chant ni sot, tant s'en faut, et peut-�tre, � pr�sent qu'il est en bon chemin, aura-t-il quitt� ses grands airs. Nous verrons bien. »

Maurice veut aussi revoir le p�re Harville, son premier g�n�ral, son grand diable d'Ordener (le p�re, je crois, du brave colonel Ordener), un autre grand diable qui se conduisit d'une mani�re h�ro�que aux portes de Paris en 1814**, Eug�ne Beauharnais, Lacu�e, Macdonald, et enfin son ami Laborde, aide de camp de Junot. Il flatte le d�sir que sa m�re �prouvait d�s lors de le voir se placer plus pr�s des regards du premier consul, et lui-m�me d�sirait vivement alors entrer dans la garde du premier consul. Il fit quelques efforts, comme on le verra, et sans succ�s comme il �tait facile de le pr�voir, car il �tait trop pr�occup� de son amour pour �tre un solliciteur actif, et trop na�vement fier pour �tre un heureux courtisan t. J'ai entendu souvent ses amis s'�tonner qu'avec tant de bravoure, d'intelligence et de charme dans les mani�res, il n'ai pas eu un plus rapide avancement, mais je le con�ois u bien. Il �tait amoureux, et pendant plusieurs ann�es il n'eut pas d'autre ambition que celle d'�tre aim�. Ensuite il n'�tait pas homme de cour, et on {CL 34} n'obtenait d�j� plus rien sans se donner beaucoup de peine. Puis vinrent pour Bonaparte des pr�occupations s�rieuses. L'affaire Pichegru v, Moreau et Georges, celle du duc d'Enghien, et ces �v�nements w expliquent le mouvement qui se fit dans son esprit pour rapprocher de lui les noms du pass�, puis pour les en �loigner, puis enfin pour les rapprocher encore et se r�concilier avec eux. x

[{CL 33}] * Le duc de vicence.

[{CL 33}] ** Ordener le p�re �tait en 1802 chef de la garde consulaire.

Mon p�re obtint d'autant plus facilement de sa m�re une lettre pour le g�n�ral Dupont, qu'elle croyait tout {Lub 433} rompu avec Victoire, et qu'elle esp�rait voir arriver son cher Maurice � Nohant apr�s quelques jours consacr�s � faire des tentatives d'avancement � Paris. Je ne saurais dire quelles r�solutions il avait form�es � cet �gard, mais son caract�re est ordinairement si sinc�re et m�me si ing�nu que je crois tr�s-fort � son projet r�el d'aller embrasser promptement sa m�re. Il comptait seulement voir son amie � Paris, la consoler sans doute de la douleur de leur s�paration � Charleville, et s'arracher de ses bras pour y revenir bient�t. Mais sans doute il la trouva sur le point de devenir m�re, triste, effray�e, malade peut-�tre. Alors sacrifiant tout � un amour s�rieux, et les tendres exigences de sa m�re, et ses esp�rances d'avancement militaire, il resta cinq mois � Paris, �crivant toujours, ayant l'air de s'occuper beaucoup de ses affaires, promettant chaque semaine d'arriver � Nohant la semaine suivante, et, en fait, ne pouvant s'arracher � sa passion, ne le voulant plus probablement. Peut-�tre le g�n�ral Dupont s'�tait-il interpos� aussi � Charleville pour faire partir Victoire, car il y a quelque part dans la correspondance une lettre de lui o�, en rendant justice � la conduite de la jeune femme, il exprime � ma grand'm�re la crainte de voir Maurice faire quelque folie, et par l� il entend sans doute un mariage d'amour.

Voici quelques fragments des lettres de mon p�re �crites de Paris du 15 frimaire au 5 flor�al.

{CL 35} Frimaire an XI (d�cembre 1802).

