GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{[Presse 6/11/54 2]; LP T.? ?; CL T.1 [389]; Lub T.1 [323]} DEUXIÈME PARTIE
Mes premi�res ann�es
1800-1810 a

{[Presse 6/11/54 2]; CL T.1 [389]; Lub [325]} I b

Mission. — La Tour d'Auvergne. — Parme. — Bologne. — Occupation de Florence. — Georges La Fayette.



LETTRE PREMIÈRE

Bologne, 24 fructidor. c

ARMÉE D'ITALIE, « LIBERTÉ, ÉGALITÉ »

Au quartier g�n�ral � Bologne, 17 fructidor an VIII de la R�publique fran�aise, une et indivisible.

Dupont, lieutenant g�n�ral, au citoyen Dupin, adjoint � l'�tat-major de l'aile droite de l'arm�e.

Je d�sire, mon cher Dupin e, qu'aussit�t la r�ception de cette lettre, vous vous rendiez � Bercello. Vous y prendrez des renseignements sur les moyens de passage qui existent sur le P�, depuis Cr�mone jusqu'� ce point. Vous y pr�viendrez l'administration de Bercello de l'arriv�e d'un corps de troupes {CL 390} faisant partie de l'aile droite, ainsi que l'administration de Guastalla, afin qu'elles s'occupent de la subsistance de ces troupes, dont la force n'est pas encore d�termin�e, mais qui pourront s'�lever � deux mille hommes sur chacun de ces deux points.

Vous descendrez le fleuve jusqu'� la hauteur de Borgo-Forte, et vous vous porterez jusqu'� San Benedetto, prenant sur votre route les renseignements les plus pr�cis sur le nombre et la position des bacs et autres moyens de passage.

{Lub 326} Vous t�cherez de d�couvrir la force et la position des postes autrichiens sur la rive gauche du fleuve. Vous vous assurerez s'ils ont un pont de bateaux � Borgo-Forte ou ailleurs. Vous vous instruirez de la position g�n�rale de leur arm�e, et de la force de la garnison de Mantoue.

Apr�s avoir rempli tr�s-rapidement ces diff�rentes instructions, vous vous rendrez � Bologne, ou � mon quartier g�n�ral si j'ai quitt� cette place.

Vous prendrez avec vous un gendarme de l'escorte des bagages, et je vous autorise � prendre sur votre route les escortes de troupes qui vous seraient n�cessaires.

Il est essentiel de savoir si les Autrichiens font des mouvements de troupes qui annoncent des desseins hostiles. Si vous pouvez vous procurer quelques bons espions, employez-les ou adressez-les-moi.

Salut et amiti�,

DUPONT.

Je pr�sume que cette lettre vous trouvera � Parme

{CL 391} LETTRE II

Bologne, le 24 fructidor f.

