GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-Lévy 1876

{Presse 5/10/54 1; LP T.1 1; CL [T.1 1]; Lub [T.1 3]} PREMIÈRE PARTIE
HISTOIRE D'UNE FAMILLE, DE FONTENOY
À MARENGO
a.

{Presse 20/10/54 1; LP 187; CL [137]; Lub [117]} V b

Après la Terreur c. — Fin de la prison et de l'exil. — Idée malencontreuse de Deschartres. — Nohant d. — Les bourgeois terroristes. — État moral des classes aisées — Passion musicale. — Paris sous le Directoire.



Enfin, le 4 fructidor (août 1794) e, madame Dupin fut réunie à son fils. Le terrible drame de la Révolution disparut un instant à leurs yeux. Tout entiers au bonheur de se retrouver, cette tendre mère et cet excellent enfant, oubliant tout ce qu'ils avaient souffert, tout ce qu'ils avaient perdu, tout ce qu'ils avaient vu, tout ce qui pouvait advenir encore, regardèrent ce jour comme le plus beau de leur vie.

Dans son empressement d'aller embrasser son fils à Passy, Madame Dupin n'ayant pas encore de certificats qui lui permissent de passer la barrière de Paris, et craignant d'être signalée à la porte Maillot, s'habilla en paysanne et alla prendre un bateau vers le quai des invalides pour traverser la Seine et gagner Passy à pied. C'était pour elle une course prodigieuse, car de sa vie elle ne sut marcher f. Soit {LP 188} habitude d'inaction, soit faiblesse organique des jambes, elle n'avait jamais été au bout d'une allée de jardin sans être épuisée de fatigue: et cependant elle était bien faite, dégagée, d'une santé excellente, et d'une beauté fraîche et calme qui avait toutes les apparences de la force.

Elle marcha pourtant sans y songer et si vite que Deschartres, dont le costume répondait au sien, avait peine à la suivre. Mais au passage du bateau, une futile circonstance {CL 138} pensa leur attirer de nouveaux malheurs g. {Lub 118} Le bateau se trouva plein de gens du peuple qui remarquèrent la blancheur du teint et des mains de ma grand'mère. Un brave volontaire de la République en fit tout haut la remarque. « voilà, dit-il, une petite maman de bonne mine qui n'a pas travaillé souvent. » Deschartres, ombrageux et malhabile à se contenir, lui répondit par un: Qu'est-ce que cela te fait h? qui fut mal accueilli. En même temps une des femmes du bateau mit la main sur un paquet bleu, qui sortait de la poche de Deschartres et l'élevant en l'air: « voilà! dit-elle, ce sont des aristocrates qui s'enfuient; si c'étaient des gens comme nous, ils ne brûleraient pas de la cire. » Et une autre continuant lestement l'inventaire des poches du pauvre pédagogue, y saisit un rouleau d'eau de Cologne, qui attira aux deux fugitifs une grêle de quolibets inquiétants.

Ce bon Deschartres, qui, malgré sa rudesse, {LP 189} était rempli d'attentions délicates, trop délicates dans la circonstance, avait cru faire merveille en se précautionnant pour ma grand'mère, et à son insu, de ces petites recherches de la civilisation qu'elle n'aurait point trouvées alors à Passy, ou qu'elle n'eût pu s'y procurer sans donner l'éveil aux voisins.

Il maudit son inspiration en voyant qu'elle allait devenir funeste à l'objet de ses soins; mais incapable de temporiser, il se leva au milieu du bateau, grossissant i sa voix, montrant les poings et menaçant de jeter dans la rivière quiconque insulterait sa commère . Les hommes ne firent que rire de ses bravades, mais le batelier lui dit d'un ton dogmatique: « nous éclaircirons cette affaire-là au débarqué. » Et les femmes de crier bravo et de menacer avec énergie les aristocrates déguisés.

Déjà le gouvernement révolutionnaire se relâchait ouvertement du rigoureux système de la veille; mais le peuple {CL 139} n'abjurait pas encore ses droits et était prêt à se faire justice lui-même.

Alors ma grand'mère, par une de ces inspirations du cœur qui sont si puissantes chez les femmes, alla s'asseoir entre deux véritables commères qui l'injuriaient vivement, et leur prenant les mains: « aristocrate ou non, leur dit-elle, je suis une mère qui n'a pas vu son fils depuis six mois, qui a cru qu'elle ne le reverrait jamais, et qui va l'embrasser au risque de la vie. Voulez-vous me perdre? Eh bien, {LP 190} dénoncez-moi, tuez-moi au retour si vous {Lub 119} voulez; mais ne m'empêchez pas de voir mon fils aujourd'hui; je remets mon sort entre vos mains.

— Va, va, citoyenne, répondirent aussitôt ces braves femmes j, nous ne te voulons point de mal. Tu as raison de te fier à nous, nous aussi nous avons des enfants et nous les aimons. »

On abordait. Le batelier et les hommes du bateau, qui ne pouvaient digérer l'attitude de Deschartres, voulurent faire des difficultés pour l'empêcher de passer outre, mais les femmes avaient pris ma grand'mère sous leur protection. « Nous ne voulons pas de cela, dirent-elles aux hommes, respect au sexe! N'inquiétez pas cette citoyenne. Quant à son valet de chambre (c'est ainsi qu'elles qualifièrent le pauvre Deschartres), qu'il la suive. Il fait ses embarras, mais il n'est pas plus ci-devant que vous k. »

Madame Dupin embrassa ces bonnes commères l en pleurant, Deschartres prit le parti de rire de son aventure, et ils arrivèrent sans encombre à la petite maison de Passy, où Maurice, qui ne les attendait pas encore, faillit mourir de joie en embrassant sa mère. Je ne sais plus quel jour fut révoqué le décret contre les exilés, mais ce fut presque immédiatement après; ma grand'mère se mit en règle, j'ai encore ses certificats de résidence et de civisme, ce dernier motivé principalement sur ce que ses domestiques {LP 191} et {CL 140} Antoine, son valet de pied m, à leur tête, s'étaient, de l'aveu de toute la section, portés bravement à la prise de la bastille. C'étaient là de grandes leçons pour l'orgueil des ci-devant.

Mais ma grand'mère, sans admettre entièrement les conséquences sociales de ses idées philosophiques, n'avait point de préjugés qui la fissent rougir de devoir sa réintégration civique à la belle conduite de son domestique. Elle partit pour Nohant au commencement de l'an III avec son fils, Deschartres, Antoine et Mademoiselle Roumier, une vieille bonne qui avait élevé mon père, et qui mangeait toujours avec les maîtres. Nérina et Tristan ne furent point oubliés.

L'autre jour, pendant que j'écrivais dans ce recueil de souvenirs l'histoire de Nérina, mon fils Maurice retrouvait au fond d'un grenier de notre maison la plaque du collier de cette intéressante petite bête, avec cette inscription: « je m'appelle Nérina, j'appartiens à madame {Lub 120} Dupin, à Nohant près La Châtre. » Nous avons recueilli cet objet comme une relique. En 96, je retrouve dans les lettres de mon père la postérité de Nérina, composée de Tristan le pauvre enfant de la Terreur n, le compagnon d'exil, plus Spinette et Belle, ses sœurs puînées. Nérina avait fini ses jours sur les genoux de sa maîtresse. Elle a été enterrée dans notre jardin sous un rosier: encavée, comme disait le vieux jardinier, qui, en puriste berrichon, {LP 192} n'eût jamais appliqué le verbe enterrer à autre créature qu'à chrétien baptisé.