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Il y a beaucoup d'�trangers et de livr�es dans les rues. Les portes des gens en place sont inabordables. C'est tout comme autrefois. Quoi qu'on en dise, le peuple n'en est ni plus heureux, ni plus content. Hier, dans une querelle � la chasse, le g�n�ral Lecourbe a tu� un homme. Deux heures apr�s, les habitants de Corbeil se sont port�s � sa maison de campagne et l'ont massacr�. Cette nouvelle a constern� tout Paris et surtout le ch�teau. Il y a quatre jours, au tirage des conscrits de la section des Gravilliers, il y a eu r�bellion de leur part, d�sarmement de la garde; renfort arriv�, combat, et douze hommes de tu�s. Tout cela n'est pas fort gai. . .

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{Lub 434} Je ne sais pas ce que c'est que cette aventure tragique du g�n�ral Lecourbe. Aucun des ouvrages que je puis consulter n'en fait mention. Il est certain qu'il ne fut pas tu� l�, et peut-�tre ce que mon p�re raconte est-il un bruit sans aucun fondement. Peut-�tre aussi l'affaire arriva-t-elle comme il la rapporte, sauf la gravit� de la catastrophe finale. Plusieurs de mes lecteurs, en consultant leurs souvenirs, en sauront sans doute plus que moi l�-dessus. L'�v�nement n'a pourtant rien d'invraisemblable. Le g�n�ral Lecourbe habitait alors la campagne aux environs de Paris. Il �tait sans emploi, et ne reparut sur la sc�ne que pour d�fendre avec chaleur le g�n�ral Moreau, accus� en 1803. Sa disgr�ce semble ant�rieure � cet acte d'attachement envers un ami malheureux, et elle dura ensuite autant que le r�gne de Bonaparte. Lecourbe�tait un h�ros � la guerre; son �nergie {CL 36} au milieu des soldats r�volt�s qu'il faisait rentrer dans le devoir � coups de sabre* �tait une vertu militaire qui ne le disposait pas beaucoup, on peut croire, � l'exercice des vertus civiles, et il faut bien dire qu'en g�n�ral ces guerriers couverts de gloire conservaient souvent dans la vie priv�e des allures proconsulaires. Je n'ai rien � affirmer non plus sur l'anecdote des conscrits de la section de Gravilliers. Ce sont des d�tails qu'on ne retrouverait probablement pas dans les journaux du temps, tous rigoureusement soumis � la censure directe du ma�tre. Nous n'avons pas encore une histoire compl�te de l'Empire. Celle de M. Thiers, que je consulte comme la plus d�taill�e et la plus s�rieuse sur beaucoup de points, ne s'occupe pas des mœurs et de l'opinion autant qu'il le faudrait. Elle indique � peine les �contentements du peuple, et elle n'explique jamais ceux de l'arm�e d'une mani�re satisfaisante. M. Thiers fait trop de flatterie au grand homme, qu'il place avec raison au premier plan, en supposant que tous les hommes qui avaient concouru � ses �clatants triomphes �taient d'aveugles ambitieux. Il ne leur attribue point d'id�es qui lui paraissent dignes d'examen et de discussion, et pourtant il serait fort important de savoir quels vestiges de croyance r�publicaine {Lub 435} la R�volution avait laiss�s dans l'esprit de ces hommes condamn�s � se taire et � ob�ir. Je demande qu'on fasse l'histoire des disgraci�s de Napol�on et j'appellerais volontiers ceux d'entre eux qui sont rest�s fid�les � leurs premi�res id�es � nous raconter eux-m�mes aujourd'hui leur vie et leurs sentiments sous l'Empire. Cela manque � la philosophie de l'histoire de l'Empire. Toute la port�e, toute la v�rit� d'une �poque n'est pas dans le r�cit officiel des �v�nements g�n�raux, tels que la guerre, la l�gislation, la diplomatie et les finances.

* Cela lui arriva notamment � Zurich dans la campagne de 1799. Les soldats se r�voltaient pour d�faut de paye.



{CL 37} Suite des fragments de lettres y



Paris, 18 frimaire an XI (d�cembre 1802).