DE MAURICE À SA MÈRE

Je t'envoie cette lettre du g�n�ral, ma bonne m�re, pour me faire pardonner un peu, non pas mon silence, que, pour mon compte, je ne me pardonne gu�re, mais pour �carter un peu tes reproches et tes suppositions. Tu vois qu'en somme je ne me conduis pas de mani�re � perdre l'estime et la confiance, puisque j'ai �t� choisi sur six adjoints pour remplir une mission d�licate et qui ne se confie point au premier venu. Cette preuve de mon activit� et de ma conscience � faire mon m�tier te fera plaisir, je le sais; mais excusera-t-elle mon silence d'un mois � Milan? Ah! g que tu es fine, ma bonne m�re! Tu as devin�, sans que je t'en aie dit un seul mot, que j'avais �t� dans cette maudite Capoue, sous l'empire d'une terrible pr�occupation! Ne m'interroge pas trop, je t'en prie. Il y a des choses qu'on aime mieux raconter {Lub 327} qu'�crire. Que veux-tu! Je suis dans l'�ge des �motions vives, et je ne suis pas coupable de les ressentir. J'ai �t� enivr�, mais j'ai souffert aussi. Pardonne-moi donc, et souviens-toi que j'ai quitt� Milan avec joie, avec une ardente volont� de me consacrer aux devoirs de mon emploi. Plus tard je te raconterai tout de sang-froid, car d�j� j'ai retrouv� dans l'agitation de mon m�tier le calme de mon esprit. Je me suis acquitt� de mon mieux de la commission du g�n�ral. J'ai parcouru en trois jours toute la ligne. Je suis arriv� hier, et le soir m�me j'ai eu la satisfaction de voir mon rapport, dont le g�n�ral a �t� tr�s-content, envoy� tout vif au g�n�ral en chef. {CL 392} Ce n'est pas l� servir en machine, et j'aime la guerre quand j'en comprends les mouvements et la pens�e. C'est pour moi comme une belle partie d'�checs, au lieu que pour le pauvre soldat c'est un grossier jeu de hasard. Il est vrai que bien des �tres qui me valent sous d'autres rapports sont forc�s de passer leur vie dans des fatigues obscures que n'embellit jamais le plaisir de comprendre et de savoir. Je les plains, et je partagerais leurs souffrances, si, en les partageant, je pouvais les adoucir. Mais il n'en serait rien; et puisque l'�ducation m'a donn� quelque lumi�re, ne dois-je pas � mon pays, dont j'ai embrass� la d�fense avec ardeur, de mettre � son service la petite capacit� de ma cervelle, aussi bien que l'activit� de mes membres? M. de La Tour d'Auvergne, ce h�ros que je pleure, fut de mon avis quand je lui parlai ainsi: il me trouva tout aussi bon patriote que lui-m�me, malgr� mon grain d'ambition et tes sollicitudes maternelles. Sa modestie m'a fait surtout une impression que je n'oublierai jamais, et que toute ma vie je me proposerai pour mod�le. La vanit� g�te le m�rite des plus belles actions. La simplicit�, un silence d�licat sur soi-m�me en rehaussent le prix et font aimer ceux qu'on admire. H�las, il n'est plus! il a trouv� une mort glorieuse et digne de lui. Tu ne le maudis plus maintenant, et tu le regrettes avec moi!

D'ailleurs, tu persistes � d�tester tous les h�ros. Comme je n'en suis pas encore un, je ne crains rien pour le pr�sent. Mais est-ce que tu me d�fends d'aspirer � le devenir? Je serais capable d'y renoncer si tu me mena�ais de ne plus m'aimer, et d'aller planter des choux en guise de lauriers dans les carr�s de ton jardin. Mais j'ai bon {Lub 328} espoir que h tu t'habitueras � mon ambition, et que je trouverai moyen de me la faire pardonner.

J'ai travers� les États du duc de Parme et je me suis cru en 88. Des fleurs de lis, des armes, des livr�es, des {CL 393} chapeaux sous le bras, des talons rouges. Ma foi, cela para�t bien dr�le aujourd'hui. On nous regardait dans les rues comme des animaux extraordinaires. Il y avait dans leurs regards un m�lange d'effroi, de scandale, de haine, tout � fait comique. Ils ont tous les pr�jug�s, la sottise et la poltronnerie de nos royalistes de Paris. Notre commissaire des guerres, jeune homme tout � fait aimable, passa la soir�e dans une des grandes maisons de l'endroit, et nous raconta que la conversation avait roul� tout le temps sur l'arbre g�n�alogique de chaque famille des Étals du duc. Pour se divertir, il leur a dit qu'il y avait dans la ville un petit-fils du mar�chal de Saxe, et qu'il servait la R�publique. Il y eut un long cri d'horreur et de stup�faction dans l'assembl�e. On n'en revenait pas, et encore n'osa-t-on pas dire devant ce jeune homme tout ce qu'on pensait d'une pareille abomination. J'en ai bien ri.

J'ai �t� voir dans cette bonne ville de Parme l'acad�mie de peinture et l'immense th��tre dans le go�t des anciens cirques, b�ti par Farn�se. On n'y a pas jou� depuis deux si�cles; il tombe en ruine. Mais il est encore admirable. À Bologne j'ai vu la galerie San-Pietri, une des plus belles collections de l'Itahe. Il y a les plus beaux ouvrages de Rapha�l, du Guide, du Guerchin et des Carrache. i Je fus aussi visiter la tour pench�e, qui a cent quarante pieds de haut, et surplombe sa base de neuf pieds; puis la sainte Madone, esp�ce de planche peinte, � ce qu'ils croient, par saint Luc. Les Bolonais ont une telle v�n�ration pour elle, qu'il n'arrive rien d'heureux � vingt lieues � la ronde qu'on ne lui en attribue le m�rite. Ils lui ont b�ti une superbe �glise sur la premi�re pointe de l'Apennin. On y arrive par une galerie fort belle, d'une lieue et demie d'�tendue. Ce sont de grandes arcades r�guli�res, b�ties par les riches particuliers qui d�sirent aller en paradis. Les architectes en ont fait un objet de sp�culation. Ils en ont {CL 394} �lev� qu'ils ont revendues tr�s-cher aux gens qui, � l'article de la mort, press�s de gagner la mis�ricorde c�leste, se pressent d'en passer par toutes les conditions. C'est fort �difiant!

