GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{Presse 5/10/54 1; LP T.1 1; CL [T.1 1]; Lub [T.1 3]} PREMIÈRE PARTIE
HISTOIRE D'UNE FAMILLE, DE FONTENOY
À MARENGO
a.

{Presse 29/10/54 1 col.4; LP ?; CL [249]; Lub [208]} IX b 1

Suite des lettres. — Le premier de l'an � Cologne. — Courses en tra�neau. — Les baronnes allemandes. — La chanoinesse. — La revue. — Les glaces du Rhin. — Le carnaval. — Un duel burlesque. — Le hussard rouge. — Portrait de mon p�re. — App�tit des dames allemandes. — Le billet de logement. — Graves occupations des jeunes gens de l'�tat-major. c



LETTRE XXII

Cologne, 1er janvier 1799 (niv�se an VII).

Voil� la premi�re fois de ma vie, ma bonne m�re, que je passe ce jour sans t'embrasser! Je vois tous ces bons Allemands, pleins d'all�gresse, se r�unir, s'embrasser, se r�jouir en famille, et moi je sens mon cœur se serrer! J'ai �t� aujourd'hui chez de riches n�gociants qui sont de la soci�t� du g�n�ral. J'y suis rest� une partie de la soir�e. Le p�re �tait entour� de ses huit enfants. Le fils a�n� a des talents. Il avait donn� le matin une jolie gouache que le bon p�re me montra avec ravissement. La sœur joua assez bien une sonate de Pleyel. La joie et le bonheur r�gnaient parmi eux. Moi seul j'�tais triste. Ils s'en aper�urent et comprirent qu'ils me rappelaient d'heureux moments. Ils m'ont regard� avec plus d'int�r�t et m'ont t�moign� plus d'amiti�. Moi aussi, je ne sais comment je me suis trouv� plus � l'aise avec eux. C'�tait pourtant la seconde fois que je les voyais. Mais je leur ai su gr� de m'avoir devin� et, en cherchant � m'associer � leur bonheur, d'avoir adouci le sentiment de ma solitude.

{CL 250} On a dans ce pays-ci une sorte de galanterie inconnue chez nous. Elle consiste, au premier de l'an, � tirer force {Lub 209} coups de fusil sous la fen�tre de la personne � qui l'on veut donner une preuve d'attachement. On lui montre, en l'emp�chant de dormir, qu'on ne dort pas soi-m�me et qu'on s'occupe d'elle en se morfondant dans la rue. Tant pis pour les voisins! J'ai �t� toute la nuit sur le qui-vive, on ne m'avait pr�venu de rien et j'ai cru les brigands arriv�s. Mon h�tesse ayant une sœur assez jolie, ses adorateurs ont fait toute la nuit feu de file sous sa fen�tre. D'heure en heure c'�tait une p�tarade qui me r�veillait en sursaut. J'avais cependant grande envie de dormir, car j'avais �t� � pied � Mulheim, dans la matin�e, pour voir mon r�giment. J'ai �t� trouver le quartier-ma�tre, qui m'a re�u on ne peut mieux et m'a men� chez le chef d'escadron. Ce dernier m'a combl� de politesses, et m'a reconduit jusque dans la rue. Ils vont venir � Dust d, qui n'est s�par� de Cologne que par le Rhin, et m'ont engag� � y venir souvent d�ner avec eux. Le reste du r�giment va arriver ces jours-ci. Il est retenu encore par les glaces qui couvrent le fleuve du c�t� de D�sseldorf. N'admires-tu pas le hasard heureux qui me ram�ne, au moment o� je m'y attendais le moins, dans la division de Cologne? On n'aura pas � me reprocher d'avoir toujours �t� absent de mon r�giment.

Tu es tout �merveill�e, ma bonne m�re, de la consid�ration que te donne aupr�s de certaines gens le titre de m�re d'un d�fenseur de la patrie. Mais tu as p�n�tr� le v�ritable motif. Ils voient que je puis revenir avec armes et bagages, et qu'il ne faut pas se brouiller avec les chasseurs, qui pour les mani�res sont les cousins germains des hussards. Rien de plus sage que ces messieurs do l'autorit�!

Tu m'as fait bien plaisir en me disant que la limonade te r�ussissait. Voil� donc enfin quelque chose de bon pour {CL 251} toi! En ce cas, que le diable emporte toute la pari�taire, la doradille et l'uva ursi, et que le ciel nous envoie des citrons! Adieu! ma bonne m�re, sois confiante et heureuse, ne souffre pas: voil� le vœu que je fais pour toi tous les jours de ma vie. Je t'embrasse de toute mon �me.

Je souhaite au virtuose Deschartres des amateurs sourds et muets qui ne puissent ni l'entendre ni le critiquer, et � la citoyenne Roumier, ma respectable bonne, des sentiments un peu plus r�publicains. Dis-leur � tous deux que je les aime.

{Lub 210} LETTRE XXIII e

Cologne, 18 niv�se an VII (janvier 1799).

. . . Le g�n�ral m'a fait inviter � d�ner par M. de Caulaincourt. Il m'a fait parler de Jean-Jacques Rousseau, de ses aventures avec mon p�re, et m'a �cout� de fa�on � me tourner la t�te si j'�tais un sot. Mais je me tenais sur mes gardes pour ne pas devenir babillard et pour ne dire que ce � quoi j'�tais provoqu�. Apr�s le d�ner, le g�n�ral et M. Durosnel mont�rent dans un tra�neau magnifique repr�sentant un dragon or et vert, tra�n� par deux chevaux charmants. Je montai dans un autre avec Caulaincourt; mon camarade le hussard rouge, me voyant sortir de table et monter dans les tra�neaux du g�n�ral, ouvrait des yeux gros comme le poing. Il croyait r�ver. Le g�n�ral courait la ville en tra�neau pour faire ses invitations � une grande partie qui devait avoir lieu le lendemain. Il voulut que je le suivisse dans toutes ses visites, et chez madame Herstadt, en la priant de laisser sa fille venir � cette partie, il se mit en plaisantant � ses genoux en lui disant: « Souffrirez-vous, {CL 252} madame, que je reste longtemps dans cette posture, en pr�sence de mes aides de camp et de mon ordonnance le petit-fils du mar�chal de Saxe? » Les dames ouvrirent de grands yeux, ne comprenant probablement pas que je ne fusse pas �migr�. f

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Le lendemain il y eut une course superbe. On partit de la maison du g�n�ral � six heures du soir. Tous les piqueurs �taient � cheval avec des flambeaux de six pieds. Il y avait quinze tra�neaux. La musique du 23e r�giment, habill�e tout en rouge et galonn�e en or, courait devant en jouant la charge. C'�tait vraiment beau. J'�tais dans la cour � regarder les tra�neaux et les chevaux: le g�n�ral vint les inspecter et me dit: « Vous allez venir avec nous, et de l� vous viendrez au bal qui suivra. » Il est vraiment tr�s-aimable avec moi, et il le serait encore plus s'il n'�tait flanqu� de son Caulaincourt. Mais celui-l� est un interm�diaire qui refroidit tout. Monsieur a ses petites intrigues dans la ville, et monsieur est jaloux. L'autre jour je m'�tais avis� de dire que mademoiselle P... 2 est {Lub 211} fort jolie. Et voil� qu'� l'instant m�me je vois sur sa figure qu'il est inquiet, et le soir m�me je vis qu'il lui avait donn� la consigne de ne pas danser avec moi. Il n'est pas g�n�ralement aim�, il s'en faut de beaucoup. Je ne le crois pourtant ni sot ni m�chant, mais il est impossible de voir un homme plus cassant, ni d'entendre une voix plus s�che et plus d�sagr�able. Lorsqu'il travaille avec les secr�taires, il reste seul avec eux des journ�es enti�res sans rien leur dire. Arrive-t-il un chat, il affecte de leur donner ordre sur ordre et de les r�primander comme des galopins. Depuis deux jours il me fait pourtant beaucoup d'amiti�s et il m'appelle Dupin tout court. Mais cela ne durera pas, il a l'humeur trop fantasque.

