GEORGE SAND
HISTOIRE DE MA VIE

Calmann-L�vy 1876

{Presse 5/10/54 1; LP T.1 1; CL [T.1 1]; Lub [T.1 3]} PREMIÈRE PARTIE
HISTOIRE D'UNE FAMILLE, DE FONTENOY
À MARENGO
a.

{Presse 20/10/54 1; LP 187; CL [137]; Lub [117]} V b

Apr�s la Terreur c. — Fin de la prison et de l'exil. — Id�e malencontreuse de Deschartres. — Nohant d. — Les bourgeois terroristes. — État moral des classes ais�es — Passion musicale. — Paris sous le Directoire.



Enfin, le 4 fructidor (ao�t 1794) e, madame Dupin fut r�unie � son fils. Le terrible drame de la R�volution disparut un instant � leurs yeux. Tout entiers au bonheur de se retrouver, cette tendre m�re et cet excellent enfant, oubliant tout ce qu'ils avaient souffert, tout ce qu'ils avaient perdu, tout ce qu'ils avaient vu, tout ce qui pouvait advenir encore, regard�rent ce jour comme le plus beau de leur vie.

Dans son empressement d'aller embrasser son fils � Passy, Madame Dupin n'ayant pas encore de certificats qui lui permissent de passer la barri�re de Paris, et craignant d'�tre signal�e � la porte Maillot, s'habilla en paysanne et alla prendre un bateau vers le quai des invalides pour traverser la Seine et gagner Passy � pied. C'�tait pour elle une course prodigieuse, car de sa vie elle ne sut marcher f. Soit {LP 188} habitude d'inaction, soit faiblesse organique des jambes, elle n'avait jamais �t� au bout d'une all�e de jardin sans �tre �puis�e de fatigue: et cependant elle �tait bien faite, d�gag�e, d'une sant� excellente, et d'une beaut� fra�che et calme qui avait toutes les apparences de la force.

Elle marcha pourtant sans y songer et si vite que Deschartres, dont le costume r�pondait au sien, avait peine � la suivre. Mais au passage du bateau, une futile circonstance {CL 138} pensa leur attirer de nouveaux malheurs g. {Lub 118} Le bateau se trouva plein de gens du peuple qui remarqu�rent la blancheur du teint et des mains de ma grand'm�re. Un brave volontaire de la R�publique en fit tout haut la remarque. « voil�, dit-il, une petite maman de bonne mine qui n'a pas travaill� souvent. » Deschartres, ombrageux et malhabile � se contenir, lui r�pondit par un: Qu'est-ce que cela te fait h? qui fut mal accueilli. En m�me temps une des femmes du bateau mit la main sur un paquet bleu, qui sortait de la poche de Deschartres et l'�levant en l'air: « voil�! dit-elle, ce sont des aristocrates qui s'enfuient; si c'�taient des gens comme nous, ils ne br�leraient pas de la cire. » Et une autre continuant lestement l'inventaire des poches du pauvre p�dagogue, y saisit un rouleau d'eau de Cologne, qui attira aux deux fugitifs une gr�le de quolibets inqui�tants.

Ce bon Deschartres, qui, malgr� sa rudesse, {LP 189} �tait rempli d'attentions d�licates, trop d�licates dans la circonstance, avait cru faire merveille en se pr�cautionnant pour ma grand'm�re, et � son insu, de ces petites recherches de la civilisation qu'elle n'aurait point trouv�es alors � Passy, ou qu'elle n'e�t pu s'y procurer sans donner l'�veil aux voisins.

Il maudit son inspiration en voyant qu'elle allait devenir funeste � l'objet de ses soins; mais incapable de temporiser, il se leva au milieu du bateau, grossissant i sa voix, montrant les poings et mena�ant de jeter dans la rivi�re quiconque insulterait sa comm�re . Les hommes ne firent que rire de ses bravades, mais le batelier lui dit d'un ton dogmatique: « nous �claircirons cette affaire-l� au d�barqu�. » Et les femmes de crier bravo et de menacer avec �nergie les aristocrates d�guis�s.

D�j� le gouvernement r�volutionnaire se rel�chait ouvertement du rigoureux syst�me de la veille; mais le peuple {CL 139} n'abjurait pas encore ses droits et �tait pr�t � se faire justice lui-m�me.

Alors ma grand'm�re, par une de ces inspirations du cœur qui sont si puissantes chez les femmes, alla s'asseoir entre deux v�ritables comm�res qui l'injuriaient vivement, et leur prenant les mains: « aristocrate ou non, leur dit-elle, je suis une m�re qui n'a pas vu son fils depuis six mois, qui a cru qu'elle ne le reverrait jamais, et qui va l'embrasser au risque de la vie. Voulez-vous me perdre? Eh bien, {LP 190} d�noncez-moi, tuez-moi au retour si vous {Lub 119} voulez; mais ne m'emp�chez pas de voir mon fils aujourd'hui; je remets mon sort entre vos mains.

— Va, va, citoyenne, r�pondirent aussit�t ces braves femmes j, nous ne te voulons point de mal. Tu as raison de te fier � nous, nous aussi nous avons des enfants et nous les aimons. »

On abordait. Le batelier et les hommes du bateau, qui ne pouvaient dig�rer l'attitude de Deschartres, voulurent faire des difficult�s pour l'emp�cher de passer outre, mais les femmes avaient pris ma grand'm�re sous leur protection. « Nous ne voulons pas de cela, dirent-elles aux hommes, respect au sexe! N'inqui�tez pas cette citoyenne. Quant � son valet de chambre (c'est ainsi qu'elles qualifi�rent le pauvre Deschartres), qu'il la suive. Il fait ses embarras, mais il n'est pas plus ci-devant que vous k. »

Madame Dupin embrassa ces bonnes comm�res l en pleurant, Deschartres prit le parti de rire de son aventure, et ils arriv�rent sans encombre � la petite maison de Passy, o� Maurice, qui ne les attendait pas encore, faillit mourir de joie en embrassant sa m�re. Je ne sais plus quel jour fut r�voqu� le d�cret contre les exil�s, mais ce fut presque imm�diatement apr�s; ma grand'm�re se mit en r�gle, j'ai encore ses certificats de r�sidence et de civisme, ce dernier motiv� principalement sur ce que ses domestiques {LP 191} et {CL 140} Antoine, son valet de pied m, � leur t�te, s'�taient, de l'aveu de toute la section, port�s bravement � la prise de la bastille. C'�taient l� de grandes le�ons pour l'orgueil des ci-devant.

Mais ma grand'm�re, sans admettre enti�rement les cons�quences sociales de ses id�es philosophiques, n'avait point de pr�jug�s qui la fissent rougir de devoir sa r�int�gration civique � la belle conduite de son domestique. Elle partit pour Nohant au commencement de l'an III avec son fils, Deschartres, Antoine et Mademoiselle Roumier, une vieille bonne qui avait �lev� mon p�re, et qui mangeait toujours avec les ma�tres. N�rina et Tristan ne furent point oubli�s.

L'autre jour, pendant que j'�crivais dans ce recueil de souvenirs l'histoire de N�rina, mon fils Maurice retrouvait au fond d'un grenier de notre maison la plaque du collier de cette int�ressante petite b�te, avec cette inscription: « je m'appelle N�rina, j'appartiens � madame {Lub 120} Dupin, � Nohant pr�s La Ch�tre. » Nous avons recueilli cet objet comme une relique. En 96, je retrouve dans les lettres de mon p�re la post�rit� de N�rina, compos�e de Tristan le pauvre enfant de la Terreur n, le compagnon d'exil, plus Spinette et Belle, ses sœurs pu�n�es. N�rina avait fini ses jours sur les genoux de sa ma�tresse. Elle a �t� enterr�e dans notre jardin sous un rosier: encav�e, comme disait le vieux jardinier, qui, en puriste berrichon, {LP 192} n'e�t jamais appliqu� le verbe enterrer � autre cr�ature qu'� chr�tien baptis�.