. . . . J'ai enfin vu Caulaincourt, et ce n'est pas sans peine; mais, ma foi, j'ai �t� bien inspir� de compter sur l'oubli de nos petites rancunes. A peine m'eut-il reconnu qu'il embrassa cordialement l'ancienne ordonnance du p�re Harville. Il me demanda de tes nouvelles avec un vif int�r�t, et � peine lui eus-je dit que je d�sirais entrer dans la garde, qu'il ne me donna pas le temps de lui demander de m'y aider. Il s'y offrit et s'en chargea avec un empressement fort aimable. Il m'a demand� mes �tats de service et promis de son propre mouvement de les pr�senter et de les faire lire demain au premier consul, � Saint-Cloud. Il m'a surtout recommand� de mettre en toutes lettres et fort apparentes, sur ma demande, que je suis le petit-fils du mar�chal de Saxe, m'assurant qu'il le fallait pour r�ussir. « Mais la Suisse, mais Marengo? lui disais-je. — Bien, bien, m'a-t-il r�pondu, le pr�sent est beaucoup, mais le pass� a une grande importance aujourd'hui. Parlez du h�ros de Fontenoy et ne n�gligez rien de ce c�t�-l�. » Bien m'avait pris d'avoir �t� d�ner la veille chez Ordener et d'en avoir �t� re�u � bras ouverts, car il m'a demand� comment j'�tais avec lui, et, sur ma r�ponse, il m'a assur� que tout cela irait sur des roulettes

{CL 38; Lub 436} Paris, 29 frimaire.

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Auguste* a pris hier le costume grave de son emploi de tr�sorier de la ville de Paris. Il avait l'habit noir, l'�p�e, la bourse, et, dans cet �quipage, il nous a fait mourir de rire. Il a toujours une figure superbe � qui tout sied, et il porte tr�s-bien ce costume, mais c'est si dr�le de voir repara�tre les habits de jadis! Ren� veut �tre pr�fet du palais et sa femme dame d'honneur. Je l'ai fait enrager en lui disant z que pour le coup ces dames ne la verraient plus que de mauvais œil. Mais le premier consul a �t� si aimable et si galant avec elle, qu'elle subit le commun prestige, et finit par avouer que tous ces grands seigneurs sont fiers et insolents. Ils le sont d'autant plus, pour la plupart, qu'ils recherchent aussi la faveur du ma�tre. aa

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* Auguste de Villeneuve, son neveu.

12 niv�se an XI (janvier 1803).

. . . . . Je t'envoie un chapeau de castor gris du dernier genre. Je l'ai choisi dans une caisse arrivant de Londres. C'est tr�s-chaud, et c'est la mode effr�n�e.

Ren� a �t� � Saint-Cloud voir madame Bonaparte. Apolline y est re�ue on ne peut mieux, la m�moire de M. de Guibert est l� en grande v�n�ration. Tu vois bien qu'on fait la cour au pass�.

{CL 39} J'ai vu le p�re Harville, qui m'a fait un meilleur accueil qu'� l'hospice du Saint-Bernard. Il a eu le temps de se d�geler. . . . . Je me recommande au souvenir du maire, dont l'image m'est toujours ch�re et pr�sente.

(Suit une illustration libre repr�sentant la t�te de Deschartres coiff�e d'oreilles d'�ne.)

{Lub 437} 18 niv�se.

Tu as d� recevoir tes chapeaux. C'est moi maintenant qui vais te faire une demande, c'est de m'envoyer bien vite la garniture de boutons d'acier � t�te de diamants qui vient de mon p�re. Ren�, �bloui encore de l'�clat qu'ils jetaient en 89, me demande de les lui pr�ter pour les mettre sur un habit de velours lavande qu'il pr�pare pour aller faire sa cour � Saint-Cloud. C'est m�me moi qui lui ai offert cet �clatant service.

B*** * va avoir une place qui rapporte quarante mille livres par an. Ce que c'est que la cour! Le tout en raison du nom de ses p�res; car il est notoire qu'il en a eu plus d'un. Quant � Dupont, qui est fou, mais qui est brave (on ne peut pas lui refuser cela), et qui, certes, s'est admirablement comport� en Italie, non-seulement il n'est pas invit�, mais encore il est re�u froidement. Je dis vingt fois fois par jour: C'est comme autrefois, et la R�volution n'a rien chang�. H�las! o� sont nos r�ves de 89! o� sont mes longues r�veries de Passy? o� sont les neiges d'antan? Le luxe est semblable � celui de l'ancienne cour, �p�es, habits de velours, vestes brod�es, livr�es, carrosses, etc. . . . .

