Albert Le Roy
George Sand et ses amis

Paris; Soc. d'�d. Litt�raires et Artistiques, Libr. Paul Ollendorff; 1903

CHAPITRE XII
LES LETTRES D'UN VOYAGEUR

Selon l'humeur naturelle des �crivains qui utilisent leurs douleurs et leurs larmes, George Sand s'appr�tait � tirer un parti litt�raire de la crise morale qu'elle venait de traverser. Alfred de Musset � peine parti, elle avait effectu� avec Pagello une petite excursion p�destre dans les Alpes v�nitiennes. Elle imagina d'en amalgamer les impressions avec les ressouvenirs et sans doute les remords de son amour bris�. Cet alliage �trange produisit un m�tal d'une trempe merveilleuse. Jamais elle n'en a retrouv� la souplesse mall�able et ductile. « Je t'ai �crit, mande-t-elle � Musset le 15 avril, une longue lettre sur mon voyage dans les Alpes, que j'ai intention de publier dans la Revue, si cela ne te contrarie pas. Je te renverrai, et, si tu n'y trouves rien � redire, tu la donneras � Buloz. Si tu veux y faire des corrections et des suppressions, je n'ai pas besoin de te dire que tu as droit de vie et de mort sur tous mes manuscrits pass�s, pr�sents et futurs. Enfin, si tu la trouves enti�rement impubliable, jette-la au feu ou mets-la dans ton portefeuille, ad libitum. » Alfred de Musset, apprenant ce voyage, �crit le 19 avril: « Tu es donc dans les Alpes? N'est-ce pas que c'est beau? Il n'y a que cela au monde. Je pense avec plaisir que tu es dans les Alpes; je voudrais qu'elles pussent te r�pondre, elles te raconteraient peut-�tre ce que je leur ai dit. Ô mon enfant, c'est l� cependant qu'il est triste d'�tre seul. » Dans la m�me lettre il annonce son arriv�e � Paris, presque bien portant, en d�pit d'un coup de soleil sur la figure et d'un �rysip�le aux jambes. « Gr�ce � Dieu, je suis debout aujourd'hui et gu�ri, sauf une fi�vre lente qui me prend tous les soirs au lit, et dont je ne me vante pas � ma m�re, parce que le temps seul et le repos peuvent la gu�rir. Du reste, � peine dehors du lit, je me suis rejet� � corps perdu dans mon ancienne vie. » Elle � Venise avec Pagello, lui � Paris, livr� aux volupt�s faciles, ils se paient de la m�me monnaie. Mais, tout en racontant qu'il cherche un nouvel amour et d�ne avec des filles d'Op�ra, il ajoute: « Plus je vais, plus je m'attache � toi, et, bien que tr�s tranquille, je suis d�vor� d'un chagrin qui ne me quitte plus. » Et tout aussit�t: « Dis-moi que tu t'es donn�e � l'homme que tu aimes, parle-moi de vos joies; non, ne me dis pas cela, dis-moi simplement que tu aimes et que tu es aim�e. Alors je me sens plus de courage, et je demande au ciel que chacune de mes souffrances se change en joie pour toi... Madame Hennequin avait fait � ma m�re tous les cancans possibles sur ton compte. Je n'ai pas eu de peine � la d�sabuser; il a suffi de lui parler des nuits que tu as pass�es � me soigner, c'est tout pour une m�re... Adieu, ma soeur ador�e. Va au Tyrol, � Venise, � Constantinople; fais ce qui te pla�t, ris et pleure � ta guise; mais le jour o� tu te retrouveras quelque part seule et triste comme � ce Lido, �tends la main avant de mourir, et souviens toi qu'il y a dans un coin du monde un �tre dont tu es le premier et le dernier amour. » À cette lettre si complexe et si contradictoire, George Sand r�pond le 29 avril: « Tu es un m�chant, mon petit ange, tu es arriv� le 12 et tu ne m'as �crit que le 19. J'�tais dans une inqui�tude mortelle. » Puis c'est la sollicitude maternelle qui repara�t: « Ce qui me fait mal, c'est l'id�e que tu ne m�nages pas ta pauvre sant�. Oh! je t'en prie � genoux, pas encore de vin, pas encore de filles! c'est trop t�t. Songe � ton corps qui a moins de force que ton �me et que j'ai vu mourant dans mes bras. Ne t'abandonne au plaisir que quand la nature viendra te le demander imp�rieusement, mais ne le cherche pas comme un rem�de � l'ennui et au chagrin. C'est le pire de tous. M�nage cette vie que je t'ai conserv�e, peut-�tre, par mes veilles et mes soins. Ne m'appartient-elle pas un peu � cause de cela? Laisse-moi le croire, laisse-moi �tre un peu vaine d'avoir consacr� quelques fatigues de mon inutile et sotte existence � sauver celle d'un homme tel que toi. »