N�rina mourut jeune pour avoir eu une existence trop agit�e. Tristan eut une long�vit� extraordinaire. Par une co�ncidence bizarre, son caract�re tendre et m�lancolique r�pondait � son nom, et autant sa m�re avait �t� active et inqui�te, autant il fut calme et recueilli. Ma grand'm�re le pr�f�ra toujours � toute la post�rit� de N�rina, et on con�oit qu'apr�s avoir travers� de grandes crises, on s'attache � tous les �tres o, aux animaux m�me qui les ont travers�es {CL 141} avec nous. Tristan fut donc choy� particuli�rement et v�cut presque tout le reste de la vie de mon p�re, car il existait encore dans les jours de ma premi�re enfance, et je me souviens d'avoir jou� avec lui, bien qu'il ne jou�t pas volontiers et e�t habituellement la figure d'un chien qui s'absorbe dans la contemplation du pass�.

Je ne sais plus bien les dates p de l'histoire que je raconte; mais je vois qu'au 1er brumaire de l'an III (octobre 1794) ma grand'm�re recevait des administrateurs du district de La Ch�tre une lettre avec l'�pigraphe: Unit�, indivisibilit� de la R�publique, libert�, �galit�, fraternit� ou la mort. La R�publique �tait moralement morte, on en conservait les formules:

{LP 193} « À la citoyenne Dupin.

« Nous t'adressons copie du contrat de vente que t'a consenti P�aron q, le 3 ao�t dernier (vieux style), et le m�moire nominatif des demandes qu'il te fait, etc.

» Salut et fraternit�. »

(suivent trois signatures de gros bourgeois).


Comme ils �taient contents, ces bons bourgeois, ces grands enfants �mancip�s de la veille, de tutoyer la {Lub 121} modeste ch�telaine de Nohant, et de traiter de P�aron tout court l'ex-seigneur, celui qu'ils avaient appel� nagu�re m le comte de Serennes! Ma grand'm�re en souriait et ne s'en trouvait point offens�e. Mais elle remarquait que les paysans ne tutoyaient point ces messieurs, et elle savait gr� � son menuisier de la tutoyer sans fa�on. Elle y voyait une pr�f�rence d'amiti� dont elle jouissait avec un peu de malice.

Un jour qu'elle �tait avec son fils dans la maisonnette de ce menuisier, alors percepteur de sa commune, r�publicain hardi et intelligent, qui fut pendant toute sa vie notre {CL 142} ami d�vou� et dont j'ai re�u le dernier soupir, deux bourgeois de La Ch�tre pass�rent {LP 194} devant la porte, fort avin�s, et trouv�rent brave d'insulter une femme et un enfant, de les menacer de la guillotine, et de se donner des airs de Robespierre au petit pied, eux qui mentalement, avec toute leur caste, venaient de tuer Robespierre et la r�volution. Mon p�re, qui n'avait que seize ans, se pr�cipita vers eux, saisit un de leurs chevaux � la bride, et les somma de descendre pour se battre avec lui. Godard, le menuisier-percepteur, vint � son aide, arm� d'un grand compas dont il voulait, disait-il, mesurer ces messieurs. Les messieurs ne r�pondirent point � la provocation et piqu�rent des deux. Ils �taient ivres, c'est ce qui les excuse. Ils sont aujourd'hui* ardents conservateurs et dynastiques: mais ils sont vieux, c'est ce qui les absout.

* 1847.

Leur col�re s'expliquait, au reste, par un motif particulier. L'un d'eux, nomm� par le district administrateur des revenus de Nohant pendant l'ex�cution de la loi sur les suspects, avait jug� � propos de se les approprier en grande partie et de pr�senter des comptes erron�s r tant � la R�publique qu'� ma grand'm�re. Celle-ci plaida et l'amena � restitution s. Mais ce proc�s dura deux ans, et pendant tout ce temps ma grand'm�re, ne touchant t que les revenus de Nohant qui ne s'�levaient pas alors � quatre mille u francs, et devant payer de l'argent emprunt� {LP 195} en 93 pour subvenir aux emprunts forc�s et dons patriotiques dits volontaires v, se trouva r�duite � une g�ne extr�me. Pendant plus d'une ann�e, on ne v�cut que du revenu du jardin, qui fournissait au march� pour 12 ou 15 fr. w {Lub 122} de l�gumes chaque semaine. Peu � peu sa position se liquida et fut am�lior�e; mais, � partir de la R�volution, son revenu ne s'�leva jamais � 15 000 livres de rente.

{CL 143} Gr�ce � un ordre admirable et � une grande r�signation aux habitudes modestes qu'il lui fallut prendre, elle fit face � tout, et je lui ai souvent entendu dire en riant qu'elle n'avait jamais �t� aussi riche que depuis qu'elle �tait pauvre.

Je dirai quelques mots de cette terre de Nohant o� j'ai �t� �lev�e, o� j'ai pass� presque toute ma vie et o� je souhaiterais pouvoir mourir x.

Le revenu en est peu consid�rable, l'habitation est simple et commode. Le pays est sans beaut�, bien que situ� au centre de la vall�e Noire, qui est un vaste et admirable site. Mais pr�cis�ment cette position centrale dans la partie la plus nivel�e {Presse 20/10/54 2} et la moins �lev�e du pays, dans une large veine de terres � froment, nous prive des accidents vari�s et du coup d'œil y �tendu dont on jouit sur les hauteurs et sur les pentes. Nous avons pourtant de grands horizons bleus et quelque mouvement de terrain autour de nous, et, en comparaison de la Beauce ou de la Brie, c'est une vue magnifique; mais, en comparaison des {LP 196} ravissants d�tails que nous trouvons en descendant jusqu'au lit cach� de la rivi�re, � un quart de lieue de notre porte, et des riantes perspectives que nous embrassons en montant sur les coteaux qui nous dominent, c'est un paysage nu et born�.

Quoi qu'il en soit, il nous pla�t et nous l'aimons. Ma grand'm�re l'aima aussi, et mon p�re y vint chercher de douces heures de repos � travers les agitations de sa vie. Ces sillons de terres brunes et grasses, ces gros noyers tout ronds, ces petits chemins ombrag�s, ces buissons en d�sordre, ce cimeti�re plein d'herbes, ce petit clocher couvert en tuiles, ce porche de bois brut z, ces grands ormeaux d�labr�s, ces maisonnettes de paysan entour�es de leurs jolis enclos, de leurs berceaux de vigne et de leurs vertes chenevi�res, tout cela devient doux � la vue et cher � la pens�e quand on a v�cu si longtemps dans ce milieu calme, humble et silencieux.

{CL 144} Le ch�teau, si ch�teau il y a (car ce n'est qu'une m�diocre maison du temps de Louis XVI), touche au hameau et se pose au bord de la place champ�tre sans plus de faste qu'une habitation villageoise. Les feux de {Lub 123} la commune, au nombre de deux ou trois cents, sont fort dispers�s dans la campagne; mais il s'en trouve une vingtaine qui se resserrent aupr�s de la maison, comme qui dirait porte � porte, et il faut vivre d'accord avec le paysan, qui est ais�, ind�pendant, et qui entre chez vous comme chez lui. {LP 197} Nous nous en sommes toujours bien trouv�s, et, bien qu'en g�n�ral les propri�taires ais�s se plaignent du voisinage des m�nageots, il n'y a pas tant � se plaindre des enfants, des poules et des ch�vres de ces voisins-l�, qu'il n'y a � se louer de leur obligeance et de leur bon caract�re aa.

Les gens de Nohant, tous paysans, tous petits propri�taires (on me permettra bien d'en parler et d'en dire du bien, puisque, par exception, je pr�tends que le paysan peut �tre bon voisin et bon ami), sont d'une humeur fac�tieuse sous un air de gravit�. Ils ont de bonnes mœurs, un reste de pi�t� sans fanatisme, une grande d�cence dans leur tenue et dans leurs mani�res, une activit� lente mais soutenue, de l'ordre, une propret� extr�me, de l'esprit naturel et de la franchise ab. Sauf une ou deux exceptions, je n'ai jamais eu que des relations agr�ables ac avec ces honn�tes gens. Je ne leur ai pourtant jamais fait la cour, je ne les ai point avilis par ce qu'on appelle des bienfaits. Je leur ai rendu des services et ils se sont acquitt�s envers moi selon leurs moyens, de leur plein gr�, et dans la mesure de leur bont� ou de leur intelligence. Pourtant, ils ne me doivent rien, car tel petit secours, telle bonne parole, telle l�g�re preuve d'un d�vouement vrai valent autant que tout ce que nous pouvons faire. Ils ne sont ni flatteurs ni rampants, et chaque jour je leur ai vu ad prendre plus de fiert� bien plac�e, plus de hardiesse {LP 198} bien entendue, sans que {CL 145} jamais ils aient abus� de la confiance qui leur �tait t�moign�e. Ils ne sont point grossiers non plus. Ils ont plus de tact, de r�serve et de politesse que je n'en ai vu r�gner toujours parmi ceux ae qu'on appelle les gens bien �lev�s.

