GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{Presse 5/10/54 1; LP T.1 1; CL [T.1 1]; Lub [T.1 3]} PREMIÈRE PARTIE
HISTOIRE D'UNE FAMILLE, DE FONTENOY
À MARENGO
a.

{LP 227; CL [166]; Lub [141]} VI b

Le Mar�chal de Saxe.



Mes amis, � mesure qu'ils lisent ces pages imprim�es, me font des questions et des observations plus ou moins fond�es. En voici une � laquelle je crois devoir m'arr�ter un instant avant de passer outre.

Pourquoi, me dit-on, avez-vous si peu parl� du mar�chal de Saxe? N'�tait-ce pas la plus remarquable figure et la plus frappante destin�e de ce pass� que vous �voquez comme une base de votre r�cit? Ne savez-vous pas sur le compte de ce h�ros quelque fait particulier qui ait �chapp� � l'histoire? Votre grand'm�re n'avait-elle pas quelque tradition domestique qui jetterait du jour sur ce caract�re �trange et assez myst�rieux encore pour la post�rit�?

Non, en v�rit�, ma grand'm�re ne savait rien de particulier qu'elle voul�t ou p�t dire sur le compte de son p�re. Elle n'avait que deux ans c lorsqu'elle le perdit, et, dans ses vagues souvenirs, ou dans les r�cits de sa m�re, elle avait recul� devant son {LP 228} embrassade au milieu d'un d�ner, parce qu'il exhalait une odeur de beurre rance qui r�pugnait d � la pr�coce d�licatesse de son odorat. Sa m�re lui expliqua que le h�ros aimait de passion le beurre fort, et que pour le satisfaire on n'en trouvait jamais d'assez naus�eux. En fait de cuisine, tous ses go�ts �taient � l'avenant. Il aimait le pain dur et les l�gumes presque crus. C'�tait une gr�ce d'�tat pour un homme qui passa les trois quarts de sa vie � la guerre.

Ma grand'm�re croyait se rappeler aussi qu'il lui avait {CL 167} apport� un �norme mouton de parfilage d'or; et plus tard on lui avait montr� ce mouton, en lui disant que c'�tait un cadeau du c�l�bre comte de Lowendahl, et {Lub 142} que le mar�chal l'avait apport� de sa part. Cela co�tait deux ou trois mille francs et valait parfil�* cinq ou six cent francs. Étrange fantaisie de prodigalit�, qui consistait � donner aux femmes ou aux enfants une somme quelconque, pay�e trois ou quatre fois sa valeur pour montrer qu'on avait de l'argent � perdre pour leur plaire.

* C'est-�-dire effiloch�. Ce travail des femmes consistait � s�parer l'or de la soie pour le vendre.

Voil� tout ce que ma grand'm�re avait vu de son p�re, et ce n'est pas d'un int�r�t bien grand.

Maurice de Saxe appartient d�sormais � l'histoire. Elle l'a tant exalt� et tant flatt� de son vivant, {LP 229} qu'elle a le droit aujourd'hui d'�tre s�v�re; mais cette s�v�rit� serait-elle de bien bon go�t de ma part? Ai-je le droit, m�me � cette distance que le temps a mise entre nous (cent ans d�j� depuis sa mort), de le juger en toute libert� d'allure? J'ai �t� �lev�e dans un respect aveugle de cette gloire. Depuis que j'ai lu et �tudi� cette grande existence, j'avoue que le respect a �t� entam� par une sorte d'effroi, et que ma conscience se refuserait absolument � pallier les entra�nements d'une pareille �poque.

Je vois de tr�s-grandes qualit�s personnelles chez le mar�chal de Saxe; mais si je m'attache � les faire ressortir sans montrer les ombres � c�t� des rayons, ne ferai-je pas ce que je bl�me dans les pr�jug�s de race? Ces pr�jug�s consistent, je l'ai dit, dans l'orgueil du rang ou du succ�s, dans le culte aveugle des choses �clatantes, tandis que le vrai respect, celui qui devrait remplacer tous les autres, s'attacheraient surtout aux humbles vertus et aux m�rites que le monde n'a pas connus, ou qu'il n'a pas compris.

{CL 168} On m'observe que mes scrupules ne sont pas fond�s sur une descendance l�gitime: elle n'en est pas moins directe et r�elle. Je conviens qu'il y manque la cons�cration de la fid�lit� exclusive qui fait les adoptions s�rieuses et familiales, avec ou sans notaire.