Adieu, bonne m�re, que ta derni�re lettre est charmante!

{CL 253} LETTRE XXIV

Cologne, 23 niv�se an VII (janvier 1799 g).

Comment! c'est donc s�rieusement que nous avons manqu� br�ler? tu m'as fait fr�mir avec le r�cit de cet �v�nement. Une nous manquerait plus que cela! — J'avais cependant une fiche de consolation, c'est que tu serais venue habiter ma chambre � Cologne; v�ritable taudis de po�te fam�lique, quoiqu'il y ait une glace, une commode et un po�le; mais la glace est cass�e, la commode �clopp�e h, et quant au po�le, mes h�tes pr�tendent qu'on ne peut pas l'allumer. Il y a aussi une tapisserie d'une couleur qui n'a pas de nom, entre le noir, le brun, le jaune, etc. Eh bien, si je t'y voyais, dans cette maussade chambre, sur-le-champ elle serait �clair�e, chauff�e, orn�e, brillante, magnifique, pr�f�rable � tous les palais.

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Nous i avons un tr�s-beau bal par abonnement, o� vont tous les officiers sup�rieurs et la bonne compagnie du cru. Tu ne croirais pas qu'une b�casse de baronne allemande qui y m�ne ses filles a trouv� mauvais que j'y fusse, et a d�fendu � ses filles de danser avec moi. C'est un capitaine de cavalerie qui loge chez elles et qui est venu me conter cela. Il en �tait furieux et voulait d�loger � l'instant m�me. Sa col�re �tait burlesque, et j'ai �t� oblig� de le calmer; mais je n'ai pu l'emp�cher hier soir {Lub 212} d'aller donner le mot � tous les Fran�ais militaires et autres qui sont ici, et comme j'arrivais au bal amenant mon quartier-ma�tre et mon chef d'escadron, avec lesquels je venais de d�ner, d'autres officiers s'approchent de nous et nous disent: « La consigne est donn�e et le serment est {CL 254} pr�t� j, aucun Fran�ais ne dansera avec les filles de la baronne *** 3; j'esp�re, messieurs, que vous voudrez bien prendre le m�me engagement. » — Je demande pourquoi: on me r�pond que la baronne a d�fendu � ses filles de danser avec les soldats, et j'apprends ainsi que c'est moi qui suis la cause de cette conspiration. k

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Mon r�giment part pour Siegbourg 4, qui est � six lieues d'ici, mon quartier-ma�tre et mon chef d'escadron me font mille amiti�s. Ils m'ont dit qu'ils me demanderaient au g�n�ral; le chef de brigade veut absolument m'a voir dans le r�giment. — Dis � tous les meuniers des bords de l'Indre que je bois � leur sant� et que je les remercie de leur amiti�.

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LETTRE XXV

Cologne, le 28 niv�se an VII (janvier 1799 l).

Nous partons demain pour D�ren; nous allons passer en revue le 25e r�giment de cavalerie, ci-devant les dragons de la R�publique, le plus mauvais r�giment de toute l'arm�e, � ce qu'on dit. Mon cheval n'est point encore arriv�, mais je monte celui du hussard rouge; c'est une jeune jument qui n'a ni rime ni raison, qui va � gauche quand on lui indique la droite et qui n'ob�it que par les proc�d�s les plus contraires aux lois du sens commun et de l'�quitation. Mon camarade rouge m'a indiqu� les proc�d�s particuliers dont il est l'inventeur pour la faire ob�ir, sans quoi je n'en serais jamais venu � bout. Je lui ai fait mon compliment de cette heureuse �ducation.

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{CL 255} Je m suis tent� de b�nir la fameuse baronne qui veut que les ordonnances attendent dans la cour pendant que les officiers sont au bal. Cela m'a valu les paroles les plus {Lub 213} aimables, les regards les plus ravissants de mademoiselle et nous sommes dans un �change d'int�r�t et de reconnaissance qui me fait beaucoup esp�rer. Cette jeune personne est chanoinesse et � peu pr�s ma�tresse de ses actions. Elle est charmante, et ma foi, si une chanoinesse du chapitre �lectoral n'a pas peur de mon dolman, je puis bien narguer la vieille baronne et ses pies-gri�ches de filles. n

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D�ren, 28 niv�se.

J'en �tais l�, ma bonne m�re, lorsque l'heure du souper me for�a de te quitter. Je mis ma lettre dans ma poche, et je partis le lendemain. D�s le matin je me botte, et je vais � l'�tat-major prendre l'heure o pour le d�part. Le sieur Caulaincourt, qui �tait dans ses bonnes, me dit qu'il ne m'a fait donner l'ordre du d�part qu'autant que cela me ferait plaisir; que si j'aimais mieux rester, il ne tenait qu'� moi. Il y avait bal le soir, j'y devais retrouver ma charmante chanoinesse, et ajoute � cela le froid piquant qui ne dispose pas � la promenade. J'�tais bien tent� de profiter de la permission de remettre mon cheval � l'�curie, et d'aller me chaufter au po�le rouge du secr�taire en attendant l'heure fortun�e. Cependant je pus lire dans les yeux malins de mon Caulaincourt p qu'il s'attendait � me voir accepter avec empressement, et je ne me souciai pas de n'avoir que le titre d'ordonnance sans en remplir les fonctions. Sa bienveillance ressemblait trop � un brevet d'inutilit�. Je pris l'ordre, je sautai sur mon cheval, et je partis avec les carabiniers d'ordonnance. Alors Caulaincourt, prenant un air tout � fait charmant, me rappela, et me dit: q {CL 256} « Nous allons faire une triste campagne. Les logements sont d'une salet� affreuse pour la plupart. » Était-ce une �preuve tent�e sur mon courage, ou avait-il remarqu� que je m'amourachais de mademoiselle ***, ce qui lui �tait sa frayeur de me voir plaire � mademoiselle P...? ou bien encore a-t-il le d�sir de me faire passer aux yeux du g�n�ral pour une poule mouill�e? Je n'en sais rien; mais, voyant qu'il tenait � me faire rester, je tins d'autant plus � partir, et je lui dis que je t�cherais d'avoir un logement propre ou de savoir m'en passer. Il ajouta alors d'un air paternel: {Lub 214} « Eh bien, si vous avez le malheur de tomber sur un logement trop d�sagr�able, allez trouver le quartier-ma�tre, et dites-lui de ma part de vous en donner un meilleur; et que s'il ne le fait pas, je lui tirerai les oreilles. » Comment trouves-tu la commission donn�e � un simple chasseur, pour un officier qui pourrait bien rendre la commission au lieu de l'accepter? « Vous �tes bien bon! » dis-je � Caulaincourt; et me voil� parti sur la jument, ou plut�t sur l'�ne rouge du hussard rouge, dont j'aurais �t� fort vex�, je t'avoue, de ne pas me rendre ma�tre, tandis que le citoyen aide de camp me suivait des yeux. Je m'en tirai � mon honneur, et je fis ces huit lieues de Cologne � D�ren d'un seul temps de trot avec les carabiniers.