J'ignore le sort de ma demande au premier consul; ab je {CL 40} n'ai pas pu rejoindre Caulaincourt depuis notre premi�re entrevue; je n'aime pas � obs�der, j'attends. Apolline a parl� de moi chez le premier consul; Ordener se trouvait l�, et a fait mon �loge � Eug�ne Beauharnais et � Clarke. . . . . J'ai enfin vu d'Andrezel; et j'ai d�n� hier chez madame de La Marli�re avec l'abb� de Prades ac.

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[{CL 39}] * Il serait inutile de chercher des noms sous les initiales. Je change les initiales � dessein, ne voulant molester aucun individu sans utilit�.

Paris, ... niv�se.

T*** est au fa�te de la faveur. Buonaparte lui a envoy� hier son aide de camp le Marrois ad pour lui demander en {Lub 438} propres termes quelle place il veut avoir. Je m'en r�jouis pour lui, il est si bon et si aimable que je suis heureux de le voir content. Mais n'est-il pas �trange qu'on obtienne de belles places, � son propre choix, sans �tre sorti de sa chambre? Sais-tu l'effet que �a me fait? ae Cela me donne une furieuse envie de quitter la partie et d'aller planter nos choux. C'est ce que je ferai certainement si la guerre ne recommence pas bient�t; car je veux bien servir la France, mais je ne veux pas servir af dans une cour. Je suis las d'avoir couru le monde et de m'y �tre ruin� pour arriver � cette certitude que j'aurais mieux fait pour ma fortune de me morfondre dans les antichambres. L'�tat militaire est si avili aujourd'hui que je n'ose plus mettre l'uniforme dont j'�tais si fier il y a un an. Nous ne pouvons plus m�me assister � la parade. On ne nous laisse pas seulement entrer dans la cour. Pour ma part, je n'y ai pas essay�, et je ne m'exposerai jamais � de tels affronts. Marengo est bien loin! Je radote, ma bonne m�re, je suis toujours dans mes sottes id�es de justice et de v�ritable grandeur. Ah! qu'il est dur de renoncer si vite aux r�ves de la jeunesse! . . . . .

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{CL 41} Paris, 12 pluvi�se (f�vrier 1803). ag

. . . . . Ne me gronde pas, j'agis du mieux que je peux. Mais comment faire pour r�ussir quand on n'est pas n� courtisan? J'ai revu Caulaincourt hier. Il m'a fait d�jeuner avec lui; il m'a dit qu'il avait mis lui-m�me ma demande dans le portefeuille du premier consul, et m�me qu'il lui avait parl� de moi, mais que celui-ci lui avait r�pondu: Nous verrons cela. C'est peut-�tre bien un refus anticip�. Que veux-tu que j'y fasse? C'est Buonaparte lui-m�me qui m'a fait entrer dans l'�tat-major, et c'est Lacu�e qui me l'a conseill�. A pr�sent, Lacu�e dit que cela ne vaut pas le diable, et Buonaparte ne nous permet pas d'en sortir. Ce sera une grande faveur si cela m'arrive, mais je ne suis pas homme � me mettre � plat ventre pour obtenir une chose si simple et si juste. Je n'ose pourtant pas y renoncer, car tout mon d�sir est de me fixer � Paris si la paix continue; comme cela, nous nous arrangerions pour que tu vinsses y passer {Lub 439} les hivers et nous ne vivrions pas �ternellement s�par�s, ce qui rend mon �tat aussi triste pour moi que pour toi-m�me. Je n'y mets ni insouciance ni lenteur. Mais tu ne m'as pas �lev� pour �tre un courtisan, ma bonne m�re, et je ne sais pas assi�ger la porte des protecteurs. Caulaincourt est excellent pour moi, il a recommand� devant moi � son portier de me laisser toujours entrer quand je me pr�senterais, � quelque moment que ce f�t; mais il sait bien que je ne suis pas de ceux qui abusent, et s'il veut me servir r�ellement il n'a pas besoin que je l'importune.