Ces conseils de temp�rance et de sobri�t� concordent avec une lettre que Pagello �crivait, un peu plus tard, au « cher Alfred » et o� il c�l�bre « cette r�ciprocit� d'affection qui nous liera toujours de liens sublimes pour nous, et incompr�hensibles aux autres. » Il rappelle au po�te la n�cessit� de « r�sister � ces tentations de d�sordres qui sont les compagnes d'une nature trop imp�tueuse. » Et il conclut: « Lorsque vous �tes entour� d'une douzaine de bouteilles de champagne, souvenez-vous de cette petite barrique d'eau de gomme arabique que je vous ai fait vider � l'h�tel Danieli, et je suis certain que vous aurez le courage de les fuir! Adieu, mon bon Alfred. Aimez-moi comme je vous aime. Votre v�ritable ami, Pietro Pagello. »

Dans la correspondance de George Sand et d'Alfred de Musset, on a pu observer que les pr�occupations litt�raires et m�me les int�r�ts de librairie avaient leur place. Le 29 avril, elle lui fait tenir le manuscrit pr�c�demment annonc�, et l'on voit toute l'importance qu'elle y attache. L'amour-propre d'auteur se complique d'une arri�re-pens�e sentimentale: « Je t'envoie la Lettre dont je t'ai parl�. Je l'ai �crite comme elle m'est venue; sans songer � tous ceux qui devaient la lire. Je n'y ai vu qu'un cadre et un pr�texte pour parler tout haut de ma tendresse pour toi et pour fermer tout � coup la gueule � ceux qui ne manqueront pas de dire que tu m'as ruin�e et abandonn�e. En la relisant, j'ai craint pourtant qu'elle ne te sembl�t ridicule. Le monde que tu as recommenc� � fr�quenter ne comprend rien � ces sortes de choses, et peut-�tre te dira-t-on que cet amour imprim� et comique est anti-m�rim�en. Si tu m'en crois, tu laisseras dire et tu donneras la Lettre � la Revue. S'il y a quelque ridicule � encourir, il n'est que pour ton oisillon qui s'en moque et qui aime mieux le bl�me que la louange de certaines gens. Que les belles dames crient au scandale, que t'importe? Elles ne t'en feront la cour qu'un peu plus tendrement. D'ailleurs, il n'y a pas de nom trac� dans cette Lettre, on peut la prendre pour un fragment de roman, nul n'est oblig� de savoir si je suis une femme. En un mot, je ne la crois pas trop inconvenante; pour la forme, tu retrancheras ou changeras ce que tu voudras, tu la jetteras au feu, si tu veux. »

La Lettre, � laquelle George Sand fait allusion, est la premi�re de celles qui parurent au nombre de douze, � diff�rentes dates, de 1834 � 1836, et qui furent rassembl�es sous le titre g�n�ral, Lettres d'un Voyageur. Elles sont adress�es � des correspondants tels que N�raud, Rollinat, Everard — pseudonyme de Michel (de Bourges) — Liszt, Meyerbeer, D�sir� Nisard. Les trois premi�res sont d�di�es « À un po�te, » c'est-�-dire � Alfred de Musset. On y rencontre des pages d'une incomparable �loquence. À ce propos, il est surprenant que Pagello ait os� noter dans son m�morial: « J'�crivais aussi; nous avons du moins travaill� ensemble aux Lettres d'un Voyageur, o� nous d�peign�mes en quelques croquis, et plut�t � sa fa�on qu'� la mienne, les coutumes de Venise et des environs. » À dire vrai, la « fa�on » de George Sand nous inspire plus de confiance et jouit de plus de notori�t� que celle de Pagello, qui tr�s glorieusement d�clare avoir servi de mod�le et de protagoniste pour l'intrigue de Jacques. Aussi bien il �tait tr�s fier de son intimit� avec George Sand, en d�pit des repr�sentations de son p�re qui lui reprochait ce « mauvais pas » et ordonnait � son autre fils Robert de s'�loigner du logis et de la soci�t� de Pietro, tant que durerait la liaison. « Je pr�voyais cette premi�re amertume, dit Pagello, et je la supportai, sinon en paix, du moins avec assez d'aplomb. Plusieurs de mes clients et de mes amis, parmi lesquels beaucoup de personnes distingu�es, souriaient en me rencontrant dans les rues; d'autres pin�aient les l�vres en me regardant, et �vitaient de me saluer quand je paraissais sur la place avec la Sand � mon bras. Quelques femmes me complimentaient malicieusement. George Sand, avec cette perception qui lui �tait propre, voyait et comprenait tout, et lorsque quelque l�ger nuage passait sur mon front, elle savait le dissiper � l'instant avec son esprit et ses gr�ces enchanteresses. »