En arrivant, je portai mon ordre au commandant, je fis loger les six chevaux du g�n�ral, que les palefreniers avaient amen�s derri�re nous, puis je fus chercher mon logement. C'�tait un vrai taudis dont je ne serais pas sorti avec une goutte de sang. Les insectes de ce pays-ci ne craignent pas le froid. Sans m'inqui�ter de rien, je m'en fus trouver le quartier-ma�tre, et je lui rapportai les paroles dont j'�tais charg�, d'un air tr�s-grave, et avec l'aplomb d'un homme qui sait ce qu'il fait. Il se mit � rire aux �clats. Tous les officiers qui �taient l� � travailler en firent autant. Il me salua jusqu'� terre, me prit sous {CL 257} le bras, me conduisit � la municipalit� et me fit loger dans une bonne maison. Tu penseras ce que tu voudras de cette petite aventure: moi, j'aime mieux esp�rer que Caulaincourt l'a fait � bonne intention que de m'y fier absolument. Dans tous les cas, la chose a bien tourn�, comme tu vois, et j'ai �t� log� chez des gens qui sont tout confits en Dieu. L'h�tesse est une veuve de quarante ans qui vous recommande au ciel quand vous �ternuez, et son fr�re un monsieur � perruque qui dit son benedicite avant la soupe. Ces gens-l� mangent fort bien, ils ont une maison bien close, des po�les bien chauff�s, des lits moelleux, et ils vous re�oivent avec autant de gr�ce que s'ils vous avaient invit�. J'ai pens� aux d�votes du Paysan parvenu de Marivaux, et j'�tais l�, moi chasseur harass� et affam�, comme le h�ros du livre. Quelle aubaine! me disais-je, et j'ai r�pondu amen avec componction quand on a r�cit� les gr�ces. Vivent les d�vots pour bien vivre! Le matin j'avais d�jeun� � Cologne avec un autre quartier-ma�tre, celui de mon r�giment, qui est le meilleur gar�on {Lub 215} que la terre ait port�. Il �tait arriv� la veille de Siegbourg, et, en s'�veillant, il avait envoy� le wagenmeister dans toute la ville pour me chercher avant que le jour m'e�t fait sortir de mon lit. Il m'avait lest� pour ce voyage d'hu�tres et de c�telettes; mais tout cela �tait loin quand j'arrivai chez mes d�vots. Aussi je fis honneur � leur choucroute et � leur dindon farci de pruneaux et de poires tap�es. Si � Nohant on m'e�t parl� d'un pareil rago�t, j'aurais fait la grimace, mais � D�ren il m'a sembl� admirable et appr�t� par la main des dieux. Il para�t que je n'ai gu�re d'accent, car ils s'obstinaient � me prendre pour un Allemand, et je n'ai pas beaucoup insist� sur ma qualit� de Fran�ais, tant que la faim m'a fait d�sirer de ne pas perdre tout d'un coup leurs bonnes gr�ces et leurs bons morceaux. Ils n'en furent au reste pas moins {CL 258} aimables, et ce sont de braves gens. Le g�n�ral va arriver ce matin. Je n'ai que le temps de t'embrasser apr�s tout ce bavardage, aupr�s du po�le de mes h�tes b�nis. Je me sers de leurs plumes et de leur cachet, o� il y a ma foi des armoiries! Trois oiseaux, Dieu me pardonne! Ce sont des poulets; trois dindons farcis peut-�tre. La belle devise!

LETTRE XXVI

Cologne, le 7 pluvi�se an VII.

J'ai re�u ta lettre � D�ren, ma bonne m�re, o� elle arriva � propos pour me faire passer une douce soir�e. Elle �tait dans les d�p�ches du g�n�ral qui furent apport�es de Cologne par une ordonnance extraordinaire. Nous avions inspect� le matin (je crois que c'�tait le 30 niv�se) les dragons de la R�publique, aujourd'hui le 25e de cavalerie. Le g�n�ral, avec son grand uniforme couvert d'or, son �charpe de satin rouge � glands d'or, �tait mont� sur une magnifique jument blanche. Les deux aides de camp le suivaient; Durosnel avait son grand uniforme de chasseur, Caulaincourt �tait suivi d'un cuirassier, moi, j'�tais derri�re Durosnel*; ce qui me {Lub 216} plaisait beaucoup mieux. Nous {CL 259} �tions pr�c�d�s d'un capitaine du 25e qui nous conduisait au lieu de la revue. Il faisait un beau soleil. Tous les galons, tous les plumets brillaient et flottaient. Nous avons travers� la ville de D�ren en caracolant. Quand nous f�mes en face du r�giment, toutes les trompettes sonn�rent aux champs. Nous travers�mes les rangs. Ensuite le g�n�ral fit rompre par compagnies, et passa le r�giment en revue, ce qui dura quatre heures. Il vint � pleuvoir et � faire grand froid, c'�tait beaucoup moins joli qu'au d�part. Enfin, nous rentr�mes transis et mouill�s. Lorsque j'�tais muscadin, tout cela m'aurait enrhum�: mais maintenant le froid, le chaud, le sec, le mouill�, tout m'est indiff�rent.

Tu me demandes si ma coiffure de cheveux est � la mode. Personne dans le r�giment n'en porte de pareille; mais on voit quelques officiers du g�nie s'arranger comme cela, et plusieurs personnes, entre autres mon quartier-ma�tre, trouvent que cela va tr�s-bien avec l'uniforme de chasseur. Pourtant, je promets � tout le monde de laisser grandir mes cheveux afin de faire une queue, et d'ici � ce qu'ils soient de longueur, j'ai le temps de me laver la t�te. On t'a donc dit que si je devenais officier, l'uniforme serait ruineux, et d�j� tu t'inqui�tes des douze cents livres qu'il faudra pour m'�quiper. Rassure-toi, ma bonne m�re; d'abord je ne suis pas officier encore, et je serai bien heureux de commencer par �tre mar�chal des logis, car plus nous allons, et moins il est possible d'arriver d'embl�e � un autre grade. Mon g�n�ral sent bien qu'il ne pourra tenir les promesses qu'il a faites, car il ne m'en {CL 260} parle plus. Quant aux douze cents livres, r�duis cela dans tes pr�visions � cent cinquante. Le petit {Lub 217} uniforme d'officier consiste en un frac vert avec l'�paulette, grand revers sur la poitrine. Le dolman de grande tenue, �tant galonn� et gans� en argent, serait un peu plus cher. Mais si le tout va � deux cents livres, c'est le bout du monde.

Mon colonel s'appelle Ordener; c'est un Allemand fort brave homme, � ce que dit tout le monde. Je le verrai bient�t quand nous irons inspecter les r�giments de la division. Mon r�giment est maintenant � Coblentz.

* {CL 258; Lub 215} Le comte Durosnel, n� � Paris et fils d'un chef de bureau de la cavalerie au minist�re de la guerre. Son go�t pour les armes et une �ducation soign�e le tirent avancer rapidement dans la carri�re {Lub 216} militaire. Il passa successivement par tous les grades jusqu'� celui de g�n�ral de brigade, qu'il obtint le 24 d�cembre 1805 pour sa belle conduite � Austerlitz. Il ne se distingua pas moins � I�na, et fit une charge hardie qui produisit le plus grand effet. D�tach� sur l'Oder apr�s cette journ�e pour intercepter les convois, il r�ussit dans son op�ration, se signala �galement dans les campagnes de 1807, 1808 et 1809, fut fait g�n�ral de division pendant cette derni�re campagne, dans {CL 259} laquelle on le crut tu�, mais o� il ne fut que bless� et fait prisonnier. Nomm� gouverneur de Dresde, apr�s la prise de cette ville en 1813, il y resta jusqu'� la capitulalion, et fut nomm� en 1815 par Bonaparte au commandement en second de la garde nationale de Paris, etc. (Voir la Biographie moderne de 1815.)