Je vais ce soir chez le g�n�ral Harville, c'est son jour de r�ception. J'y vais chapeau sous le bras, culotte et bas de soie noire, frac vert! C'est � pr�sent la tenue militaire!

. . . . . Ne me dis donc plus que tu vas t�cher de penser {CL 42} � moi le moins possible. Je ne suis d�j� pas si gai! Et que veux-tu que je devienne si tu ne m'aimes plus? . . . . .

Paris, 27 pluvi�se.

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... J'ai revu chez *** ah, � un fort beau souper qu'il a donn�, madame de Tourzelles ai, et j'en ai �t� enchant�. Quant au reste, tant m�les que femelles, c'est toujours la m�me nullit�, la m�me sottise. Le grand monde n'a point chang� et ne changera point. J'en excepte quelques-uns seulement, et surtout Vitrolles, qui a de l'esprit et du caract�re*. aj

En d'autres lieux, o� on ne vise pas � la grandeur, on vise au bel esprit. Il n'y a pas jusqu'� F*** ak qui ne soit devenu sensible et r�fl�chi. Chez lui on ne parle que par sentences morales, et, au fond, on se soucie de tout cela comme d'un f�tu. Mais c'est un genre. — J'ai re�u la letttre de ma�tre Aliboron Deschartres. Elle est aussi aimable que lui, ce n'est pas peu dire.

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* Avec sa l�g�ret� apparente, mon p�re jugeait tr�s-bien les hommes. M. de Vitrolles est un des rares hommes du parti royaliste, en effet, pour l'esprit et le caract�re.

{Lub 440} Paris, 7 vent�se. al

Caulaincourt a reparl� de moi au premier consul. Il avait �gar� ma demande et lui en a redemand� une autre. Est-ce � dire que je dois esp�rer? Ah! si le grand homme savait comme j'ai envie de l'envoyer pa�tre, et de ne plus me ruiner sans gloire � son service! Qu'il nous donne encore de la gloire s'il veut faire sa paix avec moi. Le {CL 43} malheur est que cela lui est parfaitement �gal pour le moment. am

... J'ai �t� passer la soir�e chez Cambac�r�s. Toute l'Europe �tait l�, je crois. On a compt� quatre cents voitures sur le Carrousel. Ce qu'il y a de remarquable, c'est l'accueil empress� que font les �trangers aux militaires fran�ais, tandis que messieurs de l'ancienne cour les d�crient, et que messieurs de la nouvelle les d�daignent. Pour s'en venger, les uns et les autres pr�tendent que les �trangers recherchent la mauvaise compagnie. N'est-ce pas plaisant? Ainsi la duchesse de Gordon et la princesse d'Olgorouky vont s'encanailler chez Cambac�r�s.

... J'ai revu avec une joie extr�me notre ancien et fid�le ami Heckel. Cela m'a consol� du reste. J'embrasse Jean-Louis-Fran�ois Deschartres. Ô ma bonne m�re, sois certaine que je t'aime!

16 vent�se.

Je t'assure que mes affaires sont dans le meilleur train possible, et que si personne ne me nuit dans l'esprit du premier consul au moment o� ma demande lui sera pr�sent�e, je ne vois pas du tout pourquoi il ne l'admettrait point. Madame de Lauriston m'a recommand� elle-m�me � son fils, qui doit, � son premier travail avec le premier consul, exhiber ma supplique. Caulaincourt, que j'ai encore vu, me confirme dans la certitude que je ne puis pas �chouer. En attendant, puisque tu me reproches mon humeur sauvage, je vais un peu dans le monde. Avant-hier j'ai �t� pr�sent� par Auguste chez le consul Lebrun. Il y avait foule dans le salon, et j'�tais forc� de me tenir derri�re Auguste au moment o� il d�bita sa phrase: « J'ai l'honneur de vous pr�senter mon oncle, aide de {Lub 441} camp, etc. » {CL 44} A ce d�but, Lebrun prit un maintien grave pour recevoir ce digne oncle qu'il cherchait des yeux. Je r�ussis alors � m'avancer pour faire ma r�v�rence. Il �tait si stup�fait qu'il songeait � peine � me la rendre. Enfin, apr�s m'a voir regard� avec attention, il nous partit au nez d'un grand �clat de rire en nous demandant lequel de nous �tait l'oncle ou le neveu. Il eut beaucoup de peine � se persuader que j'�tais le plus �g�, et il fut tr�s-aimable dans sa gaiet�. De l� nous f�mes chez Cambac�r�s, o� c'�tait � mon tour de pr�senter Auguste comme mon neveu, et la m�me sc�ne recommen�a. Cambac�r�s m'a invit� � d�ner pour jeudi. Je n'aurai garde d'y manquer, car ses d�ners ont une grande r�putation de gueule. J'ai revu hier Georges Lafayette, qui m'a pr�sent� � sa femme, mademoiselle de Tracy. Il arrive d'Italie. J'ai revu aussi madame de Simiane, sœur de M. de Damas, avec lequel j'ai �t� en relation � Rome, et j'ai fait sa conqu�te en lui parlant de son fr�re.