Il fallait que la client�le du docteur Pagello ne f�t ni bien nombreuse ni bien absorbante pour lui permettre de courir la campagne avec George Sand, habill�e en gar�on. Elle avait apport� de France un costume tr�s simple, pantalon de toile, casquette et blouse bleue. Tous deux, l�gers d'argent, mais dans l'all�gresse d'un amour naissant, se livraient � la joie des excursions p�destres que Jean-Jacques a pratiqu�es et vant�es. Le d�licieux printemps du nord de l'Italie favorisait leur dessein, et, quand ils rentraient � Venise, George Sand, en disciple fid�le, retrouvait, pour traduire ses impressions de touriste, le merveilleux coloris des Confessions. Dans les Lettres d'un Voyageur, la partie descriptive renferme peut-�tre les plus belles pages qui soient sorties de la plume du romancier; mais ce que nous jugerons le plus digne d'int�r�t par del� la somptuosit� ou la d�licatesse du style, ce sont les aveux d'une �me tumultueuse, qui encadre ses inqui�tudes ou ses remords dans le d�cor prestigieux de la nature.

Lorsque George Sand, � distance et � loisir, composa une pr�face pour l'ensemble des Lettres d'un Voyageur, elle y mit des id�es philosophiques, de la m�taphysique m�me, avec un grain de d�clamation. Elle r�cuse l'opinion de la plupart de ceux qui ont voulu se mirer dans son �me et se sont fait peur � eux-m�mes. « Ils se sont �cri�s que j'�tais un malade, un fou, une �me d'exception, un prodige d'orgueil et de scepticisme. Non, non! je suis votre semblable, hommes de mauvaise foi! Je ne diff�re de vous que parce que je ne nie pas mon mal et ne cherche point � farder des couleurs de la jeunesse et de la sant� mes traits fl�tris par l'�pouvante. Vous avez bu le m�me calice, vous avez souffert les m�mes tourments. Comme moi vous avez dout�, comme moi vous avez ni� et blasph�m�, comme moi vous avez err� dans les t�n�bres, maudissant la Divinit� et l'humanit�, faute de comprendre! » Et, cherchant la cause et la source des mis�res morales qui travaillent la soci�t� moderne: « Le doute, dit-elle, est le mal de notre �ge, comme le chol�ra... Il est n� de l'examen. Il est le fils malade et fi�vreux d'une puissante m�re, la libert�. Mais ce ne sont pas les oppresseurs qui le gu�riront. Les oppresseurs sont ath�es. » George Sand ici semble paraphraser la maxime si judicieuse de Maximilien Robespierre: « L'ath�isme est aristocratique. » De vrai, le spiritualisme est le principe, l'id�alisme est la loi de la d�mocratie, en sa forme la plus noble et la plus f�conde.

À l'encontre du scepticisme, et dans l'attente et le d�sir d'une foi s�re, la pr�face des Lettres d'un Voyageur nous propose cette saisissante image: « Au retour de la campagne de Russie, on voyait courir sur les neiges des spectres effar�s qui s'effor�aient, en g�missant et en blasph�mant, de retrouver le chemin de la patrie. D'autres, qui semblaient calmes et r�sign�s, se couchaient sur la glace et restaient l� engourdis par la mort. Malheur aux r�sign�s d'aujourd'hui! Malheur � ceux qui acceptent l'injustice, l'erreur, l'ignorance, le sophisme et le doute, avec un visage serein! Ceux-l� mourront, ceux-l� sont morts d�j�, ensevelis dans la glace et dans la neige. Mais ceux qui errent avec des pieds sanglants et qui appellent avec des plaintes am�res, retrouveront le chemin de la Terre promise, et ils verront luire le soleil. »

Si la pr�face se compla�t ainsi � �voquer des sentiments g�n�raux et altruistes, ce sont des �motions tout intimes qui se traduisent et se refl�tent dans les trois premi�res Lettres d'un Voyageur. Le souvenir d'Alfred de Musset y plane ou y flotte. Au murmure de la Brenta, par exemple, elle pense � la veill�e du Christ dans le jardin des Olives, et elle se rem�more un soir o� ils ont longuement parl� de ce chant du divin po�me �vang�lique. « C'�tait, dit-elle, un triste soir que celui-l�, une de ces sombres veill�es o� nous avons bu ensemble le calice d'amertume. Et toi aussi, tu as souffert un martyre inexorable; toi aussi, tu as �t� clou� sur une croix. Avais-tu donc quelque grand p�ch� � racheter pour servir de victime sur l'autel de la douleur? qu'avais-tu fait pour �tre menac� et ch�ti� ainsi? est-on coupable � ton �ge? sait-on ce que c'est que le bien et le mal? Tu te sentais jeune, tu croyais que la vie et le plaisir ne doivent faire qu'un. Tu te fatiguais � jouir de tout, vite et sans r�flexion. Tu m�connaissais ta grandeur et tu laissais aller ta vie au gr� des passions qui devaient l'user et l'�teindre, comme les autres hommes ont le droit de le faire. Tu t'arrogeas ce droit sur toi-m�me, et tu oublias que tu es de ceux qui ne s'appartiennent pas. Tu voulus vivre pour ton compte, et suicider ta gloire par m�pris de toutes les choses humaines. Tu jetas p�le-m�le dans l'ab�me toutes les pierres pr�cieuses de la couronne que Dieu t'avait mise au front, la force, la beaut�, le g�nie, et jusqu'� l'innocence de ton �ge, que tu voulus fouler aux pieds, enfant superbe! »