Nérina mourut jeune pour avoir eu une existence trop agitée. Tristan eut une longévité extraordinaire. Par une coïncidence bizarre, son caractère tendre et mélancolique répondait à son nom, et autant sa mère avait été active et inquiète, autant il fut calme et recueilli. Ma grand'mère le préféra toujours à toute la postérité de Nérina, et on conçoit qu'après avoir traversé de grandes crises, on s'attache à tous les êtres o, aux animaux même qui les ont traversées {CL 141} avec nous. Tristan fut donc choyé particulièrement et vécut presque tout le reste de la vie de mon père, car il existait encore dans les jours de ma première enfance, et je me souviens d'avoir joué avec lui, bien qu'il ne jouât pas volontiers et eût habituellement la figure d'un chien qui s'absorbe dans la contemplation du passé.

Je ne sais plus bien les dates p de l'histoire que je raconte; mais je vois qu'au 1er brumaire de l'an III (octobre 1794) ma grand'mère recevait des administrateurs du district de La Châtre une lettre avec l'épigraphe: Unité, indivisibilité de la République, liberté, égalité, fraternité ou la mort. La République était moralement morte, on en conservait les formules:

{LP 193} « À la citoyenne Dupin.

« Nous t'adressons copie du contrat de vente que t'a consenti Péaron q, le 3 août dernier (vieux style), et le mémoire nominatif des demandes qu'il te fait, etc.

» Salut et fraternité. »

(suivent trois signatures de gros bourgeois).


Comme ils étaient contents, ces bons bourgeois, ces grands enfants émancipés de la veille, de tutoyer la {Lub 121} modeste châtelaine de Nohant, et de traiter de Péaron tout court l'ex-seigneur, celui qu'ils avaient appelé naguère m le comte de Serennes! Ma grand'mère en souriait et ne s'en trouvait point offensée. Mais elle remarquait que les paysans ne tutoyaient point ces messieurs, et elle savait gré à son menuisier de la tutoyer sans façon. Elle y voyait une préférence d'amitié dont elle jouissait avec un peu de malice.

Un jour qu'elle était avec son fils dans la maisonnette de ce menuisier, alors percepteur de sa commune, républicain hardi et intelligent, qui fut pendant toute sa vie notre {CL 142} ami dévoué et dont j'ai reçu le dernier soupir, deux bourgeois de La Châtre passèrent {LP 194} devant la porte, fort avinés, et trouvèrent brave d'insulter une femme et un enfant, de les menacer de la guillotine, et de se donner des airs de Robespierre au petit pied, eux qui mentalement, avec toute leur caste, venaient de tuer Robespierre et la révolution. Mon père, qui n'avait que seize ans, se précipita vers eux, saisit un de leurs chevaux à la bride, et les somma de descendre pour se battre avec lui. Godard, le menuisier-percepteur, vint à son aide, armé d'un grand compas dont il voulait, disait-il, mesurer ces messieurs. Les messieurs ne répondirent point à la provocation et piquèrent des deux. Ils étaient ivres, c'est ce qui les excuse. Ils sont aujourd'hui* ardents conservateurs et dynastiques: mais ils sont vieux, c'est ce qui les absout.

* 1847.

Leur colère s'expliquait, au reste, par un motif particulier. L'un d'eux, nommé par le district administrateur des revenus de Nohant pendant l'exécution de la loi sur les suspects, avait jugé à propos de se les approprier en grande partie et de présenter des comptes erronés r tant à la République qu'à ma grand'mère. Celle-ci plaida et l'amena à restitution s. Mais ce procès dura deux ans, et pendant tout ce temps ma grand'mère, ne touchant t que les revenus de Nohant qui ne s'élevaient pas alors à quatre mille u francs, et devant payer de l'argent emprunté {LP 195} en 93 pour subvenir aux emprunts forcés et dons patriotiques dits volontaires v, se trouva réduite à une gêne extrême. Pendant plus d'une année, on ne vécut que du revenu du jardin, qui fournissait au marché pour 12 ou 15 fr. w {Lub 122} de légumes chaque semaine. Peu à peu sa position se liquida et fut améliorée; mais, à partir de la Révolution, son revenu ne s'éleva jamais à 15 000 livres de rente.

{CL 143} Grâce à un ordre admirable et à une grande résignation aux habitudes modestes qu'il lui fallut prendre, elle fit face à tout, et je lui ai souvent entendu dire en riant qu'elle n'avait jamais été aussi riche que depuis qu'elle était pauvre.

Je dirai quelques mots de cette terre de Nohant où j'ai été élevée, où j'ai passé presque toute ma vie et où je souhaiterais pouvoir mourir x.

Le revenu en est peu considérable, l'habitation est simple et commode. Le pays est sans beauté, bien que situé au centre de la vallée Noire, qui est un vaste et admirable site. Mais précisément cette position centrale dans la partie la plus nivelée {Presse 20/10/54 2} et la moins élevée du pays, dans une large veine de terres à froment, nous prive des accidents variés et du coup d'œil y étendu dont on jouit sur les hauteurs et sur les pentes. Nous avons pourtant de grands horizons bleus et quelque mouvement de terrain autour de nous, et, en comparaison de la Beauce ou de la Brie, c'est une vue magnifique; mais, en comparaison des {LP 196} ravissants détails que nous trouvons en descendant jusqu'au lit caché de la rivière, à un quart de lieue de notre porte, et des riantes perspectives que nous embrassons en montant sur les coteaux qui nous dominent, c'est un paysage nu et borné.

Quoi qu'il en soit, il nous plaît et nous l'aimons. Ma grand'mère l'aima aussi, et mon père y vint chercher de douces heures de repos à travers les agitations de sa vie. Ces sillons de terres brunes et grasses, ces gros noyers tout ronds, ces petits chemins ombragés, ces buissons en désordre, ce cimetière plein d'herbes, ce petit clocher couvert en tuiles, ce porche de bois brut z, ces grands ormeaux délabrés, ces maisonnettes de paysan entourées de leurs jolis enclos, de leurs berceaux de vigne et de leurs vertes chenevières, tout cela devient doux à la vue et cher à la pensée quand on a vécu si longtemps dans ce milieu calme, humble et silencieux.

{CL 144} Le château, si château il y a (car ce n'est qu'une médiocre maison du temps de Louis XVI), touche au hameau et se pose au bord de la place champêtre sans plus de faste qu'une habitation villageoise. Les feux de {Lub 123} la commune, au nombre de deux ou trois cents, sont fort dispersés dans la campagne; mais il s'en trouve une vingtaine qui se resserrent auprès de la maison, comme qui dirait porte à porte, et il faut vivre d'accord avec le paysan, qui est aisé, indépendant, et qui entre chez vous comme chez lui. {LP 197} Nous nous en sommes toujours bien trouvés, et, bien qu'en général les propriétaires aisés se plaignent du voisinage des ménageots, il n'y a pas tant à se plaindre des enfants, des poules et des chèvres de ces voisins-là, qu'il n'y a à se louer de leur obligeance et de leur bon caractère aa.

Les gens de Nohant, tous paysans, tous petits propriétaires (on me permettra bien d'en parler et d'en dire du bien, puisque, par exception, je prétends que le paysan peut être bon voisin et bon ami), sont d'une humeur facétieuse sous un air de gravité. Ils ont de bonnes mœurs, un reste de piété sans fanatisme, une grande décence dans leur tenue et dans leurs manières, une activité lente mais soutenue, de l'ordre, une propreté extrême, de l'esprit naturel et de la franchise ab. Sauf une ou deux exceptions, je n'ai jamais eu que des relations agréables ac avec ces honnêtes gens. Je ne leur ai pourtant jamais fait la cour, je ne les ai point avilis par ce qu'on appelle des bienfaits. Je leur ai rendu des services et ils se sont acquittés envers moi selon leurs moyens, de leur plein gré, et dans la mesure de leur bonté ou de leur intelligence. Pourtant, ils ne me doivent rien, car tel petit secours, telle bonne parole, telle légère preuve d'un dévouement vrai valent autant que tout ce que nous pouvons faire. Ils ne sont ni flatteurs ni rampants, et chaque jour je leur ai vu ad prendre plus de fierté bien placée, plus de hardiesse {LP 198} bien entendue, sans que {CL 145} jamais ils aient abusé de la confiance qui leur était témoignée. Ils ne sont point grossiers non plus. Ils ont plus de tact, de réserve et de politesse que je n'en ai vu régner toujours parmi ceux ae qu'on appelle les gens bien élevés.