{Lub 329} Toutes ces beaut�s classiques et religieuses ne m'ont pas emp�ch� d'appr�cier � Bologne l'excellence des mortadelles. Ne pouvant t'en envoyer, j'ai choisi pour toi une agate en cam�e qui m'a paru tr�s-belle, quoique ce ne soit pas un antique, et que, comme M. Jourdain, je ne sache pas tr�s-bien ce que cela signifie. Adieu j, ma bonne m�re, aime-moi, gronde-moi, pourvu que tes lettres soient bien longues, car je n'en trouve jamais assez. k 1

LETTRE III

Bologne, 9 vend�miaire an IX (octobre 1800).

Au citoyen Ren� de Villeneuve, � Chenonceaux, par Amboise.

Rester un mois et demi sans m'entretenir avec mes bons amis, mes bons fr�res! n'est-ce pas l� la chose l la plus bizarre, la plus ridicule, la plus impardonnable qu'il soit possible d'imaginer?... Cependant, si l'infortune a quelques droits sur les cœurs g�n�reux, �coute, mon cher Ren�, le r�cit de mes malheurs.

Le g�n�ral Dupont est nomm� lieutenant g�n�ral commandant la droite de l'arm�e. Nous partons de Milan pour nous rendre � notre quartier g�n�ral. À moiti� chemin le g�n�ral m'envoie reconna�tre les avant-postes autrichiens sur le P�, depuis l'embouchure de l'Oglio jusqu'� celle de la Chiesa et du Mincio. Je remplis de mon mieux cette mission. Je reviens � Bologne avec les d�tails les plus pr�cis {CL 395} sur les positions et les forces de l'ennemi. Le g�n�ral envoie mon rapport au g�n�ral en chef. On forme le plan d'attaque d'apr�s mes renseignements. Je dois conduire une colonne sur un des points que j'ai reconnus. Le coup est brillant et hardi... Vous allez entendre parler de moi!... La tr�ve va expirer; je br�le de tomber sur les Autrichiens. Nous partons de Bologne pour nous rendre � Guastalla, petite ville sur le P�. Le jour de l'expiration de la tr�ve, nous allons reconna�tre les avant-postes ennemis: le g�n�ral annonce � tous les chefs que nous sommes en temps de guerre: c'est le lendemain que nous devons atquer. Nous attendons le courrier qui doit nous en confirmer l'ordre. Il {Lub 330} arrive, mon cœur fait tic tac. Puis, je me dis: c'est pour demain! Je vois d�j� mon nom dans le journal et je saute de joie. Cependant le paquet est d�cachet�, on lit!... Pas du tout! C'est une maudite prolongation d'armistice que tous les cinq cents diables emportent*!

* C'�tait le moment des n�gociations de M. de Cobentzel avec Joseph Bonaparte � Lun�ville. Bonaparte, voulant obtenir des conditions essentielles, mena�ait de reprendre les hostilit�s; M. de Cobentzel tenait bon, et pourtant faisait de temps en temps quelques concessions pour gagner l'hiver, esp�rant que cette saison arr�terait nos troupes.

Depuis cette �poque, nous sommes le bec dans l'eau, berc�s tant�t de la paix, tant�t de la guerre, et fort ennuy�s de tous ces retards.

.........................................................................

Maman m'�crit que tu vas retourner passer l'hiver � Paris. Si nous ne nous battons pas � cette �poque, j'irai peut-�tre t'y embrasser, et tu cours grand risque d'�tre �touff� dans cette entrevue. Car je t'aime d'une fi�re force et je ne suis pas une mazette. De sorte que si je t'embrasse de toutes mes forces et de toute ma tendresse, tu es un homme mort. Adieu, mon cher Ren�, j'embrasse {CL 396} toi et Auguste, je pr�sente mes respects � madame Ren� et � madame Auguste, ainsi qu'� notre bonne maman de Courcelles, et, pour me servir de ses expressions, dis-lui que le hussard, tout extravagant qu'il est, ne cesse de penser aux bont�s qu'elle voulait bien avoir pour lui. Embrasse aussi ma petite ni�ce Emma. Elle sera s�rement aussi �tonn�e d'entendre parler de moi qu'elle l'�tait de me voir entrer chez toi si bruyamment. Ne me tiens pas rigueur. Écris-moi.