Telle �tait l'opinion de ma grand'm�re sur leur compte. Elle v�cut vingt-huit ans parmi eux et n'eut jamais qu'� s'en louer. Deschartres, avec son caract�re irritable et son amour-propre chatouilleux, n'eut pas avec eux la vie aussi douce, et je l'ai toujours entendu d�clamer contre la ruse, la friponnerie et la stupidit� du paysan. Ma grand'm�re r�parait ses b�vues, et lui, par le {Lub 124} z�le et l'humanit� qui vivaient au fond de son cœur, il se fit pardonner ses pr�tentions ridicules et les emportements injustes de son temp�rament.

J'aurai � revenir af souvent sur le chapitre des gens de campagne, comme ils s'intitulent eux-m�mes; car depuis la r�volution, l'�pith�te de paysan leur est devenue injurieuse, synonyme de butor ag et de mal-appris.

Ma grand'm�re passa plusieurs ann�es � Nohant, occup�e � continuer avec Deschartres l'�ducation de mon p�re, et � mettre de l'ordre dans sa situation mat�rielle. Quant � sa situation morale, elle est bien trac�e dans une page de son �criture que je retrouve et qui se rapporte � cette �poque. Je ne garantis pas que cette page soit d'elle. Elle avait l'habitude de {LP 199} copier des fragments ou de faire des extraits de ses lectures. Quoi qu'il en soit, les r�flexions que je vais transcrire peignent tr�s-bien l'�tat moral de toute une caste de la soci�t� apr�s la Terreur.

« On est fond� � contester le jugement rigoureux de l'Europe, qui, � la vue de toutes les horreurs dont la France a �t� le th��tre, se permet de les attribuer � un caract�re particulier et � la perversit� inn�e d'une si nombreuse portion d'un grand peuple. Dieu garde les autres nations d'�tre jamais instruites par leur {CL 146} exp�rience des fureurs dont les hommes de tous les pays sont susceptibles quand ils ne sont plus retenus par aucun lien, quand on a donn� au rouage social une si violente secousse que personne ne sait plus o� il est, ne voit plus les m�mes objets et ne peut plus se confier � ses anciennes opinions! Tout changera peut-�tre si le gouvernement devient meilleur, s'il se rassoit et s'il renonce � se jouer de la faiblesse des hommes. H�las! recherchons l'esp�rance, puisque nos souvenlrs nous tuent. Courons apr�s l'avenir, puisque le pr�sent est d�pourvu de consolation. Et vous qui devez guider le jugement de la post�rit�, vous qui souvent le fixez pour toujours, �crivains de l'histoire, suspendez vos r�cits afin de pouvoir en adoucir l'impression par le signalement d'une r�g�n�ration et d'un repentir. N'achevez pas au moins votre tableau avant de pouvoir indiquer la {LP 200} premi�re lueur de l'aurore dans le lointain de cette effroyable nuit. Parlez du courage des Fran�ais, parlez de leur vaillance, et jetez, s'il se peut, un voile sur les actions qui ont souill� leur gloire et terni l'�clat de leurs triomphes!

{Lub 125} » Les Fran�ais ont tous la fatigue du malheur. Ils ont �t� bris�s ou courb�s par des �v�nements d'une force surnaturelle, et, apr�s avoir �prouv� la rigueur d'une lourde oppression, ils ne forment plus aucun des souhaits qui appartiennent � une situation diff�rente. Leurs vœux sont born�s, leurs d�sirs sont restreints, et ils seront contents s'ils peuvent croire � la suspension de leurs inqui�tudes. Une horrible tyrannie les a pr�par�s � compter parmi les biens la s�ret� de la vie.

« L'esprit public s'est affaibli et languira longtemps, effet in�vitable d'une catastrophe inou�e et d'une pers�cution sans mod�le. On a tellement v�cu de ses peines qu'on a perdu l'habitude de s'associer � l'int�r�t g�n�ral. Les dangers personnels, quand ils atteignent une certaine {CL 147} limite, bouleversent tous les rapports, et l'oubli de l'esp�rance change presque notre nature. Il faut un peu de bonheur pour se livrer � l'amour de la communaut�. Il faut un peu de superflu de soi pour donner quelque chose de soi aux autres... »


Quel que soit l'auteur de ce fragment, il n'est pas sans beaut�, et ma grand'm�re �tait fort capable de {LP 201} l'�crire. C'�tait du moins l'expression de sa pens�e, si tant est qu'elle n'ait pris ah que la peine de le copier. Il y a aussi de la v�rit� dans ce tableau de l'�poque et une justice relative dans les plaintes de ceux qui ont souffert sans utilit� apparente. Enfin, il y a une sorte de grandeur � eux de reprocher au gouvernement r�volutionnaire plut�t la perte de leur �me que celle de leur existence ai.

Mais il y a aussi une contradiction manifeste, comme il s'en trouve toujours dans les jugements de l'int�r�t particulier. Il y est dit que les fran�ais ont �t� grands par le courage, par la victoire, ce qui suppose un grand �lan donn� au patriotisme: et tout aussit�t l'auteur pr�sente la peinture de l'abattement et de l'�go�sme qui s'emparent de ces m�mes fran�ais devenus insensibles aux peines d'autrui pour avoir trop souffert eux-m�mes. C'est que ce ne furent pas les m�mes fran�ais, voil� tout. Les heureux d'hier, ceux qui avaient longtemps dispos� du bonheur d'autrui, durent faire un grand effort pour s'habituer � un sort pr�caire. Les meilleurs d'entre eux, ma grand'm�re par exemple, g�mirent de n'avoir plus rien � donner, et de voir des souffrances qu'ils ne pouvaient plus soulager. En leur �tant la fonction de bienfaiteurs du pauvre, on {Lub 126} les contristait profond�ment, et les bienfaits de la soci�t� renouvel�e n'�taient pas sensibles encore. Ils pouvaient l'�tre d'autant moins que cette r�g�n�ration avortait {LP 202} en naissant, que la bourgeoisie prenait d�j� le dessus, et qu'� l'�poque o� ma grand'm�re jugeait la soci�t�, elle {CL 148} assistait, sans s'en rendre compte, � l'agonie des droits et des esp�rances du peuple.

Quant aux fran�ais des arm�es, ils �taient n�cessairement les amis de tout ce qui �tait rest� en France. Ils d�fendaient et le peuple, et la bourgeoisie, et la noblesse patriote. H�ro�ques martyrs de la libert�, ils avaient une mission incontestable et glorieuse dans tous les temps, � tous les points de vue, celle de garder le territoire national; sans doute le feu sacr� n'�tait point perdu sur cette terre de France qui produisait en un clin d'œil de pareilles arm�es.

Par contraste avec l'�loquente lamentation que je viens de rapporter, je citerai de nouveaux fragments de la correspondance de mon p�re, o� l'�poque se montre telle qu'elle fut � la surface, au lendemain du r�gime aust�re de la convention. Ce tableau donne un d�menti aux pr�dictions tristes du fragment. On y voit la l�g�ret�, l'enivrement, la t�m�raire insouciance de la jeunesse, avide de ressaisir les amusements dont elle a �t� longtemps sevr�e; la noblesse retournant � Paris demi-morte, demi-ruin�e, mais pr�f�rant � l'aust�re vie des ch�teaux le spectacle du triomphe de la bourgeoisie; le luxe exploit� par les nouveaux pouvoirs comme moyen {LP 203} de r�action; le peuple lui-m�me perdant la t�te et donnant la main au retour du pass� aj.