Quand cette �temelle r�ponse du premier consul m'arrivera, et maintenant c'est bient�t, j'esp�re, je pars au triple galop pour aller t'embrasser et pour te dire que je t'aime cent fois plus que tu ne crois.

28 vent�se (mars 1803). an

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Je vois souvent mon ami Heckel. Comme il demeure fort loin, nous faisons chacun la moiti� du chemin; nous nous joignons aux Tuileries, et l� nous arpentons tout le jardin en babillant et en raisonnant � perte de vue. C'est vraiment l'homme le plus instruit et le plus �loquent que j'aie jamais rencontr�, et il a des sentiments si nobles, que je me sens toujours meilleur quand je le quitte que quand je l'aborde. Il sollicite en ce moment une place de proviseur {CL 45} dans un lyc�e; je ferai pr�senter sa note � Buonaparte par Dupont. R�ussirai-je? Je me ferais volontiers intrigant pour l'amour de ce digne homme, mais l'esprit du gouvernement est de ne donner qu'� ceux qui ont d�j�, et c'est assez l'histoire de tous les grands pouvoirs.

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{Lub 442} Le Vendredi saint.

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Ren� a donn� ces jours-ci un tr�s-beau d�jeuner o� �taient Eug�ne Beauharnais, Adrien de Mun, milord Stuart, madame Louis Bonaparte, la princesse Olgorouky, la duchesse de Gordon, madame d'Andlaw et lady Georgina, ni�ce de la duchesse de Gordon. Cela se faisait � l'intention d'Eug�ne, qui est amoureux et aim� de lady Georgina, laquelle passe dans le grand monde pour un astre de beaut�. Il ne lui manque pour m�riter sa r�putation que d'avoir une bouche et des dents. Mais sur cet article Eug�ne et elle n'ont rien � se reprocher. La duchesse ne demanderait pas mieux que de la lui faire �pouser, mais le cher beau-p�re Buonaparte n'entend point de cette oreille-l�. La tante va partir pour l'Angleterre et les amants se d�solent. Voil� comment la grandeur rend les gens heureux. ao En sortant de table, nous all�mes nous promener au Jardin des plantes, les uns en voiture et en boghei, les autres dans la cal�che � quatre chevaux de la duchesse. Nous v�mes tout dans le plus grand d�tail. Eug�ne distribuait des louis � tort et � travers, comme un autre e�t donn� douze sous. Il nous faisait les honneurs, et c'est tout au plus s'il ne disait pas, au lieu du jardin du roi le jardin de mon p�re.