{LP 230} Mais n'ayant pas de notion particuli�re sur le mar�chal de Saxe, je n'aurais � en raconter que ce que tout le monde sait de reste: qu'il s'appelait Arminius-Maurice, n� � Goslar, dans le Harr e en 1696*; qu'il fut �lev� avec {Lub 143} son fr�re, le prince �lectoral, depuis Auguste III, roi de Pologne; qu'� douze ans il s'enfuit de chez sa m�re, traversa l'Allemagne � pied et alla rejoindre l'arm�e des alli�s qui sous les ordres d'Eug�ne de Savoie et de Malborough, assi�geait Lille. Peut-�tre l'enfant terrible chantait-il en marchant: Malbrough s'en va-t-en guerre. On sait qu'il monta plusieurs fois la tranch�e avec audace et re�ut des fran�ais, qu'il combattait alors, son premier bapt�me de feu. À treize ans, au si�ge de Tournay, il eut un cheval tu� sous lui et son chapeau fut travers� par les balles. Au si�ge de Mons, l'ann�e suivante, il sauta des premiers dans la rivi�re, portant un fantassin en croupe, tua d'un coup de pistolet un des ennemis qui croyait le faire ais�ment prisonnier; et, s'exposant � tous les dangers avec une sorte de rage, il {CL 169} fut admonest� par le prince Eug�ne en personne sur l'exc�s de sa t�m�rit�.

* Extrait de la liste des naissances et bapt�mes de la paroisse protestante du march� (� l'�glise Saints-C�me-et-Damien), � Goslar.

Le 28 octobre de l'an 1696, une femme de condition qui n'est pas {Lub 143} d�sign�e plus particuli�rement est accouch�e dans la maison (de la veuve) R. Henry Christoph d'un fils qui est baptis� le 30 du m�me mois, le soir, dans la maison, par l'archidiacre Mag. J. S. Alburg, et qui est incorpor� � notre Seigneur J�sus sous le nom de:

Mauritius.

Ses parrains ont �t� MM. le docteur Trumph R. N. Dusings et R. Henry Winckel. f

On sait qu'en 1711 il marcha contre Charles XII; qu'en 1712, �g� de seize ans, il commanda un r�giment de cavalerie, qu'il eut encore un cheval tu� sous lui, et qu'il ramena trois fois � la charge son r�giment presque enti�rement d�truit.

{LP 231} Mari� � dix-sept ans avec la comtesse Loeben g, p�re � vingt ans d'un fils qui ne v�cut pas longtemps, guerroyant toujours avec passion, tant�t contre Charles XII, qu'il admirait avec tant d'ing�nuit� qu'il s'exposa dix fois � �tre tu� ou pris pour arriver � le voir de pr�s, tant�t contre les turcs, en qualit� de volontaire et pour l'amour de l'art, il ne revenait aupr�s de sa femme que pour essuyer de justes reproches sur ses infid�lit�s. Il avait d�clar� une grande aversion pour le mariage, et sa m�re, en l'encha�nant au sortir de l'enfance, n'en avait tenu compte. Il �tait si r�ellement enfant � cette �poque, qu'apr�s avoir r�sist� opini�trement au d�sir de sa m�re, il s'�tait d�cid� tout d'un coup sur cette consid�ration que la jeune Loben s'appelait Victoire.

{Lub 144} Il la quitta en 1720 pour venir en France, o� le r�gent le fit mar�chal de camp. Maurice fit rompre son mariage un an apr�s. Sa femme pleura beaucoup et se remaria presque aussit�t. Tout ce qui entourait ce jeune homme, les mœurs de la r�gence, la facilit� de briser des liens contract�s sans croyance et sans amour, sa propre naissance, les terribles exemples de d�bauche de son p�re et de toutes les cours o� son �ducation s'�tait faite: voil� bien des causes de d�sordre et de pr�coce d�moralisation. Élu par les courlandais duc de Courlande et S�migalle, aim� et encourag� par la duchesse Anne {LP 232} Iwanowna, qui fut czarine de Russie par la suite, il lutta avec �nergie pour conserver cette principaut� contre les pr�tentions voisines. Il s'y f�t {CL 170} maintenu par son ambition et sa volont� autant que par la protection de la duchesse Anne, mais cette derni�re chance lui manqua bient�t par sa faute. Incapable de fid�lit�, une nuit qu'il traversait la cour du palais de la duchesse, portant une femme sur ses �paules pour que l'on ne v�t point la trace des pas de celle-ci sur la neige, il rencontra une vieille arm�e d'une lanterne, qui eut peur et cria. Il donna un coup de pied dans la lanterne, glissa et roula dans la neige avec la vieille et la jeune femme. Une sentinelle accourut, l'affaire fut �bruit�e. La future czarine ne pardonna pas et se vengea plus tard en disant de lui: « Il e�t pu �tre empereur de Russie. Cette personne lui a co�t� cher! »

Mais je m'aper�ois que je fais une sottise, et je ne voudrais pas grossir mon livre de pi�ces inutiles. Les campagnes de Maurice de Saxe pour la France sont trop connues pour que j'aie � en parler. Si l'on veut absolument qu'une appr�ciation de son caract�re et de sa mission trouve place dans cet ouvrage, je ne puis qu'extraire et rapprocher le jugement consign� en divers endroits de l'Histoire de France d'Henri Martin, le plus beau des livres d'histoire publi�s jusqu'� ce jour, parce qu'il est le plus complet.