Telle était l'opinion de ma grand'mère sur leur compte. Elle vécut vingt-huit ans parmi eux et n'eut jamais qu'à s'en louer. Deschartres, avec son caractère irritable et son amour-propre chatouilleux, n'eut pas avec eux la vie aussi douce, et je l'ai toujours entendu déclamer contre la ruse, la friponnerie et la stupidité du paysan. Ma grand'mère réparait ses bévues, et lui, par le {Lub 124} zèle et l'humanité qui vivaient au fond de son cœur, il se fit pardonner ses prétentions ridicules et les emportements injustes de son tempérament.

J'aurai à revenir af souvent sur le chapitre des gens de campagne, comme ils s'intitulent eux-mêmes; car depuis la révolution, l'épithète de paysan leur est devenue injurieuse, synonyme de butor ag et de mal-appris.

Ma grand'mère passa plusieurs années à Nohant, occupée à continuer avec Deschartres l'éducation de mon père, et à mettre de l'ordre dans sa situation matérielle. Quant à sa situation morale, elle est bien tracée dans une page de son écriture que je retrouve et qui se rapporte à cette époque. Je ne garantis pas que cette page soit d'elle. Elle avait l'habitude de {LP 199} copier des fragments ou de faire des extraits de ses lectures. Quoi qu'il en soit, les réflexions que je vais transcrire peignent très-bien l'état moral de toute une caste de la société après la Terreur.

« On est fondé à contester le jugement rigoureux de l'Europe, qui, à la vue de toutes les horreurs dont la France a été le théâtre, se permet de les attribuer à un caractère particulier et à la perversité innée d'une si nombreuse portion d'un grand peuple. Dieu garde les autres nations d'être jamais instruites par leur {CL 146} expérience des fureurs dont les hommes de tous les pays sont susceptibles quand ils ne sont plus retenus par aucun lien, quand on a donné au rouage social une si violente secousse que personne ne sait plus où il est, ne voit plus les mêmes objets et ne peut plus se confier à ses anciennes opinions! Tout changera peut-être si le gouvernement devient meilleur, s'il se rassoit et s'il renonce à se jouer de la faiblesse des hommes. Hélas! recherchons l'espérance, puisque nos souvenlrs nous tuent. Courons après l'avenir, puisque le présent est dépourvu de consolation. Et vous qui devez guider le jugement de la postérité, vous qui souvent le fixez pour toujours, écrivains de l'histoire, suspendez vos récits afin de pouvoir en adoucir l'impression par le signalement d'une régénération et d'un repentir. N'achevez pas au moins votre tableau avant de pouvoir indiquer la {LP 200} première lueur de l'aurore dans le lointain de cette effroyable nuit. Parlez du courage des Français, parlez de leur vaillance, et jetez, s'il se peut, un voile sur les actions qui ont souillé leur gloire et terni l'éclat de leurs triomphes!

{Lub 125} » Les Français ont tous la fatigue du malheur. Ils ont été brisés ou courbés par des événements d'une force surnaturelle, et, après avoir éprouvé la rigueur d'une lourde oppression, ils ne forment plus aucun des souhaits qui appartiennent à une situation différente. Leurs vœux sont bornés, leurs désirs sont restreints, et ils seront contents s'ils peuvent croire à la suspension de leurs inquiétudes. Une horrible tyrannie les a préparés à compter parmi les biens la sûreté de la vie.

« L'esprit public s'est affaibli et languira longtemps, effet inévitable d'une catastrophe inouïe et d'une persécution sans modèle. On a tellement vécu de ses peines qu'on a perdu l'habitude de s'associer à l'intérêt général. Les dangers personnels, quand ils atteignent une certaine {CL 147} limite, bouleversent tous les rapports, et l'oubli de l'espérance change presque notre nature. Il faut un peu de bonheur pour se livrer à l'amour de la communauté. Il faut un peu de superflu de soi pour donner quelque chose de soi aux autres... »


Quel que soit l'auteur de ce fragment, il n'est pas sans beauté, et ma grand'mère était fort capable de {LP 201} l'écrire. C'était du moins l'expression de sa pensée, si tant est qu'elle n'ait pris ah que la peine de le copier. Il y a aussi de la vérité dans ce tableau de l'époque et une justice relative dans les plaintes de ceux qui ont souffert sans utilité apparente. Enfin, il y a une sorte de grandeur à eux de reprocher au gouvernement révolutionnaire plutôt la perte de leur âme que celle de leur existence ai.

Mais il y a aussi une contradiction manifeste, comme il s'en trouve toujours dans les jugements de l'intérêt particulier. Il y est dit que les français ont été grands par le courage, par la victoire, ce qui suppose un grand élan donné au patriotisme: et tout aussitôt l'auteur présente la peinture de l'abattement et de l'égoïsme qui s'emparent de ces mêmes français devenus insensibles aux peines d'autrui pour avoir trop souffert eux-mêmes. C'est que ce ne furent pas les mêmes français, voilà tout. Les heureux d'hier, ceux qui avaient longtemps disposé du bonheur d'autrui, durent faire un grand effort pour s'habituer à un sort précaire. Les meilleurs d'entre eux, ma grand'mère par exemple, gémirent de n'avoir plus rien à donner, et de voir des souffrances qu'ils ne pouvaient plus soulager. En leur ôtant la fonction de bienfaiteurs du pauvre, on {Lub 126} les contristait profondément, et les bienfaits de la société renouvelée n'étaient pas sensibles encore. Ils pouvaient l'être d'autant moins que cette régénération avortait {LP 202} en naissant, que la bourgeoisie prenait déjà le dessus, et qu'à l'époque où ma grand'mère jugeait la société, elle {CL 148} assistait, sans s'en rendre compte, à l'agonie des droits et des espérances du peuple.

Quant aux français des armées, ils étaient nécessairement les amis de tout ce qui était resté en France. Ils défendaient et le peuple, et la bourgeoisie, et la noblesse patriote. Héroïques martyrs de la liberté, ils avaient une mission incontestable et glorieuse dans tous les temps, à tous les points de vue, celle de garder le territoire national; sans doute le feu sacré n'était point perdu sur cette terre de France qui produisait en un clin d'œil de pareilles armées.

Par contraste avec l'éloquente lamentation que je viens de rapporter, je citerai de nouveaux fragments de la correspondance de mon père, où l'époque se montre telle qu'elle fut à la surface, au lendemain du régime austère de la convention. Ce tableau donne un démenti aux prédictions tristes du fragment. On y voit la légèreté, l'enivrement, la téméraire insouciance de la jeunesse, avide de ressaisir les amusements dont elle a été longtemps sevrée; la noblesse retournant à Paris demi-morte, demi-ruinée, mais préférant à l'austère vie des châteaux le spectacle du triomphe de la bourgeoisie; le luxe exploité par les nouveaux pouvoirs comme moyen {LP 203} de réaction; le peuple lui-même perdant la tête et donnant la main au retour du passé aj.

