GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-Lévy 1876

{Presse 5/10/54 1; LP T.1 1; CL [T.1 1]; Lub [T.1 3]} PREMIÈRE PARTIE
HISTOIRE D'UNE FAMILLE, DE FONTENOY
À MARENGO
a.

{Presse 28/10/54 2; LP ?; CL [217]; Lub [182]} VIII b 1

Suite des lettres. — Enrôlement volontaire. — Élan militaire de la jeunesse de 1798. — Lettre de La Tour d'Auvergne. — La Gamelle. — Cologne. — Le général d'Arville. — Caulaincourt. — Le capitaine Fleury. — Amour de la patrie. — Durosnel



LETTRE II

Paris, 6 vendémiaire an VII (septembre 1798).

Je t'écris, ma bonne mère, de chez notre Navarrais*. La loi de la conscription proclamée ce matin, et qui ordonne de rejoindre dans les vingt-six jours, m'empêche d'attendre ta réponse et me détermine à prendre le parti dont je t'ai parlé. Nous allons tous les deux, ce matin, chez le capitaine des chasseurs afin de terminer cette affaire. Ne t'inquiète pas, ma bonne mère. Il s'agit d'aller en garnison à Bruxelles, et non point au feu de l'ennemi. J'aurai probablement un congé ou une ordonnance qui me forcera de venir bientôt t'embrasser. Tous les jeunes gens ici ont la tête ou la figure à l'envers. Toutes les jolies femmes et les bonnes mères se désolent; mais il n'y a pas de quoi, je t'assure. Je vais endosser le dolman vert, prendre le grand sabre et laisser croître mes moustaches. Te voilà mère d'un défenseur de la patrie, et ayant droit au milliard; c'est un profit tout clair. Allons, ma bonne mère, ne t'afflige pas, tu me reverras bientôt c. Je n'aurai pas plutôt 2 fait deux ou trois mois de {CL 218} garnison, que j'obtiendrai, par le moyen de notre ami, une petite {Lub 183} commission pour Nohant, sois-en bien certaine et regarde tout ceci comme un voyage forcé pour affaires. Je n'ai qu'un chagrin, c'est de m'éloigner de toi pour quelque temps. Car départir comme simple soldat, je m'en moque; et, quant à toi, sois bien sûre que tu ne dois pas avoir la moindre inquiétude sur mon compte. Adieu, ma bonne mère, je t'embrasse de toute mon âme; ne t'afflige pas, je t'en supplie!

[{CL 217; Lub 182}] * L'abbé de Beaumont, son oncle. 3

LETTRE III d

Paris, 7 vendémiaire (septembre 98).

Je ne conçois pas, ma bonne mère, pourquoi tu n'as pas reçu plus tôt de mes nouvelles. Je t'ai écrit chaque courrier avec la plus grande exactitude. J'attendais de jour en jour ta réponse sur mon nouvel état, mais elle ne m'est pas encore parvenue. On publie dans toutes les rues la conscription et l'appel aux jeunes gens. Cet appel consiste, à ce qu'on dit, à les faire fourrer en prison et à les forcer de rejoindre leur corps. Il ne faut pas que cela t'effraye. Je ne suis plus de la conscription, je suis volontaire f. J'ai le grand sabre, la toque rouge et le dolman vert. Quant à mes moustaches, elles ne sont pas encore aussi longues que je pourrais le désirer: mais cela viendra. Déjà on tremble à mon aspect; du moins je l'espère. Allons, ma chère bonne mère, ne t'afflige pas, g je viendrai te voir si tu veux à Nohant avant d'aller en garnison. Mon capitaine me l'a offert. C'est un fort galant homme, froid comme une corde à puits, mais qui sait bien agir. J'ai la certitude d'avoir bientôt de l'avancement. De tout temps j'ai aspiré à l'état militaire; j'aurais toujours été obligé de me séparer de toi. Il faut enfin, tu le sais, {CL 219} embrasser un état. Avec de la volonté et du courage, je peux réussir dans celui-ci. Je suis soldat h; mais le maréchal de Saxe n'a-t-il pas servi volontairement dans ce poste pendant deux ans? Toi-même tu reconnaissais que j'étais en âge de chercher un état. Je tergiversais sur le choix, parce que tu craignais trop la guerre, mais au fond je désirais d'être forcé par les circonstances à suivre mes inclinations. Le fait est arrivé. Je serais heureux de cela sans la douleur de te quitter et sans tes inquiétudes qui {Lub 184} me déchirent; mais je t'assure, ma bonne mère, que là où je vais on ne se bat pas, et que j'aurai souvent des congés pour te voir. Allons, ton chasseur t'embrasse de toute son âme et présente ses respects à ces dames. Il y a dans le régiment une place vacante de trompette, propose-la au père Deschartres. J'embrasse ma bonne. Adieu, adieu, je t'aime. i

LETTRE IV

Paris, 11 vendémiaire (septembre 1798 j).

J'ai reçu à la fois tes deux lettres, ma bonne mère. Dans la première, tu crains que je n'agisse trop vite, dans la seconde que je n'arrive pas à temps. Tranquillise-toi. La proclamation m'a déterminé, et, comme je te l'ai déjà écrit, je suis soldat de la République. J'ai des recommandations fort bonnes, et quoi que tu dises de mon envie de guerroyer, me voilà condamné à six mois de garnison. Tu peux donc dormir sur les deux oreilles pendant six mois, et c'est beaucoup. Je te donnerai exactement de mes nouvelles; je dois être à Bruxelles le 19 du courant et je n'ai plus que cinq jours pour me retourner, car il m'en faut trois pour gagner mon poste. Mon capitaine, qui est froid, mais obligeant, m'a pourtant dit que si mes affaires {CL 220} me retenaient ici quelques jours de plus, il ferait allonger ma feuille de route. Je m'emballerai dans la diligence, et j'arriverai ainsi comme un prince. Le gouvernement nous donne pourtant trois sols par lieue, ce qui fait neuf à dix livres de Paris à Bruxelles: voilà, j'espère, de quoi voyager magnifiquement. Mais je ne profiterai pas de cette magnificence, et, selon ton désir, j'irai trouver M. Fournier k 4, qui m'avancera six louis. Il m'a déjà offert davantage si j'en avais besoin. On n'est pas plus honnête et plus obligeant que lui.

À propos d'étape, je leur ai fait une belle peur l'autre jour à Épinay. J'y suis arrivé avec Rodier à neuf heures du soir. Il est entré le premier et sans m'annoncer. Je me suis introduit par les cuisines. Je donne le mot à la femme de chambre, qui arrive tout effarée au milieu du salon, où étaient ces dames, madame de Montagu et quelques autres élégantes. La femme de chambre dit à madame de {Lub 185} Montcloux qu'il y a dans la cuisine un hussard ivre qui prétend avoir un billet de logement, qui casse tout, et dont on ne sait que faire. Voilà que aussitôt on appelle tous les hommes de la maison et qu'on arrive à moi en masse. Je vais au-devant d'eux dans un corridor obscur en jurant et en contrefaisant ma voix. La lumière arrivant derrière moi et ne laissant voir que mon panache et ma toque, cette méprise donna lieu aux questions et aux réponses les plus plaisantes. Rodier, mon compère, arrive d'un air furieux et veut se jeter sur moi, on le retient. Je jure de plus belle, on me retient. Enfin on me reconnaît et on rit. Mais ces dames ont eu une si belle peur qu'elles en ont toutes été malades. Voilà-t-il pas une belle manière de se présenter dans une maison! Si tu avais été là, ma bonne mère, tu aurais ri de leur mine effarée..... Mais je te vois, à toi, l'air bien triste, et cela me serre le cœur au milieu de ma gaieté. Prends courage, tout {CL 221 } ceci n'est que momentané, et je ne te donnerai pas d'inquiétude. Adieu, ma bonne mère, je t'embrasse de toute mon âme. Ne m'oublie auprès du vendangeur Deschartres, digne émule de Bacchus et de Noé. J'embrasse ma bonne.