7 pluvi�se an VII.

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Tu r s sais s�rement d�j� que Ehrenbreitstein est rendu. Le Rhin fait ici des ravages du diable. Le {Presse 29/10/54 2} port de Cologne est plein de b�timents marchands hollandais: les glaces les ont d'abord fortement serr�s; ensuite est arriv� un d�bordement qui les a port�s � la hauteur des premiers �tages des maisons du port. Il a gel� de nouveau par l�-dessus; puis, tout � coup, le Rhin est rentr� dans son lit, de mani�re que l'eau n'�tant plus sous la glace, la glace s'est bris�e et les b�timents qui s'�taient rang�s contre les maisons, de plain-pied avec les crois�es du premier �tage, sont retomb�s sur le port de trente pieds de haut et se sont fracass�s en grande partie. Cet �v�nement est unique et ne s'est peut-�tre jamais vu. Hier je suis rest� toute l'apr�s-midi sur le bastion du Rhin � observer ses mouvements, avec un officier d'artillerie, jeune homme rempli de talents que j'ai pris en amiti� et qui me le rend. Nous avions une pi�ce de quatre, et � chaque effort de la glace nous avertissions les hommes du port par un coup de canon. Je me suis ressouvenu de mes jeux de la rue du Roi-de-Sicile, {CL 261} et en mettant le feu je sentais que cela m'amusait encore. Tu as beau dire, ma ch�re m�re, il n'y a rien de joli comme le bruit. Je voudrais bien pouvoir t'importuner encore de mon vacarme!... mais on vient me chercher pour d�ner. On crie, on rit, c'est un bruit � ne pas s'entendre, et quoique j'aime le tapage, je m'en passerais bien quand je cause avec toi. Allons, il faut que je te quitte brusquement, mais avant, je t'embrasse comme je t'aime. t


Avant de transcrire la lettre suivante, je dois peut-�tre demander pardon � quelques lecteurs de rapporter la critique enjou�e que mon p�re fait de M. de Caulaincourt. Il me semble pourtant qu'il n'y a rien l� de s�rieux {Lub 218} ni d'affligeant pour les parents et les amis de ce personnage. Quand il s'agit d'un homme aussi marquant que l'a �t� le duc de Vicence, ses traits, ses mani�res, le d�tail de sa vie, appartiennent en quelque sorte � l'histoire, et la correspondance que je publie appartient d�j� � l'histoire. C'est de la couleur, comme on dit aujourd'hui. Ce n'est que cela, et c'est encore quelque chose, j'en conviens; mais je sais le respect qu'on doit aux morts, surtout aux parents des morts. Aussi je rapporterai, sans en rien omettre, le bien que mon p�re aura plus tard � dire de celui qui lui inspirait dans sa jeunesse une si na�ve antipathie. Cette antipathie, qui ne porte pas sur des faits graves, mais sur des choses d'instinct, est concevable de la part d'un homme aussi franc, aussi ouvert, aussi ext�rieur, pour ainsi dire, que l'�tait le jeune soldat de la R�publique, plac� dans la d�pendance et sous les ordres d'un homme grave, froid et concentr�. Il n'y a l� rien autre chose que la rencontre de deux organisations diff�rentes.

{CL 262} LETTRE XXVII

Cologne, 16 pluvi�se an VII (f�vrier 1799 u).

Je ne te dirai pas, ma bonne m�re, comme le savetier de la fable:


Rendez-moi, s'il vous pla�t, mes chansons et mon somme,
            Et reprenez vos cent �cus.

Non, l'arriv�e des cent �cus va me rendre mon somme et mes chansons, qui n'ont pourtant pas beaucoup souffert, je te le confesse, du vide de ma bourse. Depuis huit jours, je suis sans un sou, et j'aime encore mieux m'en passer que de demander quelque chose � mon g�n�ral. Je n'ai point peur de lui, mais je ne saurais me r�soudre � avoir pour interm�diaire M. de Caulaincourt. Ce citoyen-l� a l'air si important, si prot�geant; je d�sire si peu, et m�me je redoute tant sa protection, que j'y �chappe autant qu'il m'est possible. Ta me demandes de te tracer son portrait. Caulaincourt est un homme d'environ vingt-cinq ans. Il a un pouce de plus que moi. Il est assez bien sur ses jambes, quoiqu'il porte les genoux {Lub 219} un peu en dedans. Il a le visage carr�, le nez gros, les yeux petits. Son air serait noble s'il ne le rendait insolent. Soit qu'il marche ou qu'il danse, il tend le derri�re et rel�ve la t�te avec affectation, ce qui lui donne un profil assez singulier. Il parle toujours haut et en relevant encore plus la t�te.

Hier soir, au bal, il me proposa une partie de masque, et au premier moment je crus qu'il s'agissait de monter � cheval, tant l'intonation r�pondait peu au sujet du discours. Il me fallut entendre � plusieurs reprises le mot de masque pour comprendre qu'il s'agissait d'une partie de {CL 263} plaisir. Cette partie devait avoir lieu apr�s une com�die allemande que les barons donnent ce soir, et pour laquelle j'ai re�u un billet d'une grande dame que je ne connais pas et � qui je n'en avais pas fait demander. Ce matin, � l'�tat-major, d'o� je t'�cris, Caulaincourt est venu me dire, toujours du m�me ton, que la partie n'aurait peut-�tre pas lieu, parce que la com�die durerait tr�s-longlemps. Ce sera gai!

Durosnel est un tr�s-bon gar�on, fils d'un secr�taire du ministre de la guerre sous Louis XV. Il est fort bien tourn�, c'est un joli officier.

C'est aujourd'hui le mardi gras, et il n'y a rien de moins triste que ce jour-l�. Pourtant il m'attriste presque autant que le premier de l'an. Ces jours qui r�unissent les familles me font sentir mon isolement. À de certaines �poques, l'�me habitu�e � se dilater souffre doublement lorsqu'au lieu de s'�panouir elle est forc�e de se replier sur elle-m�me. Mais pourtant je me console en songeant qu'on pense � moi � Nohant, que quelqu'un m'aime � Nohant, et que les vœux que je vois faire autour de moi et auxquels je n'ai nulle part, on les fait pour moi � Nohant.

Le 17.

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La com�die �tait d�testable, pitoyable, insupportable. Cest �gal, on y va par ton, parce qu'il faut �tre g�n�ral ou baron pour avoir des billets. Entre les deux pi�ces, Caulaincourt est venu m'appeler. J'ai encore cru qu'il allait me donner un ordre. Non, c'�tait pour nous masquer. On m'a habill� en femme, j'avais dix pieds de {Lub 220} haut. Je tenais d'une main un parasol, de l'autre je portais sous mon bras un grand danois appartenant � Durosnel. Nous �tions trois carross�es de masques. Caulaincourt faisait le r�le de mon { CL 264} mari, et je m'appelais madame de Pont-Volant. Avec mon grand �ventail et ma longue taille, j'�tais la caricature de l'ancien r�gime. Nous avons �t� ainsi dans toutes les grandes maisons de la ville, ce qui est assez impertinent. Nous avons �t� aussi chez le g�n�ral, qui m'a pris tout de bon pour une femme et voulait m'embrasser. J'ai �t� forc� d'appeler M. de Pont-Volant � mon secours.