La France offrait d'ailleurs à ce moment-là l'étrange spectacle d'une société qui veut sortir de l'anarchie et qui ne sait encore si elle se servira du passé ou si elle comptera sur l'avenir pour retrouver les formes qui garantissent l'ordre et la sûreté individuelle. L'esprit public s'en allait. Il ne vivait plus que dans les armées. La réaction elle-même, cette réaction royaliste, aussi cruelle et aussi sanglante que les excès du jacobinisme, commençait à s'apaiser. La Vendée avait rendu le dernier soupir en Berry, à l'affaire de Palluau (mai 96). Un chef royaliste du nom de {CL 149} Dupin, mais qui n'était pas notre parent, que je sache, avait organisé cette dernière tentative. Mon père eût été d'âge alors à s'en mêler, si telle eût été son {Lub 127} opinion, et la bravoure ne lui eût pas manqué pour un effort désespéré. Mais mon père n'était pas royaliste et ne le fut jamais. Quel que fût l'avenir (et, à cette époque, malgré les victoires de Bonaparte en Italie, nul ne prévoyait le retour du despotisme), cet enfant condamnait et abjurait le passé sans arrière pensée, sans regret aucun. Sa mère et lui, purs de toute participation secrète, de toute complicité morale avec les fureurs des partis et les vengeances intéressées, se laissaient bercer par le flot encore agité des derniers frémissements populaires. Ils attendaient les événements, {LP 204} elle, les jugeant avec une impartialité philosophique; lui, désirant l'indépendance de la patrie et le règne des théories incomplètes mais généreuses des écrivains du dix-huitième siècle. Bientôt il devait aller chercher à l'armée le dernier souffle de cette vie républicaine, et comme sa mère était quelquefois effrayée des aspirations qui lui échappaient, elle cherchait à l'en distraire par les douces jouissances de l'art et l'attrait de distractions permises. 1

{Presse 27/10/54 1} Quelques mots ak sur la personne de mon père avant de le faire parler en 96. Depuis 1794, il avait beaucoup étudié avec Deschartres, mais il n'était pas devenu fort en fait d'études classiques. C'était une nature d'artiste, et il n'y avait que les leçons de sa mère qui lui profitassent. La musique, les langues vivantes, la déclamation, le dessin, la littérature avaient pour lui un attrait passionné. Il ne mordait ni aux mathématiques, ni au grec, et médiocrement au latin. La musique l'emporta toujours sur tout le reste. Son violon fut le compagnon de sa vie. Il avait en outre {CL 150} une voix magnifique et chantait admirablement. Il était tout instinct, tout cœur, tout élan, tout courage, tout confiance; aimant tout ce qui était beau et s'y jetant tout entier sans s'inquiéter du résultat plus que des causes. Beaucoup plus {LP 205} républicain d'instinct, sinon de principes, que sa mère, il personnifia admirablement la phase chevaleresque des dernières guerres de la République et des premières guerres de l'Empire. Mais en 96 il n'était encore qu'artiste al, et voici une lettre qui rappelle le délire musical si souvent et si bien peint par Hoffmann:

{Lub 128} 24 juillet am 1796.

Je suis à Argenton, ma bonne mère. J'ai laissé passer un jour de courrier sans t'écrire, l'ayant employé à dormir. Figure-toi que le jour de mon arrivée je trouvai an tous les musiciens de Châteauroux chez M. de Scévole. Le prieur de Chantôme, qui est une fort bonne basse et un aimable homme, y était aussi; après souper ao, nous nous mimes, au nombre de huit, dans un pavillon au bout du jardin, où nous jouâmes ap des symphonies de Pleyel jusqu'à trois heures du matin. L'orchestre était complet: bonne basse, bons instruments à vent, bonne musique; c'était charmant. Le lendemain on fut ehez madame de Ligondais. À six heures le conncert s'ouvrit par une symphonie dont je menai lc premier violon à livre ouvert sans faire une faute, M. Thibault, le virtuose de l'endroit, n'étant pas encore arrivé. Il vint enfin, et je lui rendis sa place avec bien du plaisir, car cela devenait difficile et eût {LP 206} pu compromettre ma réputation. Je jouai ensuite un quatuor de Pleyel; je n'ai jamais si bien détaché de ma vie. À chaque passage j'étais interrompu par de bruyants applaudissements. Mon triomphe fut commplet. J'étais debout devant cinquante personnes, avec une audace, une impudence! ne tremblant pas plus qu'une {CL 151} contrebasse. À dix heures, le concert fini, tous les musiciens soupèrent chez M. de Scévole. Au dessert, animés par d'excellent vin de Champagne, le gros prieur apporta sa basse sur la table et nous fit jurer dessus de ne nous quitter aq qu'au jour. Nous mettons habit bas, nous courons au pavillon. Nous avions l'air d'énergumènes! Et là nous avons fait de la musique jusqu'au grand jour. Le prieur se relayait à la basse avec un monnsieur de Châteauroux, M. de Scévole à l'alto avec un de ses voisins. Moi, je n'ai pas quitté ma chaise pendant toute la nuit. Je déchiffrais comme un fou, rien ne m'arrêtait plus. J'étais un peu gris; je volais dans des nuages de notes sans en croquer une seule. Nous quittâmes à cinq heures et nous fîmes réveillon; c'était un bruit, c'étaient des rires!..... J'ai dormi jusqu'à midi et je me porte à merveille. Adieu, ma bonne mère; on m'appelle pour recommencer.

Je t'aime et je t'embrasse de toute mon âme.

MAURICE.


{LP 207; Lub 129} À l'automne de la même année, ma grand'mère envoya son cher Maurice à Paris, soit pour le distraire d'une longue retraite, soit pour d'autres motifs plus sérieux que les lettres semblent indiquer, mais que je ne sais point. Peu importe, il s'agit de la physionomie de Paris sous le Directoire.

Avant d'y arriver, jetons un coup d'œil sur la route. Aujourd'hui (1847) nous allons de Nohant à Paris en dix heures; alors il fallait huit ou dix jours. Les diligences de Châteauroux à Orléans étaient d'affreuses pataches si mal servies, que le plus prompt était de faire le voyage à cheval à petites journées. Le chemin d'Issoudun à Vierzon étant le plus direct, mon père et Deschartres le prirent; mais ce n'étaient que ravins, précipices, rivières peu guéables, {CL 152} fondrières de tout calibre, si bien que dans une de ses lettres (car je n'en citerai que quelques-unes), Maurice prie sa mère de lui renvoyer ses chevaux par la voie la plus longue, qui est un peu plus praticable. D'Orléans à Paris, on ne trouvait de voitures que deux fois la semaine, et quelles voitures! « Du moins, dit mon père, on marche sur cette route-là! Il ne faut que dix-huit heures pour aller d'Orléans à Paris! » (Il se trompait, il en fallait vingt-quatre.)

Mais laissons-le parler:

Me voilà enfin à Orléans, ma bonne mère, et je trouve qu'il y a déjà bien longtemps que je ne {LP 208} t'ai vue. Deschartres est allé courir pour nous trouver des places, et moi je reste pour causer avec toi. Je suis à peine fatigué. Entre la Ferté-Saint-Chaumont et la Ferté-Lowendal, nous avons failli retourner vers toi. La route est bordée de moulins à vent, et, du plus loin que ma jument les aperçut, elle s'enleva sur les pieds de derrière et se tourna tout droit sur le Berry. J'avais envie de la laisser faire. Deschartres s'obstinait avec sa monture, qui imitait les sottises de la mienne. Il imagina de leur bander les yeux, mais ce fut bien pis, et il fallut prendre dans la campagne. On commence pourtant ici à voir des figures humaines. J'ai rencontré en arrivant un muscadin et un cabriolet! J'espère que bientôt nous en verrons une plus grande quantité. J'admire Orléans, j'admire le pont, j'admire les {Lub 130} maisons, j'admire les passants! je suis comme un hébété. Que sera-ce donc à Paris?

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Paris.