Puis, sur le mode mystique, elle c�l�bre le po�te qu'elle a aim�, admir�, soign�, gu�ri, et remplac�, mais non pas oubli�, et qui a �t� �loign� d'elle par l'in�vitable lassitude des sentiments p�rissables: « Au milieu des fougueux plaisirs o� tu cherchais vainement ton refuge, l'esprit myst�rieux vint te r�clamer et te saisir. Il fallait que tu fusses po�te, tu l'as �t� en d�pit de toi-m�me. Tu abjuras en vain le culte de la vertu; tu aurais �t� le plus beau de ses jeunes l�vites; tu aurais desservi ses autels en chantant sur une lyre d'or les plus divins cantiques, et le blanc v�tement de la pudeur aurait par� ton corps fr�le d'une gr�ce plus suave que le masque et les grelots de la Folie... Tu poursuivais ton chant sublime et bizarre, tout � l'heure cynique et fougueux comme une ode antique, maintenant chaste et doux comme la pri�re d'un enfant. Couch� sur les roses que produit la terre, tu songeais aux roses de l'Éden qui ne se fl�trissent pas; et, en respirant le parfum �ph�m�re de tes plaisirs, tu parlais de l'�ternel encens que les anges entretiennent sur les marches du tr�ne de Dieu. Tu l'avais donc respir�, cet encens? Tu les avais donc cueillies, ces roses immortelles? Tu avais donc gard�, de cette patrie des po�tes, de vagues et d�licieux souvenirs qui t'emp�chaient d'�tre satisfait de tes folles jouissances d'ici-bas? » Et cette �loquente apostrophe aboutit � une v�ridique peinture de la m�lancolie du po�te, mal incurable au sein des volupt�s. Tel le go�t amer dont parle Lucr�ce, et qui corrompt ou d�nature la douceur du breuvage: « Suspendu entre la terre et le ciel, avide de l'un, curieux de l'autre, d�daigneux de la gloire, effray� du n�ant, incertain, tourment�, changeant, tu vivais seul au milieu des hommes; tu fuyais la solitude et la trouvais partout. La puissance de ton �me te fatiguait. Tes pens�es �taient trop vastes, tes d�sirs trop immenses, tes �paules d�biles pliaient sous le fardeau de ton g�nie. Tu cherchais dans les volupt�s incompl�tes de la terre l'oubli des biens irr�alisables que tu avais entrevus de loin. Mais quand la fatigue avait bris� ton corps, ton �me se r�veillait plus active et ta soif plus ardente. Tu quittais les bras de tes folles ma�tresses pour t'arr�ter en soupirant devant les vierges de Rapha�l. — Quel est donc, disait � propos de toi un pieux et tendre songeur, ce jeune homme qui s'inqui�te tant de la blancheur des marbres? »

Dans ce r�cit � mots couverts, mais transparent, quelle sera l'explication que donnera George Sand de leur rupture, et qui doit satisfaire � la fois Musset, Pagello, elle-m�me, le public et la v�rit�? C'est peut-�tre, sous la gr�ce et la sinuosit� des m�taphores, le passage le plus audacieux de la premi�re Lettre: « Ton corps, aussi fatigu�, aussi affaibli que ton coeur, c�da au ressentiment de ses anciennes fatigues, et comme un beau lis se pencha pour mourir. Dieu, irrit� de ta r�bellion et de ton orgueil, posa sur ton front une main chaude de col�re, et, en un instant, tes id�es se confondirent, ta raison t'abandonna. L'ordre divin �tabli dans les fibres de ton cerveau fut boulevers�. La m�moire, le discernement, toutes les nobles facult�s de l'intelligence, si d�li�es en toi, se troubl�rent et s'effac�rent comme les nuages qu'un coup de vent balaie. Tu te levas sur ton lit en criant: — O� suis-je, � mes amis? pourquoi m'avez-vous descendu vivant dans le tombeau? — Un seul sentiment survivait en toi � tous les autres, la volont�, mais une volont� aveugle, d�r�gl�e, qui courait comme un cheval sans frein et sans but � travers l'espace. Une d�vorante inqui�tude te pressait de ses aiguillons; tu repoussais l'�treinte de ton ami, tu voulais t'�lancer, courir. Une force effrayante te d�bordait. — Laissez-moi ma libert�, criais-tu, laissez-moi fuir; ne voyez-vous pas que je vis et que je suis jeune? — O� voulais-tu donc aller? Quelles visions ont pass� dans le vague de ton d�lire? Quels c�lestes fant�mes t'ont convi� � une vie meilleure? Quels secrets insaisissables � la raison humaine as-tu surpris dans l'exaltation de ta folie? Sais-tu quelque chose � pr�sent, dis-moi? Tu as souffert ce qu'on souffre pour mourir; tu as vu la fosse ouverte pour te recevoir; tu as senti le froid du cercueil, et tu as cri�: — Tirez-moi, tirez-moi de cette terre humide! »