LETTRE V l

Paris, le 13 vendémiaire an VII (octobre 1798).

Je t'écris au moment d'aller chez le général Beurnonville. C'est un ami de M. Perrin, ami intime du général, qui me présente. Beurnonville est général de l'armée d'Angleterre dont je fais partie, et par son moyen j'espère avoir un prompt avancement. Il sera à propos que tu lui écrives. Tu lui diras que si tu ne m'as pas envoyé plus tôt à la défense de la patrie, c'est que les lois s'y opposaient, puisqu'on m'avait compris dans la classe des nobles; qu'enfin le décret de la conscription me permet de partir, et que tu lui demandes pour moi son appui. Dans tout cela, il n'y aura qu'une moitié de mensonge, ton zèle pour m'envoyer à la guerre. Enfin tu t'en tireras à merveille, je n'en suis pas en peine. On reparle ici de la paix, et toutes mes affaires vont probablement se passer en promenades. m

J'ai été voir hier les éléphants, les lions et toute la {Lub 186} société féroce du jardin des plantes. Il y a un chien de la taille de Tristan enfermé avec la lionne. Il la mord comme Tristan mord la Belle, et il la fait hurler. Cependant cette bonne bête le prend dans ses griffes, dans sa gueule terrible, sans lui faire aucun mal, et elle l'aime à la folie. Bel exemple de générosité pour nous autres hommes!

Adieu, ma bonne mère, je cours chez Beurnonville. Je {CL 222} te rendrai compte au premier courrier de ma démarche. Rodier part ces jours-ci pour le Berry, je t'enverrai par lui ta perruque et les souliers du père Deschartres. Aura-t-il de jolis pieds avec ces souliers-là! Je t'embrasse de toute mon âme.

LETTRE VI

16 vendémiaire.

J'ai été chez Beurnonville, il m'a très-bien reçu. Comme cinq ou six personnes, entre autres madame de Bérenger, lui avaient parlé de moi, j'ai à peine eu besoin de me nommer. Il m'a dit de repasser demain, qu'il me donnerait une lettre de recommandation pour le général en chef de l'armée de Mayence, dont je fais partie (car je me suis trompé en t'écrivant que j'étais de l'armée d'Angleterre); que bientôt, à sa recommandation, je serais employé près de ce général; que dans six semaines il viendrait nous passer en revue à Bruxelles, et qu'alors je n'avais qu'à venir le trouver, et que dès que je serais au fait des manoeuvres de la cavalerie, on ferait en sorte de m'avoir de l'avancement. Adieu, ma bonne mère, je vais chez mon capitaine pour faire prolonger ma feuille de route. Je t'embrasse comme je t'aime. J'espère que tu n'es plus inquiète?

LETTRE VII n

17 vendémiaire an VII (octobre 98).

Beurnonville m'a donné deux lettres de recommandation, l'une pour le chef de brigade commandant le 10e régiment dont je fais partie; l'autre pour le général {Lub 187} d'Harville, {CL 223} inspecteur général de la cavalerie de l'armée de Mayence. Il m'adresse à eux comme le petit-fils du maréchal de Saxe, notre modèle à tous, dit-il; il demande pour moi de l'emploi, d'abord comme ordonnance, et ensuite suivant la partie à laquelle ils me trouveront propre. Il me recommande aussi fortement au chef de brigade et lui dit qu'il lui tiendra compte des égard qu'il aura pour moi. Tu vois que mes affaires sont en bon train, et qu'avec de pareilles recommandations je ne moisirai pas dans les casernes. Il leur dit, par exemple, que ma famille m'entretient et que je n'aurai pas besoin d'appointements. Ce n'est pas ce qui m'en plaît le plus; car nous ne sommes pas riches, et je vais te coûter de l'argent. Espérons pourtant que je ne tarderai pas à vivre de mon travail! Ne sois plus inquiète, ma bonne mère, et crois que peut-être bientôt tu entendras parler de moi... o Je vais chez Murinais, qui m'a promis de m'apprendre en moins de huit jours à lever des plans et à me servir de la planchette. Cela pourra m'être utile là-bas.

Adieu, je t'embrasse de toute mon âme.

LETTRE VIII

19 vendémiaire an VII (octobre 1798 p).

Je vais ce matin chez mon capitaine Coussaud q 5 (qu'il s'appelle), et je me rendrai avec lui au bureau de la guerre pour faire prolonger ma feuille de route, afin d'arriver vers le 30 à Bruxelles. Si je voulais faire ici des recrues pour le régiment, je ferais fortune; car, dans les promenades, au spectacle, dans les rues, il vient à tout moment des jeunes gens me demander le nom de mon régiment et comment on fait pour y entrer. Il n'y a rien de tel que le bon exemple. Dans les premiers jours tous tremblaient; {CL 224} aujourd'hui tous veulent partir. Mon uniforme, qui est extrêmement joli, en séduit un bon nombre. Il consiste en un dolman vert gansé, galonné, boutonné de toutes les manières; le collet et les revers sont cramoisis, la toque haute, noire et rouge, le panache idem. J'ai acheté un joli sabre à la hussarde, qui m'a coûté trente-trois livres. Je dîne aujourd'hui chez madame de Nanteuil dans tout mon appareil; elle veut me faire rencontrer avec un {Lub 188} jeune homme qui désire entrer dans mon régiment. Nous partirions ensemble pour Bruxelles, cela me ferait un compagnon de voyage. Le journal disait ces jours-ci que les maisons les plus considérables de Bruxelles s'étaient empressées de faire entrer leurs enfants dans le 10e régiment en garnison dans cette ville. Ainsi, tu vois, ma bonne mère, que je serai en joyeuse compagnie et que je ne suis pas le seul qui ait trouvé ce parti-là  convenable. Ne t'afflige pas, ma bonne mère, je ne souffrirai pas, et j'aurai des congés pour t'aller voir. Et puis tu sais bien qu'il n'y a que les sots qui ne se tirent pas d'affaire et qui ne se rendent bons à rien. — Madame La Marlière écrit à M. Perrin que le père Deschartres fait toujours rage avec son violon, ce qui ne m'empêche pas de t'embrasser de tout mon cœur, et toi, ma bonne mère, je te serre bien tendrement dans mes bras de soldat. Je cours chez M. Cousseau, car tu sais que:


Il est permis d'être parfois
Infidèle à son inhumaine,

mais que

. . . c'est blesser toutes les lois
Que de l'être à son capitaine

* Montauciel, dans l'opéra du Déserteur de Gretry.

{CL 225} LETTRE IX

Du 20 vendémiaire an VII (octobre 1798 r).

Je pars toujours le 27 et je me hâte de faire tous mes adieux. J'ai vu, chez madame de Ferrières, mesdemoiselles de Fargès, dont l'aînée est madame de Brosses s 6. M. le duc et d'autres personnes vont me donner des lettres de recommandation pour Bruxelles, car, sans autre passe-port que mon uniforme, je ne serais reçu nulle part. Je porterai moi-même tes lettres à Beurnonville et à mon capitaine, et je dois, ces jours-ci, aller lever des plans avec ce dernier; car il est bon de te dire qu'il ne sait pas se servir du graphomètre, et que maintenant, grâce à Murinais, je sais lever les plans comme si je n'avais fait que cela toute ma vie. Envoie-moi, je te prie, ma bonne {Lub 189} mère, l'étui de mathématique, mon violon et le graphomètre — mon Dieu, oui, je serai, en arrivant, logé à la caserne et nourri à la gamelle. Eh bien! qu'est-ce que cela fait? Il y a pire que cela dans la vie. Pour te prouver que je n'ai pas envie de me détruire, je vais faire l'emplette d'un bon et solide manteau vert pour faire mes patrouilles et vedettes cet hiver sur les remparts de Bruxelles. Ceux du régiment sont des demi-manteaux qui ne vous couvrent que d'un côté, et qui sont faits d'étoffes à  pêcher les goujons. J'en chercherai un de hasard et je m'en tirerai, je l'espère, à  bon marché. Tout mon équipement dont je t'envoie le dessin, m'a coûté soixante et onze livres. Mais M. Le Fournier ayant eu à payer pour toi la dette que tu sais, je n'ose point lui demander de m'avancer les six louis. J'espère que tu trouveras la toque jolie, c'est celle des hussards dont nous différons fort peu.