Nous sommes restés toute la soirée à Orléans, Deschartres n'ayant pu trouver de places à la diliigence. Je t'ai mandé, ma bonne mère, que j'admirais le pont, les passants: {CL 153} c'était bien autre chose {LP 209} quand j'entrai dans la rue Royale; c'était de l'extase! Revenu un peu à moi, j'allai voir le jeune d'Orsanne et nous fûmes enchantés de nous retrouver. Il me mena promener sur le mail, sur le port, sur le pont, ensuite au spectacle. On donnait Les Amours de Bayard et La Fausse Magie. Jamais drame n'a été joué, je crois, d'une façon plus comique. La Palisse était Gascon, Bayard un gros pitre qui mettait son chapeau à deux mains, Sotomajor était doré et frippé comme une vieille marionnette. Je me tenais les côtes, et dans les endroits les plus tragiques j'éclatais de rire, au grand scandale de mes voisins, qui trouvaient la représentation superbe. Enfin nous sommes arrivés ici en vingt-quatre heures, à bon port, moi neuvième, traînés par trois chevaux qui allaient le trot ar. Ce sont des enragés de la première espèce. Le cocher, encore plus enragé qu'eux, trouva plaisant, en descendant la montagne d'Étampes, de les laisser courir. La voiture les poursuivait et eût été tout aussi vite sans eux. Nous ne roulions pas, nous étions précipités. Les uns juraient, les autres voulaient descendre. Une élégannte en perruque blonde soutenait qu'elle allait mourir de peur. Pour moi, je goûtais fort cette façon d'aller et je criais: « Fouette, cocher. — Mais, monsieur, taisez-vous donc! nous allons être tués. — Non, messieurs, nous n'en arriverons que plus lestement. C'est la vrale manière de voyager. »

{LP 210} Et la voiture de fendre l'air, et chacun de se cramponner à son voisin. Et moi d'engager la voiturée à donner pour boire au cocher en arrivant. La course impétueuse se ralentit enfin, et on s'arrêta non loin d'une auberge où chacun, en soupant, se remit de sa frayeur.

Tu te doutes de la manière joyeuse dont j'ai fait mon entrée à Paris. Sur-le-champ j'ai couru chez madame de Jasseau. Le plaisir de se revoir après si longtemps a été {Lub 131} égal de part et d'autre. De là, j'ai été au café de la {CL 154} Régence pour trouver M. Hékel; j'y suis entré en courant et en chantant, mais je n'y ai vu que des gens profondément absorbés dans leur partie d'échecs, qui me regardaient de travers et semblaient dire: « Que vient faire ici ce profane? » Ne trouvant point là mon ami, d'un saut j'ai bondi hors de cet ennuyeux séjour. J'ai été au café Valois, où j'espérais encore le trouver. La première personne que j'y ai aperçue, c'est M. de Préville, qui m'apprit que M. et madame de la Roche-Dragon étaient à Paris depuis deux jours. Ne trouvant point encore là celui que nous cherchions, nous nous rendîmes chez son restaurateur... point! Mais enfin, rue des Petits-Champs, nous le rencontrons face à face. Dans la joie où nous étions, nous regagnons le Palais-Royal, nous traversons la cour des Fontaines, et toujours parlant, riant et nous embrassant, nous voilà je ne sais où. Enfin, M. Hékel, s'arrêtant le {LP 211} premier, demanda où nous allions. « Je n'en sais rien » fut la réponse générale. Il reprit gravement: « Nous sommes fous, il faut aller dîner. » Ce qui fut dit fut fait. Après dîner, nous fûmes voir Abufar et Le Dédit. Comme j'avais passé la nuit fort éveillé en diligence, je m'endormis profondément au dernier acte. En rentrant, je trouve un billet chez le portier: « Nous sommes arrivés ce soir, et vous ce matin. Nous allons enfin nous revoir! nous sommes toujours rue d'Angoulême; à demain. »

C'était M. de La Blottais as et son fils. Quelle étonnnante rencontre! À sept heures du matin j'y étals déjà, et déjà il était sorti; mais j'ai trouvé Amand, et je te raconterai de vive voix tout ce qu'il m'a appris. J'ai vu ensuite Amédée. Puis j'ai été déjeuuner chez M. Hékel. Le soir nous avons été voir Didon et le ballet de Psyché. Je n'ai pas perdu une note ni un pas. Mon Dieu, ma bonne mère, comme j'ai pensé à toi, comme je te regrettais! Une salle magnifique, un monde immense, un spectacle {CL 155} sublime! Lainé s'est surpassé; toujours la voix un peu tremblante, mais une noblesse! une âme! un jeu! c'est un homme qui... ah!... un homme, enfin!... J'applaudissais à tout rompre. Didon était jouée par une débutante qui annonce le plus grand talent et qui chante par merveille.

Le ballet de Psyché est embelli à un point étonnnant. La décoration du second acte est toute changée. {LP 212} Ce n'est plus ce vilain palais rouge, c'est un portique superbe, une {Lub 132} perspective immense. Tout est embelli. L'Amour n'entre plus dans son palais par la porte, c'est sur un nuage qu'il arrive. Zéphyre est un jeune danseur charmant, fait au tour, qui égalera peut-être Vestris. Enfin jamais spectacle ne fut plus complétement admirable. Ce matin j'ai été chez madame de Ferrières, ensuite chez madame de Jasseau avec M. de Pernon. Nous avons mangé des huîtres et bu du vin de Champagne. Nos rires et notre joie n'étaient interrompus que par le regret de ton absence. Nous avons bu à ta santé et parlé de toi, ah!... Je reviens de chez madame de Bérenger at 2, qui a été un moment sans me reconnaître. Elle me trouve changé depuis les pieds jusqu'à la tête. J'ai passé chez madame de Vézelay au, et me voilà. Je te ferai les détails verbalement; mais on t'aime bien, va, et avec quelle joie on se retrouve! c'est comme dans un rêve! Que je te remercie de m'avoir envoyé à Paris! Que je voudrais être près de toi à Nohant! Que je suis content! Que je te regrette!

Je t'embrasse mille fois de toute mon âme.

MAURICE.

{LP 213; CL 156} DE DESCHARTRES À MADAME DUPIN.

3 vendémiaire an V.

Enfin voilà des nouvelles! allez-vous dire. Comment attendre si longtemps sans écrire! Que font-ils? Que deviennent-ils? Vous avez raison de gronnder, et de gronder bien fort. Votre fils est un étourdi, il a laissé passer l'heure du dernier courrier. — Du reste votre fils paraît très-raisonnable. Je ne doute point qu'on ne vous en fasse de grands éloges. Beaucoup de personnes ne le reconnaissent point au premier abord; tout le monde le trouve charmant. Il faut bien qu'il y ait quelque chose de vrai; mais il n'est point encore ce qu'il sera, et ce qu'il faut qu'il soit. Je ne vous parle point de nouvelles. Il n'en existe point d'autres que celles qui sont rapportées dans les journaux, c'est-à-dire une quatrième défaite de Jourdan*. Quelque désastreuses qu'elles soient, elles ne {Lub 133} font ici aucune impression. {LP 214} On ne s'en occupe point. Jamais je n'ai vu Paris si indifférent au sort de la France.

* Jourdan commandait alors l'armée de Sambre-et-Meuse; Moreau, l'armée de Rhin-et-Moselle. Ils combattaient sur le Rhin {Lub 133} contre l'archiduc Charles. La quatrième défaite de Jourdan, qui termina la campagne, fut glorieuse pour nos troupes.

Tout est extrêmement cher ici. On ne croirait pas ce que le voyage d'Orléans à Paris nous a coûté. Il faudra que Saint-Jean nous ramène nos montures, car il n'y a plus de diligences proprement dites. Il faut prévenir un mois d'avance pour avoir des places, d'où il résulte qu'à l'heure qu'il est, et pendant que Paris est le centre de toutes aises et de tout luxe, on ne peut traverser la France qu'à pied ou à cheval.