« (1741.) On ne pouvait songer � assi�ger {LP 233} m�thodiquement Prague. L'�lecteur de Bavi�re re�ut le conseil hardi d'attaquer cette grande ville par escalade. L'auteur de cet avis �tait un officier g�n�ral qui jouissait d�j� d'un grand renom militaire, quoiqu'il n'e�t pas encore command� en chef: c'�tait le comte Maurice de Saxe, fils naturel du feu roi Auguste II, aventurier rempli de fougueuses passions, d'ambitions violentes et de hautes {Lub 145} inspirations guerri�res. Apr�s s'�tre fait �lire duc de Courlande par les �tats de cette souverainet� en 1726, et avoir disput� son duch� avec une h�ro�que t�m�rit� � la Russie et � la Pologne, il �tait venu se mettre au service de la France, avait fait avec distinction la guerre de 1733, et commandait une des divisions de l'arm�e du Danube. L'�lecteur eut au moins le bon sens d'�couter Maurice. L'auteur du projet en fut l'ex�cuteur, Maurice prit pour second dans l'entreprise un homme qui n'avait de commun avec lui que le courage, le lieutenant-colonel Chevert, officier n� dans les rangs du peuple, et qui �tait la vertu m�me dans un temps corrompu, comme Maurice �tait la passion sans frein. La ville n'avait qu'une enceinte bastionn�e et des foss�s secs. Dans la nuit du 25 d�cembre, Chevert monta en silence sur un bastion � la t�te de quelques grenadicrs, repoussa les ennemis accourus aux cris des sentinelles, s'empara d'une porte voisine et l'ouvrit � la cavalerie fran�aise de Maurice... Les g�n�raux {LP 234} pr�serv�rent la ville du sac et du pillage: c'�tait un notable progr�s dans les mœurs militaires. »....

« (1744.) ..... La principale arm�e fran�aise, forte de quatre-vingt mille hommes, entra en Flandre � la mi-mai, Le roi en personne la commandait, acccompagn� du mar�chal de Noailles et du comte Maurice de Saxe, qui venait de recevoir le b�ton de mar�chal, malgr� sa qualit� de huguenot. Cette victoire sur l'intol�rance, contradiction �trange avec le redoublement des pers�cutions contre les r�form�s fran�ais, �tait due en grande partie � Noailles et avait co�t� beaucoup au roi, plein de petits pr�jug�s et de petites superstitions. Noailles avait fait comprendre � Louis la sup�riorit� miliitaire de cet �tranger et la n�cessit� de l'attacher d�finitivement � la France, si d�pourvue de g�n�raux. »

« (1745.) — Le mar�chal de Saxe, qui s'�tait montr� vraiment grand g�n�ral en 1744, et qui, avec des forces tr�s-inf�rieures, avait emp�ch� l'ennnemi d'assi�ger Lille ou de tenter aucune autre enntreprise, re�ut le commandement en chef pour 1745, dans un moment o� il semblait menac� {CL 172} d'une autre fin que la mort des h�ros. En proie � une hydropisie qui l'obligeait � subir des ponctions douloureuses, il succombait sous les exc�s qui avaient ruin� la prodigieuse vigueur de sa constitution. On doutait qu'il f�t en �tat de se rendre � l'arm�e. {LP 235} Voltaire {Lub 146} ne put, un jour, s'emp�cher de lui demannder comment il pourrait faire dans cet �tat de faiblesse. “ Il ne s'agit pas de vivre, mais de partir! ” r�pliqua le mar�chal. C'est l� un grand mot; chez certaines natures, la hauteur du courage ressemble � la vertu � s' y m�prendre. L'effet est le m�me, et la diff�rence n'est que dans le mobile. » . . . . . . . .

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« (FONTENOY.) Le sort de la journ�e semblait fort compromis. Le mar�chal de Saxe, qui voyait tout et se tra�nait partout, � cheval ou dans une petite carriole d'osier, commence de disposer la retraite pour le cas o� un dernier effort ne r�ussirait pas. La pr�sence du roi et du Dauphin, le devoir d'assurer leur salut, devenaient un embarras �norme et pousssaient aux r�solutions timides, bien que tous deux fissent d'ailleurs bonne contenance.

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» Cette victoire de Fontenoy flatta vivement l'esprit national et elle est rest�e populaire..... La vraie gloire fut au g�n�ral qui avait vaincu presque mourant. » . . . . . . . .

« (1746.) Le mar�chal de Saxe, � peu pr�s r�tabli de sa maladie, avait brusquement investi Bruxelles au milieu de l'hiver, et cette belle capitale des Pays-Bas autrichiens avait d� capltul�r au bout de trois semaines. » . . . . . . . .

« — Au commencement de mai..... la pr�sence {LP 236} du roi ne fut pas seulement inutile, mais nuisible. Les embarras d'une arm�e de cour emp�ch�rent Maurice de pousser l'ennemi aussi vivement qu'il l'e�t fait. » . . . . . . . .