Ainsi se trouve relat�e et affirm�e par George Sand l'hallucination �trange et morbide d'Alfred de Musset � Venise, et cela pr�cis�ment dans une Lettre qu'elle le chargea de relire, de corriger, de transmettre � la Revue des Deux Mondes, si mieux il n'aimait la d�truire! Du m�me coup s'�vanouit la narration mensong�re et odieuse de Paul de Musset. Son fr�re, si George Sand n'avait pas dit vrai, aurait-il donn� son acquiescement et son concours � l'impression d'un manuscrit, pass� par ses mains, qui �voquait et pr�cisait les chim�res de son cerveau d�lirant? Devant ces navrantes d�tresses de l'humaine fragilit�, � mi-chemin entre la vie et la mort, l'�me angoiss�e de la femme se tourne vers la source invisible, mais certaine, de toute consolation. Elle prie en un essor d'amour. « La seule puissance, dit-elle, � laquelle je croie est celle d'un Dieu juste, mais paternel... Écoute, �coute, Dieu terrible et bon! Il est faux que tu n'aies pas le temps d'entendre la pri�re des hommes; tu as bien celui d'envoyer � chaque brin d'herbe la goutte de ros�e du matin! » Dans cet �lan de reconnaissance infinie et d'humble respect envers l'Être des �tres, il y a la n�cessaire adoration de la cr�ature qui ne discerne en soi-m�me ni son origine ni sa fin, qui per�oit, avec la certitude de la raison plus d�cisive que le t�moignage des sens, l'existence d'une force �ternelle, ext�rieure et sup�rieure � sa faiblesse. Nier Dieu est un incommensurable orgueil; l'ignorer est une transcendante indiff�rence; l'honorer et l'adorer est l'acte r�fl�chi de la foi libre et consciente. Alfred de Musset ne nous a-t-il pas, en deux vers sublimes, incit�s � ce r�confort de la pri�re, confiant appel de l'isol� et viatique d'esp�rance?S

Si le ciel est d�sert, nous n'offensons personne, Si quelqu'un nous entend, qu'il nous prenne en piti�.

Ce g�n�reux spiritualisme, nous le retrouvons dans l'oeuvre enti�re de George Sand, et il se manifeste en un instinct de survivance pour les pens�es, les affections, comme pour la substance m�me de l'�tre, par del� l'inconnu de la tombe. Ainsi l'exquise senteur, emport�e d'une fleur que l'on a touch�e et qui confie aux doigts un peu de son arome, inspire � George Sand une image d'un touchant symbolisme: « Quelle chose pr�cieuse est donc le parfum, qui, sans rien faire perdre � la plante dont il �mane, s'attache aux mains d'un ami, et le suit en voyage pour le charmer et lui rappeler longtemps la beaut� de la fleur qu'il aime? — Le parfum de l'�me, c'est le souvenir. C'est la partie la plus d�licate, la plus suave du coeur, qui se d�tache pour embrasser un autre coeur et le suivre partout. L'affection d'un absent n'est plus qu'un parfum; mais qu'il est doux et suave! qu'il apporte, � l'esprit abattu et malade, de bienfaisantes images et de ch�res esp�rances! — Ne crains pas, � toi qui as laiss� sur mon chemin cette trace embaum�e, ne crains jamais que je la laisse se perdre. Je la serrerai dans mon coeur silencieux, comme une essence subtile dans un flacon scell�. Nul ne la respirera que moi, et je la porterai � mes l�vres dans mes jours de d�tresse, pour y puiser la consolation et la force, les r�ves du pass�, l'oubli du pr�sent. »

Du fond de ses souvenirs de jeunesse, George Sand appelle et nous montre les palombes ensanglant�es que rapportaient les chasseurs, en la saison d'automne. Quelques-unes vivaient encore. On les donnait � Aurore. Elle les soignait avec cette sollicitude de tendre m�re que plus tard elle ne devait pas r�server aux seules palombes. Quand elles �taient gu�ries, dans la cage qui les emprisonnait, elles avaient la soif du plein air, la nostalgie de la libert�. Et Aurore, qui d�j� �tait dou�e de l'instinct sentimental, les voyant refuser les f�ves vertes et se heurter aux impitoyables barreaux, songeait � leur rendre la pl�nitude de vivre. « C'�tait un jour de vives �motions, de joie triomphante et de regret invincible, que celui o� je portais une de mes palombes sur la fen�tre. Je lui donnais mille baisers. Je la priais de se souvenir de moi et de revenir manger les f�ves tendres de mon jardin. Puis j'ouvrais une main que je refermais aussit�t pour ressaisir mon amie. Je l'embrassais encore, le coeur gros et les yeux pleins de larmes. Enfin, apr�s bien des h�sitations et des efforts, je la posais sur la fen�tre. Elle restait quelque temps immobile, �tonn�e, effray�e presque de son bonheur. Puis elle partait avec un petit cri de joie qui m'allait au coeur. Je la suivais longtemps des yeux; et quand elle avait disparu derri�re les sorbiers du jardin, je me mettais � pleurer am�rement... »