LETTRE XXVIII

Cologne (sans date).

Tu me fais fr�mir avec les tremblements de terre. Il ne nous manque plus qu'une �ruption volcanique. Les gazettes allemandes ont fait l�-dessus une capucinade fort comique. Elles nous menacent des ch�timents c�lestes. Cependant la ville de Cologne, qui est fort d�vote, et qui s'intitule la ville des trois rois et des onze mille vierges, a �t� houspill�e par les glaces bien plus que nos bonnes villes de France par le tremblement de terre.

Tu ne croirais pas, ma bonne m�re, que depuis quatre jours on parle beaucoup de moi ici. J'ai figur� comme t�moin dans une affaire qui a failli bouleverser Allemands et Fran�ais dans la ville. J'ai fait connaissance avec un jeune homme de la conscription qui est dans le 23e chasseurs et qui restait � Cologne par le cr�dit de Caulaincourt. Nous �tions derni�rement � un bal de nuit qui s'est donn� � la com�die et pour lequel le g�n�ral m'avait donn� un billet. Un jeune Allemand, qui est en rivalit� d'amour avec mon camarade le chasseur, vint assez mal � propos se m�ler de la conversation que ce dernier avait avec la belle. Us se piqu�rent de propos, et l'Allemand traita mon camarade de polisson et de Jean..... Grande rumeur autour {CL 265} d'eux. Moi, voyant le chasseur cern�, je vais � lui, et, sans faire de bruit, nous emmenons l'Allemand dans un coin et nous lui promettons une autre entrevue pour le lendemain. Notre homme reste la bouche ouverte et a l'air de ne pas vouloir nous {Lub 221} comprendre. Le lendemain matin, en sortant du bal, nous allons chez lui, et le chasseur lui demande s'il est encore un polisson. « Oui, monsieur, dit l'Allemand, vous l'�tes. — En ce cas, monsieur, prenez un t�moin et venez vous battre. — Je ne me battrai pas, messieurs, je ne me bats jamais. » À cette belle r�ponse, mon camarade lui campe un soufflet. L'Allemand crie et appelle au secours. Tous les habitants de la maison remplissent l'escalier en un instant. Je me plante devant la porte et j'en interdis l'entr�e. Les Allemands prennent leur temps pour toutes choses. Pendant qu'ils d�lib�rent, sur le parti � prendre, mon camarade ach�ve de souffleter son homme en conscience. Il crie, et toute la maison se met � crier au secours et � la garde. Nous sortons de la chambre. Nous d�gringolons l'escalier au milieu des Allemands constern�s, et nous d�campons.

Notre soufflet� s'habille et court chez le g�n�ral Jacob�, qui est charg� du d�tail de la place, et lui fait une grande plainte par �crit, dans laquelle il nous accuse d'avoir voulu l'assassiner. Le g�n�ral mande le chasseur, qui raconte l'affaire na�vement. Dans la crainte d'un grand scandale dans la ville, le g�n�ral, tout en lui donnant raison, avait envie de le faire partir sur-le-champ. L'aide de camp de Jacob�, qui est mon ami, plaide la cause de mon camarade et la gagne.

Cependant l'aventure a bient�t fait le tour de la ville. Nous ne nous g�nons pas, nous autres Fran�ais, pour qualifier la conduite de l'Allemand soufflet�; ses compatriotes en rougissent et vont le trouver pour le forcer � se battre. Un Fran�ais m�me s'offre g�n�reusement � lui servir de {CL 266} t�moin. Ne pouvant plus reculer, il �crit sur grand papier et en grand style germanique un cartel � mourir de rire � notre chasseur. On aurait dit de Roland d�fiant les douze pairs. Nous acceptons gravement, et nous voil� tous, un beau matin, sur les bords du Rhin. L'Allemand, qui comptait toujours que l'affaire s'arrangerait, n'avait point voulu apporter d'armes. Je lui pr�te mon sabre. Le chasseur le charge � la fran�aise. L'autre pare comme il peut, et recule jusque dans l'eau. L�, mon chasseur qui ne voulait que l'effrayer, fait voler d'un revers de sabre la moiti� de la monture du mien, que l'Allemand faillit jeter dans le Rhin dans sa pr�cipitation � mettre bas les armes. Il demande � capituler. {Lub 222} Nous nous faisons prier. Il offre d'aller retirer sa plainte. Moi qui n'�tais point essoufl� par le combat, je lui fais un beau sermon (� la Deschartres). J'exige qu'il ira non-seulement retirer sa plainte, mais dire au g�n�ral que personne n'a jamais eu l'intention de l'assassiner.

Il consent et nous prie d'accepter un d�jeuner. Il court chez Jacob� ex�cuter nos conditions; il revient nous en rendre compte, nous donne � d�ner et nous r�gale splendidement. De l�, il nous m�ne � la com�die. Enfin nous avons v�cu toute la journ�e sur le pays ennemi. J'ai cont� toute l'affaire � Caulaincourt et au g�n�ral Harville, qui ont ri aux larmes de mon r�cit.

Mais ce n'est pas tout. Mon Allemand, qui me regarde comme le sauveur de ses pr�cieux, jours, m'accable de politesses; hier au bal il m'a ced� deux fois sa danseuse; il voulait me faire boire tout le punch du buffet; il adore le militaire fran�ais et m'appellerait volontiers monseigneur. J'ai cont� toute l'histoire � ma chanoinesse, qui en a ri du bout des l�vres, en disant que c'�tait pien p�te de se b�te comme �a pou' rien v, et d'avoir mangu� duer ce baufre monsieur, que nous n'avions voulu lui faire du {CL 267} mal que parce qu'il �tait Allemand, et que nous n'aimions pas les Allemands. Je l'assurai qu'en revanche nous aimions beaucoup les Allemandes. Elle en est convenue, et nous avons fait la paix.

Tu la d�sires w beaucoup, la paix, ma bonne m�re, et moi je tremble qu'on ne la fasse. La guerre est mon seul moyen d'avancement. Si elle recommence, je suis officier avec facilit� et avec honneur. En se conduisant proprement dans quelque affaire, on peut �tre nomm� sur le champ de bataille. Quel plaisir! quelle gloire! mon cœur bondit rien que d'y songer. C'est alors qu'on obtient des cong�s, qu'on revient passer d'heureux moments � Nohant, et qu'on est par l� bien r�compens� du peu qu'on a fait? x y

J'�tudie maintenant la th�orie de l'escadron et je me mets dans la t�te tous les commandements, de mani�re qu'avec un peu de pratique je serai bien vite au courant.

Tu me dis que tes lettres sont trop longues, je voudrais qu'elles le fussent encore davantage. C'est mon bonheur quand je puis en avoir pour une heure � lire... On z ne s'appelle plus ici citoyen ni citoyenne, les militaires entre eux reprennent le monsieur chaque jour davantage, et les {Lub 223} dames sont toujours des dames. Dis au p�re Deschartres qu'il est un cochon de tant dormir aa.

Adieu, ma bonne m�re, je t'embrasse de toute mon �me.

LETTRE XXIX

Cologne, le 20 pluvi�se an VII.

Heureux celui qui conserve sa m�re, et qui peut jouir de sa tendresse! celui-l� est pr�destin�, car il aura connu le bonheur d'�tre aim� pour lui seul!