Tu me dis que tu ne veux pas t qu'on sache en Berry en {CL 226} quelle qualité je sers; mais, ma bonne mère, il faut pourtant bien en venir là. D'abord quels sont donc les imbéciles qui se formaliseraient de voir ton fils soldat de la République? Ensuite, pour qu'on ne t'inquiète pas en mon absence, il faut que j'envoie à la municipalité une attestation de mon activité de service, sans cela je serais regardé comme fuyard et émigré, ce qui ne me va guère u. M. de La Tour d'Auvergne est à la campagne, je lui remettrai ta lettre à son retour. La diligence ne met que quarante-huit heures pour aller de Paris à Bruxelles, je serai donc exactement à mon poste. Adieu, bonne chère mère, je t'embrasse de toute mon âme.

LETTRE X v

23 vendémiaire an VII (octobre 1798 w).

Ah! ma pauvre bonne mère ! que tu es bonne de m'envoyer tes diamants! N'ayant pas de quoi m'équiper, tu fais x comme les dames romaines, tu sacrifies tes bijoux aux besoins de la patrie: je vais y les faire estimer et les vendre le mieux possible.

{Lub 190} LETTRE XI

25 vendémiaire an VII (octobre 98).

J'ai dîné hier avec M. de la Tour d'Auvergne chez M. de Bouillon. Ah! ma mère, quel homme que ce monsieur de la Tour! si tu pouvais causer une heure avec lui, tu n'aurais plus tant de chagrin de me voir soldat! Mais je vois que ce n'est pas le moment de te prouver que j'ai raison; ton chagrin z m'empêche d'avoir raison contre toi. Je lui ai {CL 227} remis ta lettre, il l'a trouvée charmante, admirable, et il en a été attendri: c'est aa qu'il est aussi bon que brave. Permets-moi de t'avouer que, s'il n'y avait eu que de pareils hommes dans la révolution, je serais encore plus révolutionnaire que je ne le suis... c'est-à-dire que je le serais, sans ta prison et tes douleurs.

J'ai été de là aux Italiens voir Montenero; c'est détestable ab. Ce sont quelques scènes des Mystères d'Udolphe, mal enfilées les unes aux autres; sottes paroles, petite musique. Les décorations sont magnifiques. On a applaudi à tout rompre et demandé l'auteur; moi, j'ai demandé à tue-tête le décorateur. À la fin d'une éternelle et assommante romance en cinq couplets, comme on applaudissait avec fureur au parterre et qu'on bâillait aux loges à se fendre la gueule, j'ai crié: Bis. Cette proposition a révolté les loges, et elles m'ont fait le plaisir de siffler pour moi, pendant que je me croisais les bras. Toutes ac les élégantes de Paris étaient là: madame Tallien, mademoiselle Lange et mille autres, tant Grecques que Romaines, ce qui ne m'a pas empêché de bien m'ennuyer. M. Perrin me donne demain des billets pour La République, où l'on joue une nouvelle tragédie de Ducis, intitulée Les Comédiens. Adieu, bonne mère, je t'aime de toute mon âme.

{Lub 191} LETTRE DE LA TOUR D'AUVERGNE ad
À MA GRAND-MÈRE.

Passy ae, le 25 vendémiaire an VII
de la République française.

Madame, je n'ai reçu que dans ce moment même la lettre extrêmement flatteuse que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser. Vous ne me deviez aucun remerciement {CL 228} pour ce que j'ai pu faire pour M. votre fils dans les circonstances embarrassantes où il s'est trouvé. Les personnes qui me devaient une véritable reconnaissance étaient ses officiers et ses camarades. Aussi n'ont-ils pas manqué de me donner à connaître tout ce qu'ils pensaient et sentaient sur le service que je leur avais rendu en leur procurant pour frère d'armes le jeune Maurice, chez lequel tout semble déjà annoncer qu'il accomplira un jour ou l'autre les hautes destinées de son immortel grand-père. — L'on a pris toutes les précautions et toutes les mesures possibles pour qu'il serve avec douceur et agrément. Soyez donc bien tranquille, madame, sur ses premiers pas dans la carrière des armes. La paix, à laquelle je crois toujours malgré les apparences contraires, vous le renverra peut-être plus tôt que vous n'osez l'espérer. Ainsi, laissez prendre place à ce sentiment, au milieu des motifs de s'alarmer que la tendresse d'une mère trouve si facilement au fond de son cœur pour un fils qui s'éloigne d'elle pour la première fois. Je n'entreprendrai pas, madame, d'arrêter les premiers mouvements de votre sensibilité, ils sont trop justes. Je n'ai pas le bonheur d'être père, mais je sens que je méritais de l'être, à en juger par l'effet que votre lettre a produit sur moi.

Agréez, je vous prie, madame, avec bonté, mes hommages les plus respectueux.

Le citoyen LA TOUR Dinfanterie.

{Lub 192} LETTRE XII

27 vendémiaire au soir an VII (octobre 98).

Je pars au jour ag, ma bonne mère. Je viens de prendre {CL 229} congé de mon capitaine, qui, tout enchanté de ta lettre, m'en a donné une pour le chef d'escadron; puis il m'a embrassé avec effusion. Je ne sais pas ce que je lui ai fait, mais tout froid qu'il est, ce digne homme, il a l'air de m'aimer comme son fils. Beurnonville m'a recommandé de toutes parts; lui aussi me comble de bontés; il m'appelle son Saxon. Je crois bien que c'est aux lettres de ma bonne mère plus ah qu'à ma bonne volonté que je dois tout cela. Je t'envoie un duplicata de ma conscription. Beaumont m'a mené à sa section et m'a fait inscrire. Cette démarche était nécessaire; sans cela, malgré ma présence au corps, j'aurais encouru les peines portées par la loi. Tu vas donc lire que j'exerce la profession de chasseur à cheval, et que ma taille est d'un mètre sept cent trente-trois millimètres, à quoi tu ne comprendras rien, et tu te figureras peut-être que j'ai grandi ce mois-ci de sept cent trente-trois coudées, mais cela ne fait toujours que cinq pieds trois pouces. Hier, en retenant ma place à la diligence, j'ai emmené le commis qui m'inscrivait sur le registre. « Ah! monsieur, je suis de la conscription , voilà un uniforme qui vous va bien, voulez-vous m'adresser à votre capitaine? — Certainement, mon camarade, je vais chez lui, venez-y avec moi. » Un jeune homme qui venait s'inscrire aussi pour la diligence, nous entend et nous suit; bientôt j'emmènerai le postillon et les chevaux.

Tu vois bien, ma bonne mère, que je ne suis pas le seul qui ait le goût militaire, car tous s'en vont joyeux et fiers. Je pars, je t'embrasse, je t'aime, je recommande à père Deschartres et à ma bonne, et même aussi un peu à Tristan, de te distraire, de te rassurer, de te soigner. Je reviendrai bientôt, sois-en sûre, et je serai heureux!

MAURICE.