La France offrait d'ailleurs � ce moment-l� l'�trange spectacle d'une soci�t� qui veut sortir de l'anarchie et qui ne sait encore si elle se servira du pass� ou si elle comptera sur l'avenir pour retrouver les formes qui garantissent l'ordre et la s�ret� individuelle. L'esprit public s'en allait. Il ne vivait plus que dans les arm�es. La r�action elle-m�me, cette r�action royaliste, aussi cruelle et aussi sanglante que les exc�s du jacobinisme, commen�ait � s'apaiser. La Vend�e avait rendu le dernier soupir en Berry, � l'affaire de Palluau (mai 96). Un chef royaliste du nom de {CL 149} Dupin, mais qui n'�tait pas notre parent, que je sache, avait organis� cette derni�re tentative. Mon p�re e�t �t� d'�ge alors � s'en m�ler, si telle e�t �t� son {Lub 127} opinion, et la bravoure ne lui e�t pas manqu� pour un effort d�sesp�r�. Mais mon p�re n'�tait pas royaliste et ne le fut jamais. Quel que f�t l'avenir (et, � cette �poque, malgr� les victoires de Bonaparte en Italie, nul ne pr�voyait le retour du despotisme), cet enfant condamnait et abjurait le pass� sans arri�re pens�e, sans regret aucun. Sa m�re et lui, purs de toute participation secr�te, de toute complicit� morale avec les fureurs des partis et les vengeances int�ress�es, se laissaient bercer par le flot encore agit� des derniers fr�missements populaires. Ils attendaient les �v�nements, {LP 204} elle, les jugeant avec une impartialit� philosophique; lui, d�sirant l'ind�pendance de la patrie et le r�gne des th�ories incompl�tes mais g�n�reuses des �crivains du dix-huiti�me si�cle. Bient�t il devait aller chercher � l'arm�e le dernier souffle de cette vie r�publicaine, et comme sa m�re �tait quelquefois effray�e des aspirations qui lui �chappaient, elle cherchait � l'en distraire par les douces jouissances de l'art et l'attrait de distractions permises. 1

{Presse 27/10/54 1} Quelques mots ak sur la personne de mon p�re avant de le faire parler en 96. Depuis 1794, il avait beaucoup �tudi� avec Deschartres, mais il n'�tait pas devenu fort en fait d'�tudes classiques. C'�tait une nature d'artiste, et il n'y avait que les le�ons de sa m�re qui lui profitassent. La musique, les langues vivantes, la d�clamation, le dessin, la litt�rature avaient pour lui un attrait passionn�. Il ne mordait ni aux math�matiques, ni au grec, et m�diocrement au latin. La musique l'emporta toujours sur tout le reste. Son violon fut le compagnon de sa vie. Il avait en outre {CL 150} une voix magnifique et chantait admirablement. Il �tait tout instinct, tout cœur, tout �lan, tout courage, tout confiance; aimant tout ce qui �tait beau et s'y jetant tout entier sans s'inqui�ter du r�sultat plus que des causes. Beaucoup plus {LP 205} r�publicain d'instinct, sinon de principes, que sa m�re, il personnifia admirablement la phase chevaleresque des derni�res guerres de la R�publique et des premi�res guerres de l'Empire. Mais en 96 il n'�tait encore qu'artiste al, et voici une lettre qui rappelle le d�lire musical si souvent et si bien peint par Hoffmann:

{Lub 128} 24 juillet am 1796.

Je suis � Argenton, ma bonne m�re. J'ai laiss� passer un jour de courrier sans t'�crire, l'ayant employ� � dormir. Figure-toi que le jour de mon arriv�e je trouvai an tous les musiciens de Ch�teauroux chez M. de Sc�vole. Le prieur de Chant�me, qui est une fort bonne basse et un aimable homme, y �tait aussi; apr�s souper ao, nous nous mimes, au nombre de huit, dans un pavillon au bout du jardin, o� nous jou�mes ap des symphonies de Pleyel jusqu'� trois heures du matin. L'orchestre �tait complet: bonne basse, bons instruments � vent, bonne musique; c'�tait charmant. Le lendemain on fut ehez madame de Ligondais. À six heures le conncert s'ouvrit par une symphonie dont je menai lc premier violon � livre ouvert sans faire une faute, M. Thibault, le virtuose de l'endroit, n'�tant pas encore arriv�. Il vint enfin, et je lui rendis sa place avec bien du plaisir, car cela devenait difficile et e�t {LP 206} pu compromettre ma r�putation. Je jouai ensuite un quatuor de Pleyel; je n'ai jamais si bien d�tach� de ma vie. À chaque passage j'�tais interrompu par de bruyants applaudissements. Mon triomphe fut commplet. J'�tais debout devant cinquante personnes, avec une audace, une impudence! ne tremblant pas plus qu'une {CL 151} contrebasse. À dix heures, le concert fini, tous les musiciens soup�rent chez M. de Sc�vole. Au dessert, anim�s par d'excellent vin de Champagne, le gros prieur apporta sa basse sur la table et nous fit jurer dessus de ne nous quitter aq qu'au jour. Nous mettons habit bas, nous courons au pavillon. Nous avions l'air d'�nergum�nes! Et l� nous avons fait de la musique jusqu'au grand jour. Le prieur se relayait � la basse avec un monnsieur de Ch�teauroux, M. de Sc�vole � l'alto avec un de ses voisins. Moi, je n'ai pas quitt� ma chaise pendant toute la nuit. Je d�chiffrais comme un fou, rien ne m'arr�tait plus. J'�tais un peu gris; je volais dans des nuages de notes sans en croquer une seule. Nous quitt�mes � cinq heures et nous f�mes r�veillon; c'�tait un bruit, c'�taient des rires!..... J'ai dormi jusqu'� midi et je me porte � merveille. Adieu, ma bonne m�re; on m'appelle pour recommencer.

Je t'aime et je t'embrasse de toute mon �me.

MAURICE.


{LP 207; Lub 129} À l'automne de la m�me ann�e, ma grand'm�re envoya son cher Maurice � Paris, soit pour le distraire d'une longue retraite, soit pour d'autres motifs plus s�rieux que les lettres semblent indiquer, mais que je ne sais point. Peu importe, il s'agit de la physionomie de Paris sous le Directoire.

Avant d'y arriver, jetons un coup d'œil sur la route. Aujourd'hui (1847) nous allons de Nohant � Paris en dix heures; alors il fallait huit ou dix jours. Les diligences de Ch�teauroux � Orl�ans �taient d'affreuses pataches si mal servies, que le plus prompt �tait de faire le voyage � cheval � petites journ�es. Le chemin d'Issoudun � Vierzon �tant le plus direct, mon p�re et Deschartres le prirent; mais ce n'�taient que ravins, pr�cipices, rivi�res peu gu�ables, {CL 152} fondri�res de tout calibre, si bien que dans une de ses lettres (car je n'en citerai que quelques-unes), Maurice prie sa m�re de lui renvoyer ses chevaux par la voie la plus longue, qui est un peu plus praticable. D'Orl�ans � Paris, on ne trouvait de voitures que deux fois la semaine, et quelles voitures! « Du moins, dit mon p�re, on marche sur cette route-l�! Il ne faut que dix-huit heures pour aller d'Orl�ans � Paris! » (Il se trompait, il en fallait vingt-quatre.)

Mais laissons-le parler:

Me voil� enfin � Orl�ans, ma bonne m�re, et je trouve qu'il y a d�j� bien longtemps que je ne {LP 208} t'ai vue. Deschartres est all� courir pour nous trouver des places, et moi je reste pour causer avec toi. Je suis � peine fatigu�. Entre la Fert�-Saint-Chaumont et la Fert�-Lowendal, nous avons failli retourner vers toi. La route est bord�e de moulins � vent, et, du plus loin que ma jument les aper�ut, elle s'enleva sur les pieds de derri�re et se tourna tout droit sur le Berry. J'avais envie de la laisser faire. Deschartres s'obstinait avec sa monture, qui imitait les sottises de la mienne. Il imagina de leur bander les yeux, mais ce fut bien pis, et il fallut prendre dans la campagne. On commence pourtant ici � voir des figures humaines. J'ai rencontr� en arrivant un muscadin et un cabriolet! J'esp�re que bient�t nous en verrons une plus grande quantit�. J'admire Orl�ans, j'admire le pont, j'admire les {Lub 130} maisons, j'admire les passants! je suis comme un h�b�t�. Que sera-ce donc � Paris?