Interrompons l'historien, et faisons parler le mar�chal lui-m�me. Les personnes qui ne s'occupent pas de l'art {CL 173} militaire ne connaissent de son style que la fameuse lettre au mar�chal de Noailles sur la proposition qu'on lui avait faite (en 1746, pr�cis�ment) d'�tre membre de l'Acad�mie fran�aise; lettre o� il all�gue et prouve si bien qu'il ne sait pas seulement l'orthographe. « Je repondu que se la malet comme une bage � un cat. » Mais cette fantastique orthographe n'emp�che pas le mar�chal d'avoir un caract�re comme �crivain et d'appartenir, par quelques �crits et quelques pens�es, au mouvement litt�raire du dix-huiti�me si�cle. Ses lettres, concises, nettes, rapides, ont, par leurs restrictions m�mes, une v�ritable port�e historique, et, par leur humeur ou leur enjouement, un cachet de grandeur ou de franchise. Elles ont subi pour l'impression une traduction certaine, mais elles n'ont �t� ni alt�r�es, ni arrang�es dans leur forme, on le sent de reste. Voici ce qu'il �crit au chevalier de Folard:

Au camp de Bouchout le 5 mai 1746.

J'ai re�u, mon cher chevalier, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'�crire le..... et j'y vois {LP 237} avec plaisir que nous pensons de m�me sur ce qu'il y avait � faire apr�s l'abandon que les ennemis ont fait de leur position derri�re la N�the, et je n'y aurais pas manqu� si j'avais �t� seul; d'autres circonstances m'ont emp�ch� de les suivre et de les jeter dans la mer, ce qui ne pouvait manquer d'arriver, vu leur d�sordre, notre sup�riorit� et notre position; je ne sais si vous savez ce que c'est qu'une arm�e de cour et tous les inconv�nients qu'elle entra�ne.

J'ai d�tach� de cette arm�e quarante bataillons et cinquante escadrons pour faire l'investiture de Mons. Le si�ge se fera sous les ordres de M. le prince de Conti, dont Dieu b�nisse les op�rations!...

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{CL 174} » Quant � la politique, je ne vous en parlerai pas; gens plus habiles que moi s'en m�lent!... » h

Quelques jours apr�s, il �crivait � Fr�d�ric II:

« Votre majest� sait tr�s-bien que la partie militaire est toujours soumise � la politique. Ainsi, je me flatte que Votre Majest� ne m'attribuera pas les fautes i qui pourront se faire pendant le cours de cette campagne. Le moment o� je me trouve vous persuadera cette v�rit�, car je sens tr�s-bien qu'une marche par notre droite mettrait l'arm�e des alli�s dans une situation fort critique. »

Le 6 juillet de la m�me ann�e, il �crivait au comte d'Argenson:

{LP 238} « Vous me faites l'honneur de me dire que le roi compte que je ne ferai point de mouvement r�trograde qu'� la derni�re extr�mit�. L'on ne peut, sans un risque �minent, faire de mouvement en arri�re lorsque l'on attend la derni�re extr�mit�; mais il faut se placer toujours de mani�re � n'�tre pas oblig� de faire de mouvement en arri�re.....

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{Lub 148} » Je ne suis pas naturellement port�, monsieur, aux mouvements r�trogrades; je crois vous avoir donn� des preuves de ma constance, et peut-�tre de quelque chose de plus, lorsque les r�gles militaires m'y invitaient. Il n'y a que des raisons de politique qui puissent autoriser une conduite diff�rente. Je n'entrerai pas ici dans la discussion de savoir auquel on doit la pr�f�rence j; mais je pense que la premi�re est infructueuse; je veux dire la politique, par une bonne conduite � la guerre. »

Presque toutes les lettres de Maurice t�moignent des embarras qu'on lui cr�e, des fautes o� on l'expose, et de la terrible responsabilit� qu'on fait peser sur lui, tout en limitant l'autorit� absolue qui lui serait n�cessaire dans les circonstances graves. Tandis que le roi vient payer sa dette {CL 175} � l'opinion fran�aise, qui aime les rois chevaliers, en venant faire parade devant l'ennemi d'un sang-froid que le g�n�ral en chef doit lui garantir facile et bien fond�, m�me au prix de l'honneur et de l'arm�e; tandis que le roi lui �crit: « Mon {LP 239} cousin, je vous fais cette lettre pour vous dire que mon intention est que vous assistiez au Te deum avec les officiers de mon arm�e, etc. », le mar�chal huguenot ne songe qu'� pr�voir ou � r�parer les fautes qu'il sait bien qu'on est toujours pr�t � commettre, et dans la mani�re dont il s'exprime, il n'y a pas seulement le coup d'œil de l'homme de guerre, il y a la franchise, rare en ce temps de courtisanerie et de faiblesse, d'un homme qui veut faire son devoir � tout prix. En se plaignant d'ordres d�plorables donn�s par le prince de Conti, il �crit � d'Argenson: « Vous verrez plus, monsieur, c'est qu'au lieu de songer � me renforcer, il me pr�vient qu'il enverra M. le comte d'Estr�es, je ne sais pas o�, battre les buissons dans des endroits o� les ennemis ne sont pas. . . . . . . .