{CL 230; Lub 193} LETTRE XIII ai

Cologne, 7 brumaire an VII (octobre 1798). aj

Me voilà à Cologne. Bah! comment donc si loin? Figure-toi qu'arrivé à Bruxelles, j'entre dans la chambrée de la sixième compagnie. On allait se mettre à table, c'est-à-dire se ranger autour de la gamelle. On m'invite poliment à dîner, je prends une cuiller et me voilà à m'empiffrer avec toute la société. À un petit goût de fumée près, la soupe était ma foi très-bonne, et je t'assure qu'on ne meurt pas de cette cuisine-là. Je régale ensuite les camarades de quelques pots de bière et de quelques tranches de jambon. Nous fumons quelques pipes , nous voilà amis comme si nous avions passé dix ans ensemble. Tout à coup l'appel sonne, on descend dans la cour. Le chef d'escadron s'avance, je vais à lui, je lui remets la lettre du capitaine, il me serre la main; mais il m'apprend que le chef de brigade et le général sont aux avant-postes de l'armée de Mayence avec l'autre partie de mon régiment. Je vois dans l'instant qu'il n'y a rien à faire à Bruxelles, et je le dis tout net à mon chef d'escadron, qui m'approuve sans hésiter. Il m'expédie une feuille de route pour les avant-postes, et après dix-huit heures d'amitié avec mon chef et mes camarades, me voilà parti!

Mais le destin, ma bonne mère, me sert mieux que la prudence. Je passais par Cologne pour me rendre dans les environs de Francfort, où est mon régiment, lorsque j'ai appris que le citoyen d'Harville, général en chef et inspecteur de la cavalerie de Mayence, allait arriver ici dans deux jours. Je suspends ma course, je l'attends. Tout le monde me dit qu'avec la recommandation de Beurnonville, son ami, je serai employé d'emblée près de lui comme {CL 231} ordonnance. J'aurai donc un peu plus de mouvement, sinon dans le corps, du moins dans Tesprit, que si j'étais forcé de m'en tenir à la consigne du soldat caserne. Ainsi mes affaires vont bien, et sois tranquille.

Tu apprendras par les journaux qu'il y a eu des troubles dans le Brabant au sujet de la conscription. Les révoltés se sont emparés pendant quelques heures de la ville et de la citadelle de Malines; mais les Français, à qui rien {Lub 194} ne résiste, les en ont chassés, et en ont tué trois cents. On en a amené vingt-sept à Bruxelles pendant que j'y étais, et j'ai vu parmi eux des gens de tout âge et deux capucins. La conscription n'était qu'un prétexte, et le projet des révoltés était de favoriser une descente des Anglais; car ils s'étendent du côté d'Ostende et de Gand. Notre diligence s'étant cassée et nous ayant forcés de passer huit heures à Louvain, toutes les villes qui étaient sur la route vinrent au-devant de nous en grand émoi. Le bruit s'était répandu que Bruxelles était en insurrection, parce qu'on ne voyait point arriver la diligence. Cette alerte s'est accrue au point que c'est la nouvelle du pays et qu'on a peine à me croire quand je dis que j'ai laissé Bruxelles fort tranquille. On fait descendre beaucoup de troupes de l'armée de Mayence, et on espère voir bientôt le Brabant pacifié. Je bénis de plus en plus, ma bonne mère, les soins dont tu comblas mon enfance. L'allemand m'est ici de la plus grande utilité; j'ai servi, dans tout le chemin, d'interprète à la carrossée. Ils étaient désolés de me laisser à Cologne et de perdre leur trucheman. — Tu vas passer, toi, un hiver bien triste, ma bonne mère, et cette idée seule m'afflige. Mais j'espère être chargé de quelque ordonnance pour le département de l'Indre. J'irai encore te soigner, te caresser et te faire rire. Ta douleur est mon unique souci, car de tout ce qui peut m'arriver je me moque, et suis certain de m'en bien tirer.


{CL 232} En attendant le général d'Harville, notre chasseur se promenait au bord du Rhin, et, malgré sa joie d'être militaire, il ne pouvait pas toujours prendre son parti sur l'absence de sa mère. « Les bords dit Rhin me rappellent les bords de la Seine à Passy, lui écrivait-il à la date du 9 brumaire, et je m'y surprends tout triste, rêvant à toi et l'appelant comme dans ce temps-là où nous étions si malheureux. » Il rencontre un aide de camp du général Jacobé ak 7, ils parlent musique, ils en font ensemble, et les voilà liés. Le général d'Harville arrive enfin, et d'emblée choisit le protégé de Beurnonvilie pour son ordonnance. Il lui promet un beau cheval tout équipé, le plus tôt possible, car les chevaux étaient rares alors, et celui-là se fit longtemps attendre. 8

{Presse 29/10/54 1} Ce général al, qui s'intitulait alors Auguste Harville, était {Lub 195} le comte d'Harville, qui fut depuis sénateuret chevalier d'honneur de Joséphine; il avait été maréchal de camp avant la Révolution puis, employé sous Dumouriez, il avait été un peu froid ou hésitant à la bataille de Jemmapes. Traduit au tribunal révolutionnaire après la trahison de ce dernier, il avait eu le bonheur d'être acquitté. La suite de sa vie s'écoula dans les faveurs plus que dans la gloire. En 1814, il vota la déchéance de l'empereur et fut fait pair de France. Ce pouvait être un brave et galant homme, mais le résumé de ces existences qui ont servi toutes les causes ne laisse pas de traces bien chaudes dans la mémoire des hommes, et on peut en tout temps suspecter un peu leur sincérité. Ce général était fort sensible à la recommandation de la naissance. Son aide de camp et parent, le jeune marquis de Caulaincourt, le poussait à la hauteur et à la réaction contre les idées révolutionnaires. Le caractère d'aristocratie de ces deux personnages est très-bien tracé dans les lettres de mon père que je citerai encore, car elles offrent une peinture assez originale de l'esprit de réaction qui {CL 233} grandissait chaque jour dans les rangs de l'armée. On y verra que l'égalité de droits établie par la Révolution n'y était déjà plus du tout l'égalité de fait.

LETTRE XIV

Cologne, 26 brumaire an VII (novembre 1798). am

..... Les aides de camp du général, dont l'un est le citoyen Caulaincourt, m'ont invité hier à dîner. Le repas a été très-gai et très-amical. On a passé ensuite dans la chambre du général, qui a un érysipèle à la jambe. Je suis resté seul avec lui une demi-heure. Il m'a parlé avec l'aisance et l'affabilité d'un personnage d'autrefois, s'est inquiété de la manière dont j'étais logé et nourri; puis il me fit mille questions sur mon passé, sur ma naissance, sur mes relations. En apprenant que la femme et la fille du général de La Marlière avaient passé l'été chez toi, que la fille du général de Guibert avait épousé mon neveu, que madame Dupin de Chenonceaux avait été la femme de mon grand-père, il devint de plus en plus gracieux, et je vis bien que tout cela ne lui était pas indifférent. On {Lub 196} fit ensuite de la musique. Il y avait beaucoup d'élégants et d'élégantes de Cologne qui, pour des Allemands, n'ont pas mauvaise tournure. Chacun demandait au général: Quel est donc ce chasseur-là? Car ce n'est pas, en Allemagne, la coutume que les ordonnances fassent salon avec les officiers supérieurs, et cette infraction à l'étiquette leur bouscule un peu l'esprit; je m'en moque, et je vais mon train, d'autant plus qu'après la musique vint une magnifique collation dont aucun plat ne fit avec moi le renchéri. Puis du punch... et puis on a valsé. Et puis les aides de camp m'ont invité à souper avec ceux du général Trigny 9, commandant de la place. {CL 234} Nous avons bu du vin de Champagne qui cassait tout, puis encore du punch, puis nous nous sommes un peu grisés, et puis on s'est séparé à minuit.

Tu vois que, n'ayant pas le sou, je vis comme un prince. L'état-major est très-bien composé. Les aides de camp sont tous des jeunes gens fort aimables, et le citoyen de Caulaincourt m'a dit de la part du général que dans trois ou quatre mois je serais officier.