A la suite de la promenade, la duchesse de Gordon donna � la R�p�e un d�ner dont ni Eug�ne, ni Ren�, ni {CL 46} Auguste, ni moi, ne f�mes pri�s. Vers le milieu du repas, la princesse Olgorouky re�ut un billet de madame de Montesson, qui l'invitait � venir chez elle le soir m�me par�e qu'elle avait un concert: Pa�siello, et mademoiselle Duchesnois qui d�clamerait. Aussit�t les morceaux trop h�t�s se pressent dans la bouche de la princesse. Elle demande ses chevaux et part. Arriv�e chez elle, elle se couvre de diamants, et arrive tout essouffl�e chez madame de Montesson � neuf heures du soir. D'abord le portier ne veut pas la laisser monter. Elle se dit invit�e, se nomme, monte et trouve madame de Montesson entre deux bougies, devant sa chemin�e et pr�te � se coucher. Grand �tonnement, explication de part et d'autre. C'�tait un poisson d'avril envoy� par quelques polissons qui n'�taient pas de la soci�t�, et je rougis d'avouer que je connais beaucoup ces mis�rables.

{Lub 443} Le lendemain, jour de la grande parade, Auguste et Ren� re�urent un avis qu'ils prirent pour une attrape du m�me genre, mais qui ne se termina pas d'une mani�re aussi comique. On vint leur dire que M. de Villeleroux ap, descendant le grand escalier des Tuileries, s'�tait laiss� tomber au milieu de tous ses coll�gues et s'�tait bless�. Ils y coururent en riant, pensant � un poisson d'avril, mais ils le trouv�rent mort dans la salle des Ambassadeurs, entre les mains du conseiller d'État Fourcroy, qui, pour ne pas manquer l'occasion d'une exp�rience, s'�tait mis en devoir de le galvaniser, ce qui n'aboutit qu'� lui faire faire d'effroyables grimaces. Il avait �t� frapp� d'apoplexie foudroyante. Il a �t� enterr� hier � Saint-Roch avec toute la pompe s�natoriale. Quant � la veuve, elle jeta les hauts cris le premier jour, le lendemain elle s'occupa beaucoup de sa robe et de sa chatte qui faisait, des petits. Le jour de l'enterrement, elle �tait toute consol�e et riait de la figure des passants qu'elle voyait par sa fen�tre. Ce qu'on {CL 47} peut croire de mieux sur son compte, c'est qu'elle est folle, ma pauvre sœur*.

Bonaparte va partir dans quelques jours pour Bruxelles, si je n'obtiens pas de r�ponse avant son d�part, je cours t'embrasser de toute mon �me et de toutes, mes forces.

* Mademoiselle Dupin, fille du premier mariage de mon grand-p�re, mari�e � M. de Villeneuve, et en secondes noces � M. de Villeleroux.

29 germinal (avril). aq

Je pars dans trois jours pour Chenonceaux avec Ren�; envoie-moi ar les chevaux jusqu'� Saint-Agnan, et dans cinq jours je suis dans tes bras. Oui, oui, il y a bien longtemps que je devrais y �tre. Tu en as souffert, moi aussi! as Tu vas me promener dans tes nouveaux jardins et me prouver que la grenouill�re at est devenue le lac de Trasim�ne, les petites all�es des routes royales, le pr� une vall�e suisse, et le petit bois la for�t Hercinia au. Oh! je ne demande pas mieux! Je verrai tout cela par tes yeux, je le verrai en beau, puisque je serai pr�s de toi! av 1