{CL 157} Adieu, madame; que l'absence de votre fils ne vous cause point un ennui préjudiciable à votre santé. Prenez-en soin surtout! etc.

DE MAURICE À SA MÈRE.

2 octobre 1796.

..... J'ai été hier à un très-beau concert qui s'est donné au théâtre de Louvois. C'était Guénin et le vieux Gaviniès qui conduisaient l'orchestre. Tu sais, notre vieux Gaviniès, qui a si bien connu mon père et Rousseau du temps du Devin du village, et qui a fait si singulièrement connaissance avec moi à Passy {LP 215} du temps de mon exil. Eh bien, le public lui a fait répéter sa romance, et il s'en est si bien tiré qu'il a été, à la lettre, couvert d'applaudissements av. Pour un homme de soixante-quinze ans, ce n'est pas mal! Cela m'a fait un bien grand plaisir!

Je te donne à deviner en mille qui j'ai rencontré encore et reconnu à ce concert. Sous un habit à la mode, avec des souliers dégagés et des oreilles de chien, j'ai vu le sans-culotte Soubielle aw, et je lui ai parlé. C'est un merveilleux! Voila de ces rencontres il mourir de rire. Il m'a beaucoup demandé de tes nouvelles. Il n'était pas si galant en l'an II!

Adieu, ma bonne mère, l'heure me presse, je vais à l'Opéra. Je te regrette à tous les instants. Tous les plaisirs que je goûte loin de toi sont imparfaits. Je t'embrasse mille fois.

Et je fais mille amitiés à ma bête de bonne.

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{CL 158; Lub 134} ax8 vendémiaire ay.

Ne te fais donc pas d'inquiétudes, ma bonne mère. On ne conçoit rien à la manière dont les postes sont servies. Tantôt les lettres mettent six jours pour faire quatre-vingts lieues, tantôt quinze {LP 216 } et tantôt plus, car M. de la Dominière n'a reçu qu'avant-hier celle que tu lui as écrite il y a un mois. C'est à n'y rien comprendre.

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J'ai été voir avant-hier Œdipe et le ballet de Psyché. J'étais absolument en face, à dix pas du théâtre, et j'étais au parterre, car à présent az c'est un amphithéâtre magnifique qui part de l'orchestre et va jusqu'aux premières. On y est assis comme dans ton grand fauteuil. On y voit par merveille, on y entend encore mieux; enfin, c'est la meilleure place de la salle. Comme je pensais à toi! comme je te regrettais en écoutant l'opéra avec attention! Je ne perdais pas une seule partie de l'orchestre. Hier, j'ai été avec MM. Hékel et d'Heuzé voir l'Intérieur des comités révolutionnaires. On y arrange bien les Jacobins ba!

Toutes les personnes que je vois me demandent si tu veux rester encore cet hiver en province, et quand je leur dis oui, ce sont des exclamations, des étonnements sans fin. Elles ne conçoivent rien à notre manière de voir. Pour moi, hélas! je ne la conçois que trop.

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{LP 217} 3 octobre bb.

Je t'ai quittée l'autre jour pour aller à l'Opéra. On devait donner Corisande, ce fut Renaud. Mais rien ne contrarie un provincial. J'écoutai d'un bout à l'autre avec le plus grand plaisir. J'étais à l'orchestre. M. Hékel connaît {CL 159} Ginguené, directeur du jury des arts, et tous les jours d'Opéra Ginguené lui fait présent de deux billets d'orchestre. C'est là où va ce qu'on appelle à présent la bonne compagnie. Vous y voyez des femmes charmantes, d'une élégance merveilleuse; mais si elles ouvrent la bouche, tout est perdu. Vous entendez: Sacresti! que c'est bien dansé! ou bien: Il fait un chaud du diable! Vous sortez, des voitures brillantes et bruyantes reçoivent tout ce beau monde, et les braves gens s'en {Lub 135} retournent à pied, et se vengent par des sarcasmes des éclaboussures qu'ils reçoivent. On crie: Place à M. le fournisseur des prisons! — Place à M. le brise-scellés!

Mais ils vont toujours et s'en moquent. Quoique tout soit renversé, on peut encore dire comme autrefois: L'honnête homme à pied, et le faquin en litière. Ce sont d'autres faquins, voilà tout.

Adieu, ma bonne mère. J'irai encore ce soir à l'Opéra. Ce matin, M. Hékel me fait dîner avec M. le duc bc. Je t'embrasse comme je t'aime.

{LP 218} bd5 octobre.

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J'ai déjeuné avec M. le duc, qui m'a comblé de prévenances et d'amitiés. Je vais demain avec mon ami et le sien dîner à la campagne. Cette connaisssance ne peut que m'être avantageuse. J'ai été le soir revoir Œdipe: Chéron, qui se croit attaqué de la poitrine, n'y chante plus; ce sont des mazettes qui le remplacent. Laisné me fait toujours plaisir. Hier j'ai été aux Italiens voir Rose et Colas et Arnil 3.

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Dis à ma bonne que ma queue perd beaucoup à ne plus être faite par elle; elle lui fait toutes sortes d'amitiés.

{CL 160} 8 octobre.

Que je suis donc malheureux de te causer de l'inquiétude! je t'écris pourtant tous les jours de courrier. J'ai trop de plaisir à m'entretenir avec toi pour en perdre l'occasion. Mais la poste nous joue des tours infâmes! Sois donc tranquille, ma bonne mère, je me porte à merveille, je cours comme un chat maigre. J'ai dîné avant-hier chez M. le duc; il {LP 219} demeure chez madame Delage, qui a la plus belle maison de Suresnes: je vais aujourd'hui chez le bailli de Frelon; c'est un dîner de gens importants.

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Le 9.

Maudite poste! j'espérais aujourd'hui une lettre de toi. Je suis rentré hier à trois heures, comptant là-dessus; {Lub 136} je n'en ai pas trouvé, et j'ai été triste tout le reste de la journée. J'ai été ce matin au Salon: il y avait trois Swebach 4, deux Bidault, quelques Van Spaendonck 5 et beaucoup d'enseignes d'auberges. Je ne manque pas un jour d'Opéra: j'ai vu Iphigénie en Aulide. Laisné s'est surpassé; c'est la perfection. J'ai vu aux Italiens le Bélisaire de Philidor il y a d'assez belles choses.

J'ai eu hier mes bottes à la hussarde, c'est la grande mode; elles vont dans la perfection, mon pantalon aussi; ma redingote est dans le goût le plus nouveau. On s'habille à présent comme des sacs: des petits collets rabattus d'un côté, de grandes croisures, des tailles énormes, des poches sur les côtés et les mains dedans; mode extrêmement prudente en ce temps-ci. Enfin, ma bonne mère, tu verras dans ma personne la fleur de la muscadinerie; tu verras! tu verras! C'est à mourir de rire.

{LP 220} Adieu, ma bonne mère, je vais faire mes visites dans {CL 161} mes habits neufs. Je t'embrasse de toute mou âme. Porte-toi bien surtout!

Je donne un grand coup de poing sur la tête de ma bonne, et je lui blanchis la figure avec la houppe. Comment va le cerbère Tristan-Belle-Spinette? est-il toujours roulé en boule sur le grand fauteuil?

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Le 11.

J'ai enfin vu Corisandre. Le quinque du second acte est exécuté dans la perfection; j'y ai été avec mon ami, qui a toujours ses poches pleines de billets. J'étais à l'orchestre, et de ma place j'avais le plaisir de lire la partition de Guénin; je me figurais presque faire le premier violon.