Alfred de Musset venait d'�tre, lui aussi, la palombe ensanglant�e, souffreteuse, lentement r�chauff�e, p�niblement gu�rie, qui d'une aile encore lasse, � peine remise de sa brisure, avait fui la cage v�nitienne pour s'envoler vers la douce France et rentrer au nid d�sert�, au vrai nid maternel.

« Quand nous nous sommes quitt�s — murmure celle qui reste et s'attarde — j'�tais fier et heureux de te voir rendu � la vie; j'attribuais un peu � mes soins la gloire d'y avoir contribu�. Je r�vais pour toi des jours meilleurs, une vie plus calme. Je te voyais rena�tre � la jeunesse, aux affections, � la gloire. Mais quand je t'eus d�pos� � terre, quand je me retrouvai seul dans cette gondole noire comme un cercueil, je sentis que mon �me s'en allait avec toi. Le vent ne ballottait plus sur les lagunes agit�es qu'un corps malade et stupide. Un homme m'attendait sur les marches de la Piazzetta. — Du courage! me dit-il. — Oui, lui r�pondis-je, vous m'avez dit ce mot-l� une nuit, quand il �tait mourant dans nos bras, quand, nous pensions qu'il n'avait plus qu'une heure � vivre. À pr�sent, il est sauv�, il voyage, il va retrouver sa patrie, sa m�re, ses amis, ses plaisirs. C'est bien; mais pensez de moi ce que vous voudrez, je regrette cette horrible nuit o� sa t�te p�le �tait appuy�e sur votre �paule, et sa main froide dans la mienne. Il �tait l� entre nous deux, et il n'y est plus. Vous pleurez aussi, tout en haussant les �paules. Vous voyez que vos larmes ne raisonnent pas mieux que moi. Il est parti, nous l'avons voulu; mais il n'est plus ici, nous sommes au d�sespoir. »

Il faudrait, dans les Lettres d'un Voyageur, dans celles qui furent �crites � Venise comme dans celles qui sont post�rieures, noter tant de pages exquises o� transpara�t l'�me de George Sand: les id�es qu'elle professe et n'appliquera qu'� demi pour l'�ducation de ses enfants; le portrait du Juste: la critique de L�lia et de Jacques les vues sur Manon Lescaut, sur la Nouvelle H�lo�se et la probabilit� du suicide de Rousseau. « Martyr infortun�, qui avez voulu �tre philosophe classique comme un autre, pourquoi n'avoir pas cri� tout haut? Cela vous aurait soulag�, et nous boirions les gouttes de votre sang avec plus de ferveur; nous vous prierions comme un Christ aux larmes saintes. » Il faudrait entendre et r�percuter l'apostrophe �mouvante qu'elle adresse � ses dieux Lares, et cet �loge de l'amiti� qui rappelle les belles p�riodes cic�roniennes: « Amiti�! amiti�! d�lices des coeurs que l'amour maltraite et abandonne; soeur g�n�reuse qu'on n�glige et qui pardonne toujours! » Mais, parmi tant de cris de douleur, de soupirs ou de murmures qui sortent d'une poitrine angoiss�e, est-il rien qui �gale cet aveu de repentir et de remords, prof�r� par une �me en deuil:

« Je n'ai pas rencontr� l'�tre avec lequel j'aurais voulu vivre et mourir, ou, si je l'ai rencontr�, je n'ai pas su le garder. Écoute une histoire, et pleure.

« Il y avait un bon artiste, qu'on appelait Watelet, qui gravait � l'eau-forte mieux qu'aucun homme de son temps. Il aima Marguerite Le Conte et lui apprit � graver � l'eau-forte aussi bien que lui. Elle quitta son mari, ses biens et son pays pour aller vivre avec Watelet. Le monde les maudit; puis, comme ils �taient pauvres et modestes, on les oublia. Quarante ans apr�s, on d�couvrit aux environs de Paris, dans une maisonnette appel�e Moulin-Joli, un vieux homme qui gravait � l'eau-forte et une vieille femme, qu'il appelait sa meuni�re, et qui gravait � l'eau-forte, assise � la m�me table. Le premier oisif qui d�couvrit cette merveille l'annon�a aux autres, et le beau monde courut en foule � Moulin-Joli pour voir le ph�nom�ne. Un amour de quarante ans, un travail toujours assidu et toujours aim�; deux beaux talents jumeaux; Phil�mon et Baucis du vivant de mesdames Pompadour et Dubarry. Cela fit �poque, et le couple miraculeux eut ses flatteurs, ses amis, ses po�tes, ses admirateurs. Heureusement le couple mourut de vieillesse peu de jours apr�s, car le le monde e�t tout g�t�. Le dernier dessin qu'ils grav�rent repr�sentait le Moulin-Joli, la maison de Marguerite, avec cette devise: Cur valle permutem Sabina divitias operosiores?