Variantes

  1. Le deuxi�me partie est soud�e � la premi�re dans {Presse}. Les titres des parties ne figurent qu'� partir de l'�dition {CL}.
  2. Reprise de {Presse}: CHAPITRE DIX-HUITIÈME ♦ CHAPITRE SIXIÈME {Lecou}, {LP} ♦ VI {CL}
  3. L' argument de ce chapitre dans {Presse} ne comprend pas: Rencontre avec les Turcs. – Aventure de M***. – Excentricit�s du g�n�ral. – Caulaincourt, Ordener, d'Harville. – Cambac�r�s, Lebrun. – Poisson d'avril. – Ma tante paternelle
  4. Interruption de {Presse}
  5. tenir dans mon esprit contre la crainte {Lecou}, {LP} ♦ venir dans mon esprit dans la crainte {CL} ♦ tenir dans mon esprit contre la crainte {Lub} (r�tablissant la 1�re le�on; nous le suivons)
  6. j'ai vu V*** {CL} ♦ j'ai revu Victoire {Lub} (de m�me dans le reste du chapitre)
  7. madame de la M*** {CL} ♦ madame de La Marli�re {Lub}
  8. et j'en profiterai. / Sancho {CL} ♦ et j'en profiterai. Sancho {Lub}
  9. je crois, il ne faut {Lecou}, {LP} ♦ je crois, qu'il ne faut {CL}
  10. Reprise de {Presse}
  11. Interruption de {Presse}
  12. Tu sais que je t'ai {Lecou}, {LP} ♦ Tu sais que j'ai {CL}
  13. le colonel M***, sous-inspecteur {CL} ♦ le colonel, Malus le fils, sous-inspecteur {Lub} (de m�me dans le paragraphe suivant)
  14. pour t�cher de gagner {Lecou}, {LP} ♦ pour gagner {CL}
  15. Reprise de {Presse}
  16. Interruption de {Presse}
  17. le sieur *** {CL} ♦ le sieur Collin {Lub}
  18. un loup superbe dans la for�t {Lecou}, {LP} ♦ un loup dans la for�t {CL}
  19. et il fit tout {Lecou}, {LP} ♦ et fit tout {CL}
  20. Reprise de {Presse} par un texte de raccord: Ma grand'm�re, voyant aux lettres suivantes que son cher Maurice �tait mortellement triste, l'appela pr�s d'elle, et obtint du g�n�ral Dupont qu'il lui permettrait d'aller � Paris faire des d�marches pour son avancement. C'�tait un pr�texte pour l'attirer � Nohant; mais il n'y alla que plus tard. Il fut retenu � Paris par son amour, usant aussi aupr�s de sa m�re du pr�texte de ces m�mes d�marches. Il d�sirait vivement alors entrer dans la garde du premier consul. Il fit quelques efforts sans succ�s, comme il �tait facile de le pr�voir, car il �tait trop pr�occup� pour �tre un solliciteur actif et trop na�vement fier pour �tre un heureux courtisan
  21. avancement. Moi, je le con�ois {Presse} ♦ avancement, moi, je le con�ois {Lecou} ♦ avancement, moi je le con�ois {LP} ♦ avancement, mais je le con�ois {CL}
  22. s�rieuses. L'affaire de Pichegru {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ s�rieuses. L'affaire Pichegru {CL} ♦ s�rieuses, l'affaire Pichegru {Lub} (La ponctuation paraissant illogique dans toutes les �ditions, le point �tait remplac� par une virgule. Nous gardons la le�on des �ditions ant�rieures)
  23. et les �v�nements {Presse} ♦ et ces �v�nements {Lecou} et sq.
  24. Interruption de {Presse}
  25. Reprise de {Presse}
  26. enrager hier en lui disant {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ enrager en lui disant {CL}
  27. Interruption de {Presse}
  28. premier consul; {CL} ♦ premier consul: {Lub}
  29. l'abb� de Prades {CL} ♦ l'abb� de Pradt {Lub}
  30. le Marrois {CL} ♦ Le Marois {Lub}
  31. que cela me fait? {Lecou}, {LP} ♦ que �a me fait? {CL}
  32. je ne suis pas propre � servir {Lecou}, {LP} ♦ je ne veux pas servir {CL}
  33. Reprise de {Presse}
  34. J'ai revu S*** chez *** {Presse} ♦ J'ai revu chez *** {Lecou} et sq.
  35. donn� � Mme de Tourzelles {Presse} ♦ donn�, madame de Tourzelles {Lecou}, {LP}, {CL} ♦ madame de Tourzel {Lub}
  36. Interruption de {Presse}
  37. jusqu'� F*** {CL} ♦ jusqu'� Rodier {Lub}
  38. Reprise de {Presse}
  39. Interruption de {Presse}
  40. Reprise de {Presse}
  41. Interruption de {Presse}
  42. M. de Villeleroux {CL} ♦ M. de La Villeleroux {Lub}
  43. Reprise de {Presse}
  44. avec Ren�. Envoie-moi {Presse}
  45. souffert; moi aussi. {Presse}
  46. Grenouill�re {Presse}
  47. for�t Hercinie {Presse}
  48. pr�s de toi. {Presse}

Notes

  1. {Presse} La suite � demain.) [sic]