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» Je suis trop bon serviteur du roi pour rendre � M. le prince de Conti ce qu'il me fait. Je veux cependant lui en faire la peur, en le mena�ant de m'en retourner au camp de Louvain. »

En 1747, il r�digeait un m�moire lumineux sur la situation de l'arm�e, et il y joignait des r�flexions qui r�v�lent cette franchise du g�nie et cette souffrance int�rieure de l'artiste contrari�.

« Tout homme sage doit �tre alarm� de voir son {Lub 149} opinion d�sapprouv�e g�n�ralement. Si l'incertitude et la variation sont un mal k dans les choses {LP 240 } de la vie priv�e, l'on peut dire que c'est un malheur � la guerre, et quiconque change sa dispostion* par l�g�ret� ou sur ses {CL 176} opinions**, jette toutes les parties d'une arm�e dans le d�sordre et la confusion, parce que l'on peut regarder les changements dans l'op�ration comme un accident arriv� au plan que l'on s'est form�***, qui ne s'�tablit que sur une m�ditation faite � loisir et qui embrasse tout l'objet, avec les parties qui y sont relatives. Les personnes d'esprit, et surtout les personnes �loquentes, sont tr�s-dangereuses dans une arm�e, parce que leurs opinions font des pros�lytes, et si le g�n�ral n'est pas un personnage opini�tre et ent�t� de son opinion, ce qui est un d�faut****, il***** lui donne des incertitudes capables de lui faire commettre de grandes fautes; c'estle cas o� je me trouve.

{CL 175} * Celle du g�n�ral.

{CL 176} ** D'apr�s ses propres id�es.

*** Que le g�n�ral s'est form�.

**** C'est-�-dire ce qui d�plait aux gens de cour.

***** Cela lui donne.

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» Ma conduite a paru trop unie, et l'on a jug� � propos d'op�rer et de provoquer les �v�nements..... Berg-op-Zoom est devenu une affaire au-dessus des forces humaines, pour ainsi dire, ou du moins hors de tout exemple. La politique, nos {LP 241} pertes et notre amour-propre peut-�tre nous ont �chauff�s sur cette entreprise, au point que nous sommes pr�ts � y sacrifier l'arm�e, la gloire de nos armes et celle du roi. Les esprits s'�chauffent, on bl�me le g�n�ral de sa lenteur; il ne saurait partir trop t�t pour se pr�cipiter dans un labyrinthe qu'il pr�voit. L'on parle, l'on �crit des m�moires, l'on se communique des id�es, comme si celui qui est charg� de la conduite de cette campagne n'en �tait pas occup�. Enfin on veut le faire marcher, on brigue, on cabale � cet effet.

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{CL 177} » Au demeurant, l'on me permettra de prendre le parti que prennent les m�decins, qui c�dent toujours aux avis de la consultation pour se mettre � couvert de tout bl�me.

{Lub 150} » À la guerre, il faut souvent agir par inspiration; si l'on �tait toujours oblig� de rendre compte pourquoi l'on prend plut�t un parti qu'un autre, l'on serait souvent contredit. Les circonstances se sentent mieux qu'elles ne s'expliquent, et si la guerre tient de l'inspiration, il ne faut pas troubler le devin. »

On voit, par toutes ces lettres, combien Maurice �tait impatient du joug de la cour et quel m�pris il avait pour la politique de cette cour inepte et frivole, o� l'on ne regardait la guerre que comme un amusement, comme une occasion de briller, sans aucun {LP 242} souci du sang des soldats et de l'honneur du pays. Chaque jeune officier ne songe qu'� sa gloire particuli�re, si l'on peut appeler gloire la coupable vanit� de faire �charper son r�giment et soi-m�me, non-seulement sans utilit�, mais encore au grand pr�judice ou au grand p�ril de la campagne. Maurice avait fait de ces folies � quinze ans. Il avait entendu Eug�ne lui dire: Apprenez � ne pas confondre la t�m�rit� avec la valeur, et encore enfant, il avait r�fl�chi sur cette semonce; il avait m�ri de bonne heure, et personne, d�s lors, ne fut plus avare du sang des hommes qu'il commandait. Outre qu'il �tait r�ellement tr�s-humain, il mettait sa gloire et sa science � pr�venir les maux de la guerre et � emp�cher ces choses �clatantes o� la noblesse, avide de retourner � ses plaisirs, voulait se pr�cipiter pour gagner ses �perons et dispara�tre. Le grand Fr�d�ric �crivait � Maurice en 1746: « Votre lettre peut servir d'instruction pour tout homme qui est charg� de la conduite d'une arm�e. Vous donnez des pr�ceptes; vous les soutenez par des exemples.

{CL 178} » ... Dans le premier bouillon de la jeunesse, lorsque l'on ne met que la vivacit� d'une imagination qui n'est pas r�gl�e par l'exp�rience, on sacrifie tout aux actions brillantes et aux choses singuli�res qui ont de l'�clat.

» À vingt ans, Boileau estimait Voiture. À trente ans, il lui pr�f�rait Hom�re. Dans les premi�res {LP 243} ann�es que je pris le commandement de mes troupes, j'�tais pour les pointes; mais tant d'�v�nements que j'ai vus arriver, auxquels m�me j'ai pris part l, m'en ont d�tach�. Ce sont ces pointes qui m'ont fait manquer la campagne de 1744.