On bat toujours les rebelles; on a brûlé plusieurs villages entre Mons et Bruxelles. Cologne est tranquille.

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Dis à ma bonne qu'il y a ici des places vacantes de vivandière et que je lui en offre une. J'embrasse il signor Fugantini Deschartres. Débite-t-on toujours dans nos environs bien des platitudes sur mon absence? Arrivent-ils à croire que je ne suis pas émigré, mais soldat? Tous nos bons paysans partent-ils? Te demandent-ils où je suis? Il arrive ici une foule de conscrits. On les compte, on les enrégimente, on les conduit comme des moutons. Tous les matins la rue de l'état-major en est remplie; les uns chantent, quelques-uns, pauvres enfants, ont la larme à l'œil. Je voudrais pouvoir les consoler ou leur donner ma gaieté an.

Je connais maintenant la ville comme si je l'avais toujours habitée. C'est un amas très-triste et très-solennel d'églises, de couvents et de vieilles maisons de briques. Le Rhin y est très-large et porte de petits bâtiments marchands qui viennent de Hollande. Il y a un pont volant qui traverse le fleuve en six minutes. Il est attaché à une seule corde, placée au centre du Rhin, et le courant appuyant, en différents sens, sur les différentes faces des {Lub 197} bateaux, la corde décrit un cercle et porte le pont d'une rive à l'autre. Il y tient un escadron de cavalerie. Comme les militaires et les chiens passent gratis, je me donne souvent le plaisir de la traversée.

{CL 235} LETTRE XV

7 frimaire an VII (novembre 1798 ao).

..... Je ne conçois rien aux lenteurs de la poste. Elle me fait sécher d'impatience. Tous les jours j'y vais, tous les jours j'en reviens les mains vides. Cette privation absolue de tes nouvelles me fait trouver tout insupportable. Je ne peux plus m'amuser de rien ni me fixer à rien. Je ne reste pas un moment à la même place; j'aime mieux être dehors, à la pluie ou au froid, qu'enfermé dans ma petite chambre avec la pensée que tu es peut-être malade, ou fâchée contre moi, ou triste!....

Le 11.

Enfin, ma bonne mère, voilà une lettre de toi! Elle était depuis huit jours à la poste militaire, et je m'adressais toujours à la poste allemande. Chienne de poste allemande! On ne m'y reprendra plus. Ah! que j'avais besoin de recevoir de tes nouvelles! Quand on se trouve pour la première fois de sa vie en pays étranger, isolé de tout ce qu'on connaissait, éloigné de tout ce qu'on aime, on a des moments d'effroi. J'ai beau me roidir devant les événements et vouloir me jouer d'eux, il est des heures où notre séparation m'accable et où le courage me manque. Mais je lutte, et je retrouve mes forces en songeant au moment qui nous réunira. Je ne veux plus être aussi enfant que je l'étais à Passy, où je n'avais pas assez de raison pour te cacher ma peine. Il est vrai qu'il n'y avait pas moyen de s'étourdir alors, et ici du moins j'ai une vie active qui me sauve.

À force de courir pour échapper aux idées noires, j'ai {CL 236} pris un rhume et la fièvre; mais cela n'a duré que deux jours; car, puisque voilà ta lettre, puisque tu te portes bien, puisque tu n'as pas cessé de me bénir et de m'approuver malgré ton chagrin, me voilà guéri. Je me {Lub 198} porte à merveille ce soir, ne va pas t'inquiéter au moins; j'ai envie de raturer ce mot de fièvre qui va te faire peur: sache que c'était une très-petite fièvre, un myrmidon de fièvre. Et quand tu es quelques jours sans recevoir de mes nouvelles, songe aux mille circonstances insignifiantes qui peuvent retarder une lettre. C'est une folie, un mal affreux que nous nous créons quand nous nous obstinons à recevoir une lettre à tel jour, à telle heure. Si elle n'arrive pas, le moins que nous consentions à nous mettre en tête, c'est la mort des êtres que nous aimons; nous sommes alors des malades, de véritables maniaques, je viens de l'éprouver.

Ne crois pourtant pas que je te fasse toute cette morale pour te préparer à de l'inexactitude de ma part. Je ferai mon possible pour t'écrire à chaque courrier. J'ai tant de plaisir, ma bonne mère, à m'entretenir avec toi, que je n'en connais pas qui puisse me distraire de celui-là.

Tu me demandes des détails sur les fonctions de ma charge. Entre nous, elles se réduisent à aller de temps en temps me chauffer à un excellent poêle allemand, et à faire la conversation avec MM. les secrétaires, qui ne me paraissent pas non plus écrasés de besogne. De là nous allons dîner ensemble ou nous promener. . . . . . . .

Dis donc à Saint-Jean que j'ai rêvé que je galopais sur ma jument. Si on me donne un beau cheval, il lui en fera part. M. de G. 10 me croit donc dans un poste important? Sois sûr qu'il n'est pas si bête, qu'il n'en pense pas un mot, et que c'est une goguenarderie de gentilhomme.

Adieu, ma bonne mère; que je t'aime donc!

{CL 237} LETTRE XVI

Cologne, 14 frimaire an VII (décembre 1798 ap).

.......................................................................

Le général, par faveur spéciale, a ordonné à la remonte de Namur de m'envoyer, par un homme sûr, un des meilleurs chevaux tout équipé. De manière que je vais être très-bien monté, ce qui me donne déjà un grand relief dans les écuries du général. Depuis qu'on sait qu'il fait faire soixante lieues à un chasseur pour m'amener un cheval, écuyers et palefreniers me regardent avec {Lub 199} vénération, et dussé-je me tenir comme une paire de pincettes sur mon Bucéphale, on me tient d'avance pour le plus beau cavalier du monde; mon cheval sera nourri aux frais de la République, et en cela il sera plus avancé que moi, car de ma paye, qui est de six sous par jour, je n'ai pas encore entendu parler, attendu que le double de mon enrôlement n'est pas encore arrivé ici. Je vis avec la plus grande économie; mais les 200 livres que tu m'as envoyées m'ont fait le plus grand bien. J'étais nourri fort cher et fort mal chez un sieur Badorf, que je ne pouvais quitter faute de pouvoir le payer, et qui m'aurait ruiné, si mon général n'avait eu l'extrême bonté de me tirer de ses griffes en acquittant mon mémoire. Je suis maintenant chez un bon bourgeois où je ne fais pas grand'chère; mais on vit, et c'est tout ce qu'il faut. Je m'habitue à la bière de Flandre, qui, malgré sa réputation, est détestable. La cuisine allemande ne vaut pas le diable non plus; nous sommes en France des enfants gâtés pour tout ce qui tient à la vie physique.

J'ai rencontré à la comédie un capitaine de cavalerie qui s'appelle M. Fleury. C'est celui que j'ai vu à La Châtre au {CL 238} printemps, et avec qui j'ai fait des armes. C'est le meilleur des hommes. Nous nous sommes embrassés comme de vieux amis. On a tant de plaisir à retrouver les gens de son pays sur la terre étrangère! Il est cantonné à Mulheim, sur la rive droite du Rhin. Il m'a engagé à l'aller voir, et j'irai dès que mon cheval sera arrivé. Je n'ai jamais vu d'homme étonné de me revoir comme il le fut. Il était si content de pouvoir parler de La Châtre avec quelqu'un de La Châtre! Nous avons été souper ensemble, et boire à la santé du Berry deux bouteilles de vin du Rhin. Je t'en prie, ma bonne mère, fais savoir à tous ses parents cette agréable rencontre. Dis-leur qu'il est bien portant, et toujours fort comme un Turc. — Et si brave homme! — Mais cette rencontre m'a tant fait penser à toi, que je me croyais chez nous, et me voilà tout triste!