{CL 268} Ta lettre, ma bonne m�re, est venue compl�ter bien agr�ablement ma journ�e. Je l'ai re�ue au retour d'une promenade que j'ai faite de l'autre c�t� du Rhin avec Lecomte (c'est le nom du chasseur � qui j'ai servi de t�moin). Il m'a men� voir le b�timent d'un n�gociant de ses amis. Ce vaisseau n'a point souffert des glaces; il est tr�s-joli, les chambres sont d'une propret� parfaite, nous l'avons visit� dans tous les sens. Il �tait rempli de marchandises. Le n�gociant avec tout son monde �tait occup� � le faire charger pour la Hollande. Ma�tres et ouvriers grouillaient sur le pont. Il faisait le plus beau temps du monde; seuls nous ne faisions rien, le chasseur et moi, au milieu de tous ces visages affair�s. Pour moi, appuy� sur mon sabre, la pipe � la gueule ab, l'œil stupidement fix� sur ce spectacle, je ma disais � part moi: « Je suis nt dans une condition plus riche et plus �lev�e que ces gros n�gociants, qui ont des maisons en ville, des vaisseaux en rade, de l'or plein leurs coffres; et moi, soldat de la R�publique, je n'ai pour toute propri�t� que mon sabre et ma pipe. Mais les glaces, mais le feu, mais les volturs, mais les douaniers ne m'emp�chent pas de dormir; que d'inqui�tudes de moins! Que la ville s'effondre, que le port et tout ce qui est dedans s'engloutissent, je m'en moque... et m�me, je dirais � la hussarde je m'en... Travaillez pour vous-m�mes, canailles, amassez de l'argent; nous, nous travaillerons pour notre pays, et nous recueillerons de l'honneur; mon m�tier vaut bien le v�tre. »

L�-dessus, laissant mon chasseur � bord, occup� � vider quelques bouteilles avec son ami le n�gociant, je suis revenu trouver ma chanoinesse, qui m'avait promis {Lub 226} d'avoir un grand mal de t�te pour se dispenser d'aller � la com�die, ce qui lui permettrait de rester seule chez elle toute la soir�e. ac

Tu me demandes quelle est cette grande dame qui m'a {CL 269} procur� un billet pour la com�die des barons, sans que je lui en eusse fait la demande. C'est une chanoinesse amie de la mienne, qui s'appelle madame Augusta de Frenchen. Elle est grande, belle, une tournure d'imp�ratrice. L'autre jour, au bal, le g�n�ral lui donnait le bras. Il avait son grand uniforme, son �charpe rouge � glands d'or, cela faisait le couple le plus noble, le plus solennel et le plus c�r�monial qu'on puisse imaginer. Mais toutes ces grandes tournures n'appellent pas l'amour et la confiance comme les yeux de ma chanoinesse. Ce sont de ces yeux qui vous fixent avec int�r�t, avec esprit, qui d'un bout d'une salle � l'autre devinent si vous �tes triste et pourquoi vous l'�tes, qui se rencontrent sans cesse avec les v�tres, vous comprennent, tour � tour s'animent et s'adoucissent, et quand un sot en �paulettes se pavane devant eux, vous disent clairement: « C'est vous, soldat, que je pr�f�re. »

Tu me demandes de te faire aussi le portrait du g�n�ral Harville. Tu vas le conna�tre dans l'instant. Cinq pieds cinq pouces, un peu gros, tr�s-bien sur ses jambes, cheveux blancs, front d�couvert, nez aquilin, menton un peu relev�, l'air et le port extr�mement nobles, aisance d'un homme de cour, par cons�quent extr�mement poli avec les inf�rieurs, Un trois-quarts de r�v�rence, le ton bref et haut, mais riant; faisant des questions et n'�coutant pas souvent la r�ponse; vous faisant sentir, quand cela lui arrive, qu'il a fait une grande exception en votre faveur et qu'il ne faudrait pas en abuser. Le vulgaire est enchant� de sa politesse, parce qu'il adresse volontiers la parole et que plusieurs prennent cette marque de sup�riorit� pour de la familiarit� et de la cordialit�, tandis que rien n'annonce plus la puissance que cette mani�re d'interpeller ceux, qui n'oseraient vous parler les premiers.

Il me traite beaucoup mieux en particulier qu'en public, cela se con�oit. Il est g�n�ralement estim� et il aime � obliger. {CL 270} Enfin il est tr�s-bon, et il serait encore meilleur sans son neveu Caulaincourt.

Ce cher neveu part dans trois jours. Que le ciel le conduise et ne nous le ram�ne pas de longtemps! L'autre {Lub 225} jour n'a-t-il pas �t� gronder le hussard rouge de m'avoir pr�t� son cheval! Cela prouve bien qu'il m'en veut, et que je ne lui ai pas fait plaisir en allant � la revue; car sans cette b�te j'ttais � pied. Le hussard est bless� � la jambe, depuis un mois son cheval se serait ab�m� � l'�curie si je ne l'avais promen�. Mais Caulaincourt, qui m'avait vu passer sur le rempart, et qui ne m'avait rien dit, vint lui faire ad une semonce en criant de toutes ses forces que je ne promenais pas son cheval, mais que je me promenais sur son cheval, vu qu'on ne prom�ne pas les chevaux avec une selle, mais avec une couverte. La belle sentence! Et pourquoi ne me dit-il rien � moi, tandis qu'il humilie mon pauvre diable de camarade? C'est donc parce que je suis un iils de famille? Eh bien, je ne lui en sais aucun gr�. C'est Maulnoir, le jeune officier de dragons, et le secr�taire qui m'ont racont� cette algarade, et qui en haussaient les �paules. Il est �tonnant qu'avec de l'esprit et des moyens on ait des petitesses pareilles.

À propos de cheval, j'attends toujours le mien. C'est un chasseur du d�p�t qui devait me l'amener, et les remontes ont subi des changements. En somme, je n'ai rien � faire et je suis � pied. Il est vrai que je suis amoureux et aim�. C'est beaucoup, mais je ne me suis pas engag� pour faire l'amour.

Que tout ce qui se passe dans cette pauvre m�tairie est triste! Tout ces braves gens qui meurent les uns apr�s les autres! je les regrette comme toi.

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— On est bien b�te de m'estropier ainsi � La Ch�tre et de te donner de l'inqui�tude. Je voudrais rosser ceux qui {CL 271} te font de ces peurs-l�. Souviens-toi donc, ma bonne m�re, que je suis invuln�rable, et que je tomberais du haut de la cath�drale de Cologne, comme je suis tomb� du haut du ch�teau de Ch�teauroux, sans me faire de mal.

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Mon p�re rappelle ici une aventure de son enfance. N'ayant que trois ans, il tomba d'une fen�tre sous le toit, dans les foss�s du vieux ch�teau de Ch�teauroux, qu'occupait alors M. de Francueil son p�re, comme receveur g�n�ral des finances. On le releva couvert de {Lub 226} sang; mais quand on l'eut lav�, on reconnut qu'il n'avait aucune blessure. Il �tait tomb� sur un amas d'entrailles d'animaux de boucherie, que les cuisiniers avaient jet�es dans les foss�s quelques instants auparavant, et qui lui avaient servi de lit pour le recevoir et le pr�server. Mais il �tait dans sa destin�e de p�rir de mort violente, et sa pauvre m�re en eut toujours le pressentiment et la terreur depuis cet effroyable et miraculeux accident.

Dans la lettre qu'on va lire, il est question d'un portrait et comme j'ai ce portrait sous les yeux, je veux dire ici quel �tait l'aspect de ce jeune homme dont la correspondance r�v�le un cœur si bon et si pur, un esprit si franc, si enjou� et si juste! Pour le d�peindre en peu de mots, je me servirai de la forme qu'on vient de le voir employer pour son g�n�ral et M. de Caulaincourt.