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« Le grand art de la guerre est de pr�venir tous les {Lub 151} �v�nements... Le chapitre des �v�nements est vaste, mais la pr�voyance et l'habilet� peuvent conjurer m la fortune. »

{CL 178} Puisque je suis en train de citer, ayant r�solu de ne pas faire autre chose, je transcrirai encore un fragment de lettre du mar�chal de Saxe � Fr�d�ric. Il est int�ressant parce qu'il est une appr�ciation de la bravoure et de l'intelligence des troupes fran�aises:

« Les fran�ais sont ce qu'ils �taient du temps de C�sar, et tels qu'il les a d�peints: braves � l'exc�s, mais inconstants, fermes � se faire tous tuer dans un poste, lorsque la premi�re �tourderie est pass�e, car ils s'�chauffent dans les affaires de poste, si l'on peut les faire tenir quelques minutes seulement; mauvais manœuvriers en plaine.

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» Il faut donc avoir recours aux dispositions, que l'on ne saurait faire avec trop de soin.

» Le simple soldat n s'y conna�t, et lorsqu'ils sont {LP 244} bien {CL 179} post�s, l'on s'en aper�oit d'abord � leur gaiet� et � leurs propos. »

J'ai dit que le mar�chal de Saxe n'avait rien d'un courtisan. Fils de roi, aspirant sans cesse � �tre roi lui-m�me, il avait un grand orgueil. Et pourtant ce n'�tait qu'un aventurier hardi, qui dut se contenter du titre de grand g�n�ral, et l'ind�pendance de son caract�re e�t pu lui �tre fort nuisible. Voici en quels termes il demandait, en 1734, un avenir au roi de France, dans une lettre adress�e au comte de Noailles, et dat�e du camp de Graben:

« Quoique les belles actions parlent d'elles-m�mes, je me trouve dans le cas d'�tre oblig� de me louer moi-m�me. Je n'ai ni parents ni amis � la cour, et une fausse modestie d�g�n�re en stupidit�. . . .

» Il y a quatorze ans que j'ai l'honneur d'�tre au service du roi, en qualit� de mar�chal de camp; j'en ai pr�s de quarante, et je ne suis pas d'esp�ce � �tre assujetti aux r�gles et � vieillir pour parvenir aux grades. D'ailleurs, j'ai moins consult� les devoirs du sang et ceux de mes int�r�ts que ceux de l'honneur qui m'attachait au service du roi. Si vous y ajoutez le titre d'�tranger, vous trouverez des raisons suffisantes pour m'avancer et pour porter le roi � m'accorder cette gr�ce, en y ajoutant l'agr�ment qui met le prix aux choses. »

{Lub 152} Rapprochons de cette appr�ciation de sa propre situation, celle de M. Henri Martin:

{LP 245} « Il y avait quelque chose de peu flatteur pour l'orgueil national � devoir ses succ�s � un �tranger. Encore cet �tranger, ce b�tard de Saxe, avait-il pour principal lieutenant un autre �tranger, un b�tard de Danemark, le comte de Lowendahl , homme sup�rieur, qui s'�tait form� en commandant les arm�es russes sous le mar�chal {180} M�nich. Il ne se formait plus chez nous de g�n�raux. La cause g�n�rale �tait l'extinction des fortes �tudes et des fortes pens�es parmi la haute noblesse. »

Apr�s avoir racont� les campagnes du mar�chal de Saxe, d�tails admirablement r�sum�s, mais qui se lient � trop d'�v�nements g�n�raux pour trouver place ici, l'historien sup�rieur que je cite aborde la personnalit� de Maurice de Saxe dans le livre Des mœurs et des id�es en France depuis la mort de Louis XIV jusqu'au milieu du dix-huiti�me si�cle:

« ... Richardson fait voir... dans son fameux roman, anim� d'une r�alit� si puissante et si poignante... le vice �lev� � des proportions tragiques, la s�duction syst�matique poursuivant avec une froide et violente perfidie ce qui subsiste encore de vertu et de sentiment vrai dans le cœur de la femme, le s�ducteur transform� en une sorte de h�ros illustr� d'une gloire infernale: Lovelace est l'Antechrist de l'amour. Les mod�les ne manquent pas � cette �trange figure. Lovelace n'est {LP 246} qu'un Richelieu agrandi et plus s�rieux dans le mal. Maurice de Saxe exprime une nuance exceptionnelle. Il n'a pas cette froideur de serpent imp�tueux dans le vice comme dans les combats, c'est l'Ajax hom�rique d�nu� de sens moral et jet� au milieu d'une civilisation raffin�e, capable d'actes odieux ou d'actes g�n�reux, suivant que sa fougue l'entra�ne. Mais que Lovelace, dans le monde r�el, s'appelle Richelieu ou Maurice de Saxe, le r�sultat est le m�me, si le caract�re et les moyens diff�rent. »