Le capitaine Fleury, dont il est ici question, fut en effet un digne homme et un excellent militaire. Soldat volontaire à seize ans, il avait fait déjà toutes les campagnes de l'armée du Rhin en 92. Il se distingua en 98, lors du {Lub 200} passage du Danube par Moreau. C'est l'année même où mon père l'avait rencontré à Cologne. — À la tête de son escadron, il soutint le choc de quatre escadrons de cuirassiers autrichiens. Cette belle résistance donna à son régiment le temps de passer le fleuve. Il fut décoré en 1807, et quitta le service avec le grade de major au dixième régiment de cuirassiers. Son fils Alphonse Fleury est mon ami d'enfance*.

* Celui-ci a été exilé pour cause d'opinion, au 2 décembre, après la conduite la plus honorable et la plus généreuse sous la République.

(Note de 1853.)


Ici se place dans le recueil de ces lettres, précieusement {CL 239} conservées par ma grand'mère, une lettre du général d'Harville assez curieuse. Il y parle à ma grand'mère d'une manière toute paternelle de son jeune chasseur, et lui révèle les dangers dont il faut le préserver. Le premier est le manque d'économie, et il touchait là fort juste, car mon père, avec les plus belles résolutions du monde, avec la naïve conviction qu'il était sage et rangé , n'avait aucune prévoyance, et, se laissant aller à toutes choses et à toutes gens avec une facilité d'artiste, trouva toute sa vie le moyen de laisser des dettes à payer derrière lui. Je passerai le détail de ces minuties sous silence, quoiqu'elles tiennent beaucoup de place dans ses lettres. Il n'est point de ceux qui, en termes de soldat, tirent des carottes à leurs parents. Toujours sincère avec sa mère chérie, toujours désespéré de ne pouvoir la faire vivre au lieu d'être défrayé par elle, il entre dans de grands détails, il fait de pénibles efforts pour lui expliquer ce qu'est devenu ce rare et diabolique argent, qui fond dans ses mains sans qu'il sache comment. La crainte de ne pas faire honneur à sa parole le décide à se confesser au plus vite, et ses confessions sont touchantes. En somme, l'amour filial, la douleur de voir sa mère s'imposer des privations pour lui, la conscience de son honneur livrent de tels combats au caractère insouciant et libéral qu'il tenait de son père, qu'il parvient à être sage autant qu'il lui est donné de l'être. En somme, toute sa vie aventureuse et agitée ne creusa pas un déficit bien grave dans l'aisance modeste de la famille.

{Lub 201} Le second avis du général d'Harville est moins fondé et se trouve souligné dans sa lettre par ma grand'mère, qui probablement le trouva fort étrange. Je crains pour lui son goût pour la musique, qui peut trop aisément le livrer à la mauvaise compagnie. Quel barbare que ce bon général! Aux yeux de ma grand'mère, comme à ceux de son fils, il n'était point, j'en suis sûre, de plus risible blasphème. {CL 240} Mais elle s'abstint vraisemblablement de le rapporter à son cher Maurice, et ne lui en envoya pas moins son violon.

LETTRE XVII

Cologne, 20 frimaire an VII (décembre 1798 aq).

Voilà encore deux courriers que je ne reçois point de tes nouvelles, ma bonne mère! Mon ami le secrétaire de l'état-major, qui me remet ordinairement tes lettres, arrive à la comédie les mains vides, et du plus loin qu'il m'aperçoit secoue tristement la tête. On dit que la poste a fait banqueroute et que cela pourra intercepter quelque temps les communications épistolaires, si le gouvernement ne se charge de faire aller le service. Il ne manquerait plus que cela! Être loin de toi, c'est déjà bien dur; ne point recevoir de tes nouvelles, c'est désespérant.

.......................................................................

J'ai été hier à la cathédrale entendre un assez beau salut en musique. Toutes les belles et les élégantes de la ville y étaient. Quand j'arrive là, avec mon costume de hussard et mon sabre battant le pavé, ils croient voir tous les diables à leurs trousses. Ils me regardent avec de gros yeux effarés. Un Français de la République est pour eux l'antechrist. Je leur fais assez souvent ces peurs-là, car ils ont de très-bons organistes, et lorsque, en passant près d'une église, j'entends les beaux accords qui la remplissent, j'y entre comme attiré par une force irrésistible.

En sortant du salut, je fus entendre Nina au theâtre. Au moment où j'y songeais le moins, j'entends chanter le duo que tu m'avais appris lorsque j'étais enfant: Il m'appelle sa bonne amie, etc. Et sur-le-champ je me rappelai {Lub 202} tout ce morceau que j'avais oublié, et jusqu'aux {CL 241} bonnes petites paroles. Je ar me retrouvai près de toi, dans la rue du Roi-de-Sicile, dans ton boudoir gris de perle! Cest étonnant comme la musique vous replonge dans les souvenirs! C'est comme les odeurs. Quand je respire tes lettres, je crois être dans ta chambre à Nohant, et le cœur me saute à l'idée que je vais te voir ouvrir ce meuble en marqueterie qui sent si bon, et qui me rappelle des choses si sérieuses d'un autre temps*.

.........................................................................

En sortant de la comédie, ce diable de bon garçon (mon ami le secrétaire) m'a emmené souper. Je ne voulais pas boire de vin parce qu'il est trop cher ici et que je voudrais m'en déshabituer. Il y avait six jours que je n'en avais goûté; mais, en le voyant sur la table, et pressé par mon camarade, je n'ai pas su résister. as

Aussi me voilà, ce matin, redétestant la bière. Ah! serment d'ivrogne! Comment, te voilà devenu ivrogne! vas-tu t'écrier. Non, ma bonne mère, je ne le suis pas, je ne le deviendrai pas, mais je comprends maintenant que ce sonc les privations qui rendent l'homme intempérant, et que le pauvre diable qui manque de pain oublie sa raison dans les pots, quand il est à même. Au reste, ce bon vin est certainement le grand réconfort de l'homme. Hier j'étais triste, j'avais le mal du pays comme un Suisse, et ce matin je me sens capable de braver tous les coups de la fortune ni plus ni moins qu'Alexandre ou César, lesquels, {CL 242} à coup sûr, ne buvaient pas de bière de Louvain. Mais quand j'avalerais tous les vins de la Grèce et de l'Italie, cela ni me consolerait pas de notre séparation. — Tu me demandais dernièrement des nouvelles de mes moustaches. Elles sont noires comme de l'encre et se voient de cent pas au moins. — Adieu, ma bonne mère, je t'embrasse de toute mon âme. Je fais sauter ma {Lub 203} bonne à trente pieds en l'air, et je donne un grand coup de poing sur la tête de père Deschartres. Ce sont des façons militaires, fort jolies, ma foi!

{CL 241} * Ce meuble en marqueterie était le même dont Deschartres et mon père brisèrent les scellés en 93 pour soustraire des papiers qui eussent été l'arrêt de mort de ma grand mère. J'ai toujours ce casier avec ses vingt-trois cartons, dort quelques-uns portaient encore naguère des traces de la cire de la République. Je n'ai découvert son identité qu'en retrouvant tout récemment les procès-verbaux du fait et la lettre de mon père qu'on vient de lire. Les meubles ont leur histoire, et s'ils pouvaient parler, que de choses ils nous raconteraient!