{Presse 10/11/ 1} LETTRE IV m

Florence, 26 vend�miaire an IX (octobre 1800).

DE MAURICE À SA MÈRE

C'est pour le coup que nous venons de faire une belle �quip�e! Nous venons de rompre la tr�ve comme de jolis gar�ons que nous sommes. En trois jours nous {Lub 331} nous sommes empar�s de la Toscane et de la belle et d�licieuse ville de Florence. M. de Sommariva, ses fameuses troupes, ses terribles paysans arm�s, tout a fui � notre approche, et nous sommes des enfonceurs de portes ouvertes.

Avec le g�n�ral Dupont, commandant l'exp�dition, nous avons travers� l'Apennin � la t�te de l'avant-garde, et maintenant nous nous reposons d�licieusement sous les oliviers, les orangers, les citronniers et les palmiers qui bordent les rives de l'Arno. Cependant les Toscans insurg�s se sont retranch�s dans Arezzo, et tiennent en �chec le g�n�ral Mounier, l'un de nos g�n�raux de division. Mais nous venons d'y envoyer du canon, et bient�t tout sera termin�.

Il n'y a rien de comique comme notre entr�e � Florence. {CL 397} M. de Sommariva avait envoy� � notre rencontre plusieurs parlementaires, charg�s de nous assurer de sa part qu'il allait d�sarmer les paysans qu'il avait soulev�s, et qu'il nous priait de nous arr�ter; mais que si nous persistions � entrer dans Florence, il se ferait tuer sur les remparts. C'�tait bien parler; mais, en d�pit de ses promesses et de ses menaces, nous continu�mes notre marche. Arriv�s � quelques milles de Florence, le g�n�ral Dupont envoie le g�n�ral Jablonowski avec un escadron de chasseurs pour reconna�tre si l'ennemi d�fend en effet la place. Moi, qui me trouvais l� assez d�sœuvr�, je suis le g�n�ral Jablonowski. Nous arrivons militairement par quatre, le sabre en main, au grand trot. Point de r�sistance, nous entrons dans la ville, personne pour nous arr�ter. Au coin d'une rue, nous nous trouvons nez � nez avec un d�tachement de cuirassiers autrichiens. Nos chasseurs veulent les sabrer. L'officier autrichien s'avance vers nous chapeau bas, et nous dit que, lui et son piquet formant la garde de police, il est oblig� de se retirer des derniers. Une si bonne raison nous d�sarme, et nous le prions poliment d'aller rejoindre bien vite le reste de l'arm�e autrichienne et toscane, qui se repliait sur Arezzo. Nous arrivons sur la grande place o� les d�put�s du gouvernement viennent nous rendre leurs devoirs. J'�tablis le quartier g�n�ral dans le plus beau quartier et le plus beau palais de la ville. Je retourne vers le g�n�ral Dupont. Nous faisons une entr�e triomphale, et voil� une ville prise.

{Lub 332} Le soir m�me, ou illumine le grand Op�ra, on nous garde les plus belles loges, on nous envoie de bonnes berlines pour nous y tra�ner, et nous voil� install�s en ma�tres. Le lendemain, il nous restait � prendre deux forts, garnis chacun de dix-huit pi�ces de canon et d'un obusier. Nous envoyons dire aux deux commandants que nous allons leur fournir toutes les voitures n�cessaires � l'�vacuation de {CL 398} leurs garnisons. Frapp�s d'une si terrible sommation, ils se rendent sur-le-champ, et nous voil� ma�tres des deux forts. Cette capitulation nous a fait tant rire, que nous �tions tent�s de nous imaginer que les Autrichiens s'entendaient avec nous. Il para�t cependant qu'il n'en est rien.

Ils ont emport� et embarqu� � Livourne la fameuse V�nus, et les deux plus belles filles de Niob�. J'ai �t� ce matin � la galerie. Elle est remplie d'une immense quantit� de statues antiques toutes superbes. J'ai vu le fameux torse, la V�nus � la coquille, le Faune, le Mercure, et force empereurs et imp�ratrices de Rome. Cette ville fourmille de beaux �difices et regorge de chefs-d'œuvre. Les ponts, les quais et les promenades sont un peu distribu�s comme � Paris; mais elle a cet avantage d'�tre situ�e dans un vallon admirable d'aspect et de fertilit�. Ce ne sont que villas charmantes, all�es de citronniers, for�ts d'oliviers: juge comme tout cela nous para�t joli au sortir des Apennins!

