La BOP, ou comment saboter la performance au nom de l’égalité
Dans le monde de la compétition automobile, la Balance of Performance, ou BOP, est devenue une réalité omniprésente. Mais est-ce vraiment une bonne chose ? Ou est-ce que la BOP transforme la compétition en une farce, où les vainqueurs sont choisis par des officiels plutôt que déterminés sur la piste ? Personnellement, je partage l’avis de Toto Wolff, le patron de Mercedes-AMG Petronas F1 Team : la BOP va à l’encontre des principes mêmes de la compétition. Dans cet article, je vais expliquer ce qu’est la BOP, pourquoi elle est utilisée, et surtout, pourquoi elle peut être néfaste pour le sport automobile.
Qu’est-ce que la Balance of Performance (BOP) ?
La Balance of Performance est un système de régulation utilisé dans les courses automobiles pour égaliser les performances des véhicules de différents constructeurs. Cela se fait en ajustant des paramètres tels que la puissance du moteur, le poids de la voiture, l’aérodynamique, et d’autres caractéristiques techniques. L’objectif est de permettre à des voitures de conceptions différentes de concourir sur un pied d’égalité, évitant ainsi la domination d’un seul constructeur.
Ce système a été introduit pour la première fois en 2005 avec la création de la catégorie GT3, en tirant les leçons des expériences passées avec les “homologation specials” dans les catégories GT précédentes. Depuis, il a été adopté dans de nombreuses séries, notamment dans les championnats d’endurance comme la FIA World Endurance Championship (WEC), les 24 Heures du Mans, ainsi que dans d’autres compétitions de sportscars comme les GT3 et GT4. Par exemple, dans les classes GTE du WEC, la BOP ajuste le poids, la puissance (via des restricteurs d’air ou des ratios de suralimentation pour les turbos), et même la taille des ailes arrière pour équilibrer les performances.
Pourquoi la BOP est-elle utilisée ?
Les partisans de la BOP soutiennent qu’elle est essentielle pour maintenir un intérêt compétitif dans les championnats multi-constructeurs. Sans BOP, les constructeurs aux ressources financières les plus importantes pourraient développer des voitures largement supérieures, rendant les courses prévisibles et moins excitantes. La BOP permet à des voitures comme une Aston Martin Vantage à moteur avant, une Audi R8 LMS à moteur central, ou une Porsche 911 GT3R à moteur arrière de concourir sur un pied d’égalité, malgré leurs différences de conception.
De plus, la BOP attire de nouveaux constructeurs dans les championnats. En sachant que leurs voitures auront une chance de gagner, même si elles ne sont pas les plus performantes en termes absolus, les fabricants sont plus enclins à participer. Par exemple, l’arrivée de BMW dans la catégorie GTE Pro en 2018 pour la “Super Season” du WEC témoigne du succès de ce système. À Le Mans, une BOP spécifique est même appliquée pour s’adapter aux caractéristiques uniques du Circuit de la Sarthe, comme la modulation de la puissance à haute vitesse pour équilibrer les vitesses de pointe.
Avantages de la BOP | Description |
---|---|
Égalité des performances | Permet à des voitures de conceptions différentes de concourir ensemble. |
Attractivité pour les constructeurs | Encourage de nouveaux entrants, comme BMW en GTE Pro. |
Courses compétitives | Réduit la domination d’un seul constructeur, rendant les courses plus serrées. |
Adaptabilité | Ajustements spécifiques, comme pour Le Mans, pour répondre aux défis des circuits. |
Les conséquences néfastes de la BOP
Malgré ses avantages, la BOP est loin d’être parfaite et peut même aller à l’encontre de l’esprit de la compétition. Voici les principales critiques formulées à son encontre :
1. Le “sandbagging” : une manipulation stratégique
Un des problèmes majeurs de la BOP est le “sandbagging”, où les équipes dissimulent la véritable performance de leurs voitures pendant les tests pour éviter des pénalités de BOP. Cela peut fausser les résultats et tromper les organisateurs, les concurrents, et le public. Un exemple marquant s’est produit lors des 24 Heures du Mans 2016. Lors des tests officiels, Porsche a affiché un temps compétitif (3 min 55,4 s), proche de ceux de Ford (3 min 56,0 s) et Ferrari (3 min 55,9 s). Cependant, en qualifications, Ford et Ferrari ont amélioré leurs temps de 4,8 et 4,3 secondes respectivement, tandis que Porsche n’a gagné que 0,5 seconde. Cette disparité a conduit à des accusations de “sandbagging” de la part de Ford et Ferrari, qui auraient caché leur véritable potentiel pour éviter des ajustements de BOP. Frank Walliser, alors directeur du sport automobile de Porsche, a exprimé sa frustration : “Nous savons tous que nous avons besoin de la BOP, mais nous n’avons pas besoin de ce genre de BOP.”