.......................................................................

Paris.

Nous sommes rest�s toute la soir�e � Orl�ans, Deschartres n'ayant pu trouver de places � la diliigence. Je t'ai mand�, ma bonne m�re, que j'admirais le pont, les passants: {CL 153} c'�tait bien autre chose {LP 209} quand j'entrai dans la rue Royale; c'�tait de l'extase! Revenu un peu � moi, j'allai voir le jeune d'Orsanne et nous f�mes enchant�s de nous retrouver. Il me mena promener sur le mail, sur le port, sur le pont, ensuite au spectacle. On donnait Les Amours de Bayard et La Fausse Magie. Jamais drame n'a �t� jou�, je crois, d'une fa�on plus comique. La Palisse �tait Gascon, Bayard un gros pitre qui mettait son chapeau � deux mains, Sotomajor �tait dor� et fripp� comme une vieille marionnette. Je me tenais les c�tes, et dans les endroits les plus tragiques j'�clatais de rire, au grand scandale de mes voisins, qui trouvaient la repr�sentation superbe. Enfin nous sommes arriv�s ici en vingt-quatre heures, � bon port, moi neuvi�me, tra�n�s par trois chevaux qui allaient le trot ar. Ce sont des enrag�s de la premi�re esp�ce. Le cocher, encore plus enrag� qu'eux, trouva plaisant, en descendant la montagne d'�tampes, de les laisser courir. La voiture les poursuivait et e�t �t� tout aussi vite sans eux. Nous ne roulions pas, nous �tions pr�cipit�s. Les uns juraient, les autres voulaient descendre. Une �l�gannte en perruque blonde soutenait qu'elle allait mourir de peur. Pour moi, je go�tais fort cette fa�on d'aller et je criais: « Fouette, cocher. — Mais, monsieur, taisez-vous donc! nous allons �tre tu�s. — Non, messieurs, nous n'en arriverons que plus lestement. C'est la vrale mani�re de voyager. »

{LP 210} Et la voiture de fendre l'air, et chacun de se cramponner � son voisin. Et moi d'engager la voitur�e � donner pour boire au cocher en arrivant. La course imp�tueuse se ralentit enfin, et on s'arr�ta non loin d'une auberge o� chacun, en soupant, se remit de sa frayeur.

Tu te doutes de la mani�re joyeuse dont j'ai fait mon entr�e � Paris. Sur-le-champ j'ai couru chez madame de Jasseau. Le plaisir de se revoir apr�s si longtemps a �t� {Lub 131} �gal de part et d'autre. De l�, j'ai �t� au caf� de la {CL 154} R�gence pour trouver M. H�kel; j'y suis entr� en courant et en chantant, mais je n'y ai vu que des gens profond�ment absorb�s dans leur partie d'�checs, qui me regardaient de travers et semblaient dire: « Que vient faire ici ce profane? » Ne trouvant point l� mon ami, d'un saut j'ai bondi hors de cet ennuyeux s�jour. J'ai �t� au caf� Valois, o� j'esp�rais encore le trouver. La premi�re personne que j'y ai aper�ue, c'est M. de Pr�ville, qui m'apprit que M. et madame de la Roche-Dragon �taient � Paris depuis deux jours. Ne trouvant point encore l� celui que nous cherchions, nous nous rend�mes chez son restaurateur... point! Mais enfin, rue des Petits-Champs, nous le rencontrons face � face. Dans la joie o� nous �tions, nous regagnons le Palais-Royal, nous traversons la cour des Fontaines, et toujours parlant, riant et nous embrassant, nous voil� je ne sais o�. Enfin, M. H�kel, s'arr�tant le {LP 211} premier, demanda o� nous allions. « Je n'en sais rien » fut la r�ponse g�n�rale. Il reprit gravement: « Nous sommes fous, il faut aller d�ner. » Ce qui fut dit fut fait. Apr�s d�ner, nous f�mes voir Abufar et Le D�dit. Comme j'avais pass� la nuit fort �veill� en diligence, je m'endormis profond�ment au dernier acte. En rentrant, je trouve un billet chez le portier: « Nous sommes arriv�s ce soir, et vous ce matin. Nous allons enfin nous revoir! nous sommes toujours rue d'Angoul�me; � demain. »

C'�tait M. de La Blottais as et son fils. Quelle �tonnnante rencontre! À sept heures du matin j'y �tals d�j�, et d�j� il �tait sorti; mais j'ai trouv� Amand, et je te raconterai de vive voix tout ce qu'il m'a appris. J'ai vu ensuite Am�d�e. Puis j'ai �t� d�jeuuner chez M. H�kel. Le soir nous avons �t� voir Didon et le ballet de Psych�. Je n'ai pas perdu une note ni un pas. Mon Dieu, ma bonne m�re, comme j'ai pens� � toi, comme je te regrettais! Une salle magnifique, un monde immense, un spectacle {CL 155} sublime! Lain� s'est surpass�; toujours la voix un peu tremblante, mais une noblesse! une �me! un jeu! c'est un homme qui... ah!... un homme, enfin!... J'applaudissais � tout rompre. Didon �tait jou�e par une d�butante qui annonce le plus grand talent et qui chante par merveille.

Le ballet de Psych� est embelli � un point �tonnnant. La d�coration du second acte est toute chang�e. {LP 212} Ce n'est plus ce vilain palais rouge, c'est un portique superbe, une {Lub 132} perspective immense. Tout est embelli. L'Amour n'entre plus dans son palais par la porte, c'est sur un nuage qu'il arrive. Z�phyre est un jeune danseur charmant, fait au tour, qui �galera peut-�tre Vestris. Enfin jamais spectacle ne fut plus compl�tement admirable. Ce matin j'ai �t� chez madame de Ferri�res, ensuite chez madame de Jasseau avec M. de Pernon. Nous avons mang� des hu�tres et bu du vin de Champagne. Nos rires et notre joie n'�taient interrompus que par le regret de ton absence. Nous avons bu � ta sant� et parl� de toi, ah!... Je reviens de chez madame de B�renger at 2, qui a �t� un moment sans me reconna�tre. Elle me trouve chang� depuis les pieds jusqu'� la t�te. J'ai pass� chez madame de V�zelay au, et me voil�. Je te ferai les d�tails verbalement; mais on t'aime bien, va, et avec quelle joie on se retrouve! c'est comme dans un r�ve! Que je te remercie de m'avoir envoy� � Paris! Que je voudrais �tre pr�s de toi � Nohant! Que je suis content! Que je te regrette!

Je t'embrasse mille fois de toute mon �me.

MAURICE.

{LP 213; CL 156} DE DESCHARTRES À MADAME DUPIN.

3 vend�miaire an V.

Enfin voil� des nouvelles! allez-vous dire. Comment attendre si longtemps sans �crire! Que font-ils? Que deviennent-ils? Vous avez raison de gronnder, et de gronder bien fort. Votre fils est un �tourdi, il a laiss� passer l'heure du dernier courrier. — Du reste votre fils para�t tr�s-raisonnable. Je ne doute point qu'on ne vous en fasse de grands �loges. Beaucoup de personnes ne le reconnaissent point au premier abord; tout le monde le trouve charmant. Il faut bien qu'il y ait quelque chose de vrai; mais il n'est point encore ce qu'il sera, et ce qu'il faut qu'il soit. Je ne vous parle point de nouvelles. Il n'en existe point d'autres que celles qui sont rapport�es dans les journaux, c'est-�-dire une quatri�me d�faite de Jourdan*. Quelque d�sastreuses qu'elles soient, elles ne {Lub 133} font ici aucune impression. {LP 214} On ne s'en occupe point. Jamais je n'ai vu Paris si indiff�rent au sort de la France.

* Jourdan commandait alors l'arm�e de Sambre-et-Meuse; Moreau, l'arm�e de Rhin-et-Moselle. Ils combattaient sur le Rhin {Lub 133} contre l'archiduc Charles. La quatri�me d�faite de Jourdan, qui termina la campagne, fut glorieuse pour nos troupes.