J'ai été hier chez madame de Nanteuil, qui m'a comblé d'amitiés. Je croyais n'y rester que cinq minutes, mais sa fille ainée était au piano; sur le piano un bon violon; je m'en empare et me mets à l'accompagner depuis midi jusqu'à trois heures; elle jouait précisément les plus jolies sonates de Pleyel, celles que j'ai accompagnées à M. de Scévole. Je les sais par cœur, aussi j'allais d'un train! je faiisais des passages d'un brillant! Pour comble de gloire, il est arrivé des visites qui ont bien vite fait be {LP 221} un auditoire nombreux; {Lub 137} c'était une rage, et voilà qu'aujourd'hui les invitations me pleuvent, je ne sais où donner de la tète.

Le 13.

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Je reçois tes deux lettres à la fois. La poste a jugé qu'elles s'ennuieraient de voyager seules, et elle les a mises de compagnie. Tu me fais tant de questions, ma bonne mère, que {CL 162} je n'y pourrai jamais répondre par écrit. Il y a une foule de choses que je te garde pour nos bonnes causeries du soir. J'ai fait toutes mes visites et toutes tes commissions. J'ai diné hier chez madame de Ferrières, et le soir elle m'a envoyé dans la loge de madame de Bar, avec d'Heuzé, sa sœur et deux autres jeunes personnes. C'était une société infiniment grave, et nous avons dit plus d'extravagances qu'il ne m'en passe par la tète en six mois. J'ai vu maître Guillotot; je l'ai trouvé dans son intérieur, le teint frais, gros et gras, la bouche vermeille, et venant de prendre une médecine de précaution. — J'ai fait visiter mes cheveux; loin de me les couper, on les a trouvés trop courts. On m'a dégagé l'oreille, et l'arrière-face doit tommber sur le collet de l'habit. La perfection de l'oreille de chien c'est, quand ils sont bien longs, de faire {LP 222} au bout quelques papillotes qu'on ne crêpe point. Quant aux nattes et à la queue, il n'y a rien à y changer. Que ma bonne se console et s'attende à me voir l'oreille découverte. Je lui dis d'ailleurs mille choses gracieuses, amicales et sottes. Adieu, ma bonne mère, je t'embrasse, je t'aime de toute mon âme.

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Le 15 bf.

Quoiqu'à pied, l'honnête homme se moque bien à Paris du mauvais temps! Il y a tant de choses à faire et à voir! Le matin je vais au Salon; de trois à six heures je dîne longuement en bonne compagnie: le soir je vais au spectacle, J'ai dîné chez madame de Ferrières avec toutes tes amies; j'ai été reçu à bras ouverts! Ah! comme on a parlé de toi! Le dîner était délicieux, servi en belle argenterie. {Lub 138} La République n'a pas tout pris. Les vins parfaits. Il y avait des jeunes gens très-gais, et nous avons fait rire aux éclats même M. de la Dominière! J'ai été le soir à la rue Feydeau {CL 163} voir l'École des pères et Les Fausses Confidences. Cette dernière pièce est absolument jouée comme avant 93: Fleury 6 avait le même habit; Dazincourt aussi.

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{LP 223} Le 17.

Que tu es bonne de vouloir t'ennuyer encore dans ta solitude, pour me laisser quelques jours de plus à Paris! Quelle trop bonne mère! Si tu y étais avec moi, je m'y amuserais bien davantage. Aujourd'hui j'ai joint l'utile à l'agréable, et il me semble que je suis au-dessus de moi-même. Mon ami M. Hékel m'a lu deux ouvrages de morale, l'un sur l'immortalité de l'âme, l'autre sur le vrai bonheur. Tout est admirable, profond, rapide, clair, éloquent; c'est l'hiver dernier qu'il les a composés, et il m'assure qu'il n'a eu pour but que de me développer les principes de la vertu.

J'ai eu hier un succès extraordinaire en chantant Œdipe chez madame de Chabert. Mais ces succès, à qui les dois-je? À ma bonne mère, qui a bien voulu s'ennuyer à m'enseigner, et qui en sait plus que tous les professeurs du monde! Après la musique on a dansé; nous étions tous en bottes, n'en sois pas scandalisée, c'est l'usage à présent: mais comme on danse mal en bottes! Par là-dessus, on s'est imaginé de prendre du thé, et c'est bien là le souper le plus fade et le plus économique qu'on puisse faire. Adieu, ma bonne mère, je t'embrasse de toute mon âme, et je fais à ma bonne trente-trois amitiés.

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{LP 224; CL 164} Le 19. bg

Tu me demandes si M. de La Blottais bh a reçu ta lettre. Je n'en sais rien; il est à la campagne et ne vient ici que furtivement, car il est sur la liste des émigrés. M. le duc me fait mille amitiés, je déjeune souvent avec lui, et s'il va {Lub 139} en Espagne, il passera par Nohant. Je lui ai bien dit que ce n'était pas à ce prix-là que nous voudrions le voir. Je suis ici absolument comme Panurge. Tout le monde m'invite, et je ne puis dîner chez tout le monde. — Dis à Saint-Jean de retirer ma jument du pré et de lui donner de l'avoine pour qu'elle ait le cœur aux voyages. C'est toujours le plus prompt et le meilleur marché que cette façon d'aller.

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Ce matin bi, j'ai encore déjeuné avec M. le duc et mon ami Hékel. Nous avons mangé comme des ogres et ri comme des fous... Et figure-toi que, comme nous marchions tous trois sur le pont Neuf, les poissardes nous ont entourés et ont embrassé M. le duc comme le fils de leur bon roi! Tu vois si l'esprit du peuple a changé! Mais je t'en parlerai verbalement, comme dit Bridoison.

Je cours faire mes visites d'adieu. Va, je ne regretterai point Paris, puisque je vais te retrouver.

Je dis mille brutalités à ma bonne; qu'elle {LP 225} s'apprête à me raser, car ici on m'a fait les crocs, j'effrayais tout le monde, et les voilà qui repoussent de rage.

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Deschartres a eu beau chercher un précepteur pour le fils de madame de Chandaire 7, il regarde la chose comme impossible à trouver dans ce temps-ci. La race en est perdue. Tous les jeunes gens qui se destinaient à l'éducation cherchent à se faire médecins, chirurgiens, avocats. Les plus robustes ont été employés pour la République. Depuis six ans, personne n'a travaillé, il faut bien le dire, et les livres {CL 165} ont eu tort. On ne voit que des gens qui cherchent des instituteurs pour leurs enfants, et qui n'en trouvent pas. Il y aura donc beaucoup d'ânes dans quelques années d'ici, et j'en serais un comme un autre sans Deschartres; que dis-je? sans ma bonne mère, qui aurait toujours suffi à former mon esprit et mon cœur.

Le 13.

Nous partons demain. Deschartres se décide enfin à mettre ses estimables jambes dans des bottes. Il n'y a pas moyen de lutter contre le torrent! C'est commode à cheval, mais non au bal. On ne fait plus que marcher {Lub 140} la contredanse. Dis à ma bonne {LP 226} que je vais m'en dédommager en la faisant sauter et pirouetter de gré ou de forée. Adieu, Paris... et bonjour à toi bientôt, ma bonne mère! je pars d'ici plus fou que je n'y suis venu; c'est qu'aussi tout le monde l'est un peu. Il suffit d'avoir la tête sur les épaules pour se croire heureux. Les parvenus s'en donnent à cœur joie, et le peuple a l'air d'être indifférent à tout; jamais le luxe n'a été si brillant... Bah! bah! adieu à toutes ces vanités, ma bonne mère s'ennuie et m'attend: tant pis pour ma jument. Je vais enfin t'embrasser! Peut-être arriverai-je avant cette lettre!

MAURICE.