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« Voltaire n'admet nullement que la race humaine ait diminu� en nombre, comme le pr�tendaient Montesquieu et tant d'autres. Il croit que la population n'augmente ni ne diminue sur le globe... Il y a sur cette question un curieux m�moire du mar�chal de Saxe, imprim� � la suite de ses R�veries. Il propose, pour rem�dier � la {CL 181; Lub 153} pr�tendue d�population, qu'on ne se marie plus que pour cinq ans et qu'on ne puisse se remarier � la m�me femme, si l'on n'a pas eu d'enfants d'elle au bout de cinq ans o. — C'est un �trange philosophe que Maurice de Saxe. — Montesquieu, dans L'Esprit des lois voudrait aussi des lois, moins bizarres sans doute, afin de favoriser la propagation. Il e�t �t� bien �tonn� si on lui e�t annonc� que la population de l'Europe, avant un si�cle, aurait {LP 247} doubl� presque partout et tripl� dans certains pays, malgr� des guerres et des r�volutions immenses. »

Au livre quatri�me de La France sous Louis XV, M. Henri Martin ach�ve d'esquisser le mar�chal de Saxe:

« le mar�chal de Saxe venait de mourir (30 novembre 1750), la t�te pleine de projets de r�forme et emportant avec lui tout ce qui nous restait de science de la grande guerre. On reconna�t, par une lettre de Maurice au ministre de la guerre, qu'il pr�voyait les cons�quences de l'�tat d'indiscipline et d'ignorance o� �tait tomb�e l'arm�e.

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« Il e�t probablement trouv� le rem�de, c'est-�-dire d�rob� le secret de Fr�d�ric II, si une fin pr�matur�e, suite de ses exc�s, ne l'e�t enlev� � la France.

« ... Dans sa lettre au comte d'Argenson, Maurice d�clare que l'arm�e fran�aise doit �viter les affaires de plaine et de manœuvres, et t�cher de se r�duire � des coups de main et � des affaires de poste. Il ne fut que trop bon proph�te. — Ses œuvres militaires, R�veries, notes, etc., publi�es en 1757, sont tr�s-int�ressantes � �tudier, Il e�t voulu rendre l'�quipement du soldat plus sain et plus commode, faire reprendre � la grosse cavalerie l'armure d�fensive et la lance, donner aux fantassins le pas cadenc� comme chez les {LP 248} Prussiens, faire d�cider les affaires par la ba�onnette et non par le feu, �tablir {CL 182} une �cole d'�tat-major, obtenir qu'on donn�t les grades sup�rieurs non plus � l'anciennet�, mais au m�rite; avoir pour la d�fense des ports des machines toujours pr�tes, avec lesquelles on formerait � la minute des retranchements sous l'eau � l'entr�e des ports, pour arr�ter les vaisseaux et les br�lots, cr�er une infanterie l�g�re fort analogue � nos chasseurs de Vincennes. — Tr�s-pr�occup� de prot�ger la vie et la sant� du soldat, il regrette les armes d�fensives d'autrefois. Il m�lait � ses {Lub 154} vices des sentiments d'humanit�. Il t�chait de faire dispara�tre le cruel usage de br�ler les faubourgs des villes menac�es. Il mettait les espions � la cha�ne au lieu de les pendre. Il philosophe quelquefois plus s�rieusement que dans ce bizarre M�moire sur la population dont nous avons parl� ailleurs. Quel spectacle nous pr�sentent aujourd'hui les nations? On voit quelques hommes riches, oisifs et voluptueux, qui font leur bonheur aux d�pens d'une multitude... qui ne peut subsister qu'en leur pr�parant sans cesse de nouvelles volupt�s. Cet assemblage d'hommes, oppresseurs et opprim�s, forme p ce qu'on appelle la soci�t�, et cette soci�t� rassemble ce qu'elle a de plus vil et de plus m�prisable, et en fait ses soldats. Ce n'est pas avec de pareilles mœurs ni avec de pareils bras que les Romains ont vaincu {LP 249} l'univers. Ce n'est pas Montesquieu, ce n'est pas Rousseau qui parle ainsi: c'est Maurice de Saxe dans ses R�veries. — Maurice voudrait que tout Fran�ais f�t soldat cinq ans sans exception...

« Les g�n�raux �minents disparurent avec Maurice de Saxe et Lowendahl, qui surv�cut peu � son compagnon d'armes. L'abaissement du gouvernement devenait toujours plus profond sous la main de la Pompadour, etc. »

On voit que l'illustre historien, tout en rendant justice au mar�chal de Saxe, le traite avec beaucoup de s�v�rit�. Cette s�v�rit� est respectable chez un tel juge, et je ne saurais, {CL 183} ma grand'm�re f�t-elle l� pour me le commander, lutter contre la condamnation port�e par un talent si beau, si honn�te, un talent qui est le type du patriotisme, en m�me temps qu'il est celui de la conscience et de la vertu.