Tout est extr�mement cher ici. On ne croirait pas ce que le voyage d'Orl�ans � Paris nous a co�t�. Il faudra que Saint-Jean nous ram�ne nos montures, car il n'y a plus de diligences proprement dites. Il faut pr�venir un mois d'avance pour avoir des places, d'o� il r�sulte qu'� l'heure qu'il est, et pendant que Paris est le centre de toutes aises et de tout luxe, on ne peut traverser la France qu'� pied ou � cheval.

{CL 157} Adieu, madame; que l'absence de votre fils ne vous cause point un ennui pr�judiciable � votre sant�. Prenez-en soin surtout! etc.

DE MAURICE À SA MÈRE.

2 octobre 1796.

..... J'ai �t� hier � un tr�s-beau concert qui s'est donn� au th��tre de Louvois. C'�tait Gu�nin et le vieux Gavini�s qui conduisaient l'orchestre. Tu sais, notre vieux Gavini�s, qui a si bien connu mon p�re et Rousseau du temps du Devin du village, et qui a fait si singuli�rement connaissance avec moi � Passy {LP 215} du temps de mon exil. Eh bien, le public lui a fait r�p�ter sa romance, et il s'en est si bien tir� qu'il a �t�, � la lettre, couvert d'applaudissements av. Pour un homme de soixante-quinze ans, ce n'est pas mal! Cela m'a fait un bien grand plaisir!

Je te donne � deviner en mille qui j'ai rencontr� encore et reconnu � ce concert. Sous un habit � la mode, avec des souliers d�gag�s et des oreilles de chien, j'ai vu le sans-culotte Soubielle aw, et je lui ai parl�. C'est un merveilleux! Voila de ces rencontres il mourir de rire. Il m'a beaucoup demand� de tes nouvelles. Il n'�tait pas si galant en l'an II!

Adieu, ma bonne m�re, l'heure me presse, je vais � l'Op�ra. Je te regrette � tous les instants. Tous les plaisirs que je go�te loin de toi sont imparfaits. Je t'embrasse mille fois.

Et je fais mille amiti�s � ma b�te de bonne.

.......................................................................

{CL 158; Lub 134} ax8 vend�miaire ay.

Ne te fais donc pas d'inqui�tudes, ma bonne m�re. On ne con�oit rien � la mani�re dont les postes sont servies. Tant�t les lettres mettent six jours pour faire quatre-vingts lieues, tant�t quinze {LP 216 } et tant�t plus, car M. de la Domini�re n'a re�u qu'avant-hier celle que tu lui as �crite il y a un mois. C'est � n'y rien comprendre.

.......................................................................

J'ai �t� voir avant-hier Œdipe et le ballet de Psych�. J'�tais absolument en face, � dix pas du th��tre, et j'�tais au parterre, car � pr�sent az c'est un amphith��tre magnifique qui part de l'orchestre et va jusqu'aux premi�res. On y est assis comme dans ton grand fauteuil. On y voit par merveille, on y entend encore mieux; enfin, c'est la meilleure place de la salle. Comme je pensais � toi! comme je te regrettais en �coutant l'op�ra avec attention! Je ne perdais pas une seule partie de l'orchestre. Hier, j'ai �t� avec MM. H�kel et d'Heuz� voir l'Int�rieur des comit�s r�volutionnaires. On y arrange bien les Jacobins ba!

Toutes les personnes que je vois me demandent si tu veux rester encore cet hiver en province, et quand je leur dis oui, ce sont des exclamations, des �tonnements sans fin. Elles ne con�oivent rien � notre mani�re de voir. Pour moi, h�las! je ne la con�ois que trop.

.......................................................................

{LP 217} 3 octobre bb.

Je t'ai quitt�e l'autre jour pour aller � l'Op�ra. On devait donner Corisande, ce fut Renaud. Mais rien ne contrarie un provincial. J'�coutai d'un bout � l'autre avec le plus grand plaisir. J'�tais � l'orchestre. M. H�kel conna�t {CL 159} Ginguen�, directeur du jury des arts, et tous les jours d'Op�ra Ginguen� lui fait pr�sent de deux billets d'orchestre. C'est l� o� va ce qu'on appelle � pr�sent la bonne compagnie. Vous y voyez des femmes charmantes, d'une �l�gance merveilleuse; mais si elles ouvrent la bouche, tout est perdu. Vous entendez: Sacresti! que c'est bien dans�! ou bien: Il fait un chaud du diable! Vous sortez, des voitures brillantes et bruyantes re�oivent tout ce beau monde, et les braves gens s'en {Lub 135} retournent � pied, et se vengent par des sarcasmes des �claboussures qu'ils re�oivent. On crie: Place � M. le fournisseur des prisons! — Place � M. le brise-scell�s!

Mais ils vont toujours et s'en moquent. Quoique tout soit renvers�, on peut encore dire comme autrefois: L'honn�te homme � pied, et le faquin en liti�re. Ce sont d'autres faquins, voil� tout.

Adieu, ma bonne m�re. J'irai encore ce soir � l'Op�ra. Ce matin, M. H�kel me fait d�ner avec M. le duc bc. Je t'embrasse comme je t'aime.

{LP 218} bd5 octobre.

.......................................................................

J'ai d�jeun� avec M. le duc, qui m'a combl� de pr�venances et d'amiti�s. Je vais demain avec mon ami et le sien d�ner � la campagne. Cette connaisssance ne peut que m'�tre avantageuse. J'ai �t� le soir revoir Œdipe: Ch�ron, qui se croit attaqu� de la poitrine, n'y chante plus; ce sont des mazettes qui le remplacent. Laisn� me fait toujours plaisir. Hier j'ai �t� aux Italiens voir Rose et Colas et Arnil 3.

.......................................................................

Dis � ma bonne que ma queue perd beaucoup � ne plus �tre faite par elle; elle lui fait toutes sortes d'amiti�s.

{CL 160} 8 octobre.

Que je suis donc malheureux de te causer de l'inqui�tude! je t'�cris pourtant tous les jours de courrier. J'ai trop de plaisir � m'entretenir avec toi pour en perdre l'occasion. Mais la poste nous joue des tours inf�mes! Sois donc tranquille, ma bonne m�re, je me porte � merveille, je cours comme un chat maigre. J'ai d�n� avant-hier chez M. le duc; il {LP 219} demeure chez madame Delage, qui a la plus belle maison de Suresnes: je vais aujourd'hui chez le bailli de Frelon; c'est un d�ner de gens importants.

.......................................................................

Le 9.

Maudite poste! j'esp�rais aujourd'hui une lettre de toi. Je suis rentr� hier � trois heures, comptant l�-dessus; {Lub 136} je n'en ai pas trouv�, et j'ai �t� triste tout le reste de la journ�e. J'ai �t� ce matin au Salon: il y avait trois Swebach 4, deux Bidault, quelques Van Spaendonck 5 et beaucoup d'enseignes d'auberges. Je ne manque pas un jour d'Op�ra: j'ai vu Iphig�nie en Aulide. Laisn� s'est surpass�; c'est la perfection. J'ai vu aux Italiens le B�lisaire de Philidor il y a d'assez belles choses.

J'ai eu hier mes bottes � la hussarde, c'est la grande mode; elles vont dans la perfection, mon pantalon aussi; ma redingote est dans le go�t le plus nouveau. On s'habille � pr�sent comme des sacs: des petits collets rabattus d'un c�t�, de grandes croisures, des tailles �normes, des poches sur les c�t�s et les mains dedans; mode extr�mement prudente en ce temps-ci. Enfin, ma bonne m�re, tu verras dans ma personne la fleur de la muscadinerie; tu verras! tu verras! C'est � mourir de rire.

{LP 220} Adieu, ma bonne m�re, je vais faire mes visites dans {CL 161} mes habits neufs. Je t'embrasse de toute mou �me. Porte-toi bien surtout!

Je donne un grand coup de poing sur la t�te de ma bonne, et je lui blanchis la figure avec la houppe. Comment va le cerb�re Tristan-Belle-Spinette? est-il toujours roul� en boule sur le grand fauteuil?

.......................................................................

Le 11.

J'ai enfin vu Corisandre. Le quinque du second acte est ex�cut� dans la perfection; j'y ai �t� avec mon ami, qui a toujours ses poches pleines de billets. J'�tais � l'orchestre, et de ma place j'avais le plaisir de lire la partition de Gu�nin; je me figurais presque faire le premier violon.