Variantes

  1. Les titres de parties n'apparaissent qu'avec {CL}.
  2. Reprise de {Presse}:CHAPITRE CINQUIÈME {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ V {CL}
  3. L'argument de ce chapitre est d'une autre main (note de Georges Lubin)
  4. Nohant. — [Persistance des idées philosophiques rayé] {Ms}
  5. fructidor [22 rayé] (août 1794) {Ms}
  6. elle [n'a su rayé] marcher {Ms}
  7. de nouveaux [désagréments rayé] {Ms}
  8. cela [vous rayé] te fait {Ms}
  9. bateau, [élevant rayé] grossissant {Ms}
  10. ces [dignes rayé bleu] braves femmes [du peuple rayé bleu] {Ms}
  11. mais [c'est un citoyen comme vous rayé] il n'est pas plus ci-devant que vous {Ms}
  12. ces [braves parisiennes rayé bleu] ces bonnes commères {Ms}
  13. son valet de [chambre rayé] pied {Ms}
  14. enfant de [93 rayé] la terreur {Ms}
  15. crises [morales rayé], on s'attache [non seulement rayé] à tous les êtres {Ms}
  16. les dates {Ms}ces dates {Presse} ♦ les dates {Lecou} et sq.
  17. Péaron {Ms}Piaron {Presse} ♦ Péaron {Lub} qui rectifie et que nous suivons.
  18. V1 des comptes [frauduleux rayé] erronés {Ms}
  19. et [le força à payer rayé] l'amena à restitution {Ms}
  20. ne [possédant rayé] touchant {Ms}
  21. alors à [cinq rayé] quatre mille {Ms}
  22. patriotiques [soi-disant rayé] dits volontaires {Ms}
  23. 12, [15 à 20 rayé] ou 15 fr. {Ms} ♦ 12 ou 15 fr. {CL} ♦ 12 ou 15 francs {Lub}
  24. et [d'où je souhaiterais pouvoir ne jamais sortir rayé] où je souhaiterais pouvoir mourir {Ms}
  25. et du [vaste et large rayé] coup d'œil {Ms}
  26. ce porche rustique {Ms}ce porche antique {Presse} ♦ ce porche de bois brut {Lecou} et sq.
  27. obligeance [de leur bonne foi rayé bleu] et de leur bon caractère {Ms}
  28. franchise [Qu'on dise ce qu'on voudra de ma <mot illisible>]. Il y a quarante-trois ans qu'elle dure et rayé bleu] {Ms}
  29. relations [honorables rayé bleu] agréables {Ms}
  30. je leur [vois rayé] ai vu {Ms}
  31. régner parmi ceux {Ms}, {Presse} ♦ régner toujours parmi eux {Lecou}
  32. Je reviendrai {Ms} ♦ J'aurai à revenir {Presse} et sq.
  33. synonyme de [lourd rayé bleu] butor add. bleu {Ms}
  34. qu'elle n'eut pris {Ms}, {Presse}, {Lecou} ♦ qu'elle n'ait pris {LP} et sq.
  35. celle de leur vie {Ms}, {Presse} ♦ celle de leur existence {Lecou} et sq.
  36. Ce qui suit, jusqu'à pour un effort désespéré, est écrit sur un fragment collé, et l'écriture semble indiquer une rédaction postérieure (note de Georges Lubin).
  37. [Ch. 13. Histoire de mon père sous le Directoire. 1796 rayé] Quelques mots {Ms} Il y a ici collage de deux papiers différents (note de Georges Lubin).
  38. Ce qui suit, jusqu'à préjudiciable à votre santé. Prenez-en soin surtout! etc., est remplacé dans {Presse} par:
    Dans les lettres charmantes dont cette publication en feuilleton doit nécessairement supprimer la plus grande partie, quelques unes peignent si agréablement la physionomie de Paris sous le Directoire que je les transcris ici.
    Suit la lettre du 2 octobre 1796.
  39. le 24 juillet {AutDupin} ♦ Le 24 juillet {Lub}
  40. je trouve {Ms} ♦ je trouvai {Lecou}
  41. y était. Aussi, après souper {Ms} ♦ y était aussi; après souper {Lecou}
  42. et nous jouâmes {Ms} ♦ où nous jouâmes {Lecou}
  43. jurer de ne nous quitter {Ms} ♦ jurer dessus de ne nous quitter {Lecou}
  44. allaient le [grand rayé] trot {Ms}La lettre de Maurice porte bien grand trot (note de Georges Lubin).
  45. la Blottais {CL} ♦ La Blottais {Lub} que nous suivons
  46. Béranger {Ms} et toutes les éditions jusqu'à {CL} ♦ Béranger qui rectifie et que nous suivons; cette variante sera désormais marquée du signe derrière le nom
  47. Vézelais {CL} ♦ Vézelay {Lub} que nous suivons
  48. accablé d'applaudissements {Ms}, {Presse}, {Lecou} ♦ couvert d'applaudissements {LP} et sq. Maurice a bien écrit accablé (note de Georges Lubin).
  49. j'ai vu [Mr Soubielle rayé] le sans-culotte S... {Ms}j'ai vu le sans-culotte S... {Presse} à {CL} ♦ j'ai vu le sans-culotte S[oubielle] {Lub} nous rétablissons le nom également
  50. le 8 vendémiaire {AutDupin} ♦ Le 8 vendémiaire {Lub}
  51. Cette lettre n'est pas dans {Presse}.
  52. au parterre! oui, au parterre, car à présent {Ms} ♦ au parterre, car à présent {Lecou}
  53. jacobins! [Je n'ai plus de papier, on est allé m'en chercher et je prends pour écrire un revers de compte que j'ai trouvé dans mon secrétaire. Ne sois donc point étonnée de ce nouveau format de lettre. Si j'écris à une provinciale je pourrai lui dire que c'est là le dernier genre rayé bleu] {Ms} C'était bien le début de la lettre de Maurice du 3 octobre.
  54. Reprise de {Presse}
  55. George Sand avait ajouté une note en bas de page, ensuite fortement raturée: Quel était ce duc? Le prince et le duc de Bouillon, frère de l'abbé de Beaumont lequel était fils de Mlle Verrières et du duc de Bouillon fils de Turenne. Je vois qu'à cette époque ma grand'mère <passage illisible> et que je ne puis bien expliquer.
  56. Interuption de {Presse}.
  57. qui ont fait bien vite {Ms} ♦ qui ont bien vite fait {Lecou}
  58. Reprise de {Presse}.
  59. Interuption de {Presse}.
  60. la Blottais {CL} ♦ La Blottais {Lub} que nous suivons
  61. Reprise de {Presse}.

Notes

  1. {Presse} (La suite à demain.), ce sera en fait le vendredi 27. Entre le 14 et le 27 octobre, il n'y aura donc eu qu'une seule livraison publiée.
  2. madame de Béranger: Marie-Thérèse Legendre de Vilmorin ou Villemorien, Mme Charles de Bérenger du Gua (°.. - †1818): amie de madame Dupin e que la petite Aurore n'aimait pas.
  3. Arnil: Georges Lubin a découvert ici une mauvaise lecture par George Sand de la lettre originale de son père. Elle a lu Camille, et toutes les éditions avant {Lub} comportent cette erreur.
  4. Swebach: Georges Lubin a découvert ici une mauvaise lecture par George Sand de la lettre originale de son père. Elle a lu Luebach pour Swebach toutes les éditions avant {Lub} comportent cette erreur.
  5. Van Spaendonck: Le {Ms} et toutes les éditions avant {Lub} portent Van Spandunck.
  6. Fleury: George Sand a écrit Fleuri, et toutes les éditions avant {Lub} comportent cette graphie.
  7. Chandaire: George Sand a écrit Chander, et toutes les éditions avant {Lub} comportent cette graphie.