Tout ce qui m'est permis, c'est de rappeler que les �garements du h�ros furent ceux de son �poque et ceux de son �ducation. Au demeurant, l'�me �tait belle et grande, l'habitude du caract�re bonne et g�n�reuse. Dans un autre milieu, et soutenu par d'autres conseils, d'autres principes et d'autres exemples, cet Ajax hom�rique e�t conquis sa gloire militaire, pure des taches de la vie priv�e. « S'il fut vicieux,dit un autre historien de sa vie, les femmes y mirent une grande bonne volont� et l'y aid�rent de leur mieux. » — C'est probable; mais madame {LP 250} Favart est un gros p�ch� dans sa vie, un p�ch� que Dieu seul a pu lui pardonner, quoi qu'en ait dit Grimm dans sa Correspondance. Les efforts de cet �crivain pour fl�trir la victime et r�habiliter le coupable sont une {Lub 155} action presque aussi mauvaise que l'action elle-m�me. Voil� le temps et les mœurs.

Maurice aimait r�ellement ses soldats et fort peu les gens de l'arm�e de cour, t�moin sa r�ponse � un lieutenant g�n�ral qui, en lui proposant l'attaque d'un poste, ajoutait: « Vous risquez d'y perdre au plus une douzaine de soldats. — Passe, r�pondit le mar�chal, si c'�tait une douzaine de lieutenants g�n�raux, » et il lui tourna le dos.

Il accueillit la mort sans effroi, disant � son m�decin: « La vie est un songe. Le mien a �t� court, mais il a �t� beau. »

Ce mot r�sume l'homme et le si�cle.

C'�tait en somme un esprit tr�s-exalt� et dont l'excuse est dans cette exaltation m�me. La destin�e ne fut pas suffisante � son activit�. Il avait besoin d'�tre souverain, et comme il n'avait en ce temps-l� aucun droit de l'�tre, ses amis eurent souvent � le d�fendre contre le reproche de folie que ses contemporains lui adress�rent. Qu'il f�t venu {CL 184} cinquante ans plus tard, il e�t cherch� et r�alis� quelque part peut-�tre son r�ve de royaut�, � moins que la France n'e�t �touff� son ambition sur l'�chafaud. La destin�e de Napol�on est comme une r�alisation {LP 251} agrandie des songes ardents de Maurice. On sait que le fougueux saxon r�va la royaut� de Tabago, puis celle de la Corse, puis enfin celle des juifs. C'�tait un r�formateur sans lumi�re suffisante; mais qu'il e�t �t� aux prises avec une t�che plus vaste que celle de donner un moment de gloire sans lendemain � la France corrompue, son remarquable sens pratique, qui reparaissait toujours dans l'action, en d�pit de la fi�vre physique et morale, l'e�t peut-�tre pr�serv� des erreurs qu'il couvait dans sa solitude q. Il e�t pris conseil, il se f�t �clair�, et, comme Adrienne Lecouvreur l'avait initi�, sauvage et farouche, aux arts d�licieux, quelque esprit juste et s�rieux e�t pu l'initier aux id�es vraies. On ne doit jamais croire qu'une grande intelligence comprim�e n'e�t pas pris le bon chemin, si elle l'e�t trouv� accessible. La vie d'enivrement n'est pas le but des hautes facult�s que Dieu donne � certains hommes. C'en est l'�cueil quand leur �mission �choue par la faute des circonstances. C'est la maladie d'un ennui et d'un d�sespoir qui ne s'avouent pas toujours � eux-m�mes; mais ce mal serait peut-�tre vaillamment secou�, si, au lieu de l'infection des cours libertines, l'air pur et libre venait vivifier et retremper ces poitrines puissantes.


Variantes

  1. Les titres de parties n'apparaissent qu'avec {CL}.
  2. Le chapitre VI tout entier manque dans {Presse} ♦ CHAPITRE SIXIÈME {Lecou}, {LP} ♦ VI {CL}
  3. que [six ans ray�] deux ans {Ms}
  4. qui [lui �tait, � elle, naturellement odieuse ray�] r�pugnait {Ms}
  5. � Dresde {Ms}{LP} ♦ edans le Harr {CL}
  6. Cette note appara�t dans {CL}.
  7. comtesse de Loben {Ms}, {Lecou} ♦ comtesse Loeben {LP}
  8. cet alinea n'est pas entre guillemets dans {Lub}
  9. pas toutes les fautes {Ms}, {Lecou} ♦ pas les fautes {LP}
  10. L'autographe donne: on doit donner la pr�f�rence(note de Georges Lubin)
  11. variation est un mal {Ms} ♦ variation sont un mal {Lecou} et sq. ♦ variation est un mal {Lub} que nous suivons
  12. Le mar�chal avait �crit: j'ai eu part (note de Georges Lubin)
  13. Le mar�chal avait �crit: corriger (note de Georges Lubin)
  14. trop de soin. Le simple soldat pas d'alin�a dans {Lub}
  15. au bout des cinq ans {Ms} ♦ au bout de cinq ans {Lecou}
  16. d'hommes oppresseurs et opprim�s forme {LP}
  17. dans la solitude {Ms}{LP} ♦ dans sa solitude {CL}

Notes