J'ai �t� hier chez madame de Nanteuil, qui m'a combl� d'amiti�s. Je croyais n'y rester que cinq minutes, mais sa fille ain�e �tait au piano; sur le piano un bon violon; je m'en empare et me mets � l'accompagner depuis midi jusqu'� trois heures; elle jouait pr�cis�ment les plus jolies sonates de Pleyel, celles que j'ai accompagn�es � M. de Sc�vole. Je les sais par cœur, aussi j'allais d'un train! je faiisais des passages d'un brillant! Pour comble de gloire, il est arriv� des visites qui ont bien vite fait be {LP 221} un auditoire nombreux; {Lub 137} c'�tait une rage, et voil� qu'aujourd'hui les invitations me pleuvent, je ne sais o� donner de la t�te.

Le 13.

.......................................................................

Je re�ois tes deux lettres � la fois. La poste a jug� qu'elles s'ennuieraient de voyager seules, et elle les a mises de compagnie. Tu me fais tant de questions, ma bonne m�re, que {CL 162} je n'y pourrai jamais r�pondre par �crit. Il y a une foule de choses que je te garde pour nos bonnes causeries du soir. J'ai fait toutes mes visites et toutes tes commissions. J'ai din� hier chez madame de Ferri�res, et le soir elle m'a envoy� dans la loge de madame de Bar, avec d'Heuz�, sa sœur et deux autres jeunes personnes. C'�tait une soci�t� infiniment grave, et nous avons dit plus d'extravagances qu'il ne m'en passe par la t�te en six mois. J'ai vu ma�tre Guillotot; je l'ai trouv� dans son int�rieur, le teint frais, gros et gras, la bouche vermeille, et venant de prendre une m�decine de pr�caution. — J'ai fait visiter mes cheveux; loin de me les couper, on les a trouv�s trop courts. On m'a d�gag� l'oreille, et l'arri�re-face doit tommber sur le collet de l'habit. La perfection de l'oreille de chien c'est, quand ils sont bien longs, de faire {LP 222} au bout quelques papillotes qu'on ne cr�pe point. Quant aux nattes et � la queue, il n'y a rien � y changer. Que ma bonne se console et s'attende � me voir l'oreille d�couverte. Je lui dis d'ailleurs mille choses gracieuses, amicales et sottes. Adieu, ma bonne m�re, je t'embrasse, je t'aime de toute mon �me.

.......................................................................

Le 15 bf.

Quoiqu'� pied, l'honn�te homme se moque bien � Paris du mauvais temps! Il y a tant de choses � faire et � voir! Le matin je vais au Salon; de trois � six heures je d�ne longuement en bonne compagnie: le soir je vais au spectacle, J'ai d�n� chez madame de Ferri�res avec toutes tes amies; j'ai �t� re�u � bras ouverts! Ah! comme on a parl� de toi! Le d�ner �tait d�licieux, servi en belle argenterie. {Lub 138} La R�publique n'a pas tout pris. Les vins parfaits. Il y avait des jeunes gens tr�s-gais, et nous avons fait rire aux �clats m�me M. de la Domini�re! J'ai �t� le soir � la rue Feydeau {CL 163} voir l'École des p�res et Les Fausses Confidences. Cette derni�re pi�ce est absolument jou�e comme avant 93: Fleury 6 avait le m�me habit; Dazincourt aussi.

.......................................................................

{LP 223} Le 17.

Que tu es bonne de vouloir t'ennuyer encore dans ta solitude, pour me laisser quelques jours de plus � Paris! Quelle trop bonne m�re! Si tu y �tais avec moi, je m'y amuserais bien davantage. Aujourd'hui j'ai joint l'utile � l'agr�able, et il me semble que je suis au-dessus de moi-m�me. Mon ami M. H�kel m'a lu deux ouvrages de morale, l'un sur l'immortalit� de l'�me, l'autre sur le vrai bonheur. Tout est admirable, profond, rapide, clair, �loquent; c'est l'hiver dernier qu'il les a compos�s, et il m'assure qu'il n'a eu pour but que de me d�velopper les principes de la vertu.

J'ai eu hier un succ�s extraordinaire en chantant Œdipe chez madame de Chabert. Mais ces succ�s, � qui les dois-je? À ma bonne m�re, qui a bien voulu s'ennuyer � m'enseigner, et qui en sait plus que tous les professeurs du monde! Apr�s la musique on a dans�; nous �tions tous en bottes, n'en sois pas scandalis�e, c'est l'usage � pr�sent: mais comme on danse mal en bottes! Par l�-dessus, on s'est imagin� de prendre du th�, et c'est bien l� le souper le plus fade et le plus �conomique qu'on puisse faire. Adieu, ma bonne m�re, je t'embrasse de toute mon �me, et je fais � ma bonne trente-trois amiti�s.

.......................................................................

{LP 224; CL 164} Le 19. bg

Tu me demandes si M. de La Blottais bh a re�u ta lettre. Je n'en sais rien; il est � la campagne et ne vient ici que furtivement, car il est sur la liste des �migr�s. M. le duc me fait mille amiti�s, je d�jeune souvent avec lui, et s'il va {Lub 139} en Espagne, il passera par Nohant. Je lui ai bien dit que ce n'�tait pas � ce prix-l� que nous voudrions le voir. Je suis ici absolument comme Panurge. Tout le monde m'invite, et je ne puis d�ner chez tout le monde. — Dis � Saint-Jean de retirer ma jument du pr� et de lui donner de l'avoine pour qu'elle ait le cœur aux voyages. C'est toujours le plus prompt et le meilleur march� que cette fa�on d'aller.

.......................................................................

Ce matin bi, j'ai encore d�jeun� avec M. le duc et mon ami H�kel. Nous avons mang� comme des ogres et ri comme des fous... Et figure-toi que, comme nous marchions tous trois sur le pont Neuf, les poissardes nous ont entour�s et ont embrass� M. le duc comme le fils de leur bon roi! Tu vois si l'esprit du peuple a chang�! Mais je t'en parlerai verbalement, comme dit Bridoison.

Je cours faire mes visites d'adieu. Va, je ne regretterai point Paris, puisque je vais te retrouver.

Je dis mille brutalit�s � ma bonne; qu'elle {LP 225} s'appr�te � me raser, car ici on m'a fait les crocs, j'effrayais tout le monde, et les voil� qui repoussent de rage.

.......................................................................

Deschartres a eu beau chercher un pr�cepteur pour le fils de madame de Chandaire 7, il regarde la chose comme impossible � trouver dans ce temps-ci. La race en est perdue. Tous les jeunes gens qui se destinaient � l'�ducation cherchent � se faire m�decins, chirurgiens, avocats. Les plus robustes ont �t� employ�s pour la R�publique. Depuis six ans, personne n'a travaill�, il faut bien le dire, et les livres {CL 165} ont eu tort. On ne voit que des gens qui cherchent des instituteurs pour leurs enfants, et qui n'en trouvent pas. Il y aura donc beaucoup d'�nes dans quelques ann�es d'ici, et j'en serais un comme un autre sans Deschartres; que dis-je? sans ma bonne m�re, qui aurait toujours suffi � former mon esprit et mon cœur.

Le 13.

Nous partons demain. Deschartres se d�cide enfin � mettre ses estimables jambes dans des bottes. Il n'y a pas moyen de lutter contre le torrent! C'est commode � cheval, mais non au bal. On ne fait plus que marcher {Lub 140} la contredanse. Dis � ma bonne {LP 226} que je vais m'en d�dommager en la faisant sauter et pirouetter de gr� ou de for�e. Adieu, Paris... et bonjour � toi bient�t, ma bonne m�re! je pars d'ici plus fou que je n'y suis venu; c'est qu'aussi tout le monde l'est un peu. Il suffit d'avoir la t�te sur les �paules pour se croire heureux. Les parvenus s'en donnent � cœur joie, et le peuple a l'air d'�tre indiff�rent � tout; jamais le luxe n'a �t� si brillant... Bah! bah! adieu � toutes ces vanit�s, ma bonne m�re s'ennuie et m'attend: tant pis pour ma jument. Je vais enfin t'embrasser! Peut-�tre arriverai-je avant cette lettre!