« Il est encadr� dans ma chambre au-dessus d'un portrait dont personne ici n'a vu l'original. Pendant un an, l'�tre qui m'a l�gu� ce portrait s'est assis avec moi toutes les nuits � une petite table, et il a v�cu du m�me travail que moi... Au lever du jour, nous nous consultions sur notre oeuvre, et nous soupions � la m�me petite table, tout en causant d'art, de sentiment et d'avenir. L'avenir nous a manqu� de parole. Prie pour moi, � Marguerite Le Conte! »

On voit qu'en cette page path�tique elle ne cherche pas � plaider non coupable. Elle confesse implicitement ses torts, ses chutes et ses rechutes. « Je tombai souvent », dit-elle; puis elle parle avec m�lancolie de l'hiver de son �me qui est venu, un �ternel hiver. Dans sa pens�e surgit une comparaison entre les jours d'autrefois, si lumineux, si doux, et ceux d'� pr�sent, vou�s � un d�plorable veuvage: « Il fut un temps o� je ne regardais ni le ciel ni les fleurs, o� je ne m'inqui�tais pas de l'absence du soleil et ne plaignais pas les moineaux transis sur leur branche. À genoux devant l'autel o� br�lait le feu sacr�, j'y versais tous les parfums de mon coeur. Tout ce que Dieu a donn� � l'homme de force et de jeunesse, d'aspiration et d'enivrement, je le consumais et le rallumais sans cesse � cette flamme qu'un autre amour attisait. Aujourd'hui l'autel est renvers�, le feu sacr� est �teint, une p�le fum�e s'�l�ve encore et cherche � rejoindre la flamme qui n'est plus; c'est mon amour qui s'exhale et qui cherche � ressaisir l'�me qui l'embrasait. Mais cette �me s'est envol�e au loin vers le ciel, et la mienne languit et meurt sur la terre. »

Tels sont les ressouvenirs et les regrets que George Sand exprime, � quelques mois d'intervalle, dans la cinqui�me des Lettres d'un Voyageur, adress�e � Fran�ois Rollinat. L'heure viendra — mais il lui faut auparavant traverser la crise la plus douloureuse — o� elle pourra sortir d'esclavage et, selon l'admirable m�taphore de la sixi�me Lettre � Everard, se d�livrer de la fl�che qui lui perce le coeur. « C'est ma main qui l'a bris�e, c'est ma main qui l'arrachera; car chaque jour je l'�branle dans mon sein, ce dard ac�r�, et chaque jour, faisant saigner ma plaie et l'�largissant, je sens avec orgueil que j'en retire le fer et que mon �me ne le suit pas. » Elle veut alors, elle veut abdiquer sa grande folie, l'amour! À cette idole de sa jeunesse, dont elle croit — � illusion! — d�serter le temple � jamais, elle envoie un �loquent et solennel adieu: « Adieu! Malgr� moi mes genoux plient et ma bouche tremble en te disant ce mot sans retour. Encore un regard, encore l'offrande d'une couronne de roses nouvelles, les premi�res du printemps, et adieu! » À d'autres, � de plus jeunes l�vites elle laisse les courtes joies, les longs soucis et les cruels tourments de la passion. Ceux-l� continueront d'aimer au jour le jour, sans pr�voir les lendemains de souffrance. « R�gne, amour, r�gne en attendant que la vertu et la r�publique te coupent les ailes. »

Une �volution, en effet, � laquelle nous assisterons, s'annonce et s'effectue dans la pens�e et la sensibilit� de George Sand. De l'amour �go�ste et sensuel elle voudrait s'�lever � l'amour id�aliste et immat�riel. Mais combien malais�e est la d�livrance de tout ce pass� qui l'enlace! Elle entend encore, durant ses insomnies fi�vreuses, les tendres modulations du rossignol. « Ô chantre des nuits heureuses! comme l'appelle Obermann... Nuits heureuses pour ceux qui s'aiment et se poss�dent; nuits dangereuses � ceux qui n'ont point encore aim�; nuits profond�ment tristes pour ceux qui n'aiment plus! Retournez � vos livres, vous qui ne voulez plus vivre que de la pens�e, il ne fait pas bon ici pour vous. Les parfums des fleurs nouvelles, l'odeur de la s�ve, fermentent partout trop violemment; il semble qu'une atmosph�re d'oubli et de fi�vre plane lourdement sur la t�te; la vie de sentiment �mane de tous les pores de la cr�ation. Fuyons! l'esprit des passions funestes erre dans ces t�n�bres et dans ces vapeurs enivrantes. Ô Dieu! il n'y a pas longtemps que j'aimais encore et qu'une pareille nuit e�t �t� d�licieuse. Chaque soupir du rossignol frappe la poitrine d'une commotion �lectrique. Ô Dieu! mon Dieu, je suis encore si jeune! »