LETTRE XVIII at

Cologne, 23 frimaire an VII (décembre 1798). au

Ma foi, ma bonne mère, si j'osais je te gronderais, car je ne reçois pas de tes nouvelles, et je ne saurais m'y habituer. Je reviens encore de fouiller dans les dépèches du général, et je reviens encore une fois triste. J'ai été voir avant-hier mon brave compatriote, le capitaine Fleury*; j'y suis allé avec un autre capitaine de son régiment. Nous avons descendu le Rhin jusqu'à Mulheim dans une chaloupe à voiles, par un vent qui nous coupait la figure et qui nous menait d'un train admirable. Il nous a donné un très-bon dîner, et j'en avais besoin; car ce joli vent m'avait donné une faim de soldat. Ce brave homme nous a reçus à bras ouverts, et nous n'avons fait que parler du Berry. Le sentiment qu'on appelle amour de la patrie est de deux sortes. Il y a l'amour du sol, qu'on ressent bien vite dès qu'on a mis le pied sur la terre étrangère, où rien ne vous satisfait, ni la langue, ni les visages, ni les manières, ni les caractères. Il se mêle à cela je ne sais {CL 243} quel amour-propre national qui fait qu'on trouve tout plus beau et meilleur chez soi que chez les autres. Le sentiment militaire s'en mêle aussi, Dieu sait pourquoi! mais enfin, enfantillage ou non, voilà que je m'en sens atteint et qu'une plaisanterie sur mon uniforme ou mon régiment me mettrait en colère tout aussi bien qu'un vieux soldat dont on raillerait le sabre ou la moustache.

Et puis, outre cet attachement au sol, et cet esprit de corps, il y a encore l'amour de la patrie, qui est autre chose et qui ne peut guère se définir. Tu auras beau dire, ma bonne mère, qu'il y a quelque chimère dans tout cela, je sens que j'aime ma patrie comme Tancrède:


Qu'elle en soit digne ou non, je lui donne ma vie!

{Lub 204} Nous avons senti tous ces amours-là confusément à travers le vin du Rhin, en trinquant à tout rompre, Fleury et moi, au Berry et à la France.

Comment va ton pauvre métayer? Ses enfants partent-ils? Père Deschartres continue-t-il ses cures merveilleuses? Monte-t-il ma jument? Racle-t-il toujours le violon? Dis à ma bonne que, depuis qu'elle ne s'en mêle plus, mes chemises ne sont pas dans un état brillant. Elle était bien bonne avec son idée de se faire envoyer mon linge pour le raccommoder! Le port pour aller et revenir coûterait plus cher que le linge ne vaut. av

{CL 242} * Le père de mon ami d'enfance.

LETTRE XIX

Cologne, 27 frimaire an VII (décembre 1798 aw).

Puisque tu l'exiges, je tâcherai de m'acheter des chemises et des mouchoirs, mais la tenue qu'on exige de nous emporte tout notre argent. Le général va passer la revue, et {CL 244} M. de Caulaincourt m'a ordonné de me faire faire des bottes, parce que les miennes n'ont pas les deux coutures de rigueur et l'éperon vissé au talon, selon l'ordonnance. On devient féroce sur ces belles questions-là. Ma toque n'était pas garnie en velours, mon plumet n'avait pas les dix-huit pouces exigés. Heureusement mon dolman a les six rangées de petits boutons argentés. Mais il m'a fallu un pantalon de casimir vert tout fignolé en ganses de poil de chèvre. Voilà les revenants-bons des postes d'ordonnance. Il faut une tenue éblouissante pour accompagner les généraux. Si j'avais tes belles martres, je me ferais faire un bonnet de houlan, car c'est à présent le grand genre, et je gagnerais beaucoup en considération dans le régiment. Mais ne va pas me les envoyer. Je ne veux m'en servir que quand je serai officier. Je suis bien assez beau comme cela, et quand je sors en grand uniforme, les conscrits qui font le service me prennent pour un général et me présentent les armes. En revanche, les vieilles moustaches qui montent la garde chez le général ne s'y méprennent pas et ne me présentent rien du tout. — Non, je n'ai pas emporté ton portrait, je l'ai confié à l'oncle Beaumont. J'aurais craint qu'on n'en devînt amoureux et qu'on ne me le volât. Mais j'ai toujours la {Lub 205} chaîne autour de mon cou comme du temps de Passy. Cela ne se voit point, et, sois tranquille, je mangerais de la terre plutôt que de la vendre. — Je suis bien affligé de la mort de ton pauvre métayer. Dis bien des amitiés pour moi à tous nos bons paysans. Comment! le père Deschartres se mêle aussi d'être malade? Je lui ordonne l'eau tiède et l'émétique, ses grands remèdes qu'il sait si bien administrer aux autres, mais dont je crois qu'il ne se soucie pas pour lui-même. Je ne le plaisanterais pourtant pas si c'était sérieux et si tu ne me disais à la fin de ta lettre qu'il est guéri. Adieu, ma bonne, mon excellente mère; je t'embrasse de toute mon âme.

{CL 245} LETTRE XX

Cologne, 3 nivôse an VII (décembre 1798 ax).

Tous les jours nous devions partir pour la tournée d'inspection du général. Mais voilà que nous ne partons plus et qu'il n'y aura pas d'inspection; nous sommes encore pour plus d'un mois ici. Depuis qu'il vient d'être ordonné que nos troupes repasseraient la rive gauche, les divisions sont changées. Le général n'a plus sous son commandement le même nombre de régiments. Je suis bien fâché de ces changements, j'aurais voyagé, j'aurais vu du pays. Mon cheval n'est pas encore arrivé, mais j'aurais pris celui de mon camarade d'ordonnance, le hussard rouge, qui est à l'hôpital. Ne t'inquiète pas de la nouvelle loi, cela ne me regarde pas, mais bien les agents publics travaillant dans les bureaux. Ceux-là, en effet, doivent être incorporés dans les régiments qu'on leur assignera; mais moi, je suis en service militaire effectif, je ne cesse pas, pour être employé par le général, de faire partie de mon régiment. On me doit ma paye, mes habits, mon cheval, comme aux autres soldats. Il est vrai que je n'entends point parler de tout cela. Mais il faut espérer que l'ordre se fera. Mon service compte double comme aux autres. Sois donc tranquille sur toutes ces questions.

Comment! le feu a pris à la cheminée et ce n'est point moi qui l'y ai mis! C'est outrageant, car tu sais comment je m'en acquitte. Ne m'envoie pas encore mon violon s'il {Lub 206} n'est pas parti; car si le général changeait de quartier général, je craindrais que mon cher instrument ne tombât dans des mains profanes, et ce serait vouloir sa mort. Recommande au virtuose Deschartres de le jouer souvent {CL 246} pour qu'il ne se rouille pas. Voilà une jolie commission! mais fais-le-lui jouer bien loin de tes oreilles. Tu fais donc toujours des patiences? Te ressouviens-tu combien tes patiences m'impatientaient? Elles n'ont pas le sens commun, puisqu'elles ne t'ont pas dit que j'étais toujours à Cologne.

LETTRE XXI

Cologne, 8 nivôse an VII (décembre 1798 ay).

Je viens d'apprendre une très-bonne nouvelle, ma bonne mère. Mon régiment, qui était en route pour l'Italie, revient à Deutz, qui n'est séparé de Cologne que par le Rhin. Il y est même arrivé peut-être à l'heure où je t'écris. Il est par conséquent sous l'inspection de mon général. J'ai fait connaissance à la comédie avec un adjudant général nommé Guibal, qui m'a demandé si mon général avait dessein de me faire officier. Je lui ai dit qu'il me l'avait fait espérer. Quelques jours après, il lui a parlé de moi, et le général lui a répondu que, dans les commencements, il craignait que je ne fusse un écervelé, mais qu'il me connaissait mieux et qu'il s'intéressait vivement à moi; qu'il ne me perdrait point de vue, et que son dessein, durant son inspection, était de choisir le dépôt le mieux monté en instructeurs et en chevaux , et de m'y envoyer, afin de me mettre promptement au fait des manœuvres de la cavalerie. Seulement nous voilà, sur ce dernier fait, un peu renvoyés aux calendes grecques. . . . . . . .