Ça ira bien pourvu que �a dure, mais je crois que nous marcherons du c�t� de Ferrare si les hostilit�s recommencent avec les Autrichiens. Alors nous abandonnerons ces belles contr�es pour retourner aux rives arides du P�.

Tu vois, ma bonne m�re, que je cours de la belle mani�re. Je ne veux point quitter le g�n�ral Dupont, il me veut du bien. Je jouis ici de l'amiti� et de la consid�ration de ceux avec qui je vis. Le g�n�ral a trois aides de camp. Le troisi�me est Merlin, fils du directeur. Il �tait aide de camp de Bonaparte, et a fait avec lui les campagnes d'Eacute;gypte. Il est capitaine dans mon r�giment; sa sœur avait �pous� notre colonel peu de temps avant qu'il f�t tu�. Bonaparte, ne gardant plus que des aides de camp chefs de brigade, nous l'a envoy� au retour de la campagne de l'arm�e de r�serve. C'est un fort bon enfant. Moi, je suis l'officier de correspondance attach� imm�diatement {CL 399} au g�n�ral, logeant et vivant avec lui. Je {Lub 333} suis devenu d�cid�ment l'homme de confiance pour les missions d�licates et rapides. Nous avons un �tat-major compos� de plusieurs officiers, mais qui ne vivent point avec nous. Notre soci�t� sa compose de Merlin, Morin, Decouchy, Barth�l�my, fr�re du directeur, Georges La Fayette et moi. C'est avec Georges La Fayette que je suis le plus li�. C'est un jeune homme charmant, plein d'esprit, de franchise et de cœur. Il est sous-lieutenant au 11e r�giment de hussards, et commande trente hussards de notre escorte. Nous formons ce qu'on appelle la bande joyeuse. Madame de La Fayette et sa fille sont maintenant � Chenonceaux. Notre liaison s'accro�t tout naturellement de cette liaison de nos parents. Tu devrais bien y aller faire un tour. Ce voyage te distrairait, et tu en as grand besoin, ma pauvre m�re. Le s�jour de Nohant, depuis que je n'y suis plus, te para�t sombre. Cette id�e m'afflige. Je serais le plus heureux du monde si tu ne t'ennuyais point. Nous faisons, La Fayette et moi, les plus jolis projets de r�union pour quand la paix sera venue. Nous nous voyons � Chenonceaux avec nos bonnes m�res, n'ayant d'autre soin que celui de les divertir et de les d�dommager des inqui�tudes que nous leur avons donn�es. Tu vois que nous conservons des id�es et des sentiments humains, malgr� la guerre et le carnage. Je parle bien souvent de toi avec Georges, qui me parle aussi de sa m�re. Quelque bonne qu'elle puisse �tre, tu dois �tre encore meilleure et au-dessus de toute comparaison. Quant � p�re Deschartres, en toutes choses il est incomparable; et puisque le voil� maire de Nohant, je le salue jusqu'� terre et l'embrasse de tout mon cœur.

MAURICE.


Variantes

  1. Le deuxi�me partie est soud�e � la premi�re dans {Presse}. Les titres des parties ne figurent qu'� partir de l'�dition {CL}.
  2. Ce chapitre est soud� au pr�c�dent dans {Presse}, mais le d�but est tronqu� ♦ CHAPITRE PREMIER {Lecou}, {LP} ♦ I {CL}
  3. Bologne, 24 fructidor. {CL}omis dans {Lub}
  4. Libert�, �galit� ne sont pas entre guillemets dans {CL}
  5. Dupont {Lub} (par distraction)
  6. 24 fructidor {CL} ♦ le 24 fructidor {Lub}
  7. Reprise de {Presse}
  8. bon espoir pourtant que {Presse}, {LP}, {Lecou} ♦ bon espour que {CL}
  9. Interruption de {Presse}
  10. Reprise de {Presse}
  11. Interruption de {Presse}
  12. n'est-ce pas la chose {Lecou}, {LP} ♦ n'est-ce pas l� la chose {CL}
  13. Reprise de {Presse}: LETTRE X ♦ LETTRE IV {LP} et sq.

Notes

  1. {Presse} (La suite � demain.), en fait au vendredi 10.