2. Une punition pour le succès
La BOP peut être perçue comme une punition pour les équipes qui investissent dans le développement de voitures plus rapides. Lorsqu’une voiture performe trop bien, les organisateurs imposent des restrictions, comme l’ajout de poids ou la réduction de puissance, ce qui peut décourager l’innovation. Pourquoi investir des millions dans la recherche et le développement si le résultat est d’être handicapé ? Cela va à l’encontre de l’idée que la compétition doit récompenser l’excellence technique.
3. Une atteinte à la crédibilité du sport
En altérant les performances des voitures pour équilibrer les résultats, la BOP peut donner l’impression que les courses sont manipulées. Les fans veulent voir la meilleure voiture et le meilleur pilote l’emporter, pas un vainqueur désigné par un comité. Le “sandbagging” aggrave ce problème, car il peut transformer les courses en une “pantomime”, où les équipes jouent un jeu stratégique plutôt que de se concentrer sur la performance pure. Cela nuit à la crédibilité du sport automobile et peut frustrer les spectateurs.
4. Une généralisation excessive
La BOP est-elle vraiment nécessaire dans toutes les compétitions ? Elle est courante dans les séries multi-constructeurs comme le WEC, les 24 Heures du Mans, ou les GT3, mais elle n’est pas universelle. En Formule 1, par exemple, les équipes concourent avec des voitures soumises à des réglementations techniques strictes et un plafond budgétaire (30 à 40 millions de dollars), ce qui permet une certaine égalité sans ajustements de performance. Dans les séries monotypes, comme la Formule E, où toutes les voitures sont identiques, la BOP est inutile. Ainsi, bien que la BOP soit répandue dans les compétitions avec des voitures de conceptions différentes, elle ne concerne pas la majorité des disciplines automobiles.
Critiques de la BOP | Description | Exemple |
---|---|---|
Sandbagging | Les équipes masquent leurs performances pour éviter des pénalités. | Le Mans 2016 : Ford et Ferrari améliorent leurs temps de manière significative. |
Punition du succès | Les équipes performantes sont handicapées par des ajustements. | Ajout de poids ou réduction de puissance pour les voitures rapides. |
Perte de crédibilité | Les résultats semblent manipulés par des officiels. | Accusations de “pantomime” dans les courses. |
Non-universalité | La BOP n’est pas nécessaire dans toutes les disciplines. | Formule 1 utilise un plafond budgétaire à la place. |
La perspective de Toto Wolff : un refus catégorique
Toto Wolff, patron de Mercedes, est l’un des critiques les plus virulents de la BOP. Dans une interview, il a expliqué pourquoi Mercedes a refusé de participer aux 24 Heures du Mans avec leur Hypercar : “Nous n’aimons pas le système de BOP, où les officiels jugent la performance et ajoutent 10 kg à une voiture si elle est trop rapide, ou ajustent les voitures des concurrents. Ce n’est pas aligné avec notre vision de la compétition“. Wolff préfère un système où les équipes peuvent développer la voiture la plus rapide possible, sans interventions artificielles. Il a également suggéré que le modèle de la Formule 1, avec son plafond budgétaire, pourrait être une alternative viable pour Le Mans, rendant la compétition plus équitable sans altérer les performances.
La BOP, un outil nécessaire ou une trahison de l’esprit de la course ?
La Balance of Performance a ses mérites : elle permet à des voitures variées de concourir ensemble et attire plus de constructeurs dans les championnats. Cependant, ses défauts sont difficiles à ignorer. Le “sandbagging” fausse la compétition, la punition du succès décourage l’innovation, et l’intervention des officiels peut miner la crédibilité du sport. Est-ce vraiment de la compétition, ou juste une simulation orchestrée ?
Comme Toto Wolff, je crois que la compétition automobile devrait récompenser l’excellence technique et le talent des pilotes, sans artifices. La BOP, bien qu’elle vise à équilibrer les chances, transforme parfois les courses en un jeu stratégique où l’objectif n’est pas d’être le plus rapide, mais de manipuler les régulateurs. Tant que la BOP restera en vigueur, elle continuera à diviser les fans et les équipes, entre ceux qui y voient une nécessité et ceux qui, comme moi, la considèrent comme une trahison de l’esprit de la course.
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