Il az s'est donné avant-hier un très-beau bal; le général y était avec ses aides de camp. Je fus le saluer et il me fit très-bonne mine. Il me demanda si je savais valser, et je lui en donnai vite la preuve. Je remarquai qu'il me suivait des yeux et qu'il parlait de moi à un de ses aides de camp {CL 247} d'un air de satisfaction. Tu u'aimes pas la guerre, ma bonne mère, et je ne veux pas te dire de mal de l'ancien régime. Mais pourtant j'aimerais mieux faire mes preuves sur un champ de bataille que dans un bal.

{Lub 207} Tu me demandes si j'ai planté là Caulaincourt. Ce n'est point pour moi un homme à planter là, je t'assure; car il fait la pluie et le beau temps chez le général. Je lui témoigne toujours tout le respect et hs attentions auxquelles je suis tenu; mais c'est un être original qui ne peut me plaire infiniment. Un jour il vous fait des avances, le lendemain il vous reçoit sèchement. Il dit des douceurs à la Deschartres. Il tance ses secrétaires comme des écoliers, et, dans la conversation la plus insignifiante, il garde le ton d'un homme qui fait la leçon à tout le monde. C'est l'amour du commandement personnifié. Il vous dit qu'il fait chaud ou froid comme il dirait à son domestique de brider son cheval. J'aime infiniment mieux Durosnel, l'autre aide de camp. Celui-là est vraiment aimable, bon et simple dans ses manières. Il parle toujours avec franchise et amitié et n'a pas de caprices. Il était aussi au bal d'avant-hier, et nous étions placés pour valser par rang de grade. D'abord le citoyen de Caulaincourt, ensuite Durosnel, puis moi, de manière que l'adjoint, l'aide de camp et l'ordonnance accomplissaient leur rotation comme des planètes.

Toutes tes réflexions sur le monde à propos de ma situation sont bien vraies, ma bonne mère, je les garderai pour moi, et j'en ferai mon profit. Ta lettre est charmante, et je ne serai pas le premier à te dire que tu écris comme Sévigné, mais tu en sais plus long qu'elle sur les vicissitudes de ce monde. ba

Il est heureux pour nos nez que nous ne soyons pas partis pour l'inspection, nous les aurions laissés dans les neiges de la Westphalie. Ce n'est pas qu'il fasse bien chaud ici, le thermomètre était hier à trente-quatre degrés au-dessous {CL 248} de glace. Les pauvres factionnaires meurent comme des mouches. J'aurais donc mauvaise grâce a me plaindre de coucher dans une chambre sans feu et de me réveiller le matin avec des glaçons à la moustache. Le fait est que voici l'hiver le plus rigoureux que j'aie vu, et je n'y pense pas plus que si je n'avais vu de feu de ma vie.


Variantes

  1. Les titres de parties n'apparaissent qu'avec {CL}.
  2. CHAPITRE HUITIÈME {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ VIII {CL}
  3. Interruption de {Presse}
  4. Reprise de {Presse}
  5. Interruption de {Presse}
  6. Reprise de {Presse}: Je suis volontaire
  7. Interruption de {Presse}: ne t'afflige pas.
  8. Reprise de {Presse} à linéa
  9. Interruption de {Presse}
  10. 98 {Lub}
  11. Le Fournier {Lub}
  12. Reprise de {Presse}
  13. Interruption de {Presse}
  14. Reprise de {Presse}
  15. Interruption de {Presse}
  16. 98 {Lub}
  17. Cousseau {CL} ♦ Coussaud {Lub} qui rectifie et que nous suivons
  18. 98 {Lub}
  19. Debrosses {CL} ♦ de Brosses {Lub} que nous suivons
  20. Reprise de {Presse} à linéa et greffant ce passage à la Lettre VII: On me dit que tu ne veux pas ♦ Tu me dis que tu ne veux pas {Lecou} et sq.
  21. Interruption de {Presse}
  22. Reprise de {Presse}
  23. 98 {Presse} ♦ 1798 {CL} ♦ 98 {Lub}
  24. des diamans, n'ayant pas de quoi m'équiper; tu fais {Presse} ♦ tes diamants! N'ayant pas de quoi m'équiper, tu fais {CL}
  25. de la patrie. Je vais {Presse} ♦ de la patrie: je vais {CL}
  26. que j'ai raison. Ton chagrin {Presse} ♦ que j'ai raison; ton chagrin {CL}
  27. attendri. C'est {Presse} ♦ attendri: c'est {CL}
  28. Interruption de {Presse}
  29. Reprise de {Presse} à linéa; jusqu'à bien m'ennuyer.
  30. Reprise de {Presse}
  31. De Passy {Presse} ♦ Passy {CL}
  32. (octobre 1796 [sic?]). {Presse} ♦ (octobre 98). {CL}
  33. Je pars aujourd'hui {Presse} ♦ Je pars au jour {Lecou} et sq.
  34. mère, encore plus {Presse} ♦ mère encore plus {Lecou} ♦ mère plus {LP} et sq.
  35. LETTRE XIII ne figure pas dans {Presse}
  36. Cologne, 7 brumaire. {Presse} ♦ Cologne, 7 brumaire an VII (octobre 1798). {CL} ♦ Cologne, 7 brumaire an VII (octobre 98). {Lub}
  37. Jacobé {AutDupin}Jacobi toutes les éditions jusqu'à {CL} ♦ Jacobé {Lub} qui rectifie et que nous suivons; à l'avenir la variante sera marquée du signe derrière le nom.
  38. Le général {Presse} à {CL} ♦ Ce général {Lub}
  39. 26 brumaire an VII (9 septembre 98), Cologne. {Presse} ♦ Cologne, 26 brumaire an VII (novembre 1798). {CL} Cologne, 26 brumaire an VII (novembre 98). {Lub}
  40. Interruption de {Presse}
  41. 98 {Lub}
  42. 98 {Lub}
  43. 98 {Lub}
  44. Reprise de {Presse} à linéa
  45. Interruption de {Presse}
  46. Reprise de {Presse}
  47. 23 frimaire an VII (décembre 98), Cologne. {Presse} ♦ Cologne, 23 frimaire an VII (décembre 1798). {CL} ♦ Cologne, 23 frimaire an VII (décembre 98).98 {Lub}
  48. Interruption de {Presse}
  49. 98 {Lub}
  50. 98 {Lub}
  51. 98 {Lub}
  52. Reprise de {Presse} qui greffe à la Lettre XVIII deux paragraphes de celle-ci;
  53. Interruption de {Presse}

Notes

  1. On ne dispose pas de manuscrit pour ce chapitre.
  2. Je n'aurai pas plutôt: on attendrait plus tôt.
  3. Cette note figure dans {Presse}
  4. M. Fournier: Maurice Dupin l'appelle tantôt Fournier, tantôt Lefournier. C'est probablement un homme chargé des affaires de Mme Dupin à Paris.
  5. Maurice Dupin et George Sand orthographient ici Cousseau, plus loin Coussaud. Georges Lubin a vérifié dans le dossier du Service historique de l'armée et autres documents, où le nom est Coussaud.
  6. Fargès et de Brosses: Louis-François-Marie, marquis de Fargès, épouse Hyacinthe-Pierrette de Brosses (°.. - †Dijon, c.8/5/1831). Ils ont plusieurs filles, dont une qui devient comtesse René de Brosses. (D'après une note de Georges Lubin.)
  7. Jacobé: Augustin-Jean-Baptiste ~ de Trigny (°1751 - †1814). Général de brigade en 1795. (D'après une note de {Lub})
  8. {Presse} (La suite à demain.)
  9. général Trigny: {Ms} et toutes les éditions jusqu'à {CL} donnent Tréguier, ce qui est une mauvaise lecture. Georges Lubin a rectifié et nous le suivons.
  10. M. de G.: Sur {AutDupin}, GeorgesLubin lisait: M. de Jerlaiz. Il l'identifiait avec Gabriel-Anne-Charles du Breuil du Bost, marquis de Gargilesse (°.. - †Gargilesse (Indre), 26/8/1808).