Cinq pieds trois pouces, la taille mince, �l�gante et bien prise, le teint p�le, le nez un peu aquilin, admirablement dessin�, la bouche intelligente et bonne, les sourcils et la moustache noirs et nets comme des lignes marqu�es � l'encre, les yeux grands, noirs, doux et brillants � la fois, les plus beaux yeux qu'on puisse imaginer; les cheveux �pais et poudr�s tombant n�gligemment sur le front, qu'ils couvrent {CL 272} presque enti�rement sans y �tre coll�s. Cette masse de cheveux poudr�s, touchant presque � des sourcils d'un noir de jais, sied fort bien et fait ressortir l'�clat des yeux. En somme, l'�tre et la figure de mon p�re � cette �poque sont d'une d�licatesse extr�me, et on con�oit bien que malgr� sa taille, le g�n�ral d'Harville ait pu le prendre pour une femme sous le masque. En outre, il avait le pied petit et la main d'une beaut� parfaite.

Ce portrait est fort joliment peint. Le costume de chasseur est vert presque noir, le collet rouge fonc�, et les galons blancs lui donnent une apparence s�v�re et simple qui va tr�s bien � cette physionomie, o� une habitude de m�lancolie r�veuse combat l'enjouement naturel.

Plus tard mon p�re prit un peu d'embonpoint sans perdre l'�l�gance de sa tournure. Sa figure se remplit, ses traits s'accus�rent. Il devint un des plus beaux officiers de l'arm�e. Mais pour moi, sa beaut� id�ale, son charme le plus p�n�trant, sont dans le petit portrait dont je parle et dont il va parler.

{Lub 227} LETTRE XXX

Cologne, 26 pluvi�se an VII (f�vrier 1799 ae).

Eh bien, ma bonne m�re, suis-je arriv� � bon port? Comment me trouves-tu? Suis-je ressemblant? Tout le monde ici l'a trouv�, comme on dit, frappant. Et moi, qui de ma vie n'ai trouv� qu'un portrait me ressembl�t, d�s l'instant que je me suis vu dans celui-ci, je me suis reconnu. Il y a bien longtemps qu'il �tait commenc�, et j'aurais voulu te faire cette surprise pour tes �trennes; mais, au beau milieu de son ouvrage, le peintre est parti pour Coblentz, d'o� il n'est revenu que ces jours-ci.

{CL 273} J'ai re�u l'argent, j'ai pay� mes chemises et mes mouchoirs, me voil� dans mes meubles! Il �tait temps que le carnaval fin�t, car tous les soirs depuis huit jours je m'en campais pour six ou huit livres dans les..... Les Allemandes ont bon app�tit, et quand vous les avez fait danser, vous �tes toujours forc� de leur offrir quelque chose. Aussit�t qu'elles ont bu, elles tombent sur les tourtes. Les mamans arrivent: « Ah! maman, vous prendrez bien quelques-unes de ces darioles! » af Vient le fr�re: « Parbleu, mon cher ami, nous boirons ensemble un verre de punch. » Si le chien venait, il faudrait aussi le faire b�frer. Enfin c'est l'usage. Si vous arrivez dans une maison � cinq heures du soir, on vous offre, par mani�re de rafra�chissement, du vin et une tranche de jambon. Tu dois juger par l� du mince effet que produisent des sucreries sur des estomacs constitu�s de la sorte.

J'ai quitt� mes n�gociants et la triste chambre dont je t'ai fait la description. Je suis log� maintenant par merveille. J'ai une jolie chambre avec du feu, et tous les matins on m'apporte du th� avec du pain et du beurre ag. J'y suis pourtant en billet de logement, mais c'est la maison du bon Dieu. Mon h�te est un aimable docteur qui a une tr�s-jolie fille, laquelle joue assez bien du piano. Le secr�taire du g�n�ral Laborde logeait chez ce digne homme, et, en partant, il m'a c�d� son logement, que j'ai eu le droit de prendre en allant rendre le mien � la municipalit�. J'ai �t� m'installer avec mon sabre sous le bras et mon billet � la main, comme le comte Almaviva, et j'ai dit comme lui en entrant: « N'est-ce pas ici que demeure {Lub 228} la maison du docteur.... — Non pas Bartholo, a r�pondu gaiement mon aimable h�te, mais Daniel, enchant� de vous recevoir. » Tu vois que mon bonheur me suit partout. Je trouve partout des amis ou des gens tout pr�ts � le devenir.

Il y a bien du changement dans notre �tat-major. {CL 274} Durosnel s'en va, tant pis! et Canlaincourt aussi, tant mieux! Durosnel n'�tait que chef d'escadron � la suite; il va rejoindre le 10e de hussards comme chef d'escadron en pied. Caulaincourt est redemand� � son corps, bien du plaisir! Le g�n�ral va se trouver sans aides de camp. Il nous est arriv� depuis quinze jours un petit officier de dragons que le g�n�ral aime et prot�ge beaucoup. C'est un gar�on de dix-huit ans qu'il avait fait officier; mais le Directoire n'ayant pas voulu confirmer la nomination, ce jeune homme, malgr� un an de grade pass� au corps, a �t� forc� de quitter son poste et de perdre son grade. Tu vois qu'il n'est plus si facile d'avoir de l'avancement et que les protections n'y font rien. Il faut en prendre son parti puisque c'est juste, et t�cher de gagner ses �perons, comme les anciens chevaliers, par de v�ritables prouesses. Ce jeune homme attend ici la fortune des �v�nements, comme nous tous. Il porte cependant toujours ses �paulettes, le g�n�ral l'emploie comme officier de correspondance; mais c'est un peu par contrebande que tout cela se fait, et pourra bien ne pas durer. Ce serait pourtant dommage que ce gar�on ne nous rest�t pas et f�t retard� dans sa carri�re pour avoir trop bien d�but�, car il est fort aimable et nous sommes tr�s-li�s. Quand nous sommes dans le bureau, le soir, avec le secr�taire, et que le g�n�ral et les aides de camp sont partis pour faire leurs visites, nous sommes tous les trois comme des enfants d�barrass�s de leur pr�cepteur; nous faisons des tours de force, nous nous ballons � coups de coussins: c'est une poussi�re, c'est un vacarme admirable, et quand il vient quelqu'un, nous soufflons les chandelles et nous nous cachons dans une grande armoire. On croit qu'il n'y a personne, on s'en va, et nous recommen�ons.

Tu me donnes de bien mauvaises nouvelles de nos bl�s. Ils sont superbes ici, quoiqu'il y fasse bien plus froid que {CL 275} chez nous. Peut �tre ne sont-ils pas gel�s, peut-�tre que c'est une terreur � la Deschartres, car c'est un pessimiste s'il en fut.

{Lub 229} Mon r�giment est parti pour Haguenau. On l'�crase de marches et de contre-marches, Dieu sait pourquoi. Bonsoir, ma bonne m�re, ne t'inqui�te pas de moi, je me porte bien, et je ne sens pas le froid. Je n"ai eu qu'une seule migraine depuis que je suis ici. Je t'embrasse de toute mon �me. J'embrasse p�re Descharlres et ma bonne. Quand elle pr�tend que je l'oublie, r�ponds-lui de ma part qu'elle en a menti.

LETTRE DE MA GRAND-MÈRE
AU GÉNÉral D'HARVILLE.

Nohant, 7 vent�se an VII.