MAURICE.


Variantes

  1. Les titres de parties n'apparaissent qu'avec {CL}.
  2. Reprise de {Presse}:CHAPITRE CINQUIÈME {Presse}, {Lecou}, {LP} ♦ V {CL}
  3. L'argument de ce chapitre est d'une autre main (note de Georges Lubin)
  4. Nohant. — [Persistance des id�es philosophiques ray�] {Ms}
  5. fructidor [22 ray�] (ao�t 1794) {Ms}
  6. elle [n'a su ray�] marcher {Ms}
  7. de nouveaux [d�sagr�ments ray�] {Ms}
  8. cela [vous ray�] te fait {Ms}
  9. bateau, [�levant ray�] grossissant {Ms}
  10. ces [dignes ray� bleu] braves femmes [du peuple ray� bleu] {Ms}
  11. mais [c'est un citoyen comme vous ray�] il n'est pas plus ci-devant que vous {Ms}
  12. ces [braves parisiennes ray� bleu] ces bonnes comm�res {Ms}
  13. son valet de [chambre ray�] pied {Ms}
  14. enfant de [93 ray�] la terreur {Ms}
  15. crises [morales ray�], on s'attache [non seulement ray�] � tous les �tres {Ms}
  16. les dates {Ms}ces dates {Presse} ♦ les dates {Lecou} et sq.
  17. P�aron {Ms}Piaron {Presse} ♦ P�aron {Lub} qui rectifie et que nous suivons.
  18. V1 des comptes [frauduleux ray�] erron�s {Ms}
  19. et [le for�a � payer ray�] l'amena � restitution {Ms}
  20. ne [poss�dant ray�] touchant {Ms}
  21. alors � [cinq ray�] quatre mille {Ms}
  22. patriotiques [soi-disant ray�] dits volontaires {Ms}
  23. 12, [15 � 20 ray�] ou 15 fr. {Ms} ♦ 12 ou 15 fr. {CL} ♦ 12 ou 15 francs {Lub}
  24. et [d'o� je souhaiterais pouvoir ne jamais sortir ray�] o� je souhaiterais pouvoir mourir {Ms}
  25. et du [vaste et large ray�] coup d'œil {Ms}
  26. ce porche rustique {Ms}ce porche antique {Presse} ♦ ce porche de bois brut {Lecou} et sq.
  27. obligeance [de leur bonne foi ray� bleu] et de leur bon caract�re {Ms}
  28. franchise [Qu'on dise ce qu'on voudra de ma <mot illisible>]. Il y a quarante-trois ans qu'elle dure et ray� bleu] {Ms}
  29. relations [honorables ray� bleu] agr�ables {Ms}
  30. je leur [vois ray�] ai vu {Ms}
  31. r�gner parmi ceux {Ms}, {Presse} ♦ r�gner toujours parmi eux {Lecou}
  32. Je reviendrai {Ms} ♦ J'aurai � revenir {Presse} et sq.
  33. synonyme de [lourd ray� bleu] butor add. bleu {Ms}
  34. qu'elle n'eut pris {Ms}, {Presse}, {Lecou} ♦ qu'elle n'ait pris {LP} et sq.
  35. celle de leur vie {Ms}, {Presse} ♦ celle de leur existence {Lecou} et sq.
  36. Ce qui suit, jusqu'� pour un effort d�sesp�r�, est �crit sur un fragment coll�, et l'�criture semble indiquer une r�daction post�rieure (note de Georges Lubin).
  37. [Ch. 13. Histoire de mon p�re sous le Directoire. 1796 ray�] Quelques mots {Ms} Il y a ici collage de deux papiers diff�rents (note de Georges Lubin).
  38. Ce qui suit, jusqu'� pr�judiciable � votre sant�. Prenez-en soin surtout! etc., est remplac� dans {Presse} par:
    Dans les lettres charmantes dont cette publication en feuilleton doit n�cessairement supprimer la plus grande partie, quelques unes peignent si agr�ablement la physionomie de Paris sous le Directoire que je les transcris ici.
    Suit la lettre du 2 octobre 1796.
  39. le 24 juillet {AutDupin} ♦ Le 24 juillet {Lub}
  40. je trouve {Ms} ♦ je trouvai {Lecou}
  41. y �tait. Aussi, apr�s souper {Ms} ♦ y �tait aussi; apr�s souper {Lecou}
  42. et nous jou�mes {Ms} ♦ o� nous jou�mes {Lecou}
  43. jurer de ne nous quitter {Ms} ♦ jurer dessus de ne nous quitter {Lecou}
  44. allaient le [grand ray�] trot {Ms}La lettre de Maurice porte bien grand trot (note de Georges Lubin).
  45. la Blottais {CL} ♦ La Blottais {Lub} que nous suivons
  46. B�ranger {Ms} et toutes les �ditions jusqu'� {CL} ♦ B�ranger qui rectifie et que nous suivons; cette variante sera d�sormais marqu�e du signe derri�re le nom
  47. V�zelais {CL} ♦ V�zelay {Lub} que nous suivons
  48. accabl� d'applaudissements {Ms}, {Presse}, {Lecou} ♦ couvert d'applaudissements {LP} et sq. Maurice a bien �crit accabl� (note de Georges Lubin).
  49. j'ai vu [Mr Soubielle ray�] le sans-culotte S... {Ms}j'ai vu le sans-culotte S... {Presse} {CL} ♦ j'ai vu le sans-culotte S[oubielle] {Lub} nous r�tablissons le nom �galement
  50. le 8 vend�miaire {AutDupin} ♦ Le 8 vend�miaire {Lub}
  51. Cette lettre n'est pas dans {Presse}.
  52. au parterre! oui, au parterre, car � pr�sent {Ms} ♦ au parterre, car � pr�sent {Lecou}
  53. jacobins! [Je n'ai plus de papier, on est all� m'en chercher et je prends pour �crire un revers de compte que j'ai trouv� dans mon secr�taire. Ne sois donc point �tonn�e de ce nouveau format de lettre. Si j'�cris � une provinciale je pourrai lui dire que c'est l� le dernier genre ray� bleu] {Ms} C'�tait bien le d�but de la lettre de Maurice du 3 octobre.
  54. Reprise de {Presse}
  55. George Sand avait ajout� une note en bas de page, ensuite fortement ratur�e: Quel �tait ce duc? Le prince et le duc de Bouillon, fr�re de l'abb� de Beaumont lequel �tait fils de Mlle Verri�res et du duc de Bouillon fils de Turenne. Je vois qu'� cette �poque ma grand'm�re <passage illisible> et que je ne puis bien expliquer.
  56. Interuption de {Presse}.
  57. qui ont fait bien vite {Ms} ♦ qui ont bien vite fait {Lecou}
  58. Reprise de {Presse}.
  59. Interuption de {Presse}.
  60. la Blottais {CL} ♦ La Blottais {Lub} que nous suivons
  61. Reprise de {Presse}.

Notes

  1. {Presse} (La suite � demain.), ce sera en fait le vendredi 27. Entre le 14 et le 27 octobre, il n'y aura donc eu qu'une seule livraison publi�e.
  2. madame de B�ranger: Marie-Th�r�se Legendre de Vilmorin ou Villemorien, Mme Charles de B�renger du Gua (°.. - †1818): amie de madame Dupin e que la petite Aurore n'aimait pas.
  3. Arnil: Georges Lubin a d�couvert ici une mauvaise lecture par George Sand de la lettre originale de son p�re. Elle a lu Camille, et toutes les �ditions avant {Lub} comportent cette erreur.
  4. Swebach: Georges Lubin a d�couvert ici une mauvaise lecture par George Sand de la lettre originale de son p�re. Elle a lu Luebach pour Swebach toutes les �ditions avant {Lub} comportent cette erreur.
  5. Van Spaendonck: Le {Ms} et toutes les �ditions avant {Lub} portent Van Spandunck.
  6. Fleury: George Sand a �crit Fleuri, et toutes les �ditions avant {Lub} comportent cette graphie.
  7. Chandaire: George Sand a �crit Chander, et toutes les �ditions avant {Lub} comportent cette graphie.