Cependant elle veut et croit se ressaisir; elle se reproche d'avoir trop v�cu, de n'avoir rien fait de bon; elle aspire � mettre sa vie, ses forces, son intelligence, « au service d'une id�e et non d'une passion, au service de la v�rit� et non � celui d'un homme. » Pour la Libert� et pour la Justice, pour l'avenir r�publicain et la foi d�mocratique, sur les traces de J�sus, de Washington, de Franklin ou de Saint-Simon, elle demande � servir dans le rang d'une grande arm�e lib�ratrice. « Je ne suis qu'un pauvre enfant de troupe, emmenez-moi! » Et voici le couplet o� elle �panche son nouvel amour, humanitaire et social: « R�publique, aurore de la justice et de l'�galit�, divine utopie, soleil d'un avenir peut-�tre chim�rique, salut! rayonne dans le ciel, astre que demande � poss�der la terre. Si tu descends sur nous avant l'accomplissement des temps pr�vus, tu me trouveras pr�t � te recevoir, et tout v�tu d�j� conform�ment � tes lois somptuaires. Mes amis, mes ma�tres, mes fr�res, salut! mon sang et mon pain vous appartiennent d�sormais, en attendant que la r�publique les r�clame. Et toi, � grande Suisse! � vous, belles montagnes, ondes �loquentes, aigles sauvages, chamois des Alpes, lacs de cristal, neiges argent�es, sombres sapins, sentiers perdus, roches terribles! ce ne peut �tre un mal que d'aller me jeter � genoux, seul et pleurant, au milieu de vous. La vertu et la r�publique ne peuvent d�fendre � un pauvre artiste chagrin et fatigu� d'aller prendre dans son cerveau le calque de vos lignes sublimes et le prisme de vos riches couleurs. Vous lui permettrez bien, � �chos de la solitude, de vous raconter ses peines; herbe fine et sem�e de fleurs, tu lui fourniras bien un lit et une table; ruisseaux limpides, vous ne retournerez pas en arri�re quand il s'approchera de vous; et toi, botanique, � sainte botanique! � mes campanules bleues, qui fleurissez tranquillement sous la foudre des cataractes! � mes panporcini d'Oliero, que je trouvai endormis au fond de la grotte et repli�s dans vos calices, mais qui, au bout d'une heure, vous �veill�tes autour de moi comme pour me regarder avec vos faces fra�ches et vermeilles! � ma petite sauge du Tyrol! � mes heures de solitude, les seules de ma vie que je me rappelle avec d�lices! »

Alors, dans l'enthousiasme de cette religion nouvelle, disant adieu � l'amour qui d�cline et saluant l'aurore de la v�rit� prochaine, George Sand s'�crie, avec toute sa ferveur de n�ophyte: « Si vous proclamez la r�publique pendant mon absence, prenez tout ce qu'il y a chez moi, ne vous g�nez pas; j'ai des terres, donnez-les � ceux qui n'en ont pas; j'ai un jardin, faites-y pa�tre vos chevaux; j'ai une maison, faites-en un hospice pour vos bless�s; j'ai du vin, buvez-le; j'ai du tabac, fumez-le; j'ai mes oeuvres imprim�es, bourrez-en vos fusils. Il n'y a dans tout mon patrimoine que deux choses dont la perte me serait cruelle: le portrait de ma vieille grand'm�re, et six pieds carr�s de gazon plant�s de cypr�s et de rosiers. C'est l� qu'elle dort avec mon p�re. Je mets cette tombe et ce tableau sous la protection de la r�publique, et je demande qu'� mon retour on m'accorde une indemnit� des pertes que j'aurais faites, savoir: une pipe, une plume et de l'encre; moyennant quoi je gagnerai ma vie joyeusement, et passerai le reste de mes jours � �crire que vous avez bien fait. »

Si nous prenions ce serment � la lettre, c'en serait fait pour George Sand des terrestres amours. La conversion serait accomplie. De m�me qu'on avait dit de Racine: « Il aima Dieu comme il avait aim� la Champmesl�, » on pourrait croire qu'elle va ch�rir l'id�al r�publicain avec la fougue qui l'avait entra�n�e aux volupt�s humaines. Mais ce sont l� promesses h�tives et r�vocables. Ni Pagello, ni Alfred de Musset n'auront calm� en George Sand les curieuses inqui�tudes du coeur.