Vous avez bien voulu, citoyen g�n�ral, prendre part � mes douleurs et les adoucir. Ce souvenir est tellement pr�sent � mon cœur et � ma pens�e, que ce qui peut troubler votre bonheur excite mes sollicitudes. Mon fils me mande que vous allez �tre s�par� de vos aides de camp, dont l'un surtout, le citoyen de Caulaincourt, comme votre parent, emporte vos regrets. Je voudrais que mon fils f�t en �tat de le remplacer, non pas dans le poste �lev� qu'il occupait aupr�s de vous, et auquel je sens que Maurice est encore trop nouveau pour pr�tendre, mais dans quelque partie qui vous soulage�t de vos travaux. Si vous aviez la bont� de jeter les yeux sur lui, il apprendrait son m�tier sous vos ordres. Il chercherait � vous plaire, et � m�riter la marque d'estime que vous lui donneriez. Il est encore bien �tranger au service, mais il n'a pas tenu � lui de se {CL 276} rendre plus utile, et il ferait avec z�le et intelligence tout ce que vous lui commanderiez. Vous m'avez donn� une grande joie en me marquant qu'il se conduisait bien, et que vous vouliez le rendre �conome. Cette intention de votre part me prouve qu'il vous occupe quelquefois: je vous en rends gr�ce, et vous �tes fait pour appr�cier la reconnaissance d'une m�re, puisque vous gardez un si tendre souvenir � celle qui vous a donn� le jour.

J'invoque sa m�moire pour �veiller en vous un peu d'amili� pour mon Maurice. Ah! g�n�ral, vingt-cinq ans plus tard, vous eussiez �t� aussi un pauvre conscrit. Que n'aurait point fait cette tendre m�re pour adoucir {Lub 230} votre sort! Quelles obligations n'aurait-elle pas eues � celui qui, comme vous, aurait pris son fils sous sa protection! Elle aurait cru trouver un second p�re pour lui et un noble ami pour elle. Si j'avais le m�me espoir, g�n�ral, me d�sapprouveriez-vous?

Toutes les choses flatteuses que vous voulez bien me dire me touchent profond�ment; vous me donnez l'assurance que mes lettres ne vous importunent pas, et c'est encore une consolation que je vous dois de pouvoir vous parler avec confiance du cher objet de ma tendresse. Je vous renouvelle, citoyen g�n�ral, les sentiments de gratitude et d'attachement avec lesquels, etc.

RÉPONSE DU GÉNÉral D'HARVILLE
À LA CITOYENNE DUPIN NÉE DE SAXE.

Cologne, 20 vent�se an VII.

Je re�ois � l'instant votre lettre du 7, citoyenne, et je ne calcule pas si c'est vous importuner en vous r�pondant si {CL 277} vite, puisque c'est pour vous donner des nouvelles de votre Maurice, que j'ai fait venir de suite chez moi pour lui parler de vous, et chercher en m�me temps � lui donner le go�t de l'occupation . Il est vrai que dans ce moment il ne peut pas m'�tre tr�s-utile. La partie bureaucratique de l'inspection a besoin d'hommes un peu rompus aux d�tails militaires, et dont l'�criture, en m�me temps soign�e et rapide, puisse y �tre employ�e; or, il m'a dit que la sienne �tait assez n�glig�e, et m�me il ne me para�t pas d�sirer ce genre de travail, qui en effet ne remplirait pas beaucoup le but d'activit� et de distinction qu'il se propose. Il d�ne avec moi aujourd'hui; nous serons comme en famille, et je pourrai causer davantage avec lui. Je m'occuperai de classer ses moments; malheureusement, dans l'�tat purement militaire il s'en trouve n�cessairement beaucoup de perdus.

Les d�tails que je vous offre vous prouveront l'int�rest que je prends � l'�tre qui vous est cher, et r�pondront, de mani�re � aller jusqu'� votre cœur, � cette phrase de votre lettre: « Elle aurait cru trouver un second p�re pour son fils, et pour elle un noble ami. Si j'avais cet espoir, me d�sapprouveriez-vous? » Oh! non s�rement, citoyenne, dites un tendre ami. Votre tendresse pour votre fils, la sensibilit� de votre langage et la reconnaissance que vous me t�moignez pour un proc�d� si simple, me donnent le plus grand d�sir de vous conna�tre et de m�riter votre bienveillance. Pardonnes mon griffonnage, j'�cris tant que je ne puis plus �crire. Aggr��s l'hommage pur et sensible que vous m�rit�s.

Salut et respect.

AUGUSTE HARVILLE.


Variantes

  1. Les titres de parties n'apparaissent qu'avec {CL}.
  2. CHAPITRE NEUVIÈME {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ IX {CL}
  3. Suite des lettres. — Courses en tra�neau. — Les baronnes allemandes. — La chanoinesse. — Les glaces du Rhin. {Presse}.
  4. Dust {CL} ♦ Deutz {Lub}
  5. Reprise de {Presse}
  6. Interruption de {Presse}
  7. 1799 {CL} ♦ 99 {Lub}
  8. la commode est �clopp�e {Lecou}, {LP} ♦ la commode �clopp�e {CL}
  9. Reprise de {Presse}
  10. donn�e, le serment est pr�t� {Lecou}, {LP} ♦ donn�e et le serment est pr�t� {CL}
  11. Interruption de {Presse}
  12. 1799 {CL} ♦ 99 {Lub}
  13. Reprise de {Presse}
  14. Interruption de {Presse}
  15. prendre l'ordre {Lecou}, {LP} ♦ prendre l'heure {CL} (ordre est dans l'autographe, ajoute Georges Lubin; cependant il n'y a pas de manuscrit pour ce chapitre (??)
  16. de mons Caulaincourt {Lecou}, {LP} ♦ de mon Caulaincourt {CL}
  17. les deux-points manquent dans {CL}
  18. Reprise de {Presse}
  19. maintenant � Coblentz. / 7 pluvi�se an VII. / [une ligne de points de conduite] / Tu {CL} ♦ maintenant � Coblentz. / Tu {Lub}
  20. Interruption de {Presse}
  21. 1799 {CL} ♦ 99 {Lub}
  22. pou' rien {Lecou}, {LP} ♦ pour rien {CL} (pou' rien est dans l'autographe, dit Georges Lubin.Nous r�tablissons la le�on originale.
  23. Reprise de {Presse}: Tu d�sires {Presse} ♦ Tu la d�sires {Lecou} et sq.
  24. qu'on a fait! {CL} ♦ qu'on a fait? {Lub}
  25. Interruption de {Presse}
  26. Reprise de {Presse}
  27. qu'il est un ... de tant dormir {Presse}qu'il est un cochon de tant dormir {Lecou} et sq.
  28. pipe � la ... {Presse} ♦ pipe � la gueule {Lecou} et sq.
  29. Interruption de {Presse}
  30. vient lui faire {Lecou}, {LP} ♦ vint lui faire {CL}
  31. 1799 {CL} ♦ 99 {Lub}
  32. pas de guillemets dans {CL}
  33. avec du pain et du beurre {Lecou}, {LP} ♦ avec du beurre {CL} Comme Georges Lubin nous r�tablissons du pain et (qui est dans l'autographe).

Notes

  1. On ne dispose pas de manuscrit pour ce chapitre.
  2. mademoiselle P...: Georges Lubin disait croire lire sur {AutDupin}: Mlle Pechen.
  3. la baronne de ***: le nom n'est pas dans {AutDupin}. (Georges Lubin)
  4. Siegbourg: Siegburg, � 20